Perchée sur un arbre, Mairu examinait sa nouvelle ecchymose au niveau de son coude droit. Elle ne comptait plus combien elle en avait sur le corps, surtout au niveau des membres, supérieurs et inférieurs. Parfois, elle en découvrait même une nouvelle seulement quelques jours plus tard ou lorsqu'elle prenait son bain dans la rivière glaciale. Tant de blessures pour un entêtement bien enfantin qui était de vouloir retrouver une vieille habitude perdue. Une rituelle qui démontrait à quel point elle n'était pas une fille banale. En effet, si une fille normale aimait chevaucher un magnifique cheval, la Natsumi préférait monter un sanglier révolté. Activité à laquelle elle s'adonnait à l'époque où elle n'était qu'une sauvageonne perdue dans une forêt sur l'Île des cendres. C'était avant la mort de son grand frère Haru Natsumi. Une perte qui l'avait amené par la suite à Kumo où elle avait fini par devenir une kunoïchi au service du village malgré elle. Aujourd'hui elle avait abandonné celui-ci car, même après y avoir vécu des années, elle n'avait pas réussi à nouer des liens assez solides qui auraient pu l'y faire retourner. Elle aurait pu très bien revenir à Kumo même après avoir été réduite en état d'une simple humaine incapable d'exécuter la moindre technique de ninjutsu après que son chakra avait été scellé par un renégat qui portait une profonde haine envers son défunt grand frère et qu'elle avait eu le malheur de croiser sur son chemin. L'homme l'avait réduite en état de faiblesse afin de pouvoir la faire souffrir en la vendant dans un bordel. Lieu où elle avait pourtant réussi à s'échapper. Son malheur aurait pu cependant la rattraper rapidement si elle n'avait pas été secouru par un shinobi pourtant le nom de Shinda Michiki. Être qu'elle considérait aujourd'hui comme son ange, non plutôt, son démon protecteur.

Du haut de son arbre, la sauvageonne guettait l'arrivée d'un sanglier, après avoir laissé quelques poissons, juste en dessous, pour servir d'appâts. Les bêtes préféraient surement des pommes de terre mais malheureusement elle n'en avait même pas pour elle-même alors que les poissons elle pouvait en avoir dans la rivière. C'était sa quatrième tentative de chevauchement d'un suidé sauvage de la journée. Les trois premières s'étaient soldées par des échecs qui lui avaient fait mordre le sol à chaque fois qu'elle essayait de sauter sur l'un de ceux qui s'attroupaient sur ses appâts. Après chaque échec, elle n'avait pas à attendre bien longtemps pour que les bêtes ne reviennent, attirées par la nourriture. Prise de peur, les animaux s'enfuyaient dans tous les sens en toute hâte pour revenir quelques minutes plus tard mais avec méfiance. La jeune femme devait alors faire preuve de la plus grande discrétion, retenant jusqu'à son souffle et ne vacillant même pas d'un poil.

À peine avait-elle terminé d'examiner sa nouvelle blessure qu'un sanglier vint dans sa direction, reniflant l'air. La Natsumi avait étudié la direction du vent avant de choisir son perchoir afin que les suidés ne sentent pas son odeur et ainsi détecter sa présence. Deux autres ne tardèrent pas à rejoindre le premier qui était presque à sa portée. Elle choisit sa cible parmi les trois qui mangeaient à présent avec insouciance les appâts puis, sans la moindre hésitions, elle sauta sur celle qui lui paraissait la plus robuste. Elle atterrit sur le postérieur de l'animal qui couina jusqu'à lui faire grincer des dents alors que les autres bêtes détalèrent à toute vitesse. Mairu s'était immédiatement allongée sur l'animal alors que celui-ci s'était mis à courir à son tour. Les mains agrippées autour du cou de la bête paniquée et les jambes bien serrées, la Natsumi tentait de ne pas tomber. La moindre chute pourrait lui être fatale. Comme à l'époque, elle comptait sur l'épuisement de l'animal afin de pouvoir le chevaucher ensuite plus aisément mais après seulement une minute d'une folle course à travers la forêt brumeuse, elle sentait qu'elle allait lâcher. Déterminée cependant à ne pas laisser la bête l'emporter, Mairu ne lâche prise mais serra ses étreintes autour de l'animal. La chevauchée sauvage perdura alors.

Le vent se leva et la pluie commença à tomber mais le sanglier était déjà assez paniqué pour ne pas être surpris par le changement climatique soudain qui inquiéta quelque peu la Nastumi. La jeune femme se demanda ce qui se passait mais elle dû couper court le courant de ses pensées voyant que sa monture sauvage se dirigeait vers un cabanon qui avait surgi de nulle part ; surprenant autant la cavalière que l'animal. Ce dernier tenta de freiner mais trop tard, il défonça le mur fait de bois pour se retrouver ensuite vautrée à l'intérieur. La bête se releva cependant rapidement puis s'enfuit maladroitement par le trou qu'il venait de faire, délaissant son fardeau qui avait été expulsé de son dos.

Allongée sur le ventre, le visage dans le sol et des débris l'ensevelissaient presque entièrement, la Natsumi resta un moment dans sa misérable position. Elle n'avait rien de grave mais était complètement épuisée. Quelques secondes s'écoulèrent lorsqu'elle se décida enfin à relever la tête et ce fut pour voir deux étranges personnages qui la fixaient. Immédiatement elle se releva alors puis s'inclina face aux étrangers qui étaient une femme et un homme, tous deux portant un étrange masque.

« Navrée d'avoir cassé votre maison ! Je demanderai au sanglier de la réparer ! » Fit-elle avec empressement.

Retrouvant ses esprits, La Natsumi examina enfin plus attentivement autour d'elle pour constater que l'endroit paraissait avoir été abandonné depuis des lustres. Comprenant enfin la situation, l'inquiétude sur sa survie commença alors à la gagner. Maintenant elle percevait l'atmosphère bien menaçante.

« Désolée de vous avoir importunée ! »

Après une dernière courbette, plus par envie te tenter de calmer ceux qu'elle pensait avoir offensés que par politesse, elle se dirigea ensuite des pas tranquilles, qui se voulaient rassurés, vers le trou que le sanglier avait laissé. Elle retenait son envie de courir, ne désirant pas éveiller la suspicion des étrangers. Face à un chien qui vous guette, il faut éviter de courir pour qu'il ne soit pas tenter de vous courser, voilà ce qu'elle était en train d'appliquer …

Alors qu’elle s’attendait à ce que l’un des deux masqués se lèverait pour l’arrêter, peut-être même d’une façon bien brutale, la jeune femme finit par sortir du piteux cabanon. Hors de la vue des deux étrangers, la Natsumi continua de marcher tranquillement, jusqu’à s'enfoncer suffisamment dans forêt. Après un coup d’œil derrière elle, pour voir si elle n’était pas suivie, la Natsumi détala comme un lapin.

La jeune femme se trouvait vraiment pathétique à fuir ainsi comme une trouillarde mais elle avait senti que les deux masqués n’étaient pas des simples humains. Elle les soupçonnait être des shinobi errants et assurément des malveillants. Même un enfant aurait pu percevoir l'aura menaçante qui émanait des deux étranges personnages.

Tout en poursuivant sa course folle à travers la forêt lugubre secouée par le vent et arrosée par une pluie glaciale, Mairu se demanda pourquoi elle s’accrochait tant à la vie. Pourquoi elle tenait assez point à sa misérable existence maintenant qu’elle était réduite à l'état d'une créature incapable de se défendre alors que du temps où elle avait été une kunoïchi, elle se fichait royalement de la mort au point de s’adonner à des actes suicidaires sans la moindre hésitation. Le fait d’être réduite à l’état d’une faible, que même un simple genin pourrait battre sans mal, lui avait-il donc ouvert les yeux sur l’importance de vivre ?

Malgré sa fuite, Mairu ne ressentait aucun sentiment de terreur. Ce qui la poussait à courir n’était pas la peur mais plutôt une vive envie incompréhensible de vivre. Pour une raison qu’elle n’arrivait même pas à comprendre, son être ne désirait pas mourir, seul, dans cette forêt bien morbide. Un désir vraiment étrange quand on sait qu’il y avait tout juste quelques jours elle s’apprêtait à se laisser dépérir au fond d’un gouffre, où elle avait été tombée, si Shinda Michiki n’était pas intervenu pour l’aider à sortir de l’endroit qu’elle s’était apprêtée à faire sa tombe.

Malgré le mauvais temps et le chemin bien sinueux, pas une seule fois la Nastumi n’était tombée ou n’avait manqué de s’affaler. Elle était après tout une sauvageonne qui avait grandi dans une forêt et savait donc parfaitement éviter, même par un temps pluvieux, les obstacles naturels tels que les rochers et les racines qui barraient son chemin.

Soudain la jeune femme s’arrêta alors que deux formes fantomatiques l’encerclèrent. Elle n’était pas une superstitieuse qui croyait à des idioties telles que des fantômes mais plutôt un être qui avait les pieds bien sur terre, peut-être même un peu trop. Ainsi donc, face aux présences plutôt effrayantes, l’ex-kunoïchi garda son sang-froid. Si le but de l’auteur de la mascarade était de l’effrayer alors son initiative avait lamentablement échouée.

« Je sais que vous êtes là ! Montrez-vous donc au lie … »

La Natsumi se tut alors qu’elle se trouva soudain téléportée dans sa maison natale. Lieu qu’elle avait abandonné après la mort de ses parents, donc il y avait plus de dix ans et pourtant, tout était comme à l’époque.

« Mairu ! » Interpella une voix familière derrière elle.

La jeune femme se tourna pour voir son grand frère supposé être mort voilà il y a plusieurs années.

« Grand frère ? Tu es vivant ?
- Bien sûr, » répondit calmement le jeune homme avec le sourire avant de la prendre dans ses bras.

Par-dessus l’épaule de l’être qu’elle avait chéri plus que son être, un personnage qui était censé ne plus appartenir à ce monde mais qu’elle était pourtant en train d’enlacer tendrement, le regard de Mairu se posa sur sa première sensei, supposée être morte elle aussi, ainsi que ses défunts parents …

La Natsumi était consciente que ces personnes qu’elle voyait n’étaient plus de son monde et pourtant elle n’arrivait pas à s’y résigner. Son être refusait de croire que là n’était qu’illusion. La chaleur qu’elle ressentait était tellement si réelle.

Collée contre son frère, Mairu esquissa un sourire guilleret tout en fixant ses parents et son sensei qui la regardaient le visage rayonnant comme s’ils étaient tout aussi réjouis de la revoir. Délicatement, la jeune femme reposa sa tête sur l’épaule de son grand frère avant de fermer les yeux pour savourer cette étreinte dont elle avait tant rêvé.

« Ne me laisse plus s’il te plaît ! » Implora-t-elle alors que des larmes se déversèrent de ses yeux clos.

Un étrange sentiment où se mêlaient joie et tristesse l'animait, réchauffant son corps qui, en réalité, était trempé jusqu’aux os.

Une voix glaciale força la jeune femme à ouvrir les yeux pour voir les êtres qui l’entouraient s’évaporer.

« Non ! Non ! Ne me laissez pas ! » Supplia de nouveau la jeune femme, tout en tendant un bras comme pour saisir une main bienveillante qui voudrait bien la mener auprès de ceux qu’elle venait de perdre pour la seconde fois.

Ramenée dans une dure réalité qui, pendant un court instant, elle avait complètement oublié, Mairu tomba sur les genoux pour finir dos recroquevillé et les deux mains à plat par terre. Des larmes coulaient de ses yeux rivés au sol.

« Merci ! » Lâcha la Natsumi d’une voix étouffée par la pluie qui tombait à présent en trombe et balayée par le vent qui soufflait de plus en plus en fort, annonçant l’arrivée d’une véritable tempête.

Elle venait de remercier cet homme qui s'était pourtant joué de ses sentiments et qui lui avait révélé, sans la moindre culpabilité, que la technique d’illusion qu’il lui avait lancée aurait pu très bien la tuer.

Malgré la cruauté de ses actions, la victime n'arrivait pas en vouloir totalement à celui qui venait de la tourmenter. Une part d'elle condamnait ce shinobi de lui avoir fait déverser des larmes, tout en lui rappelant à quel point elle était seule, mais une autre partie de son être lui était reconnaissante de lui avoir laissé la vie sauve mais surtout de lui avoir permis de revoir ceux qu’elle avait perdus.

La jeune femme redressa le dos avant de fixer les paumes de ses mains comme pour se souvenir de cette chaleur qui s’était dissipée si instantanément. Puis, tout doucement, elle se relava enfin, pour faire face à celui qui venait de se présenter à elle alors que ses larmes avaient été emportées par la pluie.

« Je me nomme Mairu … Mairu Natsumi. Elle ne lui avait pas caché son nom qui pourrait pourtant lui porter préjudice, non pas parce qu'elle avait confiance à son interlocuteur mais seulement parce qu'elle s’en fichait de ce qui pourrait bien lui arriver présentement. Je ne suis pas un bandit mais juste une infortunée dont le malheur a fait échouer dans cette forêt. Mairu fixa la femme masquée qui portait sur une épaule l’animal qu’elle avait chevauché. Navrée si mon activité pour tuer l'ennui vous a importuné, » ajouta la Natsumi tout en se rapprochant de l’étrangère au masque pour aller toucher la bête maîtrisée.

L'animal semblait avoir été juste assommé et la Sauvageonne se demanda pour quelle fin il avait été capturé en vie. Pour pouvoir la tuer sous ses yeux afin de la faire culpabiliser d'avoir précipité la mort d'une pauvre bête qui n'avait rien demandé ?

Tout en fixant l'infortuné suidé, la Natsumi se mit à haïr de plus en plus ce monde où régnait la loi du plus fort et se demanda pourquoi elle continuait à s’y accrocher maintenant qu’elle était descendue au rang de l’agneau dont le loup n’en ferait qu’une bouchée. Il y a bien des moments où son être était prêt à abandonner sa réalité souillée d’amertume mais quelque chose venait toujours entraver sa décision, l’obligeant à se battre pour survivre. Pourquoi donc continuait-elle à s'accrocher à cette vie qu'elle ne pouvait savourer en paix ? Un jour, trouverait-elle peut-être la réponse à cette question.

« Je ne comprends pas pourquoi vous cherchez à vous abriter au lieu de faire cesser cette tempête si elle vous dérange … Serait-elle une berceuse pour vous aider à vous endormir ? » Demanda sereinement la Natsumi au shinobi masqué.

Elle n'était pas certaine que l’homme était le responsable de ce changement climatique anormal mais elle soupçonnait juste qu'il en était l'origine. Après tout, elle avait fréquenté le monde effroyable des shinobi, et avait été même l’une d’entre eux, pour savoir que beaucoup pouvaient déclencher des vraies calamités …