Cela faisait maintenant quelques temps qu'Hiryuu était revenue chez elle et qu'elle avait eu ses enfants. Les jumeaux âgés d'à peu prés trois ans semblaient déjà en faire le double. Fort heureusement, leur maladie dégénérative avait était, en partie, stoppée par les pouvoirs d'un Jisetsu. La jeune femme n'avait jamais pu faire confiance à ce ninja, et ne l'avait ni même remercié pour son aide.

D'ailleurs elle en voulait un peu à leur père de lui avoir forcé la main, mais ce qui était fait, était fait. La Sobou avait donc reprit son travail à la ferme sans plus se soucier du monde extérieur. La région était sûre et le petit hameau où vivaient l'ex Kunoichi et sa famille bénéficiait de la visite régulière de Kumojin. Pour dire qu'ils étaient ici en parfaite sécurité, pour le moment.

Depuis qu'elle était revenue, les affaires et la situation de la ferme s'était améliorée. Même Hiryuu fut performante dans son métier de ninja, elle semblait l'être encore plus dans les affaires agricoles. D'ailleurs elle avait réussi à améliorer la qualité des légumes et autres produits de leur exploitation si bien qu'on venait d'assez loin pour leur en acheter. Malgré tout, les bénéfices engrangés par les ventes servaient juste à leur permettre de vivre assez dignement, enfin; de manger à leur faim.

Cependant, cette journée allait peut-être changer quelque chose à leur vie. En effet, la famille Sobou avait reçu une lettre venant de loin, autant géographiquement que socialement. Oui, ce jour ci les agriculteurs recevaient des dignitaires de Yuki. C'était un événement au village, mais finalement il n'y avait pas plus effervescence autour de cette nouvelle...

Pour l'occasion, quelques ninjas venant de Kumo furent détachés au village. Ils assureraient la paisibilité de la rencontre tout en se montrant discrets, il ne manquerait plus qu'un incident diplomatique se produise à cause d'un manque de sécurité...

L'heure de leur arrivée approchait, et les parents d'Hiryuu était, plus ou moins, sur leur trente et un; enfin celui de la campagne... Quant à l'ex Kumojin, elle voyageait entre le potager et la serre, à s'occuper des plantes et des légumes qui commençaient à bâtir leur réputation. Finalement, Hiryuu aurait mieux de rester ici; cela lui aurait évité bien des tracas. Enfin, sans ça, elle n'aurait jamais eu ses deux enfants...

La jeune fermière entendit alors des bruits de chevaux, voilà les riches de Yuki étaient là. Elle se redressa et observa leur maison au bout du terrain. La jeune mère hésita un instant et finalement se dirigea vers la bâtisse, et peu importait sa tenue ou son niveau de propreté; à savoir : boueux.

Quelques pas s'enfonçant amplement dans la terre meuble, et la porte s'ouvrit. De là, sortit une... gamine..

"Bonjour. Fais attention, tu risquerais de te salir."

Dit-elle avec un sourire ténu.

Ses parents étaient toujours soucieux du bien-être des habitants de Yuki no Kuni et bien trop souvent, dû au climat rude de cette contrée, ils voyageaient pour quelques accords extrêmement « importants » pour la survie de chacun. La problématique principale était la nourriture même. Hormis quelques animaux aquatiques comme des phoques, poissons ou baleines, leur répertoire culinaire était limité. Et malheureusement, un être humain ne pouvait vivre en excellente santé en se limitant qu’à ce type de viande, sans féculent. Si la nourriture était présente, c’était les ressources en énergie comme du bois à brûler, qui manquaient.

Aujourd’hui, ils étaient sur les terres du Pays de la Foudre – un proche voisin – en direction d’une ferme dont la réputation ne cessait de grandir, jusqu’à à atteindre les oreilles de ce couple. Au nom du Daimio de Yuki no Kuni, ils étaient partants pour négocier une partie des récoltes. Si la nourriture manquait, au moins l’argent était présent.

- Et rappelles moi ma chérie. Tu souris, tu te tiens bien et tu es poli. Ne nous fait pas honte, la sermonna gentiment la mère.
- Oui, mère. Je ferais attention, promit la petite Gin en baissant la tête soudainement, se sentant mal.

Depuis son enfance, étant la petite-fille adorée du Daimio, on ne cessait de mettre une grande pression sur elle. Politesse, tenue, diction … tout était repris encore et encore pour qu’elle soit la parfaite petite princesse bonne à marier aux meilleurs partis de Yuki no Kuni, ou à un autre pays. Elle était éduquée dans cette mentalité. On commençait à compter les jours avant ses seize ans, soit l’âge à partir duquel la petite pourrait officiellement se fiancer à un jeune ou vieil homme. Voilà un événement qui l’angoissait jour après jour.

- Nous sommes arrivés. Gin, tu ne te salis surtout pas. Nous avons encore beaucoup de lieux à visiter.

Ne pas se salir au sein d’une ferme était proche de l’utopie mais malheureusement, la mère en question était un tantinet hors temps et hors réalité. Tout était beauté, élégance et style à ses yeux. Heureusement, le père était bien moins utopique et déjà il riait sous barbe.

- Fais de ton mieux, lui souffla-t-il à l’oreille et invita sa fille adorée à descendre en première.

Cependant, à peine les portes s’étaient-elles ouvertes qu’elle tomba nez à nez avec une brunette qui lui disait de faire attention, au risque de se salir. La petite demoiselle aux cheveux argentée Acquiesça et mit pied sur la pointe des pieds, se limitant dangereusement en termes de mouvements.

- Prend ce parapluie ma chérie. N'attrapes pas un vilain coup de soleil, annonça la maman en tendant un parapluie à cet effet.

Immédiatement après, Les parents s’extasiaient hypocritement ou non – elle ne saurait dire – devant le charme naturel de la ferme, et déjà les propriétaires les accueillirent. Aussitôt accueillit, aussitôt fut-elle oubliée. Gin soupira, habituée un tantinet. Ses parents ne s’occupaient d’elle que s’ils avaient un intérêt. Comparé à ses trois frères aînés, elle ne représentait rien en terme d’héritage … Sa seule force était l’amour de sa grande mère, la Daimio même en somme.

- Bonjour … Je m’appelle Gin. Oge Gin. Et toi ? demanda-t-elle d’une petite voix extrêmement timide.

Elle était mal à l’aise dans cet environnement inconnu. De plus … elle avait chaud. Trop chaud. Elle n’était guère habituée à un tel climat. On pouvait le voir en travers de ses joues rouges ou encore de sa tenue extrêmement estivale soit une simple robe d’un gris pâle, ceinturé et longue jusqu’aux genoux. Il était compliqué de l’habiller avec une chevelure aussi étrange mais on trouvait des choses à force d’imagination.

Elle n’était définitivement pas à son aise dans ce lieu vert, avec mille insectes jamais vus … Et déjà elle bougeait au millimètre dès qu’elle sentait ses ballerines s’enfoncer dans la boue. Décidément, sa mère avait choisi la mauvaise tenue …

La brunette observa l'ado qui venait de sortir de la maison. Elle correspondait exactement à l'image qu'elle s'était faite des gens venant de là-bas, si ce n'était cette couleur de cheveux assez particulière. Pour le reste... C'était presque drôle. La cadre et la tenue ne collaient pas vraiment ensemble. Hiryuu resta figée quelques secondes là, le regard rivé la Yukijin puis finalement relâcha un petit rire derrière sa main qu'elle venait juste de lever, comme pour cacher son moment d'égarement.

Elle se reprit finalement lorsque, celle qui était en fait son invitée, se présenta. Sa voix fluette trahissant un malaise certainement lié au lieu, et une timidité presque touchante; suivait aussi l'idée qu'elle avait de cette classe de la société. Dans la retenue et la politesse. Enfin, elle aussi, même si elle était une "paysanne", savait se tenir; elle n'était pas non plus la dernière des ignares. Alors, la Kaminarijin se présenta à son tour.

"Moi, c'est Hiryuu."

La jeune femme fit quelques pas et poussa la porte de la maison. Derrière celle-ci se tenaient face à face d'un côté et de l'autre de la grande table rustique de la cuisine, ses parents et les... Nobles ? Le contraste était saisissant. Même si ses parents étaient élégamment vêtus pour leur niveau social, les deux étrangers, eux, détenaient la "grâce". Et la prestance. Sans le vouloir, chacun marquait la limite entre deux mondes bien distincts.

L'ex-kunoichi se présenta rapidement. Elle ne faisait pas illusion, elle, avec ses bottes crottées, son pantalon ninja qui était parfait pour les tâches de la ferme et son T-shirt noir des plus simples. Elle n'alla tout de même pas jusqu'à leur proposer une poignée de mains, parce que les siennes étaient... Les deux invités, bien sûr raffinés, la saluèrent respectueusement alors que ses parents lui adressèrent la parole, tout au moins son père.

"Ah Hiryuu! Pourquoi ne ferais-tu pas visiter la ferme à la fille de monsieur et madame Oge ?"
"Et bien..."
"Ce serait vraiment gentil."
"... Bon.. D'accord. Je prends juste ça."

Conclut elle en prenant une paire de botte qui trainait là. Puis elle ressortit aussitôt. Sa rencontre avec le couple de seigneurs fut brève et peu enrichissante. La jeune cultivatrice laissa échapper un profond soupir avant de reporter son attention sur la file à la robe grise.

"Tien, tu devrais mettre ça. Ça évitera de salir tes.. chaussures. Elle sont peut être un peu grandes mais bon... Bon... Vue qu'on ne veut pas de nous à l'intérieur; que dirais-tu de visiter la ferme ? On a plein d'animaux. Et ils ne mordent pas pour la plupart"

Lui sourit elle en tendant la paire de bottes qui n'était pas trop sale...

La petite princesse fixait de grands yeux ces bottes « simples ». Elle les récupéra du bout de ses doigts, les tourna quelques secondes pour les fixer avec indécision et finit par y entrer ses petits pieds déchaussés. La sensation était assez étrange. En dehors des bottes de fourrure épaisses de Yuki no Kuni ou encore les élégantes ballerines pour ces pays « Chauds », elle n’avait guère porté autre chose de son existence.

- Je veux bien voir les animaux, finit par dire la jeune fille. A Yuki no Kuni, il y a que des phoques, des ours polaires ou encore des baleines. C’est compliqué de voir … autre chose.

Un monde extrêmement glacial et désertique, littéralement coupé de son petit monde, vivant presque en autarcie, ne se contentant de s’ouvrir au monde que pour du commerce essentiel à la survie. Cependant, aussi isolé soit-il, il y avait encore beaucoup de beauté. Le ciel aux milles nuances de vert, cette étendue blanc qui ne cessait d’être illuminé matin comme soir sous la moindre source de lumière – soleil et lune – ou encore ces eaux figées dans le temps, ou plutôt cristallisées.

Marchant presque sur la pointe des pieds, peu habitué à ce sol tantôt dur, tantôt boueux, Gin suivit Hiryuu à travers la ferme. De temps en temps, elle s’arrêta pour regarder avec émerveillement tel fruit ou tel légume, n’hésitant pas à se renseigner sur la façon dont c’était cultivé.

- Est-ce que le travail à la ferme est très dur ? demanda-t-elle innocemment.

Par contre, quel que soit la réponse d’Hiryuu, Gin n’en verra ou n’en comprendra guère la portée. Elle n’avait jamais connu une tâche difficile physiquement comme mentalement. Toute son existence n’a été que confort et simplicité. En effet, hormis jouer d’un instrument, de sourire et d’être aimable, elle ne faisait guère autre chose. Une vraie petite princesse en somme, ou si l’on voulait, une poupée de porcelaine.

On aurait pu croire qu’elle était « pourrie gâtée » mais non. On aurait pu imaginer une éducation stricte mais rien de tout cela. C’était dans sa nature d’être « docile » et « calme », appréciant tout ce qu’on lui donnait même si ce n’était qu’un petit verre d’eau. Une modestie et une naïveté qui pouvaient tantôt la sauver, tantôt la perdre dans ce monde et au vu des évènements futurs qui se préparaient à l’horizon.

Soudainement, elle hurla. Ou plutôt émis un petit cri.

- Que fait-on habituellement dans le Pays du Foudre, et dans une ferme, pour s’occuper lorsque l’on s’ennuie ? demanda à nouveau la petite Gin.

L’ennui, un mot qu’un fermier ne connaissait que trop peu normalement. Travaillant très tôt ou tardivement, il finissait sa journée de travail totalement épuisé, ne pensant qu’à un lit chaud. Cependant, encore, la petite Gin serait incapable de le comprendre. Elle avait rarement connu une telle fatigue et si elle la connaissait, c’était sûrement dû à une journée extrêmement amusante ou suite à une ou deux courses avec traîneaux.

Et soudainement elle émit un petit hurlement et courut sur quelques mètres plus loin. La raison ? Une simple petite guêpe avait émis son adorable – ou désagréable – bourdonnement près de ses oreilles. Elle avait fui car c’était ce qu’on lui avait dit : une piqûre de ces insectes faisait mal apparemment, et rendait la zone très rouge et très grosse. Une horreur en somme.