La transmission [Clan Samui]

Hrp:

"Il est temps de passer le flambeau aux plus jeunes ..."

C'est ce que m'avait dit grand-mère ce matin-là en m'aidant à me coiffer. Passer le flambeau aux plus jeunes, voilà une mesure qui me trottait dans la tête depuis une semaine. Depuis qu'elle avait soumis mon nom aux anciens du conseil et à Masayuki, l'ancien chef qui devait aujourd'hui léger les pouvoirs à son successeur.

J'étais pressentie pour ce poste. Enfin, ça s'était les paroles de grand-mère. Moi, je ne me sentais pas particulièrement les épaules pour porter le clan dans son ensemble, ou encore pour affronter des personnalités comme Hideaki et Kakeshuou.

"Laisse moi faire grand-mère ... Je suis assez grande pour me débrouiller toute seule ..."

C'est vrai quoi ... Elle se comportait toujours avec moi comme si j'étais encore la gamine de douze ans à qui elle apprenait encore à nouer son obi pour paraître plus élégante auprès des nôtres.
Ça faisait bien longtemps maintenant que je maîtrisais la bienséance et alors qu'elle s'apprêtait à répliquer de façon acerbe pour me faire comprendre qu'elle était encore ma supérieure et mon ainée, je la regardais de cet air si caractéristique qu'on retrouvait parfois chez ma mère, mais surtout chez mon père. Un air digne et provocateur :

"Comment veux-tu que je devienne chef de clan si toi-même, tu ne me fais pas confiance pour me préparer ? Il va falloir que tu apprennes a me faire confiance avant de demander aux autres de bien vouloir placer leur loyauté en moi ..."

Je réajustais toute seule une mèche de ma coiffure que je fixais à l'aide d'une épingle avant de me redresser. J'avais suivi les principes de base de la prestance qu'exigeait mon rang actuel et celui pour lequel je postulais malgré moi. Traversant ma chambre sous le regard de mon aïeule, je glissais sur mon corps la robe que j'avais choisie pour l'occasion. J'avais fait changer le modèle que grand-mère avait de base choisie pour moi à la dernière minute et je voyais bien que cette dernière tiquait d'un air joyeux à cette découverte.

"C'est bien que tu prennes des initiatives !" Me dit-elle avant de se retirer pour me laisser du temps pour finir de me préparer.

Je ne tiquais pas à la remarque tout en réajustant une dernière fois les longues manches de ma robe et la disposition de cette dernière sur ma silhouette avant de prendre une grande inspiration et de me diriger vers la porte de la maison tout en me drapant dans la lourde cape assortie.
J'étais prête à affronter la tempête qui battait son plein à l'extérieur et celle qui se dresserait bientôt au sein de la salle du conseil.
Combien de candidats potentiels serions-nous ? Combien de mes amis et de mes cousins devrais-je affronter et plus que tout, est-ce que je le voudrais ?
Nous le serions bientôt ...

A une époque, la relation entre Aokiji et le clan Samui pouvait s’apparenter à l’image d’un papillon attiré par une flamme. Sans pouvoir réellement l’expliquer, le jeune homme ressentait le besoin, presque viscéral, de s’en approcher bien qu’il était tout à fait conscient que la finalité serait la suivante : il se brûlera les ailes. Cette relation s’est développée à un très jeune âge, quand certains enfants le mettaient à l’écart car il n’était pas vraiment ce que l’on pourrait qualifier de « sang-pur ». Le titre de bâtard était déjà difficile à porter, mais lorsque des individus radicaux vous traitent comme la moitié d’un homme, cela en devient encore plus blessant. Oui, Aokiji n’avait pas sa place dans le clan, du moins c’était ce que sa belle-mère voulait lui faire comprendre. Malgré toute cette haine à son égard, le blond avait tout de même eu le soutien de ses frères, d’autres membres de sa famille tels que ses cousins Frost et Hatsuyuki, et d’autres membres du clan. Même si la discrimination ne venait que d’une minorité du cercle Samui, le mal que ressentait le jeune garçon était toujours aussi persistant. Ce sentiment de ne pas appartenir à la communauté que l’on côtoie au quotidien, c’était le fardeau que portait Aokiji depuis son enfance. Malgré ses efforts pour s’intégrer, il y avait toujours des personnes malveillantes dans son entourage pour le rabaisser. A chacune de ses tentatives pour se rapprocher du clan, de cette flamme incandescente, il finissait par se brûler les ailes.

Ce fut donc pour cela que durant son exil à Yuki no Kuni, Aokiji cultiva ce fossé entre lui et son clan. Il devint froid et insensible. Pourtant, lorsqu’il décida de reprendre une nouvelle vie au Shûkai, la première personne à l’accueillir fut une des siens, Samui Yuki. Il était conscient qu’après la destruction de Kiri, son clan s’était rapatrié dans cette nouvelle institution. Et tel le papillon attiré par la flamme, il avait souhaité s’y rendre également. Mais il était loin de s’imaginer qu’il allait faire face au clan avant même d’avoir posé le pied de l’autre côté des portes de la cité. C’est alors que commença la nouvelle vie d’Aokiji, bien différente de celle qu’il avait eu à Mizu no Kuni. Il avait enfin le sentiment d’appartenir à quelque chose. Ses relations avec le clan s’améliorèrent considérablement alors que le jeune homme continuait de faire ses preuves en tant que shinobi. Samui Kakeshuou, membre respecté du clan, avait accepté de le prendre sous son aile. Tout ce qu’il avait secrètement désiré sans vouloir se l’avouer était enfin entre ses mains. Il était un Samui à part entière.

Il avait tout à fait sa place dans l’évènement qui allait se dérouler aujourd’hui. En effet, un conseil clanique avait été organisé afin de prendre une décision de la plus haute importance : l’élection d’un nouveau chef. D’après certains bruits de couloir, Yuki serait l’une des candidates potentielles au poste. Aokiji fut assez surpris en entendant cela. Quelqu’un de si jeune à la tête du clan ? Qui plus est, comptant bientôt se marier avec un Sunajin ? Le membre du conseil allaient-ils vraiment accepter cela ? Le jeune homme avait plus en tête son cher SenseÏ, Kakeshuou. Mais avec sa nouvelle fonction d’Empereur, aurait-il réellement le temps de s’occuper du clan ? Puis une pensée folle traversa l’esprit d’Aokiji. Pourquoi pas lui ? Son ascension au sein du clan et l’Alliance avait été plutôt impressionnante, mais était-il capable de diriger cette famille qu’il avait tant haïe autrefois ? De plus, qui pourrait bien appuyer sa candidature ? Le blond balaya très vite cette hypothèse alors qu’il faisait son entrée dans la salle du conseil. De nombreux sièges étaient encore vides, mais il put se rendre compte que Yuki était déjà arrivée sur les lieux. Aokiji la salua au loin, elle semblait être occupée avec les membres de sa famille. Kakeshuou quant à lui ne semblait pas encore être arrivé. Et puis, allait-il même daigner faire preuve de présence ? Ce n’était plus un secret pour personne, son coup d’état n’avait pas été très bien reçu par de nombreux membres du clan. Le jeune homme prit donc place, seul, observant le déroulement de cet évènement.

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La vie était devenue mollassonne depuis le départ de son Maître. Il était resté en retrait vis-à-vis du SHukaï, sur la demande express de son tuteur et formateur. Pendant que ce dernier devrait régler les choses au Pays de la Terre, le seul homme serait son relais sur ces terres gelées, désormais estampillées territoires Samui. Ayant effectué le voyage à quelques reprises, il s’était rendu au Shozaichi et avait admiré la beauté d’une œuvre majeure. Le Triumvirat s’activait pour un meilleur avenir, promettant la paix et la séreinité. Même s’il n’y croyait guère, c’était avant tout la fierté de voir les Samui au cœur d’une action aussi importante qui avait gonflé le cœur et l’orgueil du jeune homme. Une fois retourné à Gyamda, il s’était laissé glisser dans la monotonie des lieux et l’attente de plus de nouvelles … .

N’allez pas penser que le jeune Eiko était pour autant un fainéant, se contentant de peu et profitant pleinement de la vie sans rien attendre en retour. Il suivait à la lettre les enseignements de son tuteur, s’efforçait de progresser, de s’appliquer et de participer aux différentes tâches concernant le Clan. Il s’intégrait progressivement, lui qui avait été rejeté pendant si longtemps. Il fallait croire que les moqueries et simagrés devaient s’estomper avec le temps. Il ne pouvait prétendre être pleinement assimilé, mais tout orphelin de guerre qu’il était, il n’en restait pas moins un membre du Clan et un élève du Capitaine de l’Ôda. De quoi être fier, et garder la tête haute. Effectuant mission sur mission, répondant à toutes les exigences et petites mesures, il ne démordait pas à ses Devoirs et rendait honneur à sa Faction.

Mais dernièrement, les choses étaient plus agitées. Pendant plusieurs mois, Eiko avait été le contact de Kakeshuou Samui au sein du Clan ; notamment au sein de son propre parti. Après tout, la tendance radicale – pour ne pas dire marginale – du vieux briscard, renard et vétéran des anciennes guerres était partagée par quelques cadres. Et si ces derniers préféraient se rassembler avec le présent Capitaine de l’Ôda, ils ne cessaient pas pour autant d’agir en son absence. Ils représentaient la branche conversatrice du Clan, et avaient reconnus le jeune élève comme porte-parole et messager de leur chef de file. Mais depuis la dernière lettre reçue de la part du Shozaichi, annonçant la destitution du Triumvirat et la naissance d’un Empire dont le vieux Samui prenait la tête, les choses s’étaient considérablement agitées au sein du Clan. Un instant replié, le parti conservateur avait préféré garder le silence, afin d’en savoir plus. Après quelques jours, et l’annonce entre autre de l’Assassinat des Daimyos du Shukaï sur ordre du nouvel Empereur, le sujet qui allait réveiller la vieille Faction était des plus ardents : l’élection d’un nouveau Chef de Clan !

A l’appel du Clan afin de procéder à l’élection, le jeune apprenti avait eu un courrier. Les volontés de son Maître ? Il avait donc été informé de cette élection clanique. Était-ce son billet de participation ? Gardant la chose pour lui, il s’était contenté de se rendre à la Réunion sans en toucher un mot aux Siens.

Maintenant sur place, il portait un regard rapide dans la salle. Il y avait déjà un peu plus de monde, qui s’avançait progressivement. Yuki Samui était ici, tout comme Aokiji. Mêmes les plus jeunes semblaient convoqués pour le Clan. La relation entre Aokiji et Eiko était assez particulière. Bien que n’étant pas proche, Eiko l’avait toujours perçu comme un rival protentiel. Ses progrès considérables au Shozaichi pour le bien de l’Alliance en avait fait un adversaire et un rival digne de ce nom … . Mais peu importe, dans la présence situation. Un léger signe de tête à chacun d’entre eux afin de les saluer suffit, et le garçon alla rejoindre sa place habituelle ; laissant à côté de lui un siège vide – celui de son Maître Kakeshuou – le petit être s’insérait au cœur d’un bastion d’hommes au regard soutenu et sévère, attendant de voir la suite des évènements. Malgré l’absence évidente de Kakeshuou Samui, qui ne serait certainement pas arrivé à temps pour cette réunion, nul n’aurait douté que son Parti était solidement présent lors de cette rencontre unique ! … .

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L'ensemble des convives semblaient dès à présent installaient et malgré l'absence remarquée de l'empereur qui entraînait bien entendu, nombreuse conversation à son encontre, il était temps à présent de marquer le début de cette session extraordinaire.

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L'entrée de Masayuki Samui, marqua le début de ce conseil, car l'ancienne chef de clan s'avança et se positionna malgré tout à la place qu'elle occupait encore jusqu'à l'avènement d'un nouveau chef. Les bras repliés et son large kimono reposant désormais autour d'elle alors qu'elle prenait place autour de la table. Elle ouvrit la bouche pour prendre la parole :

"Mes frères, mes sœurs, comme je l'ai annoncé il y a quelques jours déjà, je souhaite me retirer de ses fonctions. A cet effet, nous allons élire ce soir le nouveau chef de notre clan !"

Son regard se posa sur l'ensemble de l'assistance avant d'insister sur de nombreux visages. Des anciens, des jeunes, puis elle reprit :

"J'assurerai la formation du nouveau chef du clan jusqu'à ce que ce dernier soit prêt à prendre ma place de façon officielle, car comme vous le savez tous, il a été demandé à ce que ça soit l'une de nos jeunes pousses qui prennent la relève ! Nombreux candidats m'ont été soumis par nos plus éminentes têtes !"

Elle se releva enfin et déclara d'une voix plus forte :

"Jeunes gens ! Je vais à présent appeler votre nom, vous allez devoir, vous levez et venir présenter chacun a votre tour vos arguments pour pouvoir prendre la tête de notre clan ! Faites en sorte que votre discours soit représentatif de ce que vous êtes ! De vos ambitions ! De vos désirs !"

Elle se racla une nouvelle fois la gorge et annonça à tour de rôle !

"Sous la recommandation de Samui Chifumi, j'appelle Samui Yuki !"
"Sous la recommandation de Samui Netero, j'appelle Samui Aokiji !"
"Sous la recommandation de Samui Kakeshuou, j'appelle Samui Eiko !"

C'était aux jeunes gens de faire leurs preuves à présent !

À l'annonce de mon nom, mon corps tremble de lui-même comme ci, je perdais complètement ma confiance en moi. Il ne faut pas, car si je me laisse emporter par cette peur, je serais incapable d'avancer. J'ai réussi à me relever, je ne dois penser à rien d'autre que le travail désormais. Être fixé dans mes objectifs et les atteindre. Je reprends confiance et je me redresse calmement pour pouvoir m'adresser à l'assistance d'une voix que je veux calme, assurée, sûre d'elle :

"Chers Membres du conseil, honorable ancêtre et vous tous qui avez accepté de traverser le monde pour venir ici assurer le devoir qui est le nôtre. Le choix n'est pas facile à faire aujourd'hui, car vous devez choisir de confier le clan à l'un d'entre nous. Des jeunes pousses comme vous aimez nous appeler. Je suis consciente du sacrifice que cela représente pour vous et je tiens à vous faire part de ma motivation pour le clan. Je suis Samui Yuki et je suis issue de l'une des branches les plus pures de notre famille. Mes ancêtres ont tous brillé par leurs talents dans le passé et l'alliance faite par l'union de mes parents me dotent d'une capacité sans égale à accroître notre beau clan. Je suis ici pour rallier les peuples à notre cause, défendre nos lois, nos traditions et nos coutumes ! Mais avant toutes choses, je suis ici pour vous assurer ma fidélité !"

Mes yeux firent des mouvements circulaires, se posant sur tout à chacun sans jamais oublier personne :

"Vous êtes tous au courant de ma situation actuelle, de ce qu'il m'est arrivé. Aujourd'hui, je peux l'affirmer, c'est grâce à vous et vos coutumes que je suis en vie ! Et c'est aussi grâce à cela que je souhaite prendre la tête de notre clan. Bien que je sois encore jeune, j'ai plusieurs fois prouvé par le passé ma force de caractère, mes ambitions ! J'ai gravi les échelons rapidement ! À kiri, j'étais chuunin à seulement treize ans ! À notre arrivée au Shukaï, j'ai rapidement été promu bras droit ! Je faisais partie des têtes pensantes ! J'ai développé mes capacités, mon analyse, mes possibilités et désormais, je réalise enfin pourquoi j'ai fait cela !"

Je m'arrêtais quelques secondes pour bien réfléchir à la formulation de ma dernière phrase :

"Notre clan est aujourd'hui dans une situation périlleuse, une situation nouvelle que nous n'avions jamais connue avant ! Nous sommes partagés entre deux étaux ! D'un coté, les partisans de l'empire ! Ce qui trouve que c'est une bonne idée, que cela nous apportera du prestige, de la vigueur et un certain renouveau qui nous feras sortir de nos idéologies ancestrales comme disent les personnes extérieures à notre race ! Cependant, à côté de cela, une peur subsiste ! Une peur de voir notre famille s'éteindre par faute d'une action menée seule, l'action d'un seul homme qui pourrait faire tomber tout un clan ! Si je suis ici, sur les conseils de ma grand-mère, c'est pour vous prouver que j'ai la maturité et le caractère nécessaire pour m'opposer aux membres ayant les plus fortes têtes du clan afin d'être apte à prendre des décisions claires, précises, et neutres qui permettrons d'assurer notre pérennité dans les meilleures conditions possibles !"

Suite à l’appel de l’ancienne Chef de Clan Masayuki, les trois candidats ici présents s’étaient rapprochés pour être mis en avant vis-à-vis de l’assistance. Sous les regards de chacun, il était évident qu’il fallait y voir là un test. Un défi aussi bien sur le plan politique que moral, où chacun devrait porter ses désirs, sa volonté, ses ambitions. Une chose audacieuse, car chacun devrait certainement faire preuve de force et d’engagement dans cette lutte pour l’accès au pouvoir au sein d’un Clan aussi majeur que celui des Samui.

S’avançant la première, Yuki Samui fit quelques pas tremblants avant de prendre la parole. Si ses premiers mots semblaient mous et sans force, son discours devint progressivement plus clair et offensif. Elle reprenait visiblement du poil de la bête, et sa récente « mort » n’avait rien arraché à son caractère trempé. Elle était bel et bien de la même famille que Kakeshuou Samui ! Patient, les deux autres candidats, tout comme leurs partis respectifs, attendaient en silence, écoutant les arguments, jugeant des capacités et de la volonté de chacun. Eiko restait les yeux fermés, cachant ses traits et ses réactions face aux propos portés sur le Clan ou encore sur le récent Coup d’État. Il savait que céder maintenant n’était pas une bonne idée. En tant qu’élève fidèle et assidu, son Maître lui avait appris beaucoup et dans de nombreux domaines. Il ne se laisserait donc pas berner dans ce genre d’attaque saugrenue et sans intérêt.

Ce qui n’était pas forcément le cas de tout le monde. Face aux accusations portées sans ménagement sur le quinquagénaire encore au Shozaichi – bien que son nom ne soit pas cité, vile couardise ! – quelques membres du Parti du Kamui n’attendirent pas longtemps pour réagir et hausser le ton. Jamais telle injure n’avait été faite à un membre absent à la Réunion. C’était pure lâcheté de porter ces attaques maintenant !

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» Silence.

Le ton avait été ferme, mais sans agressivité. Au premier rang, devant les membres du Parti de Kakeshuou Samui, le jeune Eiko toujours aux côtés d’Aokiji s’était permis d’interférer dans ce début d’explosion, afin d’en limiter les dégâts. Il comprenait bien l’emportement de certains ; mais argumenter de la sorte ici n’arrangerait rien ni personne. Il fallait faire preuve de retenue, de calme et de réflexion. En soi, il donnait ici une excellente image de Chef ! Sans doute certains l’avaient-ils perçu ainsi. Après tout, il était parvenu à ramener au calme et au silence plusieurs ténors du Clan qui ne se seraient pas laisser amadoués ainsi … .

Acceptant quelques secondes de silence, le jeune Guerrier élève de l’Empereur reportait son attention sur la principale intéressée, et tâchait de mettre les choses au clair dans un premier temps.

» Yuki Senpai. Je vous remercie de ne pas tenir rigueur à ceux qui ont vu dans vos propos une attaque directe envers Kakeshuou-Sama. Il est vrai qu’il n’est pas ici pour se défendre, car d’autres affaires urgentes le contraignent au cœur de l’Alliance. Mais soyez assurés que cette interruption n’aura plus lieu d’être.

Voilà les choses déjà mises au clair. Ne manquait plus qu’à revenir au véritable sujet de cette réunion exceptionnelle qui captait l’attention de l’ensemble du Clan.

» Nous savons tous ici quelle a été votre valeur lors de différentes occasions. Vous êtes en effet jeunes, et pourtant vous avez déjà traversé plus que certains membres de cette Assemblée. Vos nombreux contacts de par le monde prouve que vous avez su le parcourir, et connaître ses déboires comme ses merveilles. Cependant, les points élevés par mes Compagnons restent valables. Dans un premier temps, ce débat n’est en rien lié à l’Empire qui se développe. Nous sommes une Race unique ; capable de rivaliser avec n’importe quelle autre, sans être impliqué dans un évènement ou dans un système politique pour dévoiler notre force. Lier cette élection à l’Empire que crée Kakeshuou-Sama est une erreur majeure de votre part, car elle divisera plus qu’elle n’unira le Clan … . Si vous souhaitez à ce point débattre de ce sujet, attendre le procès du principal concerné me semble être le plus approprié.

Voilà déjà un premier point. Autant éloigner l’idée de l’Empire, qui n’avait en soi rien à voir avec cette question d’élection de Chef de Clan. Certes, ce dernier aurait sans doute à dire sur l’avenir du Clan au sein du Shukaï ; mais le débat ne portait pas sur l’avenir propre du Clan, mais sur celui qui devrait en décider. Exporter le débat sur d’autres thèmes ne ferait qu’ébouillanter l’assemblée, sans arriver au moindre résultat.

» Aussi, si vous me le permettez, je vais me permettre de recentrer le débat sur votre personne. Vous vous présentez comme candidat, mais nombreux sont ceux qui peuvent douter de ce bien fondé. Vous dites vous présenter « sur les conseils de votre grand-mère », Chifumi-Sama. Doit-on y voir un manque de volonté personnelle qui nécessite le soutien des Anciens ? Par ailleurs, malgré votre jeunesse, il ne faut pas oublier votre manque d’expérience : vous vous laissez trop souvent guider par vos émotions, que ce soit lors des guerres ou lors des évènements qui touchent à notre Clan. Vous en êtes venus à mettre fin à vos jours, ce qui soulève sérieusement la question de votre santé mentale. Enfin, au-delà de votre énergie, je ne vois rien qui, dans votre parcours, puisse vous placer en guise de meneur, alors que vous avez démissionné du poste de Bras-Droit du Shukaï, avant de quitter le Shozaichi. Ce qui, dans l’ensemble, ne va guère à votre image ni à celle du Clan … .

Un dernier point, peut-être ; histoire de bien enfoncer le clou dans la paume de Jésus ?

» Pour finir avec mes questions, il semble qu’une amourachée avec un Sunajin vous ait donné le projet de partir à Suna, et de laisser le Clan derrière vous. Dans ces conditions, comment pourrions-nous laisser quelqu’un comme vous nous diriger, alors que vous ne semblez pas plus maître de vos sentiments que de la conséquence de vos actes ?

Attention, au prochain round, ca va chier des bulles carrées !

À n'en pas douté, les réactions fusèrent. Violentes pour certaines, plus mesurées dans d'autres cas. Pour ma part, je restais impassible, acceptant toutes les accusations qui pesaient sur ma personne sans broncher d'un cil, soutenant les regards haineux à mon égard avec la dignité dont j'avais hérité de ma grand-mère. Je restais sans réactions, car ici, toutes les opinions étaient permises et s'était une chose que je m'efforçais d'apprendre et d'accepter.

Mes yeux se posèrent successivement sur mes oppresseurs, car j'étais ici non seulement pour faire acte de candidature, mais aussi pour écouter. Soit, je n'avais jamais dit que j'étais parfaite, de même que je n'avais pas accusé directement l'empereur, mais uniquement ses actions et leurs conséquences sur notre famille.
Mon profil se peaufina doucement alors que Eiko apaisait finalement les paroles de ses partisans d'une voix ferme avant de se tourner vers moi pour m'adresser la parole.

Il était légèrement plus âgé que moi de deux ou trois ans, ce qui en faisait un candidat idéal, beaucoup plus apte que moi pour le poste pour lequel nous postulions, mais j'étais loin d'avoir dit mon dernier mot sur la question. Je connaissais Eiko depuis longtemps désormais, je savais qu'il n'était que l'ombre de l'homme qu'il considérait comme son père. Une aptitude qui démontrait à quel point il n'était pas capable d'avoir ses propres opinions. Une marionnette à la merci d'une personne plus influente, tout simplement.

Je déglutis, tout en hochant doucement la tête comme pour le remercier avant d'entendre ses paroles, son argumentation. Le véritable jeu politique allait commencer maintenant et j'étais prête à jouer.

Chaque ficelle était ainsi dévoilée, mes faiblesses, il m'attaquait sur tout ce que j'étais et pourtant, je sentais mon regard et mon visage se faire plus sévère a mesure que son discours avançaient, j'étais prête à répondre et lorsque le silence retomba, ce ne fut que l'espace de quelques secondes pour me permettre de remettre mon discours en place. Un dernier coup d'œil à ma mère et à ma grand-mère qui hochèrent positivement la tête avant que j'attaque à mon tour :

"Puis-je me permettre de vous rappeler Eiko que nous ne pouvions nous présenter comme candidat que sur la recommandation d'un membre doyen du clan ! Vous m'accusez de faire preuve d'un manque de volonté personnelle et de m'appuyer sur les anciens ! Je vous répondrai juste que c'est entièrement ma volonté de m'appuyer sur les anciens de notre clan, car nous avons justement besoin de ceux qui ont écrit notre histoire passée pour faire évoluer notre histoire future. Je suis ici sur recommandation de ma grand-mère comme vous l'êtes de la part de votre oncle. Seulement, nous sommes uniquement trois candidats et vous savez tout comme moi que Chifumi Samui ne m'aurait pas proposé comme candidate si je n'avais pas eu l'étoffe et le caractère nécessaire pour endosser ce rôle !"

Je détournais quelques secondes le regard avant de décider derechef de recadrer la situation :

"Nous sommes ici pour choisir celui qui nous guidera, non pour juger la façon dont nous sommes arrivés à nous porter candidat que ça soit de notre fait ou non. Cela se remarque assez vite, je pense, de plus, nous avons des sujets beaucoup plus important à traiter. Vous parlez de la peur que vous voyez dans la division du clan, hors, le rôle de notre futur meneur est justement d'unifier ce dernier tout en respectant les droits de chacun. Sachez que je me positionne comme neutre dans l'affaire concernant le Shukaï et l'empire ! Je ne suis pas ici pour donner mon avis sur cette nouvelle forme de nation, mais plus pour exprimer mon désir de voir notre race en bonne santé ! J'ai juste exprimé le ressentie que nous avons actuellement et la division qui se forme d'elle-même au sein de notre famille ! Notre but à tous, sera de supprimer cette division pour retrouver une unité. Peut-être voyez-vous dans ma façon de rapprocher l'empire et notre famille une erreur, mais j'y vois pour ma part juste une constatation de fait ! Nous nous sommes rapprochés volontairement de l'alliance de pays neutre à la destruction de Kiri, nous serons forcément impactés par les mesures prises par notre ami ... Ceci est une question qui devra être résolue lors du procès du principal concerné par cette affaire."

Mes yeux se posèrent une nouvelle fois sur mon adversaire. Je n'avais pas fait l'impasse sur les paroles qu'il avait prononcée concernant ma santé mentale, ou encore sur mes sentiments vis-à-vis de celui qui était mon fiancé. Voilà qu'il savait à présent ou frapper et comment frapper l'animal. Là ou ça faisait particulièrement mal. Je me devais de lui répondre le plus explicitement possible :

"Je vous remercie de vous inquiéter pour moi et ma santé mentale Eiko, cependant, sachez que j'ai autre chose à faire que passer mes journées à tenter de mettre fin à mes jours et si ça avait été le cas, j'aurais réussi depuis bien longtemps mon coup. J'ai en effet échappé à la destinée tragique que l'on avait annoncée pour moi, mais cette dernière n'était pas le fait d'un acte volontaire, mais bien d'un malheureux concours de circonstances. Il est vrai qu'il est beaucoup plus facile d'éviter les ennuis quand on est bien à l'abri derrière de larges murailles et surtout dans l'ombre d'un individu d'envergure. Personnellement, j'ai choisi de marcher en plein soleil et cela veut également dire, courir certains risques. La blessure qui m'a fait frôler la mort était de la main de celui que l'on appelle le chasseur de Visage, l'un des furyous primaire, aussi connus sous le nom de Météora. Quant à mon allégeance au clan, comme je l'ai dit, elle est la plus totale et mes histoires personnelles n'ont pas à intervenir dans un tel débat, mais si cela peut vous rassurez, mes fiançailles ont été annulés, voilà qui devrait alléger votre peur de me voir m'éloigner de notre famille !"

"Vous évoquez ensuite mon manque d'expérience alors que vous-même avait dit que j'avais plus de connaissances en la matière que les trois-quarts des membres de cette assemblée ! Encore une fois, je n'ai pas besoin d'argumenter sur ce que j'ai accompli pour l'alliance de pays neutre ! Peut-être en dire autant de votre part Eiko ? "

Inutile d'aller plus loin, je reportais mon attention sur l'ensemble des convives avant d'ouvrir les bras en geste de bienveillances :

"Je suis ouvertes a toutes autres questions bien entendu ..."

Le ton était monté, la tension était désormais palpable, les pics fusaient dans tous les sens. Yuki faisait maintenant face à Eiko, lui aussi élève de Kakeshuou, tentant subtilement de la discréditer auprès des membres du conseil. Dans ce chaos, Aokiji quant à lui était complètement perdu. Pourquoi ? Car il était bien loin de penser que quelqu’un appuierais sa candidature, encore moins un membre du clan avec lequel il n’avait aucune relation particulière. Dans un sens il se sentit flatté par une telle considération, mais ce sentiment fit de très courte durée alors qu’il fut envahi par l’angoisse et la confusion. Il s’était levé instinctivement avec Yuki et Eiko, mais au fond de lui, il ne cessait de se demander qu’est-ce qu’il pouvait bien foutre là ? Il n’avait rien préparé, aucun discours, aucune revendications, rien. Il resta donc muet, complètement tétanisé par la peur. C’était la première fois qu’il faisait face au clan de la sorte. Et alors que le chaos s’abattait dans la salle, le jeune Samui restait intérieurement recroquevillé sur lui-même, quasi-insensible à l’environnement qui l’entourait. C’est à alors qu’IL refit surface.

Lui:
* Kukuku… Même moi je ne l’avais pas vu venir celle-là ! Kukuku… Toi ? Potentiel chef de clan ? Kukuku…. L’ironie de la situation me fait pleurer de rire ! Kukuku… *

Il s’agissait de cette entité qu’Aokiji avait rencontrée lors de son apprentissage avec le Mamoru. Une partie de son âme, une partie sombre de toute évidence. Le Samui tentait tant que possible de le retenir, mais ce dernier ressurgissait dans sa tête aux moments les moins opportuns.

* La ferme… *
* Oh ? Tu vois mon petit Aokiji, c’est ce que je n’aime pas chez toi. Tu es si hostile envers moi, alors que mon seul et unique but est de t’aider. Laisse-moi te rafraichir la mémoire. Tu te trouves face à des gens que tu as haïs tout au long de ta vie. Et maintenant, tu es à deux doigts de devenir leur chef. C’est l’occasion rêvée pour te venger, pour NOUS venger Aokiji. Deviens leur chef et fais leur payer pour ce qu’ils nous ont fait endurer pendant toutes ces années ! Il te suffit d’enfoncer Yuki, c’est ta principale menace. Mais ce n’est encore qu’une jeune fille, amoureuse d’un étranger qui plus est. Et cet Eiko n’est ni plus ni moins qu’un pion de Kakeshuou, tout comme toi d’ailleurs. La seule différence, c’est que tu en es conscient mon cher Aokiji ! Sers-toi de cela, écrase les tous et devient chef du clan Samui ! »
* Je ne peux pas. Ils ne sont pas tous comme Kumiko. Je ne peux pas laisser mon passé affecté tant de personnes innocentes… Et surtout des personnes que j’apprécie… *
* Arrêtes de te voiler la face et écoutes moi ! *
* Je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi ! *
* Tss… Tu le regretteras Aokiji, crois-moi, tu le regretteras… *

Le jeune homme reprit ses esprits alors que le clash entre Yuki et Eiko battait son plein. Aokiji écoutait attentivement, alors que les deux parties tentaient d’enfoncer l’autre…

« Vous n’avez pas honte ?! »

Les paroles du jeune homme retentirent alors que la princesse des neiges venait de terminer son discours.

« Est-ce vraiment pour cela que nous sommes réunis aujourd’hui ? Se descendre mutuellement ? Prouver que nous sommes plus méritants, simplement en enfonçant son adversaire ? Mais ne sommes-nous pas tous sensés être une famille ? Donc pourquoi se considérer comme adversaire ? Nous sommes ici pour élire un chef de clan, leader qui non seulement continuera de perpétuer la gloire de notre clan mais également garantir une certaine cohésion au sein de celle-ci. Si avant même d’être élu, des tensions prennent déjà le dessus, comment s’assurer que cela ne se répercute pas sur les restes des membres… Au lieu de vous descendre, je souhaiterais au contraire saluer vos atouts qui vont ont conduit jusqu’ici. Eiko, tu es une personne loyal, dévoué et passionné, voir même un peu trop. Nous partageons le même maître et je comprends tes positions mais je dois tout de même dire que je suis dessus par ton comportement. Quant à toi Yuki, tu as pour moi toutes les qualités requises pour être chef de clan mais je dois avouer que je ne suis pas de ton avis. »

Aokiji se tourna alors vers les membres du conseil.

« Chers membres du conseil, je ne vais pas alimenter cette guerre intestine qui semble s’être installé dans nos rangs. D’ailleurs, malgré ma relation avec Samui Kakeshuou, je ne suis pas ici en son nom ou en celui de l’Empire. Je suis ici en tant que Samui. Ce serait mentir de dire que chef de clan est une position à laquelle j’aspirais tout au long de ma vie. D’ailleurs, je fus le premier surpris lorsque mon nom fut cité. Mais si vous décidez de faire de moi votre leader, je pourrais être la voix qui relie les deux partis qui se déchirent aujourd’hui au sein de notre famille. Kakeshuou est un Samui et il a su prouver sa valeur à de nombreuse reprise. Vous êtes des Samui tout comme lui, tout comme moi. En tant que chef de clan, je pourrais vous garantir cette neutralité. Le clan Samui peut faire prospérer l’Empire, tout comme ce dernier peut faire prospérer le clan Samui. Il lui faut juste le bon dirigeant. Et cette décision vous appartient, chers membres du conseil… »

Aokiji garda la tête haute, les yeux rivés vers le conseil. Il n’accorda aucun regard ne serait-ce qu’à Eiko ou Yuki pour le moment, mais il se doutait que ces derniers n’avaient pas dit leur dernier mot.

Le coin devenait plus animé, et c’était bien une chose qui plaisait à Eiko. Il avait été formé pendant de nombreuses années par Kakeshuou-Sama ; qui lui avait appris la sournoiserie du monde, et la façon de jouer avec. Il lui avait enseigné la politique, la diplomatie, les armes, les tactiques, les jeux, la patience, la retenue, la détermination ; et pas seulement sur de simples bases. Grâce à cet apprentissage fourni sur de nombreuses années, notre homme se pensait accompli, ce qui avait certainement mené à sa nomination quant au poste de Chef de Clan.

Dans ce premier tour de passe, il s’était contenté de lever les questions. Sa véritable intention était toute autre. En recevant la lettre de son Mentor, qui l’informait être sur le chemin il y avait déjà quelques jours, il avait compris quelle serait sa véritable mission. Quelles seraient ses chances, et son Devoir à accomplir. En se rendant à cette Réunion élective, il entendait bien le respecter à la lettre.
La joute verbale avec la nièce de l’illustre quinquagénaire n’était donc qu’une mise en bouche. Mais c’était un apéritif nécessaire pour jauger et juger des qualités de l’autre. Le jeune homme savait qu’en ayant prononcé ces mots, il avait éveillé la curiosité de certains, et l’inquiétude de beaucoup. On ne pouvait exclure le passé de la candidature qui était troublé en bien des points. Elle avait eu du panache, voire du mordant dans sa réponse, mais cela ne suffirait probablement pas à apaiser les rumeurs et les murmures. La première graine était semée ; le fruit n’avait qu’à suivre le cours du Temps.

L’intervention d’Aokiji avait certes été une surprise ; mais elle était une occasion parfaite pour tester l’individu. Il était lui aussi élève de Kakeshuou Samui. Son enseignement avait certainement du prendre plus de temps, ou bien cet homme était plus aguerri que son sempai de formation. Quoi qu’il en soit, également candidat, il se présentait et prétendait déjà pouvoir mettre un terme à cette dispute. Quoi de plus normal que de s’affronter verbalement entre opposants ! Vouloir y mettre un terme n’avait en soi pas beaucoup de logique ! mais cela reflétait bien l’attitude et les ambitions du personnage. Appaisant, il voulait jouer sur la corde de la solidarité au sein du Clan, pour passer à la suite et certainement jouer le rôle du conciliateur recherché par le Clan. Une bonne stratégie ! Mais qui ne serait rentable que si l’individu avait bel et bien un projet bien à lui pour le Clan par la suite. Eiko pourrait-il prétendre faire mieux … ?

Le jeune homme ne prêta pas attention aux divers piques lancées par la Samui candidate. Ce n’était que venin craché au visage, et lui n’avait rien à reprocher à son CV sans tâche ; ce qui n’était pas le cas de tout le monde. Si le voyage entre la Vie et la Mort, entre le Mariage et le Célibat lui plaisaient tant que cela, elle pouvait encore bien s’y morfondre ! Ce n’était décidément pas son problème ! En revanche, on pouvait reconnaître qu’elle savait se défendre, et certainement pas se laisser marcher dessus ! C’était sans doute un bon point : était-ce suffisant pour diriger l’un des Clans les plus puissants de ce Monde ?
Il fit un pas en avant ; ses bras toujours croisés, légèrement en recul vis-à-vis des autres candidats qui avaient pris le devant de la scène.

» Il me semble que c’est là une erreur d’appréciation, Aokiji Sempai. Le Conseil doit certes voter, mais il doit savoir sur quoi. En l’occurrence, vous prêchez la réconciliation, mais vous savez celle-ci difficile. Entre le climat d’incertitude avec la naissance de l’Empire et le simulacre d’un procès, il existe de nombreux problèmes auxquels le Clan doit faire face. Son unité est certes nécessaire comme vous le dites ; mais rien ne permet vraiment de l’assurer aujourd’hui. Il faudrait un sacrifice conséquent pour que cette Unité se fasse … .

En prenant la parole, Eiko avait conscience qu’il avait soulevée de nombreux doutes et interrogations. Il avait attiré les regards et les intentions sur lui. C’était un bon départ ; il avait déjà planifié la suite de ses déclarations. Il savait que le climat risquait d’être tendu, mais il avait pris sa décision. Cherchant dans les pans de sa veste de kimono, il en retirait un pli. Une lettre qui avait été écrite à son intention depuis le Pays de la Terre. Présentant le pli, il fixait le public qui se trouvait droit devant lui. Le ton qu’il employait était sombre, mais non agressif.

» Lorsque Kakeshuou Sama m’a contacté pour m’informer de ma nomination pour cette élection, il m’a fait savoir que le choix final ne reposait que sur ma décision. Je suis certes formé pour bien des fonctions et des responsabilités ; mais mon cœur comme mon Devoir repose sur les missions confiées aux Ninjas et au champ de bataille. Puisque mon Mentor et Supérieur m’en a confié le droit, je préfère retirer ma candidature et porter mon nom en soutien à l’une des mentions déjà proposées ici. Ma voix, tout comme celle de notre parti, soutiendra … Yuki Samui à la candidature pour le Chef du Clan.

L’annonce avait provoquée la rupture de plusieurs mâchoires tombant au sol, et la réaction de pure stupéfaction du plus grand nombre. Était-il normal que celui qui avait tant raillé la candidate un peu plus tôt lui apporter non seulement son soutien et sa voix, mais aussi celle de tous ceux qui le suivaient ?! Pourquoi une telle décision, et depuis quand le jeune Eiko pouvait-il parler au nom de tant de membres pourtant indépendants ?
En vérité, Eiko avait agi selon un calcul politique simple. Il savait que sa véritable utilité ne serait pas à la tête du Clan. Qu’un élève de Kakeshuou Samui soit placé à la tête de la Race ne ferait que creuser les dissenssions. Dans ce même sens, Aokiji ne pouvait pas être candidat ; Eiko devinait que son Maître devait avoir des projets pour lui. Ne restait donc que Yuki. Dont la personnalité serait certainement un atout à l’avenir. Elle qui avait une relation toute particulière avec son Maître. Il serrait le poing à cette seule pensée, mais tâchait de le cacher … .

Cependant, cette décision ne pouvait pas plaire à tout le monde.

» Qu’est ce que ca signifie !! Nous n’avons jamais porté notre voix pour Yuki ! Si elle vient à être élue, notre parti sera la cible de toutes les digressions et de toutes les accusations ! Elle s’est toujours opposée à son oncle et
» Remettriez-vous en cause cette lettre qui vient de Kakeshuou Sama … ?
» Non mais …
~ A ce moment-là, où est le problème.

La voix caverneuse, pour ne pas dire diabolique, qui faisait soudainement ombre sur le groupe de Samui assis en seiza, plongea l’assistance dans la stupeur ; une stupeur nouée de crainte et de terreur pour certains. Car, par une entrée discrète, et époussettant maintenant la neige qui tombait de ses épaules et de son manteau blanc, la figure imposante et massive de Kakeshuou Samui planait au dessus de son propre parti. L’arrivée du personnage était digne du meilleur des scénarii de films … voire des meilleurs assassinats ! Arrivé depuis quelques heures sur les bans de Yuki no Kuni, il avait hâté un attellage pour se rendre à la réunion des élections. Il savait bien que ses ordres avaient été donnés. Mais s’il pouvait être présent, cela permettrait de dissiper les troubles. Il avait anticipé la décision de son élève, et espérait bien être là lors du dénouement final. Quoi … Kakeshuou était-il là pour un nouveau Coup d’État ?!?

L’homme, dans un geste magnifique, fit virevolter son manteau au dessus de ses épaules, et le laissa lourdement retomber sur deux membres de son parti. Avançant pas à pas vers les deux candidats et se détachant pour être visible par l’ensemble du Clan, il mit genou à terre, pendant que son seul poing valide se posait fermement sur le sol, tête basse.

~ Honorable Clan, Kakeshuou Samui. Présent à la réunion pour l’élection du nouveau Chef du Clan Samui.

Sur ce premier geste, il se redressait doucement, et reprenait place auprès des Siens, sans chercher à attirer davantage l’attention. Il tenait malgré tout à mettre les choses au clair.

~ Je ne pensais pas être présent à temps ; de nombreuses affaires m’ont retenus au Shozaichi, et le voyage a été particulièrement long pour me rendre ici. Néanmoins, ma présence ne change rien à ce qui a été dit. Si Eiko se retire et qu’il apporte sa voix à la candidature de Yuki Samui, alors il en sera ainsi pour la mienne … de même que pour ceux qui nous suivent … .

Le ton était des plus formels, sans aucune animosité. Mais personne dans le dos de l’Empereur n’oserait défier une décision maintenant que le véritable pilier politique était présent. Les silences furent des plus éclairants sur la situation. Assis en seiza, après avoir adressé un signe de tête à Masayuki – ancienne Chef de Clan – et à son élève Aokiji, ses pupilles couleur pluie s’abattirent sur les prunelles de sa nièce. Cette entrée sur scène allait-elle la déstabiliser ? Et qu’en serait-il des résultats du vote … .

Comme l’avait prévu Aokiji, son intervention surprise n’avait pas laissé les autres candidats indifférents. Eiko fut le premier à réagir et, toujours en usant d’un tact presqu’insolent, il remit en question les paroles du jeune blond. Il ne le dit qu’à demi-mots, mais le Samui compris très clairement que son confrère ne le jugeait pas apte à rassembler le clan et pour être franc, Aokiji n’en était pas persuadé non plus. Il fallait rester réaliste. Il n’avait même pas anticipé sa propre nomination. Même son discours était sincère et partait d’un bon sentiment, le jeune homme n’était pas encore préparé à endosser un tel rôle. S’était-il laissé emporter par la passion du moment ? Surement et c’est pour cela qu’il resta muet face à la réponse d’Eiko. Celui-ci n’avait pas forcément tort, mais Aokiji ne pouvait pas l’imaginer chef de clan. Il était si dévoué à Kakeshuou, même plus que le blond lui-même. Il ne serait au final qu’une marionnette entre les mains de leur maître. Mais sans toutes attentes, Eiko joua une dernière carte que personne ne vit venir. En effet, il affirmait détenir une lettre de Kakeshuou lui-même, soutenant ni plus ni plus que la candidature de sa petite nièce, Yuki ! Aokiji fut très surpris par ce retournement de situation. il tourna alors vers sa cousine qui semblait elle aussi tout aussi surprise. Le chaos reprit alors dans la salle du conseil alors que les partisans de l’Empereur semblaient désapprouver cette décision. C’est alors que le concerné fit soudainement irruption dans la pièce. Perfect timing.

« K-Kakeshuou-sama ?! »

S’adressant directement aux membres du conseil, le vieux Samui confirma les paroles du jeune Eiko. Il apportait donc son soutien à Yuki dans sa candidature en tant que futur chef de clan. Aokiji était encore dans la confusion. Pourquoi une telle mise en scène si au final il souhaitait que sa nièce soit élue ? La candidature surprise du blond faisait-elle aussi partie de ses plans ? Quoiqu’il en soit, les jeux étaient faits pour Aokiji. Il avait deux partis contre lui, ce qui d’une certaine manière, était un certain soulagement pour lui. Il s’était peut-être un peu trop avancé tout à l’heure. Il pouvait voir dans les yeux de Yuki la passion et le dévouement qu’on pouvait attendre d’un chef digne de ce nom. Le jeune homme se tourna alors à nouveau vers elle.

« Je pense qu’il n’y a plus lieu au débat. Qu’en penses-tu Yuki ? »

Aokiji lui esquissa alors un sourire, une manière un peu voilée de lui exprimer lui aussi son soutien. Mais la décision finale ne lui appartenait pas et ils allaient tous être très bientôt fixés sur l’identité de leur nouveau chef.

J'allais ouvrir la bouche, prête à réagir à l'intervention de mon cousin, mais la réflexion me poussa à fermer la bouche et à me rasseoir pour réfléchir. Il avait peut-être raison en soit, nous étions ici pour nous unir et non pour semer discorde au sein même de notre clan ... Non, pour ça nous avions déjà un individu qui s'en était chargé.
J'avais baissé la tête de façon pensive, cherchant mes arguments pour la suite de mon discours, mes arguments pour répondre aux accusations honteuses de chacun, avant de finalement, observer la petite mise en scène qui se déroula subtilement devant moi ...

Eiko renonçait au pouvoir pour me soutenir dans cette entreprise ... J'ouvrais les yeux de surprise tout en essayant malgré tout de contenir cette dernière. C'était à n'y rien comprendre ! Pourquoi abandonnait-il alors qu'il avait autant de chance que moi ? Et qu'est-ce que cela cachait ?

L'arrivée de Kakeshuou fut tout aussi surprenante pour moi que pour l'arrivée de l'ensemble de l'assistance et je me contentais d'un bref hochement de tête à son encontre pour le saluer avant d'écouter a mon tour les paroles de chacun.

J'ai cru voir la mâchoire de grand-mère se déscotcher de son crâne lorsqu'il a annoncé qu'il me portait ça voix. A cela s'ajouta celles d'Aokiji et de ses partisans ce qui ne pouvait en finalité signifier qu'une chose. Lorsque mon cousin me demanda alors mon avis tout en annonçant la fin des débats, c'est sur l'ensemble de l'assistance que mon regard se tourna et sur les hochements de têtes affirmatifs qui accompagnaient cette question.
Un mince sourire timide se dessina sur mon visage :

"Très bien alors j'accepte ... Je suivrais l'enseignement de Masayuki Sama le temps qu'il sera nécessaire pour compléter ma formation ! Et je ferais en sorte de mener le clan sur le chemin qui lui conviendra le mieux !"

Voilà qui marquait en soit, la fin de ce conseil. Masayuki se leva donc pour annoncer la fin de ce dernier et la tenue du prochain conseil, deux jours plus tard à l'occasion du procès de Kakeshuou Samui. Ce nouveau conseil serait présidé par ma personne et l'ancienne chef, se leva alors pour se diriger vers moi afin que nous continuions notre discussion dans un coin reculé du bâtiment. Je prendrais officiellement ma fonction de chef de clan, le lendemain ...

La décision semblait prise. Après l’intervention providentielle de l’Ancien fraîchement arrivé de l’étranger, Aokiji s’était plié à son avis et avait accepté de céder la place et la candidature unique à Yuki Samui, nièce de Kakeshuou et probablement meilleure prétendante en la matière. Il fallait l’avouer : elle restait la plus apte à se saisir de ce poste. Dévouée, entêtée, acharnée, ces qualités – si elles tenaient bien en laisse et sous contrôle – seraient du meilleur effet pour lancer un nouveau dynamisme au Clan Samui.

L’assistance ayant agréé ce vote à l’unanimité cette décision, l’ensemble de l’assistance s’était relevé et avait salué d’une légère inclinaison l’ancienne et la nouvelle Meneuse du Clan, en gage de respect et de fidélité à l’avenir. Acceptant certainement ce geste de la part de la Communauté, les deux femmes s’éloignaient pour discuter dans un coin. Certainement une forme de passation de pouvoir. Il était important de respecter les traditions ; et dans ce sens, la foule acceptait de quitter les lieux. Chaque groupe quitta la pièce par l’unique grande porte qui était proposée, mais chacun partait de son côté.

Plusieurs regards marchaient à distance du groupe de l’Empereur. Les yeux le gardaient en cible. Certains craignaient sans doute qu’il se glisse entre les toits du quartier Samui, pour finalement prendre par surprise les deux femmes et tente de les éliminer pour prendre leur place ! Une stupidité sans bornes. Malgré son coup fumant du mois dernier, notre homme restait profondément fidèle à ses racines et à sa Foi. La Race Samui devait triompher, au-delà de toute discorde et mésentente. Notre homme ne prendrait jamais le risque de voir germer une nouvelle dissension chez les Siens.

Il marchait, suivi d’Eiko et de ceux de son Parti. Il était confiant ; même s’il était appelé en procès, il ne risquerait rien dans cette enceinte. Il n’avait qu’à attendre la date fatidique, et saurait se défendre avec brio. Voilà un point sur lequel il restait tout à fait serein. Ses pas le mèneraient d’ici peu à ses appartements ; qu’il n’avait pas occupé depuis plusieurs mois. Les responsabilités qui étaient les siennes étaient désormais importantes. Il fallait d’ailleurs qu’il informe les membres de son parti des récents changements, de ce que cela impliquerait, et ce qu’il attendrait d’eux.

Non loin de lui, son neveu marchait à pas réguliers. Le jeune Aokiji était resté en retrait depuis la fin de cette réunion. Sans doute était-il déçu de ne pas avoir reçu le soutien de son Senseï et Mentor à l’issue de cette élection ? La chose était sans doute compréhensible. On pourrait comprendre que les évènements aient été trop rapides. Il fallait sans doute le rassurer. Lui faire comprendre les enjeux en place.
Kakeshuou Samui fit un signe de la main, afin que les Siens ralentissent le rythme et laissent un peu d’espace vital au Kamui. Ce dernier rejoint peu à peu son élève. Il lui fit glisser quelques informations tout en restant discret et inaudibles par les autres autour.

~ Ton élection aurait été uin frein à d’autres projets … . Être Chef de Clan implique s’occuper de nombreuses affaires sur place, et rester en retrait sur de nombreuses affaires. Yuki sera excellente à ce poste. En ce qui te concerne, tu auras d’autres responsabilités qui nécessitent plus de libertés de mouvement … . J’espère pouvoir compter sur ta témérité et ta détermination … .

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