Le confinement auquel le clan Kawaguchi l’avait forcé pour diverses raisons avait profondément changé la demoiselle. Personne, hormis son « bourreau » nommé comme « mentor », le médic-nin en charge de sa santé et sa nièce Mizuki, ne savait réellement ce qu’elle avait subi. Beaucoup de rumeurs entre les murs de ce clan noble – et non à l’extérieur, précisons ! – pouvaient circuler mais aucun ne pouvaient être maintenu avec preuve et force. Tout n’était que supposition et hypothèse, et certaines des plus affreuses. Qu’avait-elle réellement vécu ?

Elle s’était reconstruite. Pierre par pierre. Cependant, certaines vieilles habitudes persistaient. Pire, certaines avaient été mises davantage en avant par ce « mentor ».

« Ecoutes et observes. Compte attentivement chaque respiration. Notes chaque petit mouvement ». Des paroles du vieil homme qu’elle se souvenait, et qu’elle se répétait chaque soir devant cette table de jeu. Contrairement à l’époque avec Shinji, elle n’usait pas d’artifice pour se cacher et se réfrénait de faire usage des Illusions pour tricher. Si elle perdait déjà bien plus, elle perdait bien moins qu’à ses débuts. Il semblerait qu’au fur et à mesure, le langage du corps n’avait guère de secret pour elle.

- Je ne peux pas perdre ! hurla son partenaire de jeu.

Tsukiko soupira déjà. Elle connaissait ce « genre » de personne, et sans attendre que tout ne dégénère, elle récupéra tout l’argent d’une main – en la faisant glisser dans un sac non loin – et courut comme une voleuse à l’extérieur, en esquivant habilement quelques hommes ou amis de ce mauvais perdant. Le tout en rigolant malicieusement, narguant chacun en passant à quelques millimètres d’eux. Certains s’endormaient, d’autres s’empêtraient le pied dans une fosse de sable pour s’écraser la face au sol.

Secouant avec joie son petit sac, elle marcha dans les rues de Suna avec allégresse, en finissant par sortir des murs même. Son excuse ? Une rencontre purement commerciale avec un marchand. En soit, c’était « vrai ». Mais uniquement une partie.

- La petite voleuse est de retour, rigola le marchand de désert non loin. Voilà bien des années que je n’ai guère vu, et te voilà si grande.

L’âge avait ridé ce visage, affaissé les épaules et édenté l’homme autrefois si solide et si bon vivant.

- Comment se porte tes enfants ? finit par demander la blonde après quelques échanges de bons procédés.
- Ahhhh … Mal. Mon fils ainé refuse de se marier, aveuglé par son amour pour une jeune fille. Au lieu de lui faire la cour, il se contente juste de l’observer de loin …
- Hahaha, je te connaissais plus direct. Pourquoi ne pas demander la main directement ?
- Les choses ne se passent pas ainsi voilà bien des années. Le Clan Kawaguchi peut peut-être user encore de ces mariages arrangés, mais pas chez les nomades du désert. On se marie de cœur.

Et il soupira longuement, reprenant sa discussion commerciale sur les dernières soies ou vins ou œuvres. Tsukiko acheta quelques-uns pour son usage personnel, d’autres pour son fameux bar ainsi que pour ses employés. Ils se devaient d’être exemplaires ! Pourtant durant tout l’achat, elle réfléchissait.

- Vieil homme, laisses moi me charger de ton fils.
- Que comptes-tu faire petite voleuse ?
- Fais-moi confiance.

Il se contentait de ricaner. Non loin, un vieux Kawaguchi qui était devenu l’ombre de Tsukiko, écoutait attentivement l’échange. A son tour, il ricana. Dès que les deux Kawaguchi furent seuls, non loin du campement du nomade et de sa petite troupe, ils discutèrent.

- Quelqu’un approche.

Elle releva la tête, et soupira. Elle demanda au vieil homme de rester à sa place, voire même de rejoindre la troupe pendant qu’elle discutera avec l’étranger en approche.

- Kibo ! Quelle bonne surprise ! Que fais-tu donc ici, en route pour une mission palpitante ? demanda-t-elle d’un ton léger, le sourire accroché aux lèvres.

- Tu es tellement impatient Kibo ! L’atout économique prend du temps, dit-elle toujours avec ce ton amusé. Il faudrait vraiment que tu apprennes à te détendre de temps en temps, et relâcher toute cette pression !

Quant aux jeux d’argent, fort dommage que beaucoup pensait que c’était une stupide addiction. Au contraire, c’était un moyen d’améliorer son sens de l’observation ! Celui ou celle qui savait lire l’homme en travers de ses yeux ou gestes, ou encore à le manipuler en le poussant à ses limites était sans contexte vainqueur. Malheureusement, allez l’expliquer à autrui, pour ce commun des mortels pour qui les jeux n’étaient que pures addictions !

- Les jeux du hasard apportent tant Kibo … Il faudrait vraiment un jour que tu testes ! C’est vraiment, vraiment instructif ! Ajoutons à cela que tu es peut-être rénuméré, si ce n’est pas bien ça ? tenta-t-elle de blaguer.

Blague qui ne semblait servir à rien devant l’air rigide et sévère de Kibo. Elle était exaspérée de voir que la droiture et la psychorigidité de son coéquipier l’empêchaient de voir ou de tester d’autres alternatives, faire du mal un bien ! Etait-elle la seule à le penser ainsi ? Etait-ce lui qui était fou, ou était-ce elle ?

- Laisses-les en paix ! ordonna-t-elle presque lorsqu’il commençait à se montrer des plus curieux à l’égard des marchands. Ce sont d’honnêtes marchands, et je viens de faire quelques achats pour mon bar.

Tsukiko avait abandonné cette fureur et colère inhabituelle au profit d’une attitude calme et mature. Cependant, Cette « possessivité » ou encore désirs farouche de protéger autrui persistaient à l’égard de ceux qu’elle aimait ou de ses biens. C’était ce marchand même qui l’avait amené saine et sauve à Suna la première fois alors que tous les autres marchands à Konoha refusaient qu’elle les accompagne. Sans lui, elle aurait eu à faire un chemin seul et chacun savait à quel point une telle route inconnue était dangereuse. Plus important, une demoiselle égarée aux portes d’un village Shinobi n’était pas vraiment une « fleur ».

Elle s’immobilisa suite à la dernière question, ne répondant pas entièrement. Cependant, au lieu de fondre en larme ou répondre rageusement comme l’ancienne Tsukiko, la demoiselle préférait offrir un autre sourire – bien moins marqué et plus doux -. Une simple nostalgie et une étrange mélancolie drapaient le tout mais insaisissables. On le pressentait, peut-être, mais on ne pouvait l’identifier entre ce ton léger. On se perdait dans cet océan de regard bleu qui semblait avoir vu beaucoup.

- Suna se rétablit, les deux hommes de ma vie sont dans des positions confortables, loin de tout danger à priori et je mène plus ou moins ma petite vie. Donc, oui ? continuait-elle, Hum, je devrais plutôt te retourner la question. Tu as une tête aussi pâle et aussi déprimé qu’à Yu no Kuni.

Elle posa une main chaude sur cette joue glacée.

- Je te propose de retourner à ton poste d’observation …

Non loin, un aigle émit un cri strident, la terre autour d’eux trembla, le sable se mouvait et en moins de temps ils furent aspirer. Non loin, elle pouvait faire le marchand et sa troupe s’empressaient de les rejoindre, ainsi qu’une autre troupe Shinobi s’activer – une vision qui s’était vite estompée au fur et à mesure de leur enfoncement. En un rien de temps, l’oppressant sable avait laissé place à un grand vide dans lequel les deux tombaient encore et encore !

Ils étaient difficiles de vraiment se localiser, ou de se retrouver dans ces ténèbres. Peut-être que Kibo avait l’expérience nécessaire pour s’accrocher quelque part, mais Tsukiko n’avait pas ce genre de réflexe. C’était une experte Ninjutsu et Genjutsu, elle était experte pour analyser un terrain et rester immobile pour la modifier à son gré. Non bouger aussi vite qu’elle recevait une information.

Que voyait-elle ? Une longue salle, un flot d’eau furieux tout au fond … Flot d’eau auquel elle s’approchait dangereusement, pour y plonger en pique. A peine au contact de l’eau qu’elle se faisait emporter encore et encore … Après quelques secondes ou minutes, elle put enfin concentrer suffisamment son chakra pour remonter à la surface, et poser même un pied.

Elle toussotait encore et encore, observant à califourchon – le flot l’avait entrainé dans un tunnel très très étroit où il était difficile de tenir debout – et regarda autour avec sa vue embuée.

- Kibo ? KIBO ? hurlait-elle, se demandant s’il était encore dans la grande salle du début, ou emporté plus loin dans les flots …

- Je me note qu’on doit se mettre dans une étrange situation pour te faire sourire, dit-elle en rigolant, constatant le « sourire » de son coéquipier. Cependant je ne saurais dire si tu ries car tu es amusé, ou si tu te moques de moi.

L’ironie suintait sa personne. Etait-ce une fierté purement masculine en montrant leurs différentes compétences ? Etait-ce un sourire pour marquer son plaisir d’une quelconque et mystérieuse supériorité sur le dit « sexe faible » ? Ou était-ce purement son imagination ? L’absence prolongée et les changements profonds de son coéquipier n’arrangeaient guère la compréhension de la situation. Ajoutons à cela qu’elle avait elle-même changé. A leurs façons, ils étaient devenus de parfaits inconnus.

« Même équipe mais des étrangers … » constata-t-elle. Par contre, elle ne se laissait pas aller à une quelconque tristesse. Il n’y avait rien dont être « triste ». Peut-être que la nostalgie l’avait étreint un court instant mais la réalité l’avait vite rattrapé. Ils étaient dans un lieu inconnu, pour une raison inconnue.

- Suno m’accompagne sans cesse et il est un excellent senseur. Le meilleur de mon clan. S’il n’a pas « anticipé » cela, c’est que ce n’est pas une manifestation de mère nature mais clairement les faits d’un homme, dit-elle tout en remontant jusqu’à la grande salle de départ. Ou d’une chose.

Elle fit ce dernier constat suite à une rapide et courte analyse de la grande salle plongée dans la pénombre.

- Sort. Immédiatement, ordonna-t-elle à Kibo.

Malheureusement, c’était impossible tant pour lui que pour elle. Kibo pouvait se téléporter mais le mettra-t-il en exécution sans être un tantinet curieux de cette forme qui commençait à se dessiner, en se détachant lentement mais sûrement du mur ?

- Kibo, c’est ainsi qu’il s’appelle donc, prononça la forme rondelette et haute de trois mètres. Non loin, plusieurs petits bruissements pouvaient se faire entendre. Bienvenue à vous deux dans mon antre.

Tsukiko pâlit à la vue de la « chose ». C’était une araignée géante, et clairement un Kuchyose Libre. En somme, c’était l’un des « Gardiens » des Ruines Kawaguchi … Ainsi donc, ce n’était pas la vision qui avait ôté toute vie des joues de la Kawaguchi mais clairement le constat d’être au cœur même de ce réseau complexe et dangereux.

- Je suis Kawaguchi Tsukiko et j’interdis quiconque de blesser ou tuer mon coéquipier, Kibo.

Elle espérait que son nom et son sang suffiraient à ces êtres solitaires et reclus pour obéir. Malheureusement, hormis un ricanement, elle n’eut rien d’autre droit.

- Je ne compte nullement blesser ta personne ou les tiens, jeune Kawaguchi. Tu as là ma promesse de Gardien.

Il se tut un long moment, observant de haut en bas les deux protagonistes avec ses multiples yeux. Il était consternant de voir son reflet à huit ou neuf reprises, et en même temps. Quant aux « murs », c’était aussi perturbant. Le bruissement était tout bonnement la balade de mille petites pattes d’araignées « normales ».

- J’ai entendu dire que tu étais une des … prétendantes au titre de Chef de Clan.
- Oui.
- J’ai également eu vent que tu souhaitais … modifier nos terres.
- Oui. Pour le bien des Kawaguchi, et de Suna.

L’araignée eut un ricanement.

- Nous te refusons ce titre de chef de clan, tant que tu n’as pas prouvé ta valeur à nous tous.
- Dites-moi comment.
- En entrant ici-même.

A peine avait-il dit cela que les petites araignées dévoilèrent une bouche noire béante dans le mur. Tsukiko soupira devant ce passage qui ne présageait rien de bon.

- Kibo, rentres à Suna…
- Il doit venir avec toi, ordonna l’araignée. Avant que tu ne parles, je promets que rien ne vous arrivera là. Cependant, tant que tu n’auras pas mis pieds à l’intérieur avec ton ami, jamais nous t’accepterons comme chef de clan, si tu le deviens. Et jamais tu toucheras à ces lieux.

Elle se mordit la lèvre pour ne pas insulter, et se retourner à Kibo, lançant ce fameux regard « On le fait ? ». Contrevenir à l’ordre de ce « Gardien » était inutile, et ces Ruines avaient un trop grand potentiel pour qu’elle le gâche sur une peur de l’inconnue. Kibo était puissant, et elle était une Kawaguchi – que les Gardiens le veuillent ou non. Ils devraient s’en sortir quel que soit l’épreuve…

- Si j’ai bien compris, le destin et l’avenir de Tsukiko m’appartiennent ?
- Oui, répondit de but en blanc l’araignée au grand dam de la jeune fille.

« Ne montes pas sur tes grands chevaux, c’est peut-être la première et dernière fois que tu as un tel pouvoir sur moi cher ami ! » répliqua-t-elle mentalement dans l’esprit de son coéquipier. Elle le trouvait bien joueur pour un homme qui ne souriait pas et qui parlait telle une marionnette sans vie et état d’âme. Peut-être que le manque d’activité en temps que bras droit le rendait plus prompt et plus vivant devant un « danger ».

« Eh ben, si c’est ça la vie de fonctionnaire, j’aurais dû rester sage et être Conseillère ». Son quotidien à elle en termes de danger n’avait guère changé. Elle souhaiterait bien ressentir un brin d’excitation devant un inconnu et non cette intense fatigue ou encore rengaine « Oh non ! Pourquoi un truc noir et pas sympa ? ». Des jours, le danger ne pouvait-il pas être un lieu avec un arc-en-ciel et des papillons volants ?

- Loucher ? Voilà bien une conception humaine, finit par dire le Gardien en rigolant devant la drôle d’interrogation. Je ne peux dire la raison de mon choix, pas avant que vous n’êtes rentrés à l’intérieur.

Toutes les peurs de la Kawaguchi s’envolèrent devant les questions stupides ou trop envahissantes de son coéquipier – à son goût. La demoiselle avait suffisamment subi, et énervé, les Gardiens de ces lieux pour savoir une chose : plus vite ils sortaient de cet endroit et mieux c’était ! Plus ils traînaient, et plus ils risquaient d’y perdre quelque chose !

- Rentres, ordonna-t-elle en poussant le jeune homme vers la bouche béante noire. Nous sommes dans les Ruines Kawaguchi, un lieu où hormis les Kawaguchi, personne n’est censée pouvoir y mettre un pied.

Se rendait-il compte maintenant de la situation étrange ? Elle s’arrêtait soudainement, se rendant compte qu’ils étaient dans une obscurité totale et que la grande salle derrière elle disparut au fur et à mesure que les araignées se pressaient et se collaient. Instinctivement, elle toucha le bout des doigts, se persuadant que le sceau était là et que Kibo pourrait toujours se porter à ses côtés au moindre souci. Non, elle ne lui tiendra pas la main comme une enfant. Prenant son courage à deux mains, elle parla à voix haute.

- Ce sont des ruines construites par nos ancêtres et …
- TSUKIKO ! COURS !

Tsukiko se figea instinctivement. Cette voix n’était ni la sienne, ni celle de Kibo ni celle de l’araignée mais pourtant, elle était familière. Beaucoup trop …

- Maman … ?
- COURS !

Savez-vous la mémoire corporelle ? Ce corps qui agit instinctivement, par « habitude », à un événement ou à une voix, ou à un bout de chemin ? Là où mes pas portent étaient davantage là où mes pas ont l’habitude de fouler …

- Mam…

Elle oublia son monde et accourut vers l’origine de la voix. Mais malheureusement, elle ne voyait toujours rien, ne s'approchait ni ne s'éloignait de la voix, et ne touchait absolument rien. Et la voix continuait, rejointe bientôt par une autre. Celle-ci, elle ne la reconnaissait pas. Peut-être que Kibo reconnaissait ?

Qu’est-ce qui se passait ?

Spoiler:

HRP:

Il n’y avait rien de plus cruel que de retrouver espoir en une chose perdue, et de se rendre compte de son impossibilité. La plaie toujours béante et ouverte, quoique endolorie, était poignardée pour une seconde fois, et hurlait donc – encore – de douleur. Le visage s’était décomposé comme au jour où on lui avait annoncé la perte de sa mère. Et aujourd’hui, elle vivait une seconde perte. Elle agrippa ses oreilles, et hurla longuement dans la veine espoir de taire cette voix féminine qui se joignait à tant d’autres. Dorénavant, aucun des deux jeunes gens pouvaient distinguer de voix pour l’unique raison qu’elles se multipliaient pour ne devenir qu’un insupportable brouhaha. Soudain, tout s’arrêta pour entendre une seule et unique voix, celle de la grande Araignée.

- Tu as constamment peur jeune Kawaguchi. Tu trembles devant tes regrets et tes doutes. Tu cherches constamment à les fuir. Et surtout tu nommes des hommes et des femmes « famille » alors qu’aucun ne sait qui tu es réellement.

Petit à petit, le monde s’éclaira, et Kibo et Tsukiko se retrouvaient au milieu d’une petite forêt, non loin d’une petite gamine blondinette, couverte de traces de boues mais dont les mains bougeaient encore et encore pour manipuler à distance des grains de sable. Des hérissons, des écureuils … tant de petits animaux de la forêt qui gambadaient allégrement dans les airs. Soudainement, une demoiselle blonde qui ressemblait bien trop à Tsukiko comme à la petite fille fit son apparition et gifla la petite violemment.

- Je te l’avais interdit Tsukiko ! Tu ne dois le montrer à personne ! Si tu le fais, on va t’obliger à te battre, et je t’interdis de te battre ! Tu ne dois pas devenir comme moi, tu m’entends ? Répète !
- Je ne vais pas me battre. Je ne vais pas devenir comme toi, répéta la gamine en pleurant.
- Arrête de pleurer, viens par là, dit-elle en prenant dans les bras la petite. Je ne veux pas que tu vives ce que je vis. Tu mérites mieux. Et je ne fais tout ça que pour t’offrir un meilleur monde. Tu auras une vraie vie, une vraie maison, et une grande et riante famille.

La vision se troubla sur cette scène-ci, pour venir à une époque non lointaine. Elle était dans la demeure de Kioshi, et jura de devenir une grande Kunoichi. Ces deux visions côte à côte étaient comme un coup de poing de rappel pour Tsukiko : Elle avait fait exactement ce qu’elle s’était promis de ne pas faire.

*

Malheureusement, ce n’était que la suite d’une longue série de séquence de sa vie ….

A nouveau, ils étaient dans une forêt. Tsukiko avait six ans à cette époque-ci et elle jouait avec ses amis, à cache-cache plus exactement. Au milieu gambadait un petit chien sacrément chenapan. Soudainement, il s’arrêta et aboya fortement vis-à-vis d’un des enfants.

- Cachez-vous ! Quelqu’un approche !

Aussitôt dit, aussitôt fait. Les enfants se cachèrent. Peu de temps après, une petite troupe guerrière arriva sur les lieux. On sentait l’expérience, ainsi que cette colère propre aux hommes vivant au temps de guerre, toujours sous pression, toujours en alerte du moindre danger. Ils étaient bien trop, et quelqu’un remarqua un des enfants.

- Dévoiles-toi !

L’enfant sorti, tremblotant, pleurant.

- Ce n’est qu’un enfant, commença l’un.
- Six ans aujourd’hui, treize ans et meurtrier demain !
- Il ne doit pas être seul !

Cette dernière phrase apporta le silence. Aussitôt chacun se déploya, et dénicha un à un les enfants. Tsukiko, avec sa maîtrise imparfaite du Sunaton, tenta le tout pour le tout. Elle sortit de sa cachette, et se créa plus ou moins une petite plateforme de sable afin de pouvoir aller à toute allure entre les arbres. On tentait de la poursuivre, des arbres se mouvaient de toute part pour l'attraper – le pouvoir des Senju en somme – mais elle arriva au bord d’une falaise des plus hautes. Le souffle court, le corps tremblant, elle regarda en contrebas. Il n’y avait rien hormis un torrent furieux et rocailleux… Au loin, elle entendait des cris d’enfants qui se faisaient tuer ou traîner on ne sait où, ou encore le bruit d’hommes qui la poursuivaient… Elle sauta.

La suite fut un véritable « carnage ». L’eau approchait toujours avec plus de force pour la claquer violemment. Elle n’eut même pas le temps de s’inquiéter de toucher ou non le fond qu’elle fut emportée par le courant avec une force inouïe. Elle avala de grandes louches d’eau rocailleuse ou sableuse, s’enfonçant toujours plus et approchait dangereusement d’une importante et dangereuse cascade emplie de roches. Et elle s’enfonçait, encore et encore …. En fait, sournoisement mais sûrement, son sable l’entraînait vers le fond, et la maintenant malgré le courant, et puis, petit à petit, un petit globe de sable se forma, absorbant toujours plus l’eau.

C’est donc en larme, épuisée, qu’elle se trouvait au fond de cette rivière. Ce n’est que quelques heures après qu’elle osait bouger et d’avancer vers ce qu’elle espérait être la berge. Et elle eut raison, comme une mue, le sable tomba au fond de l’eau en même temps qu’elle retrouvait l’air libre. Les vêtements lourds d’eau, les jambes flageolants, elle rejoignit son village. Arrivée au cœur même, sa mère attendant non loin, inquiète, elle se permit de courir pour se réfugier dans les bras de cette mère aimante. Malheureusement, à peine avait-elle prise cette femme dans ses bras que cette dernière la repoussa derrière elle.

- COURS TSUKIKO ! COURS !

On l’avait suivi. Et ce n’était nullement des alliés. Un véritable massacre eut lieu, et dans ce chaos même, elle fuyait la petite Tsukiko avec une grand-mère n’étant pas si âgée que cela. La dernière image de cette scène était une mère qui combattait férocement avec sa maîtrise exceptionnelle du Feu …

Le noir revint, et une autre nuée de voix pouvait s’entendre. « Tsukiko, il faut être forte … ta mère … elle est … mor… » mais la voix du vieillard s’étouffa. Et la petite Tsukiko termina avec ceci « C’est de ma faute ».

*

Malheureusement, ce n’était nullement fini … A nouveau, la scène s’ouvrit sur une autre forêt en pleine soirée. Dans une tente, à l’écart d’un campement, se tenait un conseil des plus secrets. On parlait de complot, de meurtre et de trahison. Non loin, une petite demoiselle blonde d’une dizaine d’années écoutait discrètement jusqu’au bout, se cachant lorsque tout le monde partit – sauf un vieil homme. IL parla, indiquant par là qu’il était la voix du vieillard dans le noir, en tapotant le petit crâne de Tsukiko.

- Tu ne dois le dire à personne.
- Mais les Uchiha sont nos amis ! J’ai plein d’amis !
- Ils ont fait trop de mal Tsukiko, et ils sont responsables de toutes ces guerres … de la mort de ta mère … de ma fille …. De tous mes amis chers… Il faut mettre un terme, sinon, je vais aussi vous perdre, toi et ta grand-mère. Je ne peux plus supporter la moindre perte Tsukiko.

Il se tut et la sonda.

- Tu ne dois rien dire, promet-le moi.
- Promis.

Le lendemain, auprès de ce groupe d’adolescent Uchiha, elle ne put se taire. C’était ses amis, et prétendre s’amuser en sachant qu’ils allaient être tué dans leur sommeil était trop lourd à porter comme fardeau. Si le clan aux pupilles écarlates resta des plus calmes au courant de la journée, il surprit les comploteurs et un autre combat s’engagea au sein même de ce campement. Elle voyait tout cela la petite Tsukiko et était figée. Non loin, un ami à elle s’approcha d’elle.

- Hujiru ! Aides … Hu ….
- Toi, ton grand père … vos siens, bande de traîtres !

Il voulut la tuer, elle qui l’avait prévenu dans un élan de conscience … ou de stupidité. La scène s’arrêta là également et d’autres voix retentirent, mais unique. Celle de Tsukiko. « Grand père ? Où est mon grand père ? GRAND PERE ! », sa voix indiquait qu’il était mort. « Désolé … désolé … c’est de ma faute … désolé » !

*

Le supplice ne s’arrêtait pas là. Loin de là. La scène s’ouvrit encore, mais pour la dernière fois, sur un village. Konoha à ses débuts. Elle avait quatorze ans, et était une enfant de rue. Elle traînait des pieds, faisait les poches d’un ou deux passants, piochait un bout de pain pas trop mal dans une poubelle ou une autre, ou encore arnaquer plus d’un avec quelques tours de carte dans les ruelles. Elle était seule, et sans la moindre aide – trop d’orphelins suite aux guerres. Le pire était qu’elle était méconnaissable avec cet air pâlichon effrayant, cette peau qui collait à ses os littéralement, ses nombreux creux au visage ou encore ses nombreuses blessures et écorchures un peu partout.

Un autre enfant des rues s’approcha d’elle.

- Tsukiko ! J’ai une superbe idée pour nous remplir l’estomac ce soir !
- Hum ?
- Toi, et tes compétences de guerrière, on peut voler deux ou trois trucs à cette maison. Le Puant a vu pas mal de jolies choses entrer là-bas l’autre jour.
- Je ne vole pas de maison.
- On prendra que ce qu’on a besoin, promis !

Et Naîvement, et dû à l’appel de son ventre, elle accepta. Ils volèrent. Si elle se limitait à prendre que de la nourriture et une ou deux tenues, ses amis exagéraient mais elle n’en eut conscience que lorsqu’elle avait à ouvrir des portes de sortie avec son sable, ou encore créer des rampes pour évacuer tous les biens volés.

- On avait dit que ce qu’on a besoin ! dit-elle, furieusement, tout en chuchotant, ne voulant pas être attrapé.

Malheureusement, les Shinobis de Konoha ne tardaient pas à s’approcher et déjà une lumière de la maisonnée s’était allumée. Les enfants prirent leur jambe à leur cou. Pour TSukiko, ce fut la dernière fois, et depuis, elle ne passa plus près de cette maisonnée sans baisser la tête.

La scène reprit avec une Tsukiko toujours plus affamée perturbée par un ami.

- On va bien manger !
- Je ne vole plus de maisons, se renfrogna-t-elle.
- Nan nan … Un monsieur … disons que … il veut une jolie fille avec lui le soir.
- Je ne serais pas comme Anita !
- Tu ne veux pas voler, tu ne veux pas ça, tu ne veux pas être Shinobi, tu es censée te faire de l’argent comment hein ? T’es en train de crever de faim et même un aveugle le verrait. Et puis, franchement … tu crois que tu resteras toujours la petite Tsukiko ? T’es une clocharde comme nous !

On voyait la blonde refuser inlassablement jusqu’à une nuit où la faim avait passé le stade de crampe pour en venir à des hallucinations, au point de croire le bois comme un bout de viande. Elle se rendit à ce fameux « monsieur », et mangea sans aucune pitié toute la nourriture qu’on lui donnait, et se laissait laver par des femmes de chambre, tout en se dirigeant vers la chambre à coucher qu’elles indiquaient. Elle était assise là, la petite Tsukiko, le ventre douloureux par ce surplus de nourriture, commençant déjà à voir plus clair. Un homme entra, d’un âge bien plus avancé que la demoiselle de quatorze ans, il commençait à tâter les joues, ou les seins naissants de la petite en travers de cette robe de chambre. Elle était gênée. Non, humiliée.

- Je veux partir.
- Voyons, restes un peu. Regardes, j’ai un peu de nourritures encore là.
- Je n’ai plus faim.

Elle avait envie de vomir. Il voulait la toucher toujours plus, elle finit par le repousser, et courir vers la fenêtre. Elle était à un troisième étage, et cette fois-ci, aucun courant ne la rattraperait. Elle était consciente, et pourtant, elle se lançait. Les murs se craquelaient pour former des grains de sable qui tentaient de rattraper la demoiselle. Si les bras ne l’empêchèrent pas de tomber, ils purent ralentir la chute. Seul son bras fut cassé. Elle n’en pleura pas, préférant prendre les jambes à son cou. En cours de route, elle passa non loin de la maison qu’elle avait dévalisée. On virait la jolie petite famille heureuse pour dettes impayées, pour manque de ressources. Non loin, elle voyait ses amis qui avaient promis au « monsieur » sa virginité être brutalisé très violemment, et elle courait encore et encore.

Quant à la scène finale, on la voyait encore traîner dans les rues, et on vint la déranger à nouveau.

- Tsukiko ! Regardes, des Sunajins !
- Hum ?

Elle releva la tête et vit passer dans les parages un Kibo jeune. Il était venu pour son examen chunin, mais elle ne s’en préoccupa pas, préférant compter les sous qui lui restaient dans les poches trouées.

Le noir revint, mais avec des fantômes. Sa mère, son grand-père, ses « amis » Uchiha, ses « amis » de rue ou la famille qui avait fini à la rue par sa faute.

- Désolé … désolé … répéta, tremblante, la Tsukiko de maintenant. Mais aucun fantôme ne disait rien, disparaissant un à un ...

Mais était-elle la seule à avoir des regrets, des doutes ou des remords ?

Epuisés, haletants, le cauchemar semblait être fini. Le noir les avait à nouveau enveloppés pour aussitôt disparaître suite à de multiples mouvements de pattes. Ils étaient, et avaient toujours été, dans la grande salle de départ. Seulement, ce qu’ils pensaient gouffres n’étaient qu’une paroi d’araignées de cet étrange gardien.

- Les regrets … voilà ce qui définit un homme, ou une femme.

Il tournait encore et encore autour d’eux. Ses pattes géantes émettaient à peine un petit bruit à chaque pas effectué, tournant davantage les têtes et les esprits avec ces mouvements rapides tantôt sur les murs, tantôt sur le sol, tantôt sur le plafond !

- Voilà ce que j’ai à dire, jeune fille : te suivra-t-on, celle qui est la cause de la mort de sa tendre mère et de son dévoué grand père ?

Il s’approcha de Kibo soudainement.

- Dis-moi jeune homme, est-ce de sa faute, chacun de ces événements ? Plus important, si cela t’arrives, lui ferais-tu encore confiance ?

A nouveau il se tut, et il s’éloigna.

- Plus important Tsukiko. Si les mêmes choix se présentaient à toi, feras-tu la même chose ? Si on te disait que pour le bien des Kawaguchi, Kibo et Kioshi avaient à mourir, les préviendras-tu ? Les aideras-tu ? Ou au contraire, apporteras-tu tout l’aide nécessaire au clan auquel tu a juré de servir, et de protéger ?

Comme pour pousser les pauvres nerfs de Tsukiko à bout, les différents fantômes de son passé apparurent en travers d’un habile henge des petites araignées. Chaque transformation murmura la phrase « Pourquoi, Tsukiko ? Pourquoi ? ». Pourquoi, quoi ? Pour les avoir trahi ? Pour les avoir « tué » ? Pour les avoir mené à la mort inconsciemment ? Soudainement, la disquette changea « Sauve nous ! SAUVE NOUS ! ».

- Et toi jeune homme … Que dirais-tu à sa place ? Doit-elle sauver sa famille qui l’a dénigré des années ? Ou au contraire aider des hommes qui n’ont cessé de l’accompagner ?

En somme, devrait-elle renoncer à sa famille, et donc à son titre de clan ? Cependant, Kibo allait-il le comprendre ainsi, ou alors dans un tout autre sens ?

- Oh, aucune troisième solution n’est possible jeune homme. Elle a à choisir … Que penses-tu qu’elle va choisir ? Oh oui, ne te préoccupes pas de ma question précédente, et dis-moi ce qu’elle va choisir. Si tu as raison … Si tu as tort, mon jugement en dépendra.

Les yeux de la Kawaguchi s’agrandirent. Elle voulut lancer un message télépathique mais elle ne pouvait pas. Elle ne savait que dire, ou plutôt comment lui dire sa décision. L’un comme l’autre, le sacrifice était tout simplement trop important … Pour commencer, qu’était-ce sa « famille » ?

- Alors Kibo, qui va-t-elle choisir de sauver ? Qui va-t-elle condamner arbitrairement ?

- Elle aidera sa famille et nous condamnera.

Tsukiko resta interdite devant cette phrase. Aucune pensée ne lui traversait son petit esprit et ses yeux n’exprimaient ni joie, ni colère, ni déception, ni honte. Aucun geste n’indiquait la réussite ou l’échec de Kibo à la dite question. La terre se mit soudainement à trembler, séparant les deux protagonistes par un mur des plus épais. Si Kibo montait encore et encore, retrouvant l’air libre, la Petite Tsukiko s’enfonçait encore et encore.

- C’était l’inverse jeune fille, n’est-ce pas ? Car, pour toi, la famille n’est pas uniquement le clan mais eux, avant tout.

Elle ne disait rien, les lèvres tremblantes. Elle se demandait : Kibo ne l’avait-il jamais considéré, ne serait-ce qu’une seule petite seconde, comme un membre de sa famille ? Jusqu’à ce jour, était-elle la seule à croire à une telle idéologie, à penser à eux et à leur bien, maladroite certes ? S’était-elle à nouveau réfugier dans le monde des rêves, chose qu’elle s’était interdite il y a de cela quelques années ?

- Sais-tu pourquoi la trahison a un goût aussi amer, jeune fille ? Pourquoi elle fait si mal ? Tout simplement car tu n’es trahie que par ceux que tu aimes, mais qui ne t’aimes pas comme toi. Ceux à qui tu as accordé ta plus grande, et aveugle, confiance.

A nouveau l’araignée se tut, disparaissant petit à petit dans l’ombre, laissant la petite Tsukiko s’élever à son tour pour rejoindre l’air libre. Durant cette remontée mystérieuse, et nébuleuse, elle entendait les dernières paroles du gardien.

- Tu ne sais qui protéger car personne n’est à sa place dans ton esprit jeune fille. Tu aimes ceux dont tu devrais te méfier, et tu haïs ceux dont tu dois aimer malgré les difficultés.

Une fois dans la nuit glaciale de Kaze, et non plus dans les sous-sols étouffants, la petite blonde releva la tête, cherchant Kibo de ses yeux bleus. Il n’était guère loin. Soupirant, elle créa immédiatement un petit cheval de sable.

- Peut-on ne pas parler de cette nuit, à quiconque ? demanda-t-elle d’une voix brisée. Et pourrais-je rentrer, seule ? On en reparlera demain, si tu le désires.

La soirée avait été éprouvante tant pour lui que pour elle. Elle était inapte à parler à quiconque de son passé des plus épouvantables, et encore moins d’expliquer ou de tenter de comprendre l’étrange épreuve du Gardien. Qu’espérait-il ? Seulement la Vérité, et l’unique Vérité, ou du moins la prétendue Vérité.

Elle profita que Kibo ait le dos tourné, pour elle ne savait quelle raison, pour formuler une étrange pensée.

« Oui, j’aurais tout fait pour ma Famille Kibo … ».

Elle « aurait », parlant au passé, parlant d’un temps révolu.

Elle finit cette introspection en regardant ses veines.

« La Famille signifie-t-elle donc uniquement un lien de sang ? ».

Son dernier lien avec son passé venait d’être brisé, irrémédiablement et plus que jamais, le petit papillon sortait de son cocon. Cependant était-ce un être blanc dénué de toute malice, ou un être au cœur aussi noir que cette nuit ? Seulement l’avenir le dira.

Elle détestait être « dirigée » comme une enfant par Kibo. Il disait qu’ils allaient dormir chez lui, car c’était bien plus confortable. Il disait vouloir parler, sans prendre la peine de réellement répondre à ses propres demandes. De bout en bout, il était égoïste aux yeux de Tsukiko – à moins que ce ne soit son esprit embrouillé, ou un brin trop clair ? – et par conséquent insupportable. Plus que jamais, elle souhaiterait apposer la trace de son petit poing sur cette petite face grisâtre et immobile. Malheureusement, et tel était la triste vérité, il était un expert au corps-à-corps alors qu’elle peinait à faire quelques poids.

- Dormir ensemble Kibo ? Je te déconseille. J’ai une très mauvaise réputation et un aussi noble bras droit comme toi se doit de protéger sa réputation, disait-elle avec une mauvaise foi.

Cependant, les temps des faux semblants étaient révolus. Elle ne pouvait plus prétendre être heureuse, ou encore

- Ta maison ne me convient pas, car elle n’a nullement ce dont j’ai besoin, annonça-t-elle de but en blanc. Je pense qu’il vaut mieux que tu parles de ta famille avec Kioshi-sensei, il te connait bien mieux que moi, et il fait … presque partie de ta famille, si ce n’est déjà le cas.

A l’époque, soit il y a quelque minute, elle aurait dit oui car il avait été comme une famille à ses yeux. D’une manière ou d’une autre, la maison de ses coéquipiers était comme une « maison », celle dans laquelle on avait hâte de retrouver après de rudes journées, celle dont on voulait apprécier la chaleur. Cependant, et telle était la vérité, elle n’était rien d’autre que la « coéquipière » ou « l’amie », soit l’intruse, soit celle qui n’était invitée que « temporairement ».

Elle se tut.

- Je dois m’entraîner.

Elle avait surtout besoin de se dépenser jusqu’à épuisement. Est-ce que son Ombre était dans les parages afin qu’il puisse l’aider à vider ce surplus d’énergie et de colère ? A bien y réfléchir, où était-elle ? Elle était désorientée suite à ce flot de pensées, et de sentiments.

- On ne s’est jamais sérieusement entrainé, n’est-ce pas Kibo ? lui demanda-t-elle en regardant l’endroit où un sceau était prétendument posé.

Elle ne lui laissait guère le temps que déjà le sol au pied de Kibo se déroba et que deux bras tentaculaires se dirigèrent déjà droit vers l’albinos, crée par le clone apparut non loin qui apporterait l'aide supplémentaire nécessaire. D'autres apparurent ici et là, entourant les deux protagonistes et tous soutient de la blondinette dont le plus gros style de combat était l'immobilité même. Risquait-elle de perdre dès les premiers tours ? Oui, mais elle n'en avait cure. Elle voulait lui faire, ne serait-ce qu’un peu, mal. Depuis son retour, il ne cessait de la blesser, et elle était fatiguée de subir.

Peut-être qu’il serait temps qu’il « entende » ?

Spoiler:

HRP:

- T’es un idiot ! finit-elle par dire, avant de s’entourer dans un dôme de sable, lui et elle.

Cependant, elle n’attendit pas que la protection se brise sous les éclairs de Kibo, ni même que ces derniers retentissement pour le relever par le col, le plaquer au mur et offrir une gifle monumentale, laissant une trace rougeâtre.

- Tu comptes faire cela à chaque fois ? Le jour où c’est moi qui viendrait te tuer ou que tu auras à me tuer, tu vas te suicider comme un amoureux transis ? GRANDIS UN PEU BORDEL ! T’es plus un gosse ! T’es un type sur qui des gens comptent ! Penses à ta vie un peu, aux gens qui attendent des choses de toi !

Elle était certaine d’avoir raison.

- ARRETES D’ETRE AUSSI EGOISTE PUTAIN ! finit-elle par dire, hurlant de rage.

Elle s’en éloigna, finissant par s’éloigner rageusement.

- Il est temps d’établir tes priorités. Les miennes le sont.

Elle ne s’étalera plus sur le sujet. Elle était énervée contre elle-même, contre le monde, contre ces hommes et ces femmes qui ne cessaient de la décevoir – ou qu’elle ne cessait de décevoir !. Elle respirait et inspirait, et finit par se calmer. C’est donc, avec une colère froide, qu’elle se retourna contre Kibo.

- En dehors de nos fonctions de Shinobi, ne vient plus m’adresser ma parole Kibo. Je pense que, c’est le mieux tant pour toi et pour moi. Nos dernières rencontres ne sont qu’une source de déception et de dispute tant pour toi que pour moi.

Elle savait qu’il risquait d’insister. Elle savait qu’elle risquait de flancher. Cependant, et il fallait voir la chose ainsi, elle avait à mettre en œuvre ses fameuses priorités.

- Je ne veux plus te voir.

Etait-elle sincère ? Peut-être bien. Voilà bien des mois qu’ils ne s’étaient pas vus et que chacun avait fait sa petite vie plus ou moins. Ils avaient pu vivre chacun l’un sans l’autre, et ils pourraient continuer ainsi. Avant d’envenimer la situation, pourquoi ne pas arrêter tout bonnement lorsque certains bons souvenirs restaient ?

Plus important, arrêter quand Kibo connaissait autant chaque détail honteux de son passé. Voilà vraiment une raison, elle avait honte.

- Si vous souhaitez me sanctionner pour ces actes, Bras Droit, je vous en prie, finit-elle froidement par dire.

Finalement, et à terme, Tsukiko devenait ce qu'elle désirait : la Kunoichi parfaite, l'arme parfaite, froide et tranchante ...

- La paix pour chacun, finit-elle par dire.

La dernière fois qu’elle l’avait rencontré, c’était à Yu no Kuni. Il avait à peine sourcillé, à peine souri, à peine parlé alors que la situation dépassait la demoiselle. Or, elle était fatiguée de se battre constamment pour des sourires, ou encore avoir cette terrible sensation d’être constamment celle qu’on avait à secourir. Le fait qu’il ait dit, devant sa dulcinée du passé, que cette dernière
n’avait pas besoin d’escorte contrairement à « certaines » était encore en travers de sa gorge. Qu’était-elle à ses yeux ? Une petite gamine capricieuse ? Une fillette qui attendait l’approbation d’un clan ? Si oui, il était des plus aveugles car la demoiselle avait changé. Et davantage ce soir.

- Et ne rien dire … Sur tout ce qui a été vu. Je ne suis pas fière de ce passé, et j’ai tout quitté pour un meilleur renouveau. Je ne veux pas avoir à m’expliquer, ou à retourner dans ces horribles souvenirs. Je ne souhaite garder que les meilleurs dans ma mémoire.

Oui. Elle avait tout abandonné le fou espoir d’un meilleur futur. Et elle espérait que cette maudite araignée n’avait pas tout détruit.

- Ma priorité est ma famille, et son bien-être. Je me bats uniquement pour cela, dorénavant. J’ai commis plusieurs actes irréfléchis par le passé, et je ne compte nullement renouveler. Un nouveau départ, voilà ce que je recherchais à Suna, et je pense l’avoir enfin trouvé.

Et ce nouveau départ signifiait sans un regard vers le passé. Sans lien fort en dehors de la famille, du moins, aucun lien fort « visible ». Elle ne cessait de blesser elle-même ou mettre en danger son entourage. Elle était un parasite à sa façon. Pourquoi donc s’accrocher aux Kawaguchi alors ? Elle comptait sur leurs forces, unités et puissances. Plus important, si elle échouait, elle voulait que les Kawaguchi tombent avec elle, comme une sanction des traitements du passé.

- Et je ne rentrerai pas à Suna immédiatement. J’ai encore quelques affaires à régler. Seule. Les Ruines ne vous sont plus accessibles, car je ne le souhaite plus. Elles n’apportent que malheurs et tristesses, peut-être venez-vous d’assister à l’une de ses rares miracles, mais il faut se méfier. Les Cadeaux de ce genre ne sont pas donnés … sans un prix.

Les paroles d’une Kawaguchi dans un désert étaient presque sacrées. Les Gardiens fourmillaient sous le désert même, entendaient chaque parole … et obéissaient bon gré, contre gré. Non loin un petit aigle criait strident, peut-être un autre gardien transmettant les paroles de la Kawaguchi. Elle s’apprêtait à se retourner pour replonger dans les ténèbres des Ruines, mais s’arrêta soudainement, pour regarder Kibo.

- Je ne sais pourquoi l’Araignée a montré cela, et sûrement ne réapparaitra-t-elle pas pour vous remontrer ou expliquer, mais méfiez-vous. On raconte qu’elle tisse la vie des hommes comme ses toiles, qu’on n’est plus qu’un jouet entre ses mains. Ne tombez pas à un stupide piège.

Ce n’était nullement une menace, mais une recommandation. Tsukiko avait assez côtoyé les plus grands et respectés Gardiens des Ruines pour connaître leur turpitude. Et elle n’avait nullement tiré un grand trait sur leur passé commun pour le laisser foncer tête baissée dans un piège vicieux.

- Avant qu’on ne se sépare, avez-vous fait ce que j’ai demandé à Yu no Kuni ?

- Peut-être que l’Araignée souhaite nous montrer que nos destins ne sont pas liés, précisément. Que ce que nous avons cru jusqu’à maintenant n’était qu’une fable, qu’un mensonge, qu’un réconfort illusoire auquel vous et moi nous nous accrochions, dit-elle. M’aider … Contentez-vous de faire votre travail. Protégez et guidez efficacement Suna, là où vit mon clan. Ma seule et unique famille, finit-elle par dire froidement.

Chaque mot n’était qu’une phrase tranchante et froide, qui n’autorisait aucun contre-argument. Un calme olympien mais aussi une colère glaciale suite à l’occultation totale de sa dernière – et très cruciale- question. Elle avait demandé un service à Yu no Kuni, mais il semblerait qu’il avait été bien trop pressé, et qu’à nouveau, les paroles d’une petite blondinette n’avaient aucun intérêt. Tant d’efforts, tant de chevauchés … tant d’espoirs, tout cela, à néant.

« On n’est jamais mieux servi que par soi-même » conclut-elle amèrement.

Elle tendit sa main vers le sable, et dégagea rapidement, à coup de tourbillons importants, une voie vers un couloir sombre des Ruines. Déjà un ou deux gardiens habituels des lieux s’accumulaient là, pour découvrir la Kawaguchi désireuse de s’aventurer dans ces lieux dangereux et des plus imprévisibles.

- Peut-être nous reverrons-nous lors d’une mission, Kibo-san. Avant que nos chemins ne se séparent, enlevez moi les sceaux je vous prie. Ayez la décence de le faire, que je ne me froisse pas lorsque je demanderais, éventuellement, à un expert en Fuinjutsu si quelques sceaux traînent par ci et par là. Les interrogations au retour de mission sont dures, et impitoyables. Qu’on ne me soupçonne pas d’espionner Suna pour le compte d’un tiers, ou qu'on ne me suspecte pour la mort d'un dirigeant, encore, dit-elle en tendant la main. Après cela, j’ai du travail qui m’attend dans les ruines, pour un projet important pour mon clan. Je n’ai guère le temps de perdre pour me pencher sur le passé.

Le passé était enfoui au plus profond de son âme. Elle ne voulait pas s’en rappeler, plus jamais, et ne vivait que bien mieux depuis. Qu’il accepte ou non, la demoiselle finit par se jeter dans les profondeurs de cette terre brulée et laissa le sable s’écrouler sur elle, et enfouir ses traces même. Sans tarder, elle sauta sur le dos de sa Taupe Favorite, et déjà donnait les ordres.

- Nous avons beaucoup … Beaucoup de travail. Et s’il nous arrive que nous croisions l’Araignée, rappelle moi de briser ses toiles et de l’étouffer avec sa propre Destinée.

Non loin, et toujours présent, les petites araignées fourmillaient, tintaient leur toile, transmettant ainsi – subtilement – chaque fait et geste à celle qui Tisse le Destin des Kawaguchi.

HRP: