Une nouvelle ère [Kakeshuou]

Oge Akeko, Daimio de Yuki no Kuni, était extrêmement pensive suite aux dernières lettres de quelques Seigneurs Féodaux qu’elle connaissait plus ou moins. Certains exprimaient leurs craintes face à l’expansionnisme des grands villages Shinobis, d’autres tentaient subtilement de cacher leur désir de grandeurs et de pouvoirs alors que d’autres n’exprimaient qu’un souhait innocent de sécurité en des temps constamment et toujours troubles. Tous ces écrits avaient un même point commun : un projet d’une grande envergure.

- La retraite paisible ne sera pas pour aujourd’hui, finit-elle par dire dans un sourire amusé à l’égard de son invité. Samui-san.

Elle avait réfléchi longuement sur la proposition des autres Seigneurs des Pays Neutres, et avait pris sa décision. Cependant, elle ne pouvait se permettre d’imposer sa volonté sur une multitude de Daimio ou à un clan entier dont beaucoup de membres étaient ses conseillers personnels ou membres de l’administration de son territoire. Par égard pour eux, et par respect pour leur clan, elle se devait de s’entretenir avec l’un des membres éminents, défendre sa cause si besoin et, à terme, intégrer les manieurs de glace à cette dernière.

- Je vieillis et je ne rajeunis guère. Et les affaires continuent, elles continueront toujours n’est-ce-pas ? demanda-t-elle en sirotant son café. Si ce ne sont pas mes affaires de Daimio, c’est mon rôle de doyenne de la famille qui me rattrape. Trois petits-fils ambitieux dont un à marier et une adorable petite-fille bien fragile dont une grande partie de mon entourage attend qu’elle atteigne ses seize ans pour des fiançailles.

Un petit soupir agaçait se fit entendre. Pour une raison inconnue, la doyenne portait un grand amour pour la dernière de la famille. Etait-ce dû à la peur qu’elle avait causé dès sa naissance avec cette chevelure argentée ? Etait-ce dû au fait que toute sa vie, elle avait rêvé d’une fille qu’elle n’avait pas eu, mais que son seul et unique fils le lui avait donné ? Etait-ce dû au fait que c’était la dernière de la famille ? Toujours est-il que si marier les petits-fils avaient été aisé, l’idée que sa petite-fille chérie allait peut-être le quitter la rendait bien triste.

- Avez-vous à penser à ce genre de choses Samui-san ? Demanda-t-elle, curieuse de savoir si cet homme tenait ou non à certains membres de sa famille, s’il avait à être un père ou non à certain. Ou s’il était un éternel et vieux loup solitaire. Plus important, comment se porte vos membres ? Etes-vous satisfait ?

Voilà une question qu’elle posait chaque année, dans cette même période, période où les manieurs de glace avaient élu domicile dans ces contrées glacées. Akeko, celle qui avait autorisé leur entrée et établissement dans le territoire malgré les réticences de certains autres Daimios, ne cessait depuis de s’assurer du bien-être de ces anciens Kirijins. A ses yeux, ce n’était pas seulement des Shinobis violents ou meurtriers mais également des Hommes et des Femmes aptes à protéger les siens et leur pays – une force militaire dont le pays de la Neige manquait -, manquant d’un toit où dormir. Enfin, leur maîtrise innée de la glace n’était qu’un signe qu’ils faisaient partie de ce désert glacé tout autant. C’était leur terrain de jeu naturel en quelque sorte.

Sa décision semblait porter ses fruits car aujourd’hui, beaucoup de ses conseillers ou administrateurs étaient des Samui. Enfin, les membres de ce clan ne cessaient d’aider au quotidien … Une excellente intégration qui profitait à tout le monde.

- Une fois que vous m’aurez fait part de vos souhaits pour votre clan, j’ai à m’entretenir d’un sujet important avec vous, engageant l’avenir de ce pays ainsi que celui de votre clan.

Chaque chose en son temps, n’est-ce pas ?

Spoiler:

V2:

L’Ancien s’était rendu auprès du Seigneur du Pays de la Neige, peu après l’arrivée en masse des réfugiés de Mizu no Kuni. La débandale avait été telle, qu’on n’avait même pas prévenu de l’arrivée d’une telle masse d’habitants sur l’Île de la Neige. Un point bien difficile, surtout pour les politiques sur place : faire face à une immigration massive sans pouvoir la réguler ou l’organiser, c’était un défi que peu de Nations rencontraient dans ce monde, et qu’encore moins parvenaient à endiguer de façon raisonnable et avec des moyens décents. Même si de nombreux Ninjas faisaient partie du voyage, et que Yuki no Kuni était rattaché à l’ancien domaine de Kirigakure no Sato, c’était maintenant une évidence que la Daimyo des lieux aurait fort à faire, et nul ne connaitraît sa réaction.

Le Pays, quant à lui, restait fidèle à lui-même. Ces étendues glacées, désertiques, étaient un paysage classique pour Kakeshuou Samui qui avait été Gouverneur sur ces terres sous le Yondaïme Mizukage. Il connaissait bien les lieux, avait progressé en tant que Ninja et en tant qu’Homme sur ces steppes. Mais c’était un tout nouveau défi qui l’attendait. Il avait déjà parlé avec de nombreux représentants du Village, et la plupart avaient soudainement trouvé dans la destruction du Village une opportunité en or pour se faire la malle ! Abandonnant derrière tous les espoirs d’un peuple, toutes les Armes et les responsabilités du Shinobi. Fuyez donc vos Devoirs, bouseux ! S’il le faut, le quinquagénaire portera sur ses épaules le poids du monde entier pour aller de l’avant et continuer à entretenir cette œuvre !

Arrivé à la demeure du Seigneur Féodal à Gyamda, le doyen Samui s’était rapidement rendu auprès de celle qui avait été élu déjà plusieurs années en arrière comme Maître de ces terres. Elle avait déjà un certain âge, et se rapprochait certainement plus de sa génération que des autres Ninjas. Mais malgré ses propres mots, elle tenait encore la forme. Une fois en salle, Kakeshuou s’appliquait à respecter les usages.

~ Mes hommages, Seigneur Oge. Navré que la situation déborde à cause des venues du Pays de l’Eau … . Il semble que des évacuations aient toujours lieu pour trouver refuge. L’île a certainement tourné au chaos depuis l’attaque des Furyous … .

Se décidant à se relever, notre homme se rapprochait un peu, sans pour autant négliger les distances que lui imposait sa fonction. Il n’oubliait pas qu’il n’était qu’un soldat de l’Ombre, au service des puissants et des riches. Et bien qu’il connaisse cette vieille femme, il ne se serait pas permis de faire preuve de familiarité auprès d’elle … .

Face aux questions qui lui étaient posés, l’homme se résolvait à y répondre sans détour. Après tout, les choses avaient été compliquées ces derniers mois ; autant l’avouer, puisque le cacher n’apporterait rien. En revanche, la question était maintenant de savoir s’il y avait une raison précise à cette rencontre. Ou encore ce que pourrait penser cette vieille Daimyo de la position d’une telle force Shinobi sur ses terres. Après tout, accueillir une telle masse de Ninjas pouvait représenter un risque pour les pays frontaliers. Il n’aurait donc pas été surprenant de voir la vieille Daimyo convoquer celui qui avait mené le Clan Samui sur ses terres. Qu’elle les chasse, qu’elle leur propose une terre d’accueil, qu’elle valide la présence d’une pareille force militaire sur son domaine : elle serait la seule à pouvoir valider ces faits … .

~ Aussi, dire que les choses se passent pour le mieux seraient mentir. A l’heure actuelle, nous sommes en train de chercher refuge dans une terre ou l’autre. Le plus difficile sera de laisser les civils derrière, et de rassembler les forces afin qu’elles ne se dispersent pas – ou pire ! profitent à d’autres Villages concurrents … . Notre position est donc vraiment des plus compliquées … . Et je ne sais même pas si vous êtes prête à accueillir nos effectifs sur votre sol ! … Si vous avez une proposition, je reste à votre disposition.

Akeko écoutait patiemment les paroles de cet ancien soldat de l’Eau. Les paroles de ce dernier rejoignaient les inquiétudes de sa communauté, celles des autres Daïmios fatigués des grandes nations Shinobi ou encore les quelques échos qu’elle avait reçu sur cette nouvelle, imposante et fragile communauté divagante. La dernière phrase fut comprise par la vieille dame, mais elle ne répondit pas immédiatement, préférant réfléchir et peser attentivement ses futures paroles qui auront clairement un impact sur le Pays mais également le Monde.

- Il se peut que j’ai une proposition pour vous Samui Kakeshuou. Votre clan, notamment les civils, pourront continuer à vivre ici paisiblement et en apportant leur pierre à cette communauté. Par contre, vos soldats et vous-même seront appelés ailleurs, pour une toute autre tâche.

Pourquoi ne pas retenir le puissant clan Samui ? Pourquoi les abandonner et les laisser aux mains de force concurrente qui ne cessaient d’étendre leur territoire pour de futiles raisons de ressources, de puissances ou d’égos ? Pourquoi ne pas chercher à « utiliser », en les intégrant à l’idée montante et grondante des autres Daïmios. Ces derniers avaient un beau projet, mais caduc sans une force militaire conséquente. Si certains pouvaient apporter les manieurs d’esprits et de démons, ou encore le clan des Plumes, Yuki no Kuni n’avait « rien » concrètement … du moins jusqu’à récemment.

- Les Villages Shinobis ne cessent de s’agiter, en s’attaquant soudainement et sans pitié sur les Pays dits « Neutres ». C’est une question de temps avant que Konoha, Suna ou Kumo ne cherchent à faire de nouvelles conquêtes. Plus d’un Seigneur de pays « libre » est conscient de leur vulnérabilité, et de ce futur incertain. Et plus d’un souhaite, désire ou tienne devrais-je dire, à leur « indépendance ».

Elle ne dévoilait là aucun secret d’état ou miliaire. Tout le monde savait qu’une bonne partie des pays conquis n’ont pas eu une population adhérente entièrement. Enfin, si certains villages acceptaient d’user de la voie diplomatique en mettant le point sur un échange équitable, certains préféraient frapper leur nom dans le sang et piller tout bonnement la richesse des terres conquises.

- Les Seigneurs de Kusa, Taki, Tori et Tsuchi désirent s’allier pour contrebalancer la puissance et le monopole des Villages Shinobis. Ils veulent former « l’Alliance des Pays Neutres », en espérant y faire adhérer plusieurs autres petits pays à cette cause commune.

Une noble idée mais qui comportait un nombre incalculable de risques et d’obstacles.

- Malheureusement, même s’ils apportent des clans aux dons uniques et forts, nous n’avons guère la rigueur ou l’organisation militaire de Konoha, Suna et Kumo.

Oui, voilà le « grand » problème. Ces trois villages, s’ils désiraient, pourraient détruire l’œuf dans la coque même avant même qu’un embryon ne puisse avoir le temps de se former. Son regard se posa dans celui azur de Kakeshuou, cherchant à déceler les pensées et intérêts du vieux Shinobi.

- Pourquoi ne pas offrir à vos troupes une seconde chance militaire, en défendant notre indépendance ? Votre expérience de commandement ou encore militaire pourront nous aider à nous organiser, et à nous défendre le temps de former l’Alliance. Par la suite, vous serez notre bras armés.

Elle se tut.

- Si je résume, votre pouvoir sera d’apporter la Justice de l’Alliance au sein de celle-ci, mais également à l’extérieur. Vous disposerez de tous les clans des Pays alliés, et vous serez chargé d’organiser notre sécurité, leur formation…

Rien de nouveau pour un tel homme.

- Mais j'ai des doutes malgré tout… Puis-je compter sur vous et vos hommes pour respecter ces idéaux? Kiri n'a guère brillé … pour son pacifisme. Pourquoi être resté sur Kiri malgré les bonnes ou mauvaises décisions ?

Bras croisés, toujours à genou en seiza, l’Ancien attendait que la vieile Daimyo donne ses ordres et prononce ses décisions. Elle avait clairement fait comprendre que la situation était particulière, et cet amas de forces sur son territoire n’était pas quelque chose à prendre à la légère. Dans un moment de panique et de fuite, Kakeshuou Samui était parvenu à orienter les départs vers l’île des Neiges. C’était une évidence : n’importe quel autre Seigneur Féodal aurait perçu cette arrivée de masse comme une menace évidente contre son autorité, ce qui aurait résulté par un conflit interne. Quoi de plus catastrophique dans ce genre de situation !

La vieille Akeko Oge était la plus sage, et la seule à voir dans cette arrivée massive de réfugiés plus un désastre qu’une menace. Elle savait par ailleurs qu’il faudrait disposer de cette puissance militaire sans qu’elle ne devienne inquiétante. Une position délicate, dont le quinquagénaire avait pleinement pris conscience. Il avait hâte de voir ce dont cette vieille femme, élue Daimyo parmi d’autres, serait capable de mettre au point. Yuki no Kuni était-il destiné à devenir un nouveau Pays Ninja, disposant de sa propre force militaire et pouvant ainsi revendiquer une place dans le jeu des Grandes Nations ?

La première lecture de la Chef des lieux était correcte et bien faite. Faisant savoir qu’elle accueillait les civils fugitifs était certes une excellente nouvelle, et une belle façon de s’imposer dans le dilemme actuel qui était le sien. Elle prendrait désormais la responsabilité des populations, ce qui soulagerait les épaules des militaires et les amènerait à d’autres priorités. Mais elle avait visiblement d’autres projets pour les Ninjas désormais sans foyer. Les faire œuvrer pour un nouvel idéal, pour un nouveau rêve, serait leur porte de sortie.
Portant toute son attention sur les propos donnés, Kakeshuou tentait tant bien que mal de comprendre l’initiative de cette nouvelle création géopolitique. Une Alliance de petits Pays ? Cela avait-il seulement le moindre espoir ? Il est vrai que Kiri avait lutté dans la Guerre d’Indépendance offerte par le Yondaïme Mizukage ; et même si elle ne pouvait pas prétendre en être sortie complètement victorieuse, elle s’était placée du côté de la Justice. Il n’y avait donc aucun regret à avoir là-dessus, même si le vieux briscard qui était là avait combattu bon gré mal gré ces décisions.

Cependant, il semblait y avoir des propositions, voires des offres de responsabilités dans cette future Alliance ; mais aussi des risques, et des inquiétudes … . Le passé de Kirigakure no Sato était-il si sombre ? Certes, les Mizukages précédents avaient apporté la guerre, la fureur et le sang. Que le Village caché de la Brume soit détruit était sans doute une punition pour les agissements passés ? Le vétéran de la Brume sanglante n’y croyait guère ; pour lui, seul le destin entrait éventuellement en ligne de compte, une quelconque punition divine était le refuge des défaitistes, des faibles et des lâches. Inutile donc de s’y attarder. Maintenant, les inquiétudes de l’ancienne étaient peut-être fondées. Mais il devait faire comprendre qu’il n’en était rien.

Baissant les yeux une nouvelle fois, sa main droite venait frapper sa paume gauche, en guise de salut et de respect. Ses yeux remontaient tout aussi vivement pour capter l’attention de l’auditrice.

~ Votre lecture des faits est tout à fait exacte. Et si vous parvenez à détourner les hommes vers un nouvel objectif, la grande majorité vous suivra et acceptera votre proposition. Je serais honoré de pouvoir vous aider dans cette tâche, et j’espère être à la hauteur des responsabilités que vous me confieriez si tel était le cas. Je ne peux hélas vous garantir que tous les hommes suivront ; une large partie voyait en Kirigakure no Sato un idéal et une prison. Ceux qui y voyaient l’idéal rechercheront une nouvelle base ailleurs ; ceux qui y voyaient une prison verront l’opportunité de s’en échapper. Il va de soi que j’espère bien rassembler la grande majorité des effectifs afin qu’ils ne quittent pas nos rangs … .

» Quant à la réputation de Kiri, je ne peux qu’apporter ma vision de ce monde. Mais vous auriez tort de voir dans les cendres du Village de la Brume la renaissance de monstres assoiffés de sang. Les Ninjas sont avant tout des combattants obéissant à un ordre, à une Mission. Nous nous sommes lancés dans la guerre, et notre réputation n’est rien de plus que la félicité et la renommée de notre détermination. Nous avons combattu du côté des nouvelles Nations indépendantes afin de mettre un terme à la soumission des Nations aux grandes Puissances Ninjas. Même si nous sommes réputés pour notre bellicisme, ce dernier n’a pas servi d’obscures causes. Quant à la raison pour laquelle je suis resté, elle est simple : je suis de la Race des Samui ; l’un de ses membres les plus anciens. J’ai combattu, agi et veillé à ce que ce Village ne quitte pas le sillon qu’il s’était tracé. Rester est un Devoir, et le sera toujours. Si cela ne vous effraie pas, j'agirais de façon identique dans cette nouvelle tâche que vous voulez créer. Mais comment voyez-vous la tête de cette Armée "neutre" ?

Certains admireraient la volonté et la passion et le code d’honneur des Shinobis, d’autres hueraient et nommeraient cette attitude comme aveugle et un brin trop docile. Oge Akeko ne se prononçait pas, et ne se prononcerait nullement. Le cœur des hommes était sûrement une des choses les plus incompréhensibles et les plus surprenantes de ce monde, et surtout il y avait une multitude de Shinobis et catégoriser tous sous une seule étiquette ne lui plaisait guère.

Quant à Kiri, ou tout autre village Shinobi à bien réfléchir, elle ne saurait quoi penser. En fait, elle pourrait mais que du point de vue d’une petite nation isolée et « neutre », sujette à tout instant à une future lubie d’un village étranger. Cependant, peu de voisins étaient envieux de Yuki no Kuni tant pour son climat froid que pour son inintérêt militaire – une simple île gigantesque un brin loin du grand continent.

- Je peux comprendre que beaucoup ne resteront pas. A bien réfléchir, c’est mieux ainsi ; Il vaut mieux avoir des éléments fiables et volontaires que des éléments incertains et belliqueux.

A nouveau, elle se tut, réfléchissant aux paroles du vieux Samui.

- Cette volonté de Rester … voilà ce dont nous avons besoin, finit-elle par dire. Chaque Daimio a proposé son avis, son organisation et ses éléments. Tsuchi no Kuni exige que la base se situe sur ses terres. Suite aux derniers événements, le Daimio ne désire plus voir son pays être un autre champ de bataille pour une bataille qui n’est pas le sien.

Sur ce point, aucune négociation n’avait été possible. Ce bout de pays avait été ravagé entre Makka ou autres Furyous, et se retrouvait être le lieu le plus proche de la notion d’un « centre ». Et oui, comme toute capitale qui se respectait, elle se devait être au centre du pays dirigé…

- Quant à l’organisation, nous débattons encore mais une idée semble dominer les autres : un Triumvirat. Cette alliance aura un bras armé divisé en trois branches distinctes où chaque responsable aura des droits particuliers, et une certaine indépendance. Une branche pour l’armée même qui se chargera de la paix à l’intérieur de l’alliance, comme à l’extérieur. Une branche pour développer nos services de renseignements. Et une branche qui représentera la Justice.

Elle se tut un court instant, laissant à son interlocuteur le temps de faire un premier tri de cette nouvelle idée.

- Dû à mon âge ou à ma sagesse peut-être, on m’a permis de choisir un représentant pour une des branches. La logique m’inviterait à vous assigner à l’armée même au vu de votre passé et de vos exploits, mais je souhaite maintenir un contact privilégié avec vous sur des sujets que je comprends bien plus. Je ne suis pas un maître pour l’art de la guerre, mais j’ai passé une grande partie de ma vie à juger autrui, et à faire respecter une certaine ligne de conduite. Samui Kakeshuou, je souhaiterai que vous représentiez la Justice de cette nouvelle Alliance. Qu’en dîtes-vous ?

L'homme, toujours en seïza, écoutait les conseils que lui portait la vieille femme. Elle avait beau être en partie retirée du monde sur cet îlot gelé, elle n'en restait pas moins maline. Voire rusée ! Elle savait qu'intégrer cette Alliance était le plus logique pour son Pays, qui restait un bout de Glace perdu dans le Grand Océan. Votre serviteur ne l'aurait pas mieux conseillé. Autrefois entre les mains de la Sanglante Kiri, cette Nation ne pouvait que craindre pour son avenir. Proche du Pays de la Foudre – grand rival de l'ancien Pays de l'Eau – et désormais isolée à l'autre bout du monde et sans allié, se défendre deviendrait bien compliqué ; même si plusieurs Clans et troupes de l'ancienne Brume Sanglante étaient sur place. En vérité, ce serait même un danger latent : ceux refusant de voir un éventuel retour de l'ancienne puissance seraient peut-être prêts à foncer afin d'éradiquer les dernières ressources de Mizu.

Cette Alliance était ainsi une bénédiction. Pas seulement pour cette vieille Seigneurie féodale, mais aussi pour tous les Ninjas qui étaient à la recherche d'un refuge. Tous ces hommes, qui ne connaissaient rien d'autre que le champ de bataille, le sang et le Devoir, étaient prêts à porter leurs regards vers l'Ouest et à rejoindre la première terre qu'on serait prêt à leur offrir pour qu'ils la servent avec fidélité et bravoure.
Dans ce sens, notre Samui était prêt à se dévouer corps et âme à cette nouvelle cause. Il se posait certes des questions, et aurait du mal à avouer son scepticisme. Une Alliance de plusieurs pays, recherchant la paix ? L'idéal était noble, mais était-il réalisable. Il en doutait. Tant d'obstacles pouvaient se placer sur cette route, tant de blocages pouvaient être dressés. Que l'on reproche à cette nouvelle Alliance d'être armée par les anciens glaives de Kiri la Sanglante, que les forces armées ne soient pas capables de défendre d'aussi vastes étendues de terre, qu'elle sit noyée dans la corruption interne et la trahison … . Lorsque l'identité est aussi disparate, et aussi fragmentée, qui peut croire à une possible union ? Quel système sera assez fort pour concilier les opinions et les forces de chacun ?

La vieille Akkeko en vint à présenter le futur modèle administratif qui serait gouvernée dans l'Ombre des Seigneurs Féodaux. La séparation des pouvoirs, entre l'armée, la justice et le renseignement, offrait l'idéal d'un équilibre et d'une auto-surveillance évitant toute menace contre le pouvoir. On pouvait d'ors et déjà dire que tout était mis en œuvre pour assurer la pérennité de cette création. Mais serait-ce suffisant ? Et qui serait les principaux tenants de ces institutions ? La Daimyo mentionnait un Triumvirat, impliquant ainsi trois hommes à la tête du système. Une bonne répartition des choses, en espérant que le texte ratifiant cette création singulière prendrait garde à bien équilibrer les pouvoirs de chacun … .

Surpris par la proposition qui lui était faite, notre homme avait écarquillé les yeux lorsqu'on lui proposait le rôle majeur de Tenant de la Justice. Alors qu'il était Kirijin, et connu pour son intransigeance, on lui confiait un tel rôle au premier plan ? Était-ce pour son âge, son expérience, sa capacité administratives déjà prouvée sur cette île ? Ou encore pour sa fermeté à toute épreuve et à tout égard … . Quoi qu'il en soit, deux minutes étant passées depuis cette proposition, notre homme s'empressait de mettre genou à terre, de baisser la tête et de frapper sa paume gauche de son poing droit, en guise de remerciement.

~ Si vous convenez vraiment à me confier cette tâche, je m'engage sur l'honneur à tout entreprendre pour la survie de ce nouveau régime, et à me battre jusqu'à la dernière goutte de sang pour cette Alliance.

Un signe d'allégeance. Non seulement au système, mais aussi à cette vieille femme qui prenait le risque d'accueillir ici l'intégralité de son Clan. Un geste noble et conciliant de sa part. Et on ne pouvait qu'espérer que la Race prospérerait ici dans les années à venir.

Il redressait la tête, et observait celle qu était prête à lui donner un rôle aussi capital dans la future Alliance.

~ Et je saurais me porter garant de votre confiance et de votre volonté au sein de cette Alliance. J'ignore encore quels sont ceux qui seront prêts à m'y suivre ; mais j'espère bien pouvoir rallier l'intégralité de mon Clan à cette cause. Ainsi qu'à joindre mes espoirs à ceux qui veulent encore combattre pour un idéal de liberté. Je me suis déjà entretenu avec les anciennes têtes pensantes du Village. Nombreux sont ceux qui voienty ici une occasion de couper les ponts et d'abandonner leur vie de Ninjas. Mais tous ceux qui demeureront fidèles à cet idéal me suivront, j'en fais serment.

L'affaire semblait donc entendue, et Kakeshuou Samui avait maintenant un nouvel objectif qui le détournerait d'une volonté de reconstruire Kirigakure no Sato sur ses ruines. Mais avait-il vraiment accepté cette idée ?
L'homme, rajoutant un salut de la tête, reculait légèrement sur ses genous avant de se redresser.

~ J'ignore si votre décision sera sue des autres. Mais je vais informer le Clan sur cette proposition et voir ce qu'il en est. Vous saurez sous peu si vous pouvez compter sur nous dans le cadre de cette Alliance. Quant à ce poste que vous m'offrez, faites moi savoir si les autres Seigneurs consentent à me l'accorder. Je me doute que je ne dois pas être le seul à y prétendre … . Avant de partir … avez-vous mentionné un nom pour cette Alliance nouvelle … ?

La surprise de Samui Kakeshuou pouvait se lire aussi clairement que l’eau. Il resta silencieux quelques minutes, les traits se partageants entre stupeur et incompréhension. En effet, on pourrait se demander pourquoi la Daimio offrait un tel poste à un « étranger ». On pouvait, et elle ne répondra rien si ce n’est « J’ai choisi ». Elle avait fait son choix après une très longue et intense réflexion. Rien n’a été fait, en somme, sur un coup de tête.

Se rendant compte de ce moment « blanc », le vieil homme ne tarda guère à se mettre à genoux et à la remercier dans les règles de l’art. Oge Akeko se contenta de répondre également, poliment et doucement – son âge ne lui permettait guère d’être aussi réactive que ce Shinobi – en travers de gestes. Toujours en silence, elle écouta les promesses du Samui. Promesses de protéger l’Alliance jusqu’au bout ou encore être le garant de la Liberté.

De beaux mots. De belles promesses. De belles paroles. En somme, ce qu’elle voulait entendre.

Finalement, il se redressa et annonça qu’il avait à en discuter avec les membres de son clan. La vieille Daimio acquiesça seulement de la tête, en signe de compréhension. Elle n’était guère pressée et était prête à attendre autant qu’il le faudrait.

- Dû à mon âge ou encore à l’égard de mes liens avec certains seigneurs féodaux, ma voix ne sera guère contestée, je puis vous l’affirmer. Enfin, je suis la Daimio la plus vieille de cette fameuse Alliance, ce qui sous-entend celle qui a de l’expérience.

Ce qui sous-entend celle qui sait comment cuisiner les autres jeunes seigneurs. Entre l’un bien trop avare et opportuniste ou l’autre sous les jupons de sa femme, il était si aisé de trouver les intérêts de chacun et les neutraliser ou les user à son avantage. Qui croira qu’un petit stratège se cacher derrière cette petite tête couverte de cheveux blancs se faisant toujours plus rare au fil des années.

L’affaire était entendue. Il n’y avait plus rien à dire à son sens jusqu’à ce que cet homme lui accorde. Sauf peut-être un dernier détail :

- L'Alliance des Pays Neutres. Notre volonté est de montrer que cette nouvelle organisation repose sur la décision de plusieurs pays neutres et indépendants, tout en mettant l'accent sur une alliance et non une relation inégalitaire. Nous nous unissons pour une même cause soit la protection de nos terres et nos habitants de la tyrannie des villages Shinobis.

Quitte à se répéter comme une vieille - elle l'était, elle était faite pour radoter par essence ! - elle le faisait, pour bien faire comprendre la volonté et le désir de ces seigneurs féodaux.

- Je vais donc vous congédier afin que vous consultiez votre clan au plus vite. Si vous avez la moindre question, n'hésitez pas à me le signaler.

Elle se permit dès lors de diriger sa tête vers la fenêtre qui donnait toujours sur ces éternelles petites montagnes enneigées. Elle ne pouvait s’empêcher de se demander si elle avait fait le bon choix ou non. La nature humaine réservait tant de surprises, et davantage avec les Shinobis. Cependant, c’était une force nécessaire. Et ils faisaient partie de Yuki no Kuni, dorénavant. Chacun avait à être utile dans ce lieu froid et isolé du Yuukan en apportant sa pierre à l’édifice.

Elle inspira, en lançant un dernier regard à ce vieil homme qui plusieurs années plus tard allait être la source même du démantèlement de cette Alliance.

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