Oge Gin ne disait rien durant tout le voyage de sa maisonnée où sa famille s’était exilée au Palais où le Seigneur de Guerre nouvellement nommée par l’Empereur l’avait fait appel. Elle mangeait et buvait à peine, et passait une bonne partie de ses soirées à verser quelques larmes silencieuses ou encore à trembler dans cette pièce sombre où elle était bien seule.

Si l’attitude était l’attitude d’un faible, c’était avant tout l’attitude légitime d’une civile qui subissait – encore – la folie des grandeurs de ses sur-hommes qu’on nommait Shinobi. A therme de ce long voyage dans Yuki no Kuni, elle allait en rencontrer l’un d’eux et issu d’un clan dont elle avait sacrément peur - elle avait encore le souvenir enfantin d’un Samui enfant énervé enfonçant « accidentellement » un pic à glace dans la gorge de son autre camarade, une histoire de pouvoir mal maîtrisé soi-disant.

« Samui Yuki ».

Elle se demandait sincèrement qui était cette personne. Et qu’elle était sa proposition, ou ce qu’elle comptait faire de la petite Gin. Sa famille, après une longue nuit de débats où plus d’un avait hurlé et tapé aux murs et tables – une mère hautaine, un père protecteur et trois grand frères au caractère propre, il y avait de l’animation au quotidien et surtout suite à la mort de la Daimio. Certes, cette dernière vivait … Mais, toujours est-il qu’en dehors des parents de Gin et ses frères, personne ne le savait. Et les deux avaient opté pour un silence total. Pour la sécurité de la vieille Daimio comme pour la sécurité de leurs enfants. N’oublions pas que plus d’un Shinobi était apte à sentir le mensonge à des milliers de lieux à la ronde.

« Fais tout ce qu’elle te dit Gin. Ne contredis jamais un Seigneur de Guerre ou le moindre Samui. M’entends-tu ? » avait ordonné son très cher père. Elle avait acquiesçait et rien dit de plus. Pour cet aspect-ci, sa famille l’avait assez bien éduqué pour connaître les manières, la politesse ou encore l’aveugle obéissance. Une véritable poupée de porcelaine en somme. « Souviens-toi : l’Empereur est un homme bon et juste. Il a fait ce qu’il avait à faire, et la mort de ta grand-mère a servi à un plus grand dessein. Ils peuvent savoir que tu mens … Mais ils peuvent tout autant ne pas vérifier. Joue le jeu, tu m’entends ? ».

Enfin, le Palais se dessina à l’horizon. Le cœur de Gin ne battait que plus vite au fur et à mesure qu’elle approchait, et respirer devint de plus en plus ardu. Lorsqu’elle mit un pied sur ce sol constamment enneigé – les pieds protégés par ses bottes en fourrure - , elle ressentit à peine le froid mordant sur ses joues rosies.

« Joue le jeu, joue le jeu Gin » s’ordonna-t-elle qu’avec plus de force lorsque le Samui venu la chercher toqua à une porte pour se présenter. Aussitôt rentré, aussitôt fut-il étreint par une jeune brune. Gin ne fit pas plus attention à l’adolescente, préférant regarder et chercher du regard une vielle Seigneur de Guerre. La surprise se peignit donc clairement et nettement sur ses traits lorsque « l’adolescente » se présenta comme « Samui Yuki ».

Comparée à la vieille Oge Akeko, ancienne Daimio, Samui Yuki paraissait tellement … inexpérimentée et un brin trop jeune. Cependant, Gin ne se laissa pas leurrer par cet habit. Plus d’un Shinobi était pls mature que leur âge et si maturité manquait, le pouvoir était malgré tout bien là. Enfin, c’était une Samui, qu’elle le veuille ou non, et seigneur de Guerre de surplus.

« Fais tout ce qu’elle dit et joue le jeu » se remémora-t-elle.

- Je vous remercie pour cet accueil chaleureux Samui-dono. Je suis honorée que vous avez pensé à moi malgré tout le travail que votre nouveau titre doit apporter au quotidien.

« Un travail qui appartenait à ma grand-mère » se disait-elle mais ne montrant rien, la tête biassée en signe de respect et de salut à cette famille d’usurpateurs.

- Je ne souhaite ni boire et ni manger. Votre messager a su pourvoir à mes besoins durant ce long voyage.

Le ton était poli, les manières belles et bien là … Un joli brin de visage coiffé d’une chevelure grise argentée. Elle finit par lever ses yeux bleus pour fixer les yeux de la Samui. La peur était tellement visible au fond des prunelles de la petite Gin mais comment lui en vouloir ? On venait de tuer sa grand-mère. Officiellement. Et elle ne savait pas la version officieuse.

- Je ne souhaite guère vous faire gaspille davantage de votre précieux temps et je me permets donc de vous demander pour quelle raison j’ai été appelé ici. Quelle que soit la proposition, je serais heureuse de servir le nouveau Seigneur de Guerre.

La peur ne se lisait plus dans ses yeux mais davantage la résignation. Oui, c’était la triste vie et le sombre destin d’un civil : être le jouet des Shinobis. Haîr ou aimer, qu'était-ce comparé à la puissance des Ninjas ? Il fallait une armée pour contrecarrer et encore, Yuki no Kuni n'en avait pas et le semblant d'armées l'avait trahi.

Oge Gin suivit la nouvelle seigneur de guerre de Yuki no Kuni, s’assied non loin et écoutait respectueusement. Son regard un tantinet vide – exprimant toujours et constamment cette petite peur légitime au vu des derniers événements en lien avec les Samui – ne fut guère davantage illuminé ou enflammé par les paroles de Yuki.

« Cette chaise aurait dû encore appartenir à ma grand-mère et non à toi » ne put-elle s’empêcher de dire. « Le clan Samui aurait dû prévoir ou savoir et nous protéger, comme nous l’avons fait par le passé ». Eux qui avaient toqué aux portes de Yuki no Kuni, désemparés, ce peuple leur avait ouvert grand les bras. Et leur avait accordé la confiance en travers d’une multitude de fonctions : chef d’une des trois branches du Triumvirat ou encore conseillers de la Daimio, sa défunte grand-mère.

Par contre la suite n’allumait qu’un feu d’interrogations dans son esprit. Que venait donc de dire la brunette ? Qu’exigeait-elle ? Où était le piège pour le prochain meurtre ou trahison ? Que voulait-elle réellement en offrant un tel poste à l’Argentée ? Pourquoi donner ce qu’on leur avait volé, et surtout à une jeune fille inexpérimentée ?

- Je …

Elle ne pouvait pas. Voilà ce qu’elle aurait voulu dire. Cependant, les dernières paroles de ses parents résonnèrent avec force dans son esprit. Obéir sans poser de questions, accepter toute caprice même si cela n’était guère plaisant … Assurer en somme son existence et sa propre « sécurité » entre ces quatre murs inconnus et menaçants.

Elle ne voulait pas non plus. Elle voulait rester auprès de ceux qui l’avaient plus ou moins aimés et soutenus. Cependant, si un de ses trois frères lui ouvrirait les bras chaleureusement, tout le reste de la famille ne lui jetterait que des pierres : pourquoi ne pas avoir accepté ? Pourquoi avoir refusé cet « honneur » ? Pourquoi avoir terni le nom Oge « encore » ou encore pourquoi avoir attiré davantage les attentions sur eux ?

- J’accepte, finit-elle par dire. Si je puis vous aider d’une quelconque manière à gouverner ce merveilleux pays, je ne serais que très honorée.

Elle hésitait à dire « pour racheter notre honneur ou la traîtrise de notre Daimio » mais au vu des premières paroles de la Samui, elle hésitait. Sincérité ou encore un énième piège ?

- Cependant … je n’ai pas vraiment d’expériences. Je crains que je ne vous déçoive.

Sauf si la Samui avait prévu un précepteur pour lui apprendre les bases même de la gestion d’un lieu.

- Mais si vous pouviez m’accorder du temps, je m’empresserais d’apprendre et de combler mes différentes lacunes dans ces … domaines.

D’ailleurs quels étaient tous les domaines ?

Pour gravir les échelons, le bon moral était suffisant ? Peut-être qu’il fallait également ajouter le bon « entourage » notamment un Shinobi ayant trahi plusieurs nations à son profit suite à une petite crise de la cinquantaine – ou soixantaine ? -.

Retrouver le poste perdu ? Pourquoi cette brunette donnerait ce grand pouvoir obtenu à d’autre ? Si elle disait cela aujourd’hui, qu’en sera-t-il dans une dizaine d’années, une fois qu’elle aura pris goût au pouvoir ? En plus, pourquoi elle et non l’un de ses trois frères formaient aux arts de la diplomatie alors qu’elle n’avait reçu qu’une éducation de gentille et docile et silencieuse fillette prête à marier ?

« Ecoute, obéis. Et ne pose pas de questions » se répéta-t-elle, se contentant d’acquiescer à chaque fois, ne parlant que très rarement.

- Si l’Empereur vous a choisi comme Seigneur de Guerre, je ne doute pas un instant de vos capacités à diriger Yuki no Kuni. Je me contenterais de vous assister du mieux que je pourrais pour la durée que vous jugez bon, toute ma vie si nécessaire.

Modestie et politesse, voilà deux choses qu’on lui avait apprises et qui était devenue une part d’elle-même, tant qu’elle-même se leurrer certains jours. Intérieurement, l’idée de servir le groupuscule qui avait renversé sa grand-mère la dégoûtait mais ce qui était mort était mort et elle se devait d’avancer, et de survivre à sa façon.

Viens ensuite tout le planning pour les prochains jours. Visite à Kaze no Kuni afin de rencontre le Kazekage pour des raisons personnelles, apprendre la calligraphie et l’art des sceaux malgré qu’elle ne soit pas Shinobi, la danse ainsi que toutes les richesses de Yuki no Kuni.

- Je sais jouer d’instruments parfaitement ou chanter. Je connais aussi … un peu les richesses… Ma gr… Mes parents m’en parlaient. Et euh …. Oui, je connais un peu la callig..raphie. Mais… Pour l’art des sceaux, ne faut-il pas de ce … chakra ?

Peut-être également améliorer la locution pour arrêter ce bégaiement. Cependant, voilà un souci qui venait d’un total manque de confiance plutôt que d’un problème technique. Avant qu’elle ne puisse parler davantage, elle fut prise en otage par la couturière qui tournoyait autour d’elle encore et encore, prenant ses mesures, s’exclamant tantôt devant l’étrange chevelure grise – rendant le choix de couleurs de vêtements des plus difficiles – ou encore devant la finesse excessive de ce corps. Il fallait grossir tout cela disait-elle.

- Je ne grossis pas. J’ai … Je suis comme ça depuis la naissance.

Son corps réagissait sans cesse différemment aux traitements traditionnels et ne cessait d’avoir besoin d’un environnement froid. Bains glacés ou balades de quelques minutes pieds nus dans le désert glacé de Yuki no Kuni étaient habituelles pour elle. Une maladie que personne ne sut déterminer la raison, mais qui n’était nullement dangereuse. Du moins pour le moment, à l’ombre du paisible pays des Neiges.

- Kaze no Kuni … c’est un désert non ?

Elle avait déjà voyagé mais toujours dans les environs les plus « proches » de Yuki no Kuni soit Yu no Kuni ou encore les territoires du Pays de la Foudre. En somme, un climat plus ou moins similaires – le froid – ou encore de la verdure ou de la montagne partout. Jamais un désert aride et insupportable.

- Pourquoi maintenir … une alliance … avec Suna est primordial. Si ce n’est pas … indiscret.

Sa grand-mère parlait de temps à autres des villages Shinobis. Suna était un village rude mais juste, ayant participé à une guerre pour l’indépendance des pays neutres. Cependant, nullement il n’était question « d’alliance » ou d’échange. A l’image de Yuki no Kuni, le pays était un désert où les habitants pouvaient mourir de faim ou de soif – déshydratations - très aisément s’ils ne prenaient pas leur précaution au quotidien.