Yuki no Kuni
Année 8 – Automne

Déjà 5 années avaient défilé depuis que Tenbatsu Kurasa décida de fuir son propre village. Si fuir était le mot qu’il aimait utiliser, son acte n’était rien d’autre qu’une désertion, un crime que plusieurs ninjas ont déjà pu commettre et que les futurs soldats commettront à coup sûr. Heureusement, personne ne l’avait encore dénoncé, pour le Village de la Brume, il devait certainement être considéré comme mort sur le champ de bataille lors de la confrontation avec l’assimilatrice Gogyou Makka ! De toute façon, si jamais quelqu’un l’avait prit sur le fait, un autre membre de Kiri, voir même un simple habitant qui aurait eu le malheur de croiser le regard du récent Nukenin, celui-ci aurait perdu la vie dans la seconde, sans même avoir le temps de sortir un son de sa bouche. D’ailleurs, il avait déjà commis ce genre d’actes. Il se fichait bien d’aggraver son cas, car si jamais son ancien village retrouvait sa trace, la punition qui l’attendait n’aurait été rien d’autre que la mort !

C’est pourquoi il attendait patiemment, vagabondant à travers le Pays de la Neige de cachette en cachette, le moment opportun pour revenir dans le monde mouvementé des shinobis. Bien que sa vie soit dure, plus difficile encore que celle qu’il avait vécue à Mizu no Kuni, alors que le pays était encore en proie au chaos et à toutes les bassesses du genre humain, il savait que ce passage serait nécessaire pour le sombre avenir qui se dessinait devant lui. À la place, il devait s’adapter à son environnement et en tirer tout ce qu’il pouvait. À la place, il devait s’adapter à son environnement et en tirer tout ce qu’il pouvait. Pour ses entraînements, il pouvait chasser et profiter de la grande étendue d’eau qui entourait l’île pour s’exercer au Ninjutsu Suiton. Puis à la place de faire des missions, il pouvait toujours se contenter des quelques missions d’assassinats, de mercenariat ou encore en tuant les quelques brigands qu’on trouvait dans n’importe quel endroit du monde. Voilà la vie qu’il avait choisi de vivre depuis quelque temps !

Aujourd’hui encore, le déserteur de Kiri vivait à l’abri des regards en se réfugiant au sein d’une grotte situé au bord du Mont Kailash. La plupart du temps, le silence n’était brisé que par les bruits des quelques animaux fréquentant ces lieux et celui des vagues qui venait s’écraser inlassablement contre la banquise. Ce coin était idéal pour que Kurasa puisse mener sa vie de solitaire tranquillement, il y trouvait de la nourriture, un espace d’entraînement, bien que rustique, dont il pouvait bénéficier seul et il y avait peu de chances que quelqu’un vienne le déranger…
L’après-midi battait son plein, et comme souvent, le ninja masqué s’octroyait une pause entre deux séances d’entraînement et regardait le lointain horizon. La distance avec son pays natif était telle qu’il ne pouvait pas distinguer un seul relief de là où il était. De toute façon, l’épaisse Brume qui entourait Mizu et son futur se seraient certainement dressée contre lui pour qu’il ne puisse rien voir…

Comme à son habitude, il était assis, plongé dans ses réflexions sur la nature humaine, le destin du monde qu’il s’imaginait, son nindô et toutes sortes de sujets qui allait construire le futur shinobi qu’il allait devenir. Son sugegasa toujours sur la tête, il tenait entre ses mains le bandeau de ce village qui l’avait tant déçu. Il fixait avec insistance l’emblème de Kiri, sans faire un seul bruit et en profitait pour se remémorer les débuts du village, de la joie que ses parents auraient à le voir s’ériger et des messages de paix mensongers qu’ils aimaient propager…

Soudain, Kurasa reprit ses esprits et releva les yeux ! Ce dont il s’aperçut n’allait guère lui faire plaisir ! Une jeune fille, en plein milieu de l’adolescence, se tenait non loin de lui. Avec la distance qui les séparait, elle avait probablement pu apercevoir le Nukenin regardé son bandeau de manière attentive et rien que cela faisait d’elle une condamnée à mort dans l’esprit du ninja masqué. Cependant, dans un premier temps, ce dernier ne fit rien et se contenta de la regarder. Il ne connaissait rien d’elle, ni sa puissance, ni ses capacités et si elle avait pu arriver jusqu’ici sans faire le moindre bruit, c’était qu’elle avait forcément les aptitudes d’un ninja. C’était à elle que reviendrait la lourde tâche de faire le premier mouvement d’une rencontre pouvant être lourde de conséquences…

Mes parents morts, leurs corps ont été laissés aux charognards qui gorgeaient nos terres. Il faut dire qu'avec les sanglantes traditions du clan, ces animaux avaient amplement de quoi se nourrir. Quant à moi… Chaque jour qui passait me faisait progressivement prendre connaissance de l'absence de réelles attaches qui me lieraient à ces terres. L'amour du sol que mes parents m'avaient inculqué semblait bien faible devant le deuil, et les rumeurs couraient parmi les nôtres comme quoi ceux qui s'étaient ouverts sur le monde extérieur, amenant le cataclysme qui nous a frappé, avaient le choix de partir. Des considérations bien crues pour la jeune fille que j'étais – je n'avais pas passé le rituel, mon droit au départ était donc inexistant. Si je les suivais, je serais considéré comme la pire des traitresses ce qui arrangeaient bien ce monde. Ils ne cherchaient qu'à se débarrasser de notre famille de toute façon, et j'en étais la dernière représentante.

Pour me changer les idées, j'ai choisi de m'éloigner jusqu'aux frontières des terres de notre clan – ici, personne ne me dérangerait et je pourrais m'adonner à la rage qui habitait mon corps devant les choix qu'il m'était obligatoire de faire. Rochers, arbres, animaux – tous y passeraient s'il le fallait. Au loin, l'ombre des événements qui envahissaient Kirigakure no Sato semblaient m'observer par l'épais brouillard qui entourait l'endroit. Tant mieux, que les erreurs de ce village voient la rage qu'elles ont provoquée chez moi ! Sans réfléchir, j'envoyais mon poing de toutes mes forces vers l'épaisse branche qui dépassait d'un arbre, la brisant en mille morceaux par la même occasion. Les échardes plantées ça et là sur mon bras activaient déjà la rage des Suzurane – le sceau à ma ceinture s'étendait légèrement le long de mon corps. Plus de rage encore - plus de colère à évacuer encore. Le tumulte de mes pensées rendait impossible la moindre concentration, m'obligeant à continuer ma marche – la douleur n'avait aucune utilité si elle n'avait pas le prix qu'il lui fallait pour un Suzurane.

Ce n'est qu'au bout de quelques centaines de mètres que mon regard croisait le corps d'un homme, visiblement perdu dans ses pensées. Entre ses mains, le bandeau du même village auquel je croyais – à sa façon de le regarder je ne pouvais qu'imaginer que les mêmes pensées occupaient nos deux esprits. A moins qu'il ne soit qu'un bandit de plus, venu voler nos terres sauvages. De toute façon, j'allais bientôt le savoir – à force de l'observer il remarqua ma présence, son regard croisant le miens. Alors que je sortais et affichais mon propre bandeau Kirijin en espérant qu'il me comprenne, mes mots étaient portés par mon accent.

"Qui es-tu ? Un bandit de plus venu piller ces terres… Ou un autre ninja qui a perdu la foi en nos régents ?"

Comme il l’avait espéré, ce fut la jeune fille qui fit le premier mouvement et qui exprima des premières paroles ornées de questions et de méfiance. Qui était-il ? Il ne voyait pas franchement l’intérêt qu’avait cette interrogation dans cette situation, il n’était rien de plus qu’un homme coincé sur une île enneigé et qui espérait que l’heure de son retour approche le plus vite possible. Seulement, la comparaison avec un bandit fut bien peu flatteuse. Vu son habillage, il ne pensait pas qu’un jour il pourrait être confondu, ou même assimilé, à cette bande de crétins dont la puissance est semblable à des gamins pour tout ninja. De toute façon, il n’avait rien à perdre à dévoilé une partie de son identité. Pour le moment, l’adolescente ne représentait pas franchement un danger et il pensait, peut-être à tort, qu’il était plus puissant qu’elle…

Puis, un nouvel élément vint pousser Kurasa à accepter d’entamer la conversation avec cette inconnue, alors que celle-ci dévoilait au ninja masqué qu’elle détenait également un bandeau du Village de la Brume. Si elle était un ninja de Kiri, que faisait-elle là aussi loin de son pays ? D’ailleurs, elle ne semblait pas être en mission et cette rencontre avait tout d’un hasard. Se pourrait-il qu’elle ait aussi fait le choix de quitter ce village qui échoua à tenir toutes ses promesses ? En tous les cas, c’est ce que laissait penser la fin de sa phrase lorsqu’elle exprima la perte de foi en les dirigeants de Kiri. À moins qu’elle ait déjà fait la rencontre de déserteur et qu’elle en soit une chasseuse. Quelque chose les liait d’une manière ou d’une d’autre et le ninja masqué ne pouvait pas esquiver la discussion maintenant que sa curiosité avait pris le dessus. Cependant, ce n’est pas pour autant qu’il baissa sa garde, son regard rouge était toujours fixé sur la kunoichi, tandis qu’il rangeait son bandeau dans une de ses poches arrière…

« Kiri aurait de quoi s’inquiéter si ses ninjas se font battre par de simples brigands… Enfin, cela fait bien longtemps que j’ai quitté le village, je ne sais plus comment ils forment leur armée. »

Alors qu’il exprimait ces paroles, le Nukenin marchait doucement en direction de la mer et regardait au loin. L’horizon était à peine distinguable, alors le pays qui l’avait vu naître était invisible à sa vue tant le brouillard qui l’entourait était épais. Le vent soufflait inlassablement dans ce coin de l’île enneigé et cela aurait pu rendre cette scène nostalgique, seulement le regard du ninja masqué semblait envoyer un sentiment complètement différent. C’était de l’agacement, de la haine, il se sentait stupide d’avoir cru une seule seconde au rêve de paix de ses parents, il savait maintenant que cela ne se produirait jamais. L’Histoire n’était qu’un cycle infernal où régnaient en maître les batailles, la haine, les morts, en résumé… La Violence.

Mais il y avait plus important, cette jeune kunoichi. C’était au tour de Kurasa d’en savoir plus sur son interlocutrice. Il avait plusieurs questions à lui poser, portant sur plusieurs informations dont il aurait besoin pour savoir s’il devait penser à l’éliminer ou si cette peine n’allait pas être exécutée. Son regard se posa donc sur l’étrangère et avec la voix neutre dont il avait l’habitude d’utiliser, il prit la parole afin de tenter d’en découvrir plus sur le mystérieux personnage qui se tenait non loin de lui. Doucement, et par simple mesure de précaution, le déserteur posa sa main droite sur son katana, il ne savait toujours pas à quoi s’attendre…

« Et toi ? Es-tu une kunoichi de Kiri ? Si oui, ta présence en ces terres ne peut pas être due au hasard… »

Un léger sourire s'esquissa sur mon visage à la première réponse de l'inconnu. Si seulement il connaissait la justesse de ses propos. Néanmoins, il avait aussi précisé ne pas avoir été au village depuis un moment… Ignorait-il tout de ce qu'il s'y passait actuellement ? L'occasion de demander se présenterait certainement à moi – j'étais bien plus préoccupée à suivre ses geste avec mes yeux. L'horizon. Il fixait l'horizon, comme s'il était intimement convaincu que c'était ce qu'il fallait faire – de mon côté, je croyais plus que l'horizon, ainsi que ce pays qu'il cachait, était celui qui observait l'intégralité de la scène. Ce n'est que lorsque son regard croisa le miens que je revenais du monde de mes pensées, et mon pied recula instinctivement pour préparer la position de combat Suzurane lorsque je vis sa main se poser sur son katana – seul son inactivité ultérieure me poussa à ne pas terminer la position. Ainsi, il m'indiquait être prêt à se défendre si le besoin s'en faisait ressentir, mais choisissait la discussion par la même occasion. Qu'à cela ne vaille – mon regard croisa le sien.

"Tu te trouves à la frontière des terres Suzurane. T'aventurer plus dans cette direction signera ta mort. Quant à moi… Je ne suis que l'une d'eux qui a profité de l'alliance avec Kiri pour devenir ninja."

Suivant les mouvements qu'il avait exécutés auparavant, je rangeais également mon bandeau. Il ne m'était d'aucune utilité, risquant tout au plus de me gêner si la situation évoluait vers le côté barbare traditionnel auquel je croyais. Le long de mon corps, je sentais déjà mon tatouage-sceau se rétracter, redevenant la ceinture d'encre et de chakra à ma taille. La rage qui habitait mes yeux, les pensées tellement obsessives sur la recherche de ce qu'il fallait faire – en l'espace de quelques instants, tout semblait devenir bien distant. La témérité dont faisait preuve l'inconnu, choisissant de demeurer si près des terres sauvages… Etait-il si puissant que ça, ou cherchait-il quelque chose en particulier ?

"Je pourrais très bien te retourner la question - néanmoins j'ai vu ta façon de tenir ce bandeau… Aurais-tu, toi aussi, admis qu'il ne restait plus rien pour toi dans ce village ?"

Les réponses qu'il pouvait apporter n'avait d'importance que pour moi – j'étais la seule à l'avoir vu et j'ai pris la décision de ne pas l'attaquer, les autres seront certainement moins tolérants s'ils apprennent sa présence. Pourtant, je n'avais aucunement l'intention de les avertir…

À son tour, il laissa un petit sourire se dessiner sur son visage, même si celui-ci restait invisible grâce à son habillage qui lui donnait le droit qu’on le surnomme le ninja masqué. Malgré la différence d’âge, la kunoichi faisait preuve d’une grande confiance en soi et elle n’hésitait pas à dire les choses sans utiliser de langue de bois. Elle aurait certainement évitée ce comportement si elle doutait de ses capacités face à ceux du Nukenin car, les mots qu’elle avait employée pour sa première réponse n’était sûrement pas là pour flatter l’ego de Kurasa. Selon elle, il signerait son arrêt de mort à s’aventurer un peu plus dans des terres qui lui sont inconnues et qui appartiennent à un clan dont il ne connaissait rien, mais dont la jeune fille clamait en faire partie. Les Suzurane ? Il n’en avait jamais entendu parler. Malheureusement, ce n’était pas le vécu du natif de Mizu et son court passage en tant que ninja de la Brume qui allait lui donner cette opportunité. Peut-être pourrait-il profiter de cette rencontre pour en savoir plus…

Alors que leurs regards s’étaient croisés, l’ancien ninja de Kiri vit la Suzurane se mettre en position de combat et dès lors, les premières interrogations commencèrent à fuser dans son esprit. Se pourrait-il que les membres de son clan aient une capacité en rapport avec le Taijutsu, l’art du corps-à-corps ? Peut-être qu’il faisait fausse piste, mais c’était en tous les cas ce que laissait présager la posture de son interlocutrice. Si jamais un combat devait avoir lieu, sa première tactique consisterait donc à se tenir à distance de son adversaire et de profiter de son environnement afin de faire parler toute l’étendue de sa maîtrise du Suiton. Tout en l’écoutant, le regard perçant du ninja masqué cherchait à la jauger, à percer ses aptitudes à jour, seulement son manque d’informations au sujet des nombreux clans existants dans ce monde lui faisait cruellement défaut. Il voulait également savoir qu’est-ce qui avait pu donner à cette kunoichi son regard rempli de détermination. Elle ne semblait pas connaître la peur, le genre de shinobi prêt à donner sa vie pour réaliser son objectif… D’ailleurs quel était-il ? D’abord, son clan, puis ensuite son histoire, voilà que sa curiosité frôlait des sommets. En y réfléchissant un peu, cette rencontre était plus intéressante qu’il n’y parait…

Elle n’avait pas tort, lui aussi pourrait être confondu avec un ninja du village de la Brume vu qu’il détenait encore le bandeau qui lui affilait autrefois. Ce temps-là était terminé, mais il avait encore besoin de cet objet pour se ressasser encore les raisons qui l’avaient poussé à trahir son village. Le plus important, ce fut les paroles qu’elle prononça juste après. Pourquoi avait-elle dit « toi aussi » lorsqu’elle exprima l’idée qu’il ne pourrait plus rien à en tirer de Kiri pour Kurasa ? Ce n’était d’ailleurs par la première fois qu’elle utilisait ce genre d’expression. Elle l’avait déjà fait lorsqu’elle lui posa la question sur sa perte de foi en les dirigeants du village. Pour être précis, les mots qu’elle avait employés furent « un autre ninja ». Cela faisait beaucoup d’indices et le Nukenin ne pouvait pas laisser ses informations de côté ! Peut-être qu’il avait trouvé une raison pour ne pas entamer un combat contre une personne qui partageait potentiellement ses idées ! C’est alors, qu’il se tourna pour être face à son interlocutrice et doucement, il retira sa main du pommeau de son katana…

« Le clan Suzurane ? J’aimerais bien que tu me dises un peu plus sur ce clan dont tu te dis appartenir… Mais pour répondre à ta question, c’est exact. Ce que j’étais venu chercher à Kiri, ce en quoi j’avais cru avec beaucoup de prudence… Deux années auront suffi pour tout balayer et me montrer le vrai visage de l’être humain !

Tes mots me laissent penser que tu as aussi décidé de quitter le village de la Brume, n’est-ce pas ? Quel en est la raison ? »

L'inconnu lâcha la prise de son katana, me confirmant qu'il faisait bel et bien le choix de la discussion plutôt que celui du combat. Aurait-il douté de sa puissance ? Je préférais ne pas le savoir. Comment était-il d'ailleurs qu'un inconscient ignorant tout du clan soit arrivé là ? Je ne pouvais lui donner les détails précis de ce que nous étions, ils pourraient trop facilement les utiliser contre nous s'il venait à s'amuser au pillard. Le reste de ses mots me conforta néanmoins dans ma vision de ce dernier. Ses réponses étaient les miennes, en partie du moins – un terrain d'entente était possible. Après tout, s'il le demandait, pourquoi ne pas lui répondre ? Il serait peut-être capable de me donner des réponses à toutes ces questions que j'accumule…

"Nous sommes des sauvages. Des barbares qui ont épousé la douleur et ne vivent que par et pour elle. N'as-tu jamais entendu ne serait-ce que parler de ces fous de Yuki no Kuni, tirant leur force de leurs blessures ?"

Il n'avait pas besoin d'en savoir plus. Les rumeurs sur nos capacités étaient monnaie courante à Mizu no Kuni depuis que nous étions ralliés au village – c'était son problème s'il voulait en découvrir plus en risquant sa peau et j'espérais être là pour assister au spectacle. Voir les membres du clan combattre un ennemi extérieur était rare, vu la faible quantité de gens s'aventurant chez nous, et les combats entre nous, aussi violent soient-ils, n'étaient pas l'apogée de notre art. Nous étions trop prévisibles les un pour les autres, et beaucoup s'évaporait dans la prédictibilité. Inspirant légèrement, je continuais ma réponse.

"Je… Ma situation est compliquée. J'aimais dans ce village la violence pure et dure, ce qu'il était. C'est le "vrai visage" d'un Suzurane et ça me convenait. Néanmoins depuis que la guerre civile y fait rage, les rumeurs courent qu'une paix va être établie... Je n'ai que faire d'un pays qui choisi une chimère qui causera sa perte."

J'omettais volontairement la mort de mes parents dans la balane, ce n'était pas ses affaires. Mon pied est revenu à moi et je calmais ma posture guerrière. S'il ne voulait que parler, nous allions parler. Il n'y avait qu'à espérer qu'aucun autre membre du clan ne s'aventure ici. Ma décision de partir était récente, et les arguments dans l'un ou l'autre des sens me manquaient. Les réponses d'une personne ayant également choisi de quitter le village ne pouvait m'être que bénéfique, non ?

"Comment survis-tu depuis ta fuite ?"

Un clan de sauvages, de barbares et de fous connus à travers tout le Pays de la neige grâce au pouvoir de leur clan. Voilà la description faite par cette jeune fille du clan Suzurane, dont la réputation serait due à leurs capacités de tirer leur puissance de leurs blessures. Difficile de croire que la kunoichi fasse partie d’une famille aussi redoutable que laissait penser le portrait qu’elle venait de tirer, tant son physique paraissait frêle aux yeux du ninja masqué. Mais peut-être était-ce là un des pièges dont pouvait se servir ce groupe d’individus, cachant leur réel potentiel derrière des profils tous aussi différents les uns que les autres. Si l’adolescente disait vrai, alors elle devait cacher en elle un véritable monstre lorsqu’elle recevrait suffisamment de dégâts pour libérer sa puissance ! Qu’est-ce que cela pouvait être si l’utilisateur de ce pouvoir était un adepte des méthodes sanguinaires, ou encore doté d’un physique avec plus de force que la moyenne ? Les nombreuses perspectives de cette hérédité la rendaient très intéressante et redoutable…

Se basant toujours sur des suppositions et en analysant les méthodes que pouvaient employer les shinobis selon leurs divers arts, les Suzurane devaient être des manipulateurs du Fuuinjutsu. Seulement, même avec son sens de la déduction, Kurasa ne comprenait pas comment cette technique pouvait marcher, influer sur leur métabolisme ou sur leur chakra. De toute façon, il n’avait pas le temps d’y penser que déjà, il devait se re-concentrer afin d’écouter la suite de la réponse à ses questions. Et que fut sa délicieuse surprise lorsqu’il entendit la raison qui poussa cette étrangère à quitter le village de la Brume ! Tellement surprenante que le déserteur baissa légèrement la tête pour ne pas qu’elle puisse complètement apercevoir le sourire diabolique qu’il affichait.
Elle disait y être entré par appréciation de la violence qui se dégageait de Kiri, une aura et des méthodes qui seyaient parfaitement à ce qu’elle appelait le « vrai visage » de son clan. Puis, la voilà critiquant la paix qui se profilait après la guerre civile qui faisait, en ce moment, rage à Mizu, un affrontement interne dont le Nukenin ne savait rien…

« Je vois. Nos visions du monde et notre manière de vivre se ressemblent… Il y a rien de plus illusoires que de croire en la paix, un mensonge que ce système aime bien propager pour justifier leurs actes. »

Quoi qu’il en soit, les deux ninjas se ressemblaient, ils cherchaient la même chose, vivre avec la violence dans un monde qui en est dominé ! Leurs parcours n’étaient pas les mêmes, les raisons de leurs désertions non plus, mais aujourd’hui, il poursuivait le même but et avait le même adversaire, cette idée de paix ! Le moment venu, il n’hésiterait pas à lui dire qu’ils pourraient peut-être poursuivre un même combat, que ce soit lors de cette conversation ou une fois que Kurasa estimera que le jour de son retour sera arrivée. Pour l’instant, il se devait de répondre à l’interrogation que lui avait soumise son interlocutrice. Quelles étaient les méthodes qu’il avait appliquées depuis qu’il avait quitté son village ? Si elle voulait savoir cela, c’est qu’elle comptait bien mener le même genre de vie que lui…

« Des contrats d’assassinats donnés par un groupuscule, tuer les bandits qui rôdent dans les parages, tirer profit de ce que la nature nous offre… Je me sers de ce que je sais faire de mieux… Je tue. Et tu devras en faire de même pour survivre dans ce monde, mais ton idéologie me laisse penser que tu es déjà prête pour cela. Que comptes-tu faire maintenant ? »

Avait-il esquissé un sourire ? Je n'en étais pas certaine – cependant l'entendre répondre que nos visions se ressemblaient était quelque peu rassurant. Je ne faisais pas parti de la majorité dans le clan avec mon opinion, et mon statut "d'enfant" ne me permettait pas de faire entendre mes raisons autant que je le voudrais. Bien sûr, amener un total inconnu en pleines terres sauvages afin qu'il explique en quoi j'avais raison était la chose la plus stupide que je pouvais faire et c'était bien dommage… La paix était un mensonge illusoire – oui, c'était les mots que je n'arrivais pas à mettre sur mes raisons. La paix ne pouvait exister que si la menace de guerre persistait, c'était un état provisoire que les gens ne devraient utiliser que dans le but de devenir plus fort et écraser les ennemis lors de la guerre suivante. Cependant… Je savais que ce ne serait pas le cas à Kiri. Nous étions nous-mêmes nos ennemis et il était certain que la paix ne nous laisserait pas faire.

"Tuer ?"

Un sourire pervers traversa mon visage devant l'idée de ne faire que ça – cependant il se rétracta bien vite. Nous avions été libre de le faire à Kiri et je ne savais que trop bien que le reste du monde le voyait d'un mauvais œil. Courir et faire la criminelle à tous les coins de rue en massacrant les civils était certainement la meilleure façon de se faire tuer - ce qui était contraire à ma détermination à revenir sur ses terres un jour.

"Je ne tuerai que lorsque cela sera nécessaire. J'ai beau partir – un jour je reviendrai sur ses terres afin de les faire miennes. Je ne peux me permettre de mourir avant d'avoir fait ouvrir les yeux de mon clan."

Comment faire-donc pour avoir de quoi vivre ? Il avait bien parlé de faire ce qu'on savait faire pour le mieux, et mes compétences étaient fortement limitées au combat ainsi qu'aux sceaux. A la limite, mes capacités en sceaux pourraient me servir à dessiner – nos sceaux claniques étant proches d'un art abstrait… Non, cela ne serait pas suffisant.

"Tu parles de contrats donnés par un groupuscule. J'imagine qu'il ne doit pas être le seul à avoir besoin de services d'un déserteur – c'est ce que je serais à la fin. Et si des gens sont prêts à payer en échange de services, ils seront prêts à payer pour des informations également – pour avoir été ninja je connais le prix de ces dernières."

Je m'arrêtais un instant pour me tourner vers l'horizon une nouvelle fois. Etait-ce donc ça que de prendre des décisions qui changeraient entièrement la vie ? Inspirant profondément, je me tournais vers l'inconnu pour lui répondre.

"Je ne serais qu'une prostituée de ce monde. Personne ne reprochera la violence à une pute. Les informations, les objets, les têtes – j'apporterai aux gens ce qui les intéresse en échange de choses qui auront un intérêt pour moi. Et dans chacun de ses voyages, je ne chercherai qu'à devenir plus puissante, plus influente, plus importante."

C'était peut-être la solution la plus intelligente, après tout. Je n'allais me priver de la puissance potentielle que quelqu'un pouvait m'apporter en tuant cette personne dès le début, non ?

"Que penses-tu de cette idée ?"

Il ne s'en rendait peut-être pas encore compte, mais cet homme venait de rajouter une potentielle pierre d'un poids considérable dans la balance.

Le Nukenin laissait son interlocutrice parler dans un silence religieux. Seuls les bruits de leur environnement tentaient de venir la perturber. Que ce soit ceux émanant de la montagne ou de la forêt qui se tenaient derrière eux, ou encore le bruit des vagues qui venaient lentement frapper la banquise. Ce que lui avait dit Kurasa semblait avoir attiré son attention et lui avoir offert une idée que pouvait prendre son avenir. De toute façon, en tant que déserteur, il y avait peu de manières de survivre dans ce monde de fou ! Seulement, la jeune kunoichi semblait avoir un problème avec le fait de s’arrêter au fait que tuer était ce que les ninjas savaient faire de mieux !
Elle, elle ne voulait tuer que lorsque cela serait nécessaire, qu’elle était sa manière de jauger une situation qui la pousserait à commettre ou non un meurtre ? Si c’était pour gagner de l’argent, pour entretenir un niveau digne d’un shinobi, ou pour acheter le silence de quelqu’un, l’ancien ninja de Kiri serait prêt à tuer tous les jours. Même si ces cibles s’avèrent être des civils ! Il n’avait rien contre eux, il ne faisait pas du tout partie de ses ennemis tant ils avaient peu d’importance dans ce système, mais le Nukenin devait d’abord penser à sa petite personne s’il voulait rester en vie… Même si c’était au prix de mille autres !

« Ne te méprends pas sur mes intentions, je tue également lorsque j’estime cela nécessaire. Seulement, la vie que tu t’apprêtes à mener, la mienne, te laissera souvent penser que tuer est un acte indispensable à ta survie… L’argent, la nourriture, les armes, de nouveaux vêtements, toutes ces choses s’obtiendront d’une unique manière pour les gens de notre sorte. Ce sera grâce au sang que tu feras couler, grâce à la violence que ta nature appelle. C’est ton essence… Mais, au moins toi, tu t’en es rendu compte… »

La jeune Suzurane avait dit autre chose d’intéressant, des paroles qui ressemblaient à un objectif qu’elle s’était fixée. Son but n’était d’ailleurs pas le plus facile à réaliser puisqu’elle voulait faire du Pays de la Neige ses terres et ouvrir les yeux de son clan. Que voulait-elle dire par là ? Se pourrait-il que sa vision du monde soit rejetée par les siens ? Cela paraîtrait bien étrange pour un groupe de personnes qu’elle avait défini comme sauvage, barbare et tirant leur puissance de leurs blessures. Mais peut-être que même au sein de son clan, malgré leur nature, certains s’entêtaient encore à croire que leur raison de se battre doit être la création d’une paix durable…
Ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils se rendent compte de la bêtise dans laquelle ils étaient bercés à cause de ce système. Que ce soit grâce à Kurasa, ou grâce à la kunoichi en face de lui, leur rêve se détruira et alors ils se rendront compte de la vraie nature des êtres humains. Tous ces mensonges ne servaient que la cause de ceux qui sont tout en haut de la pyramide, les Daimyos.

Malgré les nombreux Kages qui se succèdent, les guerres qui s’enchaînent et le nombre de morts que ça engendre, ces prétentieux personnages profitent toujours de leur place et de leurs privilèges ! Loin de l’esprit de Kurasa de condamner ce comportement, ce genre de péchés faisait pleinement partie de l’Homme et c’était justement ce qu’il n’aimait pas qu’on tente d’aveugler. Non, leur seule erreur est d’être ceux qui maintiennent ce système mensonger, en somme, c’était eux qui dirigeaient tout dans l’ombre. Si le ninja aux yeux rouge voulait voir le système s’écrouler, ces Seigneurs représenteraient forcément un problème. C’est pour cela que, en même temps que les villages cachés, ils mordront aussi la poussière un jour !
Enfin, tout cela arrivera en temps et en heure, pour l’instant, il devait encore répondre à cette jeune fille. Qu’est-ce qu’il en pensait ? Il n’en savait fichtre rien, après tout ce n’était pas sa vie, pas ses problèmes. Cependant, si cette kunoichi parvenait à survivre jusqu’au retour du ninja masqué, elle pourrait probablement devenir une alliée à l’avenir…

« Tu seras la seule à décider de ton avenir. Ne perds pas de vue ton objectif, n’abandonne pas ton idéologie. Tu survivras, deviendras plus forte et arriveras à tes fins qu’en t’imprégnant pleinement de cette violence que tu aimes… »

J'écoutais dans le même silence religieux que le sien les propos de l'individu, me focalisant pleinement sur ce qu'il entendait par ses mots. Tuer, un acte indispensable ? Je n'en pensais pas moins. S'il fallait faire taire quelqu'un ou me protéger, je le ferais. Pour tout le reste, je ne pouvais que m'obliger à penser qu'il existait d'autres solutions. Tuer n'était que la facilite, et se nourrir d'argent obtenu sur des dépouilles d'innocent ne me plaisait pas. C'était tous des clients potentiels pour le reste de mes services et ce serait très mauvais pour une marchande itinérante que d'être connue pour fracasser des têtes, non ? C'était la violence qui coulait dans mes veines, pas le meurtre – des années de combats auprès du clan qui avait décidé de diminuer les meurtres accidentels liés à nos combats m'avaient appris une chose : celle de savoir s'arrêter de frapper quand l'autre était à la frontière de la mort. Il était impensable de faire autrement de toute façon, quand même un mariage tournait en combat acharné entre les époux afin de savoir qui serait la tête de la famille.

S'imprégner de la violence. C'était des mots que je n'avais pas entendu depuis… Au moins une semaine. C'était l'essence même de notre clan et un mantra qu'on se répétait bien souvent. De toute façon, cette bande d'imbéciles n'était pas capable de faire beaucoup plus que de s'imprégner de la douleur – on n'avait pas vraiment le profil pour vivre rempli d'amour et il n'y avait que ces deux choses là en abondance là d'où on venait. Néanmoins, je ne pouvais m'empêcher d'adresser un léger sourire à l'inconnu – ses quelques paroles ne faisaient que me conforter dans les décisions que j'avais déjà prises. S'il me restait une chose tout au plus à voir avec lui, c'était son identité. Il avait bien eu raison de dire que nous pensions presque de la même façon, entre ses lignes je retrouvais exactement les mêmes idées que les miennes. Peut-être, si nous étions amenés à nous revoir dans le futur, nous pourrions nous allier pour quelques missions ? C'était certainement un contact à prendre.

"Tu avais bien raison, on pense presque de la même façon. Je partirai d'ici dans quelques mois, le temps de finir mes préparatifs. J'ignore ce que me réserver ma route, tout comme celle que tu vas suivre – j'espère juste qu'elles se croiseront dans le futur."

Savoir qu'il existait de potentiels amis était rassurant – il ne devait pas être le seul. Je resterai fidèle à mon objectif comme il me l'a dit, de toute façon je n'étais vraiment pas le genre de garce à changer d'avis tous les deux-trois jours. Une fois une chose dite, je m'y tenais - je n'avais pas besoin de vouloir me le prouver, je le savais déjà. Sans lui laisser le temps de répondre, je continuais.

"Je m'appelle Anita. Quel est ton nom afin que je sache qui chercher ?"

J'avais fait l'effort de me présenter en premier – il avait intérêt à faire de même. L'apparence changeait : les cheveux devenaient gris et tombaient, la voix devenait rauque, les yeux ternes, la peau fripée ; seule l'identité restait déterminée dans le futur car même en en changeant, il était impossible d'effacer ce qu'on a été. Une conclusion bien amère qui m'amenait une fois de plus à ce que je pouvais bien faire du clan, néanmoins ce n'était pas ses affaires.

Cette rencontre aux bords du Pays de la Neige avait beau être le fruit du hasard, les deux personnages s’étaient bien trouvés. Aux premiers abords, rien ne les liait, ni leur âge, ni leurs capacités, ni leurs familles respectives, ni même un village auquel ils avaient pourtant appartenu. Cependant, ils avaient quelque chose de similaire, un élément capable de nouer des alliances quand bien même ils n’avaient rien d’autre en commun ! L’idéologie qu’il s’était construite !
Leur passé avait été différent, les raisons de leur descente dans les ténèbres de ce monde aussi, et pourtant, ils étaient parvenus à la même conclusion et à la même manière de vivre. La violence était devenue leur maître-mot et de fait, Kurasa pouvait déjà imaginer faire de la Suzurane une alliée si jamais le destin faisait en sorte que leurs routes se croisent à nouveau. Et comme pour donner un peu plus de poids à cette rencontre inopportune, son interlocutrice semblait penser de même !

« Tenbatsu Kurasa. »

Tout ce qu’il pouvait se dire était « vivement », vivement que le jour de son retour arrive, mais quand cela pourra-t-il se produire ? Quel serait le déclencheur ? L’époque n’était pas encore bonne, il ne sentait pas que le fruit de sa réapparition était assez mûr pour quitter sa banquise. Alors leurs retrouvailles ne pourront se faire que dans quelques mois, voir quelques années, et la condition à remplir étaient de survivre dans ce système shinobi par tous les moyens ! Pour cela, ils devaient se méfier de nombreuses choses, aucune erreur ne leur était permise !
Ils devront, par exemple, faire attention aux lieux où ils se rendront. Pour des déserteurs du Village de la Brume tels qu’eux, le Pays de l’Eau était devenu une terre interdite ! Puis ils devront se tenir au courant des agissements de Kiri, pour ne pas tomber sur un pays dans lequel le village aurait décidé de mener une action ou une guerre. Ils pourraient avoir la mésaventure de tomber sur une personne qui les aurait déjà croisés du temps où il portait le bandeau de Kiri. Cela engendrerait bien trop de problèmes, ils seraient automatiquement mis dans le Bingo Book du village, leur tête sera mise à prix, puis ils devront faire attention aux chasseurs de primes autour d’eux. Dormir deviendrait une chose bien compliquée à faire !
Cependant, si la guerre civile, dont Anita lui avait fait part était vraie, peut-être que leur ancien village ne représentera plus un problème bientôt. Bref, Kurasa reprit la parole…

« Je sens en toi un grand potentiel, ta violence, couplée au pouvoir de ton clan, te permettra de rester en vie. Lorsque nous nous retrouverons, j’espère que tu me montreras ce pouvoir que vous tirez de votre douleur... »

Ces mots, il venait de les exprimer en fixant la kunoichi droit dans les yeux. Mais il sentait bien que la rencontre touchait à sa fin et le ninja masqué se retourna doucement, entamant une marche en direction de la grotte qu’il habitait depuis quelque temps. Pour une fois, il n’avait pas l’impression d’avoir perdu son temps en acceptant de participer à cette conversation. Il n’avait pas eut l’occasion de voir le pouvoir des Suzurane à l’œuvre, néanmoins, il était persuadé que ce jour arrivera. Pour l’heure, il avait encore une dernière chose à dire à la jeune fille. Son visage se retourna et ses yeux d’une couleur sanglante se posèrent une nouvelle fois sur elle…

« Prépare-toi. Le chaos frappera ce monde bientôt… »

Tenbatsu Kurasa, je savais qu'il me fallait retenir ce nom. Il n'a même pas eu une once d'hésitation avant de me révéler son identité – pour moi, ce n'était qu'une preuve de plus que nous étions semblables. La confiance qu'il semblait accorder à mon potentiel n'était qu'un point supplémentaire qui pouvait me faire apprécier l'homme en face de moi. Ses paroles étaient la promesse que nous nous retrouverons dans un futur plus ou moins lointain, et je comptais bien lui montrer ce que je savais faire lorsque ce moment arriverait. Son ignorance lui a certainement sauvé la vie pour le moment, vu qu'il ne s'est pas aventuré plus loin dans les terres sauvages. Tant qu'il resterait ici, de toute façon, il n'avait pas de grands risques – depuis la mort de mes parents à cause d'une attaque de pillards, la fréquence des rondes avait augmenté. Plus personne de sain et conscient n'osait s'aventurer ici, car c'était l'un des chemins les plus rapides vers la mort.

Alors que je le regardais partir, il se tourna une dernière fois pour m'annoncer que le chaos frapperait. Tant mieux, je n'attendais que ça – le sourire explicite et vicieux que j'affichais en réponse suffisait largement pour l'en convaincre. S'il y avait bien une chose que cette discussion avait apporté, c'était de la lumière sur la vie que je m'apprêtais à mener. La crainte restait – ce n'était que naturel – néanmoins l'adrénaline la remplaçait progressivement. Toute cette colère rageuse que j'avais en moi s'évaporait progressivement alors que mes pas me guidaient vers les terres du clan. Je ne comptais pas partager ces informations avec les autres mais bien en tirer profit moi-même. Ma motivation de revenir n'était que plus forte maintenant que j'avais la certitude que je pouvais trouver ce que je cherchais.

L'hiver. Je me donnais jusqu'à la fin de l'année pour partir – c'était encore le plus raisonnable pour pouvoir préparer les quelques affaires qu'il me fallait et trouver un peu d'argent. J'ignorais beaucoup du monde extérieur, mais j'apprendrais. Mes capacités en sceaux et dessins pourraient me servir à tracer des cartes afin de ne pas les acheter. Les idées se bousculaient avec une violence inouïe dans ma tête, proche de celle que je connaissais lorsqu'il fallait que je combatte. Peu importe les surprises de l'avenir, j'y ferai face et je retrouverai cet homme lorsque le temps sera venu. J'en étais convaincue.

HRP: