Mon épaule à de la peine à cicatriser. Ce n'est pas tant la plaie qui m'ennuie mais plutôt la douleur que je ressens lorsque je bouge mon bras. Il faut dire que je n'ai pas vraiment suivi les recommandations du médecin et que j'ai sans doute un peu trop forcé lors de mes entraînements. C'et un peu stupide dans la mesure où je me retrouve à nouveau à l'hôpital aujourd'hui. Mais rester à ne rien faire pendant la guérison est un exercice auquel je ne peux me plier. Alors forcément mon corps fini par se rappeler à mon bon vouloir. Principalement sous forme de lancées aussi irritantes que désagréables.

Je déteste cet endroit où les gens viennent pour mourir ou soigner les conséquences de leur incompétence. Mais je le déteste encore plus depuis que mon grand-père m'a "demandé" de venir y distribuer les invitations pour la future grande fête qui marquera l'intronisation de Tsukiko a la tête du clan. Je suis content de voir ma cousine tenir les rennes du clan. Mais pas au point de fermer les yeux sur la présence de tant d'être inférieurs dans le quartier Kawaguchi. Et en plus il faudra les nourrir et les accueillir. J'y participerai parce que je n'ai pas vraiment le choix. Mais ce ne sera pas de gaieté de coeur!

Alors me retrouver à distribuer des tracts aux différents accueils des service médicaux et parfois même dans la chambre des patients pour favoriser un événement que je désapprouve... L'ironie pourrait être appréciable si elle ne m'était pas si défavorable. Pourtant je m'exécute car ce n'est pas le moment de me mettre Tsukiko a dos. Notre alliance est fragile et je dois donc la ménager. Surtout que son humeur ne s'améliore pas depuis son retour de Ki. J'entre dans une chambre dans laquelle je trouve un jeune homme allongé et un type qui doit être son frère. L'ainé? Possible...

- "Salut!" je fais un peu comme chez moi. "Vous permettez?"

Je regarde le dossier médical à la base du lit du patient et donc son état de santé. Sclérose latérale amyotrophique... Je sais pas trop ce que c'est mais ça a pas l'air joli joli. J'observe la victime de cette maladie un instant puis hausse les épaules. Lui, il y a peu de chance qu'il vienne danser à la fête. Bon et bien son frère alors?

- "Tiens, voilà pour toi!" je lui glisse l'invitation dans la main. "Et voilà pour l'autre! Des fois qu'il arrive à se traîner jusqu'à là-bas! On accepte tout le monde! Quel que soit l'état!"

J'observe à nouveau le patient puis lui jette une invitation sur le torse avant de hausser les épaule. À ce niveau-là il serait peut-être plus humain de l'achever? J'hésite un instant à suggérer l'idée avant de me raviser. Chaque famille lave son linge sale en famille. À eux de régler ça! En tout cas on ne pourra pas me reprocher de ne pas avoir fait correctement mon travail. Je les ai invité tous les deux. Ouais, même l'infirme! Alors que si ça ne tenait qu'à moi...

- "Des questions?"

Je passe mon regard sur celui qui doit être l'aîné en attendant une éventuelle remarque. Qu'il se dépêche! J'ai encore quelque chambre à polluer avec ma pub avant de songer enfin à me faire soigner...

Salut ? C’était vraiment ce que venait de balancer ce type qui – sans même avoir pris la peine de frapper – était entré dans une chambre d’hôpital comme si c’était un cirque. Non, c’était probablement un rêve, s’était tout d’abord dit le jeune Hirako. Et pourtant non, le jeune homme qui venait de pénétrer dans la pièce était bel et bien en train d’annoncer comme une « bonne nouvelle », sans même s’attribuer la normalité de réfléchir à la situation. Il était dans une chambre d’hôpital, bon sang !

Vous permettez ? Le Kaldera n’y croyait toujours pas. C’était si surprenant pour lui, si choquant, qu’il n’avait toujours pas dit le moindre mot. Ses yeux se contentaient simplement d’accompagner les quelques déplacements de cet inconnu. Cela lui fit d’ailleurs penser que ce dernier ne s’était même pas présenté. Mais le pire, ce fut ce hochement d’épaules clairement marqué de la part de cet homme, comme s’il venait de se rendre compte qu’il faisait face à un malade, mais qu’au final… ça ne changeait rien. C’en était bien évidemment trop pour le frère du patient.

Mais il n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche. L’invité avait déjà balancé des sortes de cartons d’invitation. Il en avait même lancé un à Takeshi, au cas-où il pourrait… « se trainer jusque-là ? » Instinctivement et le sang évidemment chaud comme jamais, le jeune Hirako attrapa l’inconnu par le col, laissant au passage tomber le prospectus par terre.

« Tu t’fous de ma gueule ? Tu sais où t’es ? Dans un putain d’hôpital ! »

Derrière, le cadet assistait impuissant à la scène. D’un côté, son frère s’énervait toujours trop facilement. Mais lui-même avouait bien que le comportement de ce bonhomme aux prospectus était difficilement admissible. Pourtant, Takeshi choisit une nouvelle fois la carte de l’apaisement.

« Doucement, grand frère… C’est bon, c’est pas grave.
─ Ah la ferme ! Si tu crois que je vais laisser quelqu’un agir comme ça… Son regard se reporta sur celui qu’il tenait toujours par le col. Il tremblait d’énervement. T’as intérêt à lui présenter des excuses ! »

Et bien je suppose que c'était à prévoir... Il est vrai que je ne suis pas une référence lorsqu'il s'agit des rapports sociaux. Mais pourquoi ferais-je des efforts alors que je prends déjà la peine de m'adresser aux inférieurs? N'est-ce pas une preuve d'ouverture d'esprit? Les gens ont tendance à se concentrer sur la forme et d'ignorer le fond. Et donc "grand frère" a décidé de retenir l'insulte à l'invitation. Ça m'apprendra à tenter d'être agréable... Je crois que je vais simplement balancer les derniers cartons d'invitation par la fenêtre et le bon peuple se les arrachera. Voila! C'est simple et rapide en plus!

Je croise le regard du jeune homme qui m'a saisit avec force le col tout en me demandant comment il convient de réagir. Le balancer à travers le mur? Mouais... C'est un hôpital et je doute de pouvoir justifier ce comportement face à Tsuki ou aux autorités. Ergastule ne me tente pas vraiment... M'excuser? Hors de question! Je ne vois pas pourquoi je devrais présenter des excuses alors que je me contente de considérer la réalité telle qu'elle est: son frangin est une épave, point. Qu'il l'accepte ou non ne change rien à cette vérité...

- "Tu devrais écouter ton petit frère..." je reste stoïque pour l'instant. "Lâche-moi! Ça vaudra mieux pour tout le monde..."

Se battre dans la chambre d'un patient? Pourquoi pas! L'idée ne me dérange pas vraiment même si la plupart des gens verraient là une sorte de sacrilège. Mais "grand frère" devrait peut-être songer aux conséquences que ça aurait sur la santé de son précieux frangin. C'est encore ce dernier qui risque d'en faire les frais. Est-ce pour ça qu'il tente de ramener son aîné à la raison? Plutôt malin de sa part...

- "D'après toi si on devait se battre... Combien de chances y'a-t'il que ton frère se prenne un jutsu ou un coup perdu? Arrête-moi si je me trompe mais il est déjà assez mal en point comme ça, non? Tu veux vraiment prendre le risque?"

Je hausse les épaules. Prendre le frère comme argument est sans doute ce qu'il y a de mieux à faire. Mon agresseur semble beaucoup y tenir sans quoi il n'aurait pas réagi ainsi face à ma désinvolture. Ça semble donc plutôt logique de l'utiliser comme moyen de pression. Et puis c'est tellement facile aussi...

- "En tout cas tu peux oublier les excuses! À moins que tu veuilles me forcer à les lui présenter?" je souris. "Si c'est le cas alors ne te gêne surtout pas! Sinon tu ferais bien de me lâcher. Tu déformes mon col... grand frère!"

Et évidemment ces derniers mots sont empreints de moquerie à peine déguisée. La douleur dans mon épaule s'accentue à cause de la position guère agréable dans laquelle je me trouve. Il ferait bien de prendre sa décision rapidement sinon je choisirai pour lui! Je continue donc de l'observer tout en étant désagréablement gêné par cette promiscuité...