Manque de chance, l’homme que je cherchais à Doketsu n’y était pas. Ce voyageur qui est probablement la source de la rumeur de l’existence des survivants d’Osai à quelque part dans une grotte est devenu ma priorité numéro un, laissant de côté mon objectif de rejoindre le contré du Vent. En cours de route, cependant, j’ai fait de nouvelles rencontres soit une sorte de Rônin nommé Shio et un autre homme qui se nomme Hiriko.

Suivant donc les indications des Doketsuois, je me rends à Chikagai qui est le premier arrêt de la route marchande de ce commerçant nomade. La température particulièrement chaude et humide de la région s’empare de moi et c’est torse nu que j’arrive alors que le soleil est à son zénith. Heureux de découvrir que je ne passe pas pour un sauvage en ne portant pas de chandail, je laisse ma vieille bourrique avec mes carquois remplis de Sabres à l’étable, près de la grande entrée, et je pénètre dans l’enceinte du village.

Après avoir rapidement questionné les gardes et les commis à tous les endroits où il est possible de laisser une monture et un chariot, je demande à quelques passants quels serait l’endroit clé ou le plus populaire où résider temporairement. Une fois satisfait des réponses, je passe rapidement par le quartier commercial, t-shirt en main et cheveux malhabilement tressé pour éviter le gros de la sueur. C'est réellement rare que je laisse mes tatouages au grand air comme ça.

Je passe par chaque échoppe demandais s’ils connaissent la personne que je recherche et, par le fait même, achetant quelques babioles ici et là comme une orange, un collier, deux minéraux que je ne connaissais pas, une bouteille d’alcool locale et quatre bouquins. Voyant que l’astre diurne s’est légèrement déplacé, je retourne déposer mes achats dans mes étuis sur Boke à l’étable tout en dévorant mon fruit et, ensuite, je me dirige directement vers l’établissement mentionné par les Chikagaiens.

Je suis surpris par l’état luxuriant des lieux!

Les murs ont une couche dorée, les tables nappées d’un drap vert aux allures soyeuses sont en un bois d’un brun riche et vernis et ornées de chandeliers, partout il y a des œuvres d’art comme des sculptures et des toiles et tout le personnel est vêtu d’un chic resplendissant. Étrangement, par une technologie ou une magie quelconque, à l’intérieur de l’édifice, l’air est frais et doux.

Je reste sur place pendant un moment avant qu’un des employés s’en viennent m’interroger sur ma présence. Je lui souris et je couvre en vitesse mon buste. L’homme prend une seconde pour rire et m’explique que le code vestimentaire ne s’applique pas aux clients. Je hoche de la tête avant de finalement répondre à sa question.

« Je suis à la recherche d’un commerçant qui voyage de Doketsu jusqu’à Kumo. On m’a dit qu’il passait toujours par cette cité avant de continuer son voyage. J’espère l’y rejoindre. »

Le préposé prend quelques secondes à réfléchir et réalise qu’il sait de qui je parle.

« Monsieur Jioni! Oui, je vois très bien! Il est passé, mais je crois qu’il est retourné à Doketsu. Vous avez dû prendre des routes différentes. »

Je prends une seconde de réflexion.

« Bon, tant pis! Combien pour une chambre? Je vais l’attendre ici puisqu’il passera nécessairement vu que Tshuchiyu est réellement loin pour une seule journée de voyagement! »

Suivant le préposé jusqu’au réceptionniste, je réserve donc une salle au troisième étage avec repas compris. La somme est plutôt modique vu mes moyens. Par la suite, je décide de me rendre an centre-ville en passant une nouvelle fois par l’étable pour y prendre un livre. Je compte bien me trouver un beau coin pour lire cette nouvelle œuvre.

La journée est particulièrement invitante; une journée parfaite pour la lecture! Je sais que j’aurai, d’ici demain, à retomber en mode recherche pour trouver cet homme, ce marchand, qui est la source de la rumeur sur les Samurais se cachant dans les grottes. Souriant, livre sous le bras, je sors de l’édifice et me dirige directement vers le centre-ville. Deux pas plus tard, je sens une présence près de moi. Une voix étrangement familière m’interpelle. Sourcil relevé, je me tourne avant de voir cette femme médecin de l’île qui avait, à l’époque, le feu dans les yeux et la bonté dans l’âme.

« Nozomi! »

La jeune femme me fait un radieux sourire alors que je lui rends l’expression. Je fais deux pas en sa direction, conservant une petite distance entre nous deux, et je lui tends la main, lui laissant ainsi le choix de la serrer ou non. Chaleureuse, elle signifie qu’elle est heureuse de me voir encore vivant et s’enquiert de la manière avec laquelle j’ai réussi à quitter l’île.

« Ah, ça! C’est une longue discussion! »

Je reprends une position neutre et jette un regard au ciel. Ce serait une infamie que de manquer de profiter du beau temps, aujourd’hui. Ainsi, ramassant un cure-dent dans ma poche et l’apportant à mes lèvres, mon attention revient à la charmante voyageuse.

« Que diriez-vous d’en discuter autour d’un verre à une table d’un resto? J’invite! »

Souriant, une nouvelle fois, je fais un clin d’œil à Nozomi, l’allié de cet homme qui m’a pratiquement lancé à ma mort.

« Ce n’est pas loin, j’ai vu un endroit qui me semblait intéressant plus tôt aujourd’hui. »

Je me mets en marche sachant exactement où je désire me rendre. Alors que je marchais directement vers la petite terrasse que j’avais vu plus tôt alors que je me rendais vers les commerces. En à peine cinq minutes, nous étions rendus à l’emplacement mentionné, assis avec un serveur à nos côtés.

« Je prendrais simplement une bouteille de cidre, s’il-vous-plaît. »

Je laisse évidemment un moment à mon invitée pour demander ce qu’elle désire. Une fois l’employé parti, je lève mes manches, montrant ainsi mes tatouages d’araignée et de vipère, et me penche sur la table appuyant mes avant-bras et rejoignant mes mains sous mon nez.

« Alors… »

Je plonge mes yeux dans les siens.

« L’île et ma survie? Disons qu’après que cet homme, Konjo, m’ait poussé, ce fut compliqué. »

Je laisse un gloussement timide traverser mes lèvres.

« Donc, après que cette chose ait joué le rôle de mon père, j’ai perdu conscience. Je me suis réveillé que beaucoup plus tard, déshydraté, affamé, perdu dans une forêt et mon esprit chamboulé par les événements. »

Je passe une main dans mes cheveux, déplaçant le tout hors de ma vue. Malgré l’intensité de mon histoire, je conserve mon sourire.

« Après pas mal de temps de recherches, j’ai trouvé un groupe de l’Alliance des Pays Neutres. Cet homme, ce Yanosa, et son groupe, ils m’ont sauvé. Arekushi, un vieux rival, était là aussi. Un être est apparu par la suite, un être supposément mort, Nnoitra. Ensuite, j’ai combattu cet homme et, finalement, nous nous sommes tous battu contre lui alors que l’île vacillait. C’est grâce à ce groupe que j’ai pu fuir par la suite. »

Je laisse une de mes mains retomber sur la table et la paume de l’autre devient mon nouvel appui.

« Dites-moi, comme ça s’est passé pour vous? »

Alors, Nozomi avait, elle aussi, vécu des moments lourds et difficiles. Évidemment, je ne vois pas pourquoi j’avais cru quoi que ce soit d’autre. Qui compte ayant mis les pieds sur les terres rouges et désolées de l’Île Damnée a nécessairement perdu gros. Cette île, c’était l’enfer, c’était un sombre passage.

Écoutant la jeune dame en me servant une coupe et en dégustant en vitesse deux gorgées successives rapides de ce doux nectar, je me demande ce qui se serait passé si jamais elle avait répondu différemment à la question dont elle me parle. Que ce serait-il passé? Son père aurait-il était avec elle, aujourd’hui? Serais-je mort? À cette idée, je savoure une autre gorgée.

Mes sourcils se froncent, l’espace d’un moment, quand l’autre survivante de l’île me parle d’Azumi et de mon rival.
*Elle est donc en vie! Son nom est Setsuna!*

Elle m’explique qu’ensemble ils ont combattu un Furyou et qu’elle a même été jusqu’à affronter Monwa seule. Shoka, Monwa, le Raikage, les autres membres du Shûkai. Au final, toute cette aventure n’a apporté que cicatrices et blessures profondes.

Je lève les yeux vers le ciel et, voyant Chokushi, je sifflote sa chanson. Il descend me rejoindre, atterrissant sur mon épaule, jouant dans mes cheveux comme il aime le faire. Il pousse un hululement particulièrement strident en voyant l’autre animal sur la table et n’y prête aussitôt plus attention lorsque je caresse le Hibou du Désert.

Elle force un sourire. Elle semble si brisée. Je lui renvoie automatiquement la même expression en tentant de montrer la plus grande compassion possible. Mon Hibou change d’épaule, marchant derrière ma nuque, observant agressivement la bête de Nozomi, poussant des petits bruits insistants.

« Vous en avez subi. Cette île, c’était un fléau, » dis-je en avalant une quatrième gorgée comme si mon breuvage était de l’eau fraîche. « Est-ce que vous vous en êtes sorti indemne ou vous souffrez encore? Que devenez-vous, maintenant? »

Je retire le bout de bois de ma bouche et je le fais tournoyer entre mes doigts, le faisant valser sans but ni raison. Mon cure-dent danse rapidement alors qu’avec mon autre main, je prends une nouvelle gorgée de cidre.

Mon regard change, stoppant sec la motion de gorgée que j’avais entamée. Mon regard surpris je quitte la jeune médecin des yeux. Je l’écoute compléter ses explications, parler de son groupe d’amis, la bouche à moitié ouverte, simplement bouche-bée par la situation. Une fois qu’elle me relance la parole, je glousse doucement, avale d’un trait le restant de mon verre et rigole un bon coup ensuite.

Je me verse une autre consommation sans réellement prendre en considération que la bouteille est largement plus avancée que je ne l’avais prévu tout en gardant le sourire.

« Nous nous ressemblons beaucoup, Nozomi, » commence-je en redéposant le contenant de verre. « De mon côté, j’ai fondé le Clan Zen’Ryou avec deux amis : Kennei et Miyuki. Notre objectif est d’apporter de l’aide aux gens et de protéger les plus faibles. Évidemment, le tout cache un sous-objectif de paix, de créer une ère de stabilité. »

Je dépose mon cure-dent et avance un peu plus vers la charmante survivante de l’île.

« Nous tentons de négocier présentement avec tous les villages Shinobis dans l’espoir de pouvoir un jour avoir leur support. Je ne sais pas si c’est réellement possible de combattre ce système. Je tente de trouver un moyen de vivre avec cette force militaire et d’en obtenir le meilleur! »

Je prends une nouvelle gorgée de ma coupe.

« Mais, évidemment, les négociations se feront avec tous les villages et tous les Daimyos! L’objectif est de pouvoir aider tous les gens, peu importe leur origine. En faisant alliance avec les forces Shinobis, nous espérons arriver à pouvoir négocier et servir de médiateur dans des situations où une guerre pourrait éclater! »

Je m’appuie encore plus sur mes avant-bras, m’avancer d’avantage encore vers la dame.

« Je ne crois pas que ce soit idéaliste ou utopiste, vous savez? Les personnes qui disent que des objectifs le sont, bien, je crois que c’est qu’ils ne désirent pas réellement de changement ou qu’ils ont peur de se blesser, d’avoir tort, de rater ou bien tout simplement de l’effort, » dis-je en lui faisant un clin d’œil complice.

Je reprends place, dégustant une succession rapide de trois gorgées. Je sens mon état s’envenimer, mon esprit doucement s’alourdir, mais je ne suis pas encore ivre et ce n’est certainement pas une seule bouteille qui me saoulera. Non, je ne suis que plus bavard et plus confortable.

« Simple curiosité, à quel groupe appartenez-vous? Vous réussissez à faire une différence? Oh, oui, je sais que nous vivons dans l’ère des secrets, mais je déteste ça. Néanmoins, si vous préférez ne pas en parler, je ne vous en voudrai pas du tout! »

Spoiler:

Je sens l’alcool finalement monter dans mes veines. C’est un confort, une sorte de bénédiction dans laquelle je peux nager, seul et entouré à la fois. Je cache habituellement cette addiction aux membres du Zen’Ryou, je dois être fort pour eux. C’est difficile, mais je peux le faire tant qu’ils sont là. Lorsque je suis seul, je pense au fait que personne n’est là, pour moi, à tenter d’être fort. Et, l’alcool vient m’aider à être cette personne, à être l’homme fort de ma propre vie.

Silencieux, j’écoute Nozomi s’exprimer et m’expliquer que je dois conserver mes objectifs. Elle attrape mon bras, ce qui, par reflexe, m’incite à reculer défensivement. Ses yeux sont si insistants. Et, je sens cette vague étrange. Je me sens comme caressé, de l’intérieur, comme si une main passant sur tous mes membres pour en enlever la poussière et la crasse. Je me sens propre et particulièrement apte malgré mon taux d’alcoolémie.

*Elle l’a soigné!*

Elle retire sa poigne par la suite sous mon regard surpris. Il me faut plusieurs secondes avant de vraiment reprendre contrôle de mes moyens, spécialement mon expression faciale qui démontre la surprise jusqu’à ce que j’affiche un sourire gêné. C’est ce qu’il s’est passé avec Eden encore une fois.

Je baisse le regard.

« C’est facile quand je suis avec quelqu’un, » dis-je. « Ce l’est moins lorsque je suis seul. »

Je glousse.

« Et la voie que j’ai choisi me demande souvent d’être seul. »

Je ri encore, mais plus subtilement. Je reste ainsi, le regard bas, pendant quelques secondes avant de le relever, souriant comme avant.

« Mais, je vais réitérer une promesse que j’ai fait, il y a un moment. Et, cette fois-ci, je ne l’oublierai pas, » dis-je en hochant de la tête avec certitude. « Je ferai plus attention. »

Je m’adosse et lève les bras derrière ma tête. Chokushi s’envole aussitôt laissant derrière lui un hurlement et quelques plumes.

« Merci, » glissais-je, souriant. « C’est grâce à des gens comme vous que je peux mieux avancer, que je peux avancer avec certitude! Si jamais je peux vous rendre la pareil, vous avez ma parole que je ferai tout en mon pouvoir pour le faire! »

Spoiler:

J’écoute Nozomi parler sans lui couper une seule fois la parole. Mon sourire revient lentement et redevient aussi franc qu’il l’est habituellement. Elle a raison, je ne devrais pas noyer mes peines. Je ne devrais pas tenter de boire mes démons, c’est vrai. C’est la deuxième à m’expliquer ça, avec Eden. Je devrais réellement commencer à faire plus attention à moi, je ne suis plus la seule personne qui compte sur moi.

« Je suivrai vos conseils, alors, Nozomi. Sachez que je vous considère comme une amie et que vous êtes la bienvenue de me contacter pour voyager, discuter ou simplement pour prendre des nouvelles! »

Je me lève en même temps qu’elle.

« Ce fut un plaisir, une belle surprise, de vous voir ici aujourd’hui! J’espère que tout ira bien pour vous et que nous nous reverrons bientôt! »

J’observe la dame s’en aller avant de moi-même me diriger à l’intérieur pour payer mon dû. Après quelques minutes, je me rends déjà compte que je repense à elle. J’ai l’impression que je n’aurais pas dû la laisser partir seule, mais je ne sais pas pourquoi. Pourtant, c’est une femme forte, c’est le genre de damoiselle qui, justement, trouve la paix dans la solitude.

*Tout à l’inverse de toi, Taku. Il faut réellement que tu apprennes à pouvoir penser, à pouvoir simplement te délivrer de tes songes pour qu’elles ne soient plus noires.*

Je secoue la tête, encore une fois, effaçant ses idées-là. Ce n’est pas le temps! J’ai autre chose à faire! J’ai suffisamment d’information pour trouver l’homme que je cherche : le marchand ambulant nommé monsieur Jioni. J’ai son trajet, son nom et sa description. Il ne me reste qu’à savoir quand il est partie et je pourrai déduire où il se trouve présentement!