Un sourire satisfait s'afficha sur les lèvres pulpeuses d'Hasü. D'un geste de la main, la jeune femme soupesa la bourse qu'elle tenait dans sa main. Les ryos, nombreux, sonnèrent de concert dans leur contenant élargissant la bouche de la rouquine qui ressemblait désormais davantage à une banane. Finalement cette escale à Nami aura été fructueuse pour la DJ ! Sortant tout droit d'un concours artistique dont elle avait prit connaissance de son existence totalement par hasard, la jeune femme remporta le gros lot après une victoire triomphante. Bon, elle se rétama totalement sur l'épreuve de théâtre certes, mais dans le domaine de la danse et du chant aucun des participants n'avaient pu l'égaler. Et ils ne l'égaleraient sans doute jamais. Jamais ? Car Hasü était tout simplement la meilleure artiste du monde ! Enfin ça... C'était ce qu'elle pensait.

C'est donc d'une démarche joyeuse et en fredonnant que la Belle regagna le ferry. Le navire se trouvait au port, là où tous les pêcheurs et poissonniers se regroupaient pour vendre leurs marchandises plus ou moins fraîche. Une odeur horrible heurta l'odorat de la chanteuse qui ne put s'empêcher de plisser le nez en arrivant dans la place. Souhaitant quitter cet endroit au plus vite, la rousse fonça en direction du bateau. Un marin se trouvait sur le pont, s'affairant à nettoyer le plancher en bois du rafiot. S'apprêtant à monter à bord, Hasü se retourna vers le marin :

— Désolée du retard !

Haussant un sourcil, ce dernier posa ses yeux sur la Koken.

— Retard ? Nan, mais m'dame on est pas parti encore...

Pointant un pouce plus en arrière, le matelot s'expliqua :

— On a eu un 'blème d'moteur. Du coup, l'mécano et le cap'tain sont en train d'réparer c'te saleté. On s'ra pas prêt de quitter Nami avant... quoi... 1 ou 2 heures. Ouais dans ces eaux là...
— Super...

Poussant un soupir, la jeune femme fit volte face et marcha à nouveau en direction du village. Prenant un nouvel itinéraire, la Belle arriva dans une partie du bourg qu'elle n'avait pas encore exploré. Rien de bien différent par rapport à ce qu'elle avait déjà vu : Les mêmes bâtiments à l'allure si crade, le sol boueux, les gens aux vêtements délabrés. Aucune nouveauté. Cependant Hasü s'arrêta devant un bâtiment qui attira son attention. Une pancarte se balançant nonchalamment était accrochée sur une barre en fer rouillée. On pouvait y lire : "La vague posée." Sans réellement se... poser de questions sur la signification de ce nom, la Koken poussa la porte moisie qui servait d'entrée. L'endroit était sec et bien illuminé. En bonne taverne classique, un Barman était posté derrière un comptoir à nettoyer à l'aide d'un chiffon un verre. Une chanteuse armée d'un Shamisen faisait vibrer les cordes de l'instrument chantant une mélodie des plus somnifère. Les quelques clients présents étaient affalés sur leurs tables. Certains baillant, d'autres dormant complètement sur le bois de ces dernières. S'asseyant au bar, Hasü commanda une pression. Pendant l'attente, elle observa la musicienne et écouta sa chanson. Une seule critique émergea de l'esprit de la DJ : Elle était mauvaise. Autant sur la maîtrise de son instrument que sur ses capacités vocales. Une grimace s'afficha sur le faciès de la Belle lorsqu'elle entendit une fausse note. Rectification : Pas mauvaise. A chier.

Ayant gagné un concours plutôt renommé dans la région, Hasü avait un peu les chevilles enflées. Ce qui la rendait un peu moins agréable et modeste que d'habitude. Elle ne put s'empêcher de se tourner vers le Barman pour partager ses impressions :

— Hey. mais elle pue votre barde là.
— Elle pue ?
— Ouais. Elle est nulle quoi.

Le barman fronça les sourcils, visiblement les dires de la rousse ne lui plaisait pas :

— C'est ma fille.
— Ouais bah, faites lui changer de métier !

Sur ses mots, la Belle se dirigea d'une démarche rapide vers la pseudo artiste. L'écartant d'un geste qui se voulait brusque, la Koken se tourna vers le petit public qui lui faisait face. Pour le moment, ils étaient tous plus ou moins endormis. Mais avec les talents de DJ Ridou, ça allait changer !

— J'vais vous montrer c'que c'est la musique !

Sans plus attendre la chanteuse se lança. Modifiant sa voix grâce à son don, Hasü chanta une des nombreuses mélodies de son registre. Avec elle, pas besoin d'instruments ou même d'accompagnateur, elle pouvait créer une musique de A à Z rien que par la puissance de ses cordes vocales.

- Pourquoi nous arrêtons-nous dans ce repère de bandits ? s’insurgea le grand frère de la petite Gin.

Cette dernière n’écoutait guère davantage, se contentant de tenter de discerner le fond de l’océan à partir du port amarré au port de Nami no Kuni. Malheureusement, l’eau n’était pas aussi claire et cristalline qu’à Yuki no Kuni, et par conséquent, hormis quelques déchets surnageant, elle ne put voir le moindre poisson ou autre merveille de la grande Bleue. Elle fut arrachée dans sa contemplation par la grande main de son grand frère qui l’entraînait, gentiment et doucement, hors du bateau, pour s’engouffrer dans les ruelles de la ville portuaire. A plus d’une reprise, la petite fille remarqua des étrangetés qu’elle n’avait jamais vues à Yuki no Kuni. Les hommes n’hésitaient pas à embrasser les femmes dans les rues, ces dernières soit les frappaient avec violence en insultant vertement ces malotrus soit semblaient partager un plaisir commun au coin d’une ruelle.

La demoiselle n’était pas si sotte mais elle n’avait jamais vu de tel épanchement en public, rougissant. Son ainé était bien plus mal à l’aise, tentant tant bien que mal que de ne rester dans les ruelles les plus animées et les plus bondées. Des ruelles dans lesquelles il maintenant fermement sa besace et son épée à portée de main. Certes, un Shinobi du clan Samui n’était guère loin, garde du corps durant le voyage de ce fratrie, mais il n’en était pas moins rassuré. C’était sa petite sœur chérie, sa fragile sœurette aux cheveux étonnement grise – la seule sœur de la fratrie – à ses côtés. Elle n’était pas n’importe qui pour lui.

Après une rapide recherche, ils purent enfin trouver un lieu plus ou moins calme et fréquentable au goût de l’aîné comme du garde du corps. On installa la petite à une table, réglant aussitôt la question du menu ou de la soirée. Si son ainé restait à ses côtés, lançant des regards noirs au premier malotru osant relooker la jeunette ayant à la quinzaine, le garde restait à très bonne distance, se fondant dans la masse. Son attention était doublement plus importante évidemment.

Si le repas avait été plus ou moins agréable – Gin n’était guère une enfant compliquée, ne mangeant que peu et ne parlant que très peu -, la musique avait été horrible et assommante. Gin faillit dormir. Et de même pour son ainé. Jusqu’à ce qu’une soudaine inconnue se présente, « virant » l’artiste. Celle-là réveilla plus d’un homme endormi par sa sublime et mystérieuse voix.

Si une grande majorité se laissa prendre en jeu, ne cherchant pas à savoir où se trouvait les instruments et qui y jouaient, Gin était plus précautionneuse. Une artiste dans l’âme également, excellent dans divers domaines musicales, elle savait bien distinguer les différents sons, et les nommer. Malheureusement, dans le cas de la Rouquine, elle avait bien plus de mal, et surtout, elle ne voyait aucun instrumental.

Le lieu s’enflamma en un rien de temps, les hommes se levèrent, se compressèrent et les chaises comme tables n’étaient plus un lieu sécurisé. Sans qu’elle ne crie garde, de même pour son frère, les deux furent entrainés chacun par des danseurs. La pauvre fille qui n’était guère à l’aise dans ce genre de prestation tenta par tous les moyens de se débarrasser de ces personnes. Elle réussit … et aller se réfugier sur la scène même, derrière l’un des instruments de musique.

Maladroite, elle fit vibrer l’une des cordes du Shamisen laissées par la précédente artiste. Une maladresse qui attira vaguement l’attention – un son étranger dans cette parfaite mélodie. Elle se racla la gorge, désireuse de se terrer toujours plus. Peine perdue. Comment pouvait-on ignorer une fillette de quinze ans aux cheveux argentés comme une vieille dame mais aux yeux d'un bleu saphirs jamais vu? D'ailleurs les interrogations et les émerveillements ne tardèrent pas à raisonner dans la pièce. Personne n'avait rien remarqué jusqu'à maintenant vu qu'elle avait porté sa propre cape.

La demoiselle se contenta de baisser la tête vers le Shamisen, et attendre. Qu'attendait-elle? Elle-même ne savait pas.

Le talent inné d'Hasü pour la musique n'était plus à démontrer. La mélodie rythmée qui dépassait ses lèvres avaient immédiatement transformé la taverne endormie. Au départ abasourdi par ce changement de fond sonore, les clients s'étaient ressaisis à la vitesse de l'éclair. En quelques instants, les tables et les chaises avaient été isolées près des murs, et les personnes présentes ainsi que de nouveaux arrivants, attirées par la musique entraînante, s'étaient rassemblées au milieu de la pièce désormais dégagée. Autrefois somnolente, la salle était joyeuse et la clientèle dansait joyeusement. La masse se faisait de plus en plus conséquente au fur et à mesure que la mélodie avançait. L'ancienne barde quant à elle ne savait plus trop où se mettre. Dégoûtée, triste, elle était pourtant envoûtée comme tous les autres face au style particulier de la Koken.

Cette dernière se déchaînait littéralement. N'hésitant pas à en faire plus que nécessaire, la Sirène secouait sa chevelure dans d'amples mouvement de la tête, sa tignasse rousse hypnotisant son public comme les flammes d'un feu de camp enragé. Pas de fausse note, que la perfection. La Belle connaissait son texte par cœur. Chaque mots, chaque imitation d'instruments, tout était méticuleusement précis. La Rousse y prenait énormément de plaisir. Elle était la meilleure chanteuse que ce monde connaîtrait. Une star que tous les musiciens actuels et futurs retiendront au plus profond de leurs mémoires. On érigera des monuments en son nom : Celle qui a révolutionné la musique. A elle seule, elle avait créé des styles totalement différents des classiques. Elle ne leur avait pas encore trouvé de nom, mais elle y pensait de temps en temps...

Le concert battait son plein, et l'alcool commençait à couler. Au départ énervé par rapport au geste d'Hasü sur sa fille bien aimée, le Barman avait tenté de calmer les ardeurs mélodieuses de la Sirène. Cependant, lorsqu'il voyait son auberge désormais remplie grâce à cette dernière, il ne pouvait que la bénir. Son chiffre d'affaire de la journée allait être multiplié par 50 ! Soudain, un événement indésirable stoppa la DJ dans sa chanson. Un son. Un bruit qui n'avait pas été le fruit de sa voix. Tournant légèrement la tête, elle vit une gamine aux cheveux d'argents, ses pupilles ressemblaient à un océan turquoise : Humide et azurée. La pièce totalement hors de contrôle s'était elle aussi calmée lorsque la musique s'arrêta. Tous les regards étaient désormais fixés sur le visage de cette gamine à la chevelure inhabituelle. Détestant se faire interrompre, la DJ ne put s'empêcher de l'interpeller, d'une voix acerbe. Décidemment, elle avait vraiment pris la grosse tête :

— Hey gamine ! Si tu veux jouer, faut attendre ton tour... Tsss

Frustrée de s'être faite couper en plein concert, elle ne put retenir un nouvel élan de colère :

— Tu sais qui je suis ? Je suis la célèbre DJ Ridou ! La légendaire chanteuse qui a remporté le grand concours national de Nami no Kuni ! Cette interruption est une insulte à ma personne.

Un sourire malveillant s'afficha sur ses lèvres. D'ordinaire, elle n'aurait jamais agit de la sorte. Cependant ses récents exploits ne l'avaient pas rendu modeste... Très loin de là.

— J'exige des excuses sur le champ.

Pauvre gamine...

La pauvre fille avait espéré qu’on allait l’ignorer et la laisser quitter la scène. Malheureusement, avant qu’elle ne puisse s’excuser ou se défendre, la Rousse fit preuve d’une agressivité étonnante. L’attitude, au lieu de « choquer » plus d’un ne fit rire que la salle dans sa généralité. Elle n’en devint que plus rouge, déchainant que davantage l’hilarité du public.

- Je … Je … Je ne voulais pas. Excusez-moi, dit-elle en s’inclinant poliment face à la Lauréate d’un concours dont l’Argentée n’avait jamais, ô grand jamais, entendu parler.

A bien y réfléchir, ce n’était guère étonnant. A Yuki no Kuni, les arts n’étaient guère un art bienvenue, le pays étant que davantage axé sur les arts ninjas et surtout sur ce fameux et effrayant clan Samui, les manieurs de Glace. L’enfant n’oubliera pas de toute sa vie le pic de glace d’un Samui enfant s’enfoncer dans l’œil puis la boîte crânienne d’un autre pour un ridicule conflit.
Les ninjas étaient des êtres effrayants. Voilà tout.

Les excuses faites, elle s’apprêta à descendre les estrades mais fut bloquer par une petite foule aux sourires étranges. Très vite, les demandes fusèrent. On désirait un duel entre les deux demoiselles, tantôt pour réévaluer le niveau de la Rousse – et peut-être remettre en place son orgueil un brin trop enflé -, tantôt pour rire que davantage devant la possible médiocre prestation de la petite fille.

Cependant, Oge Gin n’était en rien une incompétente dans ce domaine. Depuis l’incident du pic de glace, elle s’était tut dans un grand mutisme et sa famille avait passé plusieurs mois voire années pour la faire exprimer. Sa voix n’était pas cette langue et ces cordes vocales mais définitivement ses doigts tantôt glissant sur des cordes tantôt pianotant un clavier. Elle ne devait avoir que peu de talent, mais elle travailla tant et tant cet art qu’elle pourrait « presque » en faire pâlir les utilisateurs Onkyoto. Comme quoi, la naissance ou encore le talent ne déterminaient pas, mais toujours – et encore – le travail et l’acharnement.

Par contre, jamais elle n’avait eu un tel auditoire. A ce jour, son seul public avait été sa famille proche soit une dizaine de personnes au grand maximum – les grands parents, les parents et les trois frères aînés -. Dû à cet environnement totalement nouveau, elle ne rougit que des plus belles et joua assez mal les premières notes. Face à une nouvelle vague de rire, le rouge tournait presque au violet – mêlant la honte d’être ainsi moquée mais également d’avoir ainsi si lamentablement commencé - , inspira profondément, ferma les yeux, s’imaginant à Yuki, dans le salon confortable de sa grand-mère. Mettant une mèche grise de côté, elle empoigna plus fermement le Shamisen, elle commença à jouer.

Et la magie commença à s’opérer. Elle appréciait les rythmes doux et calmes, mais ce n’était guère adapté suite à la musique endiablée et rythmée du « DJ Ridou ». Il fallait savoir s’adapter et toujours maintenir l’atmosphère et la même ferveur. Ainsi elle adopta pour un rythme rapide et entraînant, n’allant toujours que plus vite. Il faut dire, la qualité ne valait pas celle du DJ – restant tout de même excellente pour une civile - mais la technicité ou encore la vitesse à laquelle les doigts de la petite se baladait sur les cordes étonnait plus d’un, voire impressionnait la salle.

Lorsqu’elle termina, tout le monde applaudit. Elle ne sut que faire, et s’inclina à nouveau poliment, posa le Shamisen dans un petit coin et s’inclina encore une fois devant DJ Ridou.

- Je … Je vais vous laisser jouer. Je … Vous êtes vraiment douée. Mais … où sont vos instruments ?

Soudainement, la petite sentit les regards appuyés de la salle sur son dos. Effectivement, la DJ avait encore un public ...

- Excusez moi de vous retenir ... Je ... Bon travail?

Et elle commença à se diriger vers les petites marches pour quitter la scène.

Bras croisés, un sourire mesquin aux lèvres, Hasü observait la situation qui basculait à son avantage. Visiblement cette gamine semblait impressionnable et dès plus naïve. Se confondant en excuse, elle avait l'air de regretter amèrement sa situation. Sur le départ, elle s'apprêta à quitter la scène. C'est alors que la foule se mit en travers de son chemin, à la grande surprise de la Rousse. Certains ricanaient, d'autres étaient plus sérieux, mais tous voulaient une seule chose : Qu'elle montre ses talents dans un duel artistique. La Koken claqua de la langue, agacée. Si en plus son public voulait lui aussi freiner la Belle dans son show, où allait le monde ! D'un mouvement de la tête, elle ôta sa mèche rebelle qui avait la mauvaise habitude de lui passer en travers du visage. Elle ne bougea pas. Se contentant de tapoter du pied, elle attendit que la fille aux yeux de saphir se décide à se ridiculiser à nouveau. Et c'est exactement se qu'il se passa. Grattant les cordes du Shamisen, les sons qui en émanèrent furent horrible. Le public commença à rire à plein poumon, la DJ elle même poussa un ricanement. Elle exulta en voyant la tête de cette fille bien trop prétentieuse à ses yeux. Elle était écarlate, les joues en feu. C'est alors que quelque chose de totalement inattendu se passa.

Alors que toutes ses notes avaient été catastrophique, ses nouvelles partitions furent juste... Wow. S'étant arrêtée dans son rire, la Belle pouvait désormais entendre une mélodie douce émaner de l'instrument. Incrédule, elle regardait bouche bée cette enfant au talent surnaturel. Toutes les oreilles étaient à son écoute. Autrefois hilare, la foule était désormais prise dans le flot mélodieux de l'Azurée. Elle hypnotisait cette taverne. Littéralement. Les yeux s'égaraient sur les doigts fins de la Muse qui semblaient frôler les cordes du Shamisen. Rien à voir avec la toute première barde qui avait performé précédemment. Le style était plus lent et calme. Mais pourtant on pouvait sentir la force de la mélodie, à un point tel que ceux qui lui avaient portés une oreille attentive pouvaient sentir les frissons parcourir leurs échines. Finalement, après quelques minutes de pure rêverie, les personnes présentes durent retourner à la réalité. Un silence marqua la fin de cette mélodie. Ils étaient encore enchantés. Quelques secondes plus tard, la foule acclama le talent de cette fille. Tous sauf Hasü. Cette dernière était encore sous le choc. Elle avait reçu une claque auditive. Autant, d'ordinaire, elle trouvait le son du Shamisen horrible. Autant là, elle n'avait pas eu cette impression d'entendre les sons de cet instrument. Elle avait du mal à l'avouer, mais elle avait aimé. Comme toute la pièce elle avait été prise dans le flot musical de cette gamine. Avec une telle rivale, elle n'aurait sans doute pas gagné le grand concours...

Elle ne put s'empêcher d'être surprise par les excuses et l'inclinaison de cette fille, qu'elle ne voyait plus du même oeil. Elle s'était montrée horrible avec elle. Et elle s'en rendait désormais compte. Alors que la Muse avait quitté la scène pour se réfugier dans un coin tranquille de la salle, Hasü lui emboîta le pas quelques secondes plus tard.

— Attends !

Sans aucun geste brusque, elle s'approcha d'elle et lui parla à voix basse, sur un ton bien plus posé et simple. Ses chevilles s'étaient désormais désenflées.

— Ahem... Encore désolée de t'avoir snobée... J'ai été bête. Je sais pas ce qu'il m'a prit...

N'ayant pas forcément l'habitude de s'excuser auprès de gamines, elle se gratta l'arrière du crâne, de légères rougeurs apparaissant sur ses joues.

— Tu... Tu te débrouilles très bien...

Un petit sourire se dessina sur le visage tendre de la Koken.

— Et sinon... Tu t'appelles comment ?

Gin pouvait à nouveau respirer et penser en paix, dans son petit monde, invisible aux yeux de tous. Enfin, « Invisible » était un tantinet relatif lorsqu’elle avait une chevelure grise argentée à seulement une quinzaine d’années, en ayant des traits encore bien plus juvéniles. Discrètement, et sans un mot, elle récupéra sa petite cape pour rabaisser sa capuche, et se cacher de tous et de toutes définitivement. Malheureusement, c’était sans compter sur la Rousse qui se dirigeait tout droit vers elle. Au fur et à mesure que la DJ approchait, la petite Gin tremblait, se demandant ce que cette mégère désirait encore ou si elle avait un tout autre projet d’humiliation en public. Désespérément, elle chercha du regard son frère.

Elle le vit, dans les bras de deux demoiselles. Elle sut qu’il ne fallait pas le déranger – ses frères comme parents n’avaient cessé de répéter à l’Argentée qu’il fallait souvent laisser un homme ou une femme en paix, s’ils étaient relativement proches -. Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire. Voilà ce qu’on lui intimait depuis bien des années, et qu’elle appliquait du mieux qu’elle pouvait. Cependant, comment ignorer tel flirt alors que tout autour d’elle, ce n’était qu’alcool, joie, blagues salaces et tant d’autres choses aussi incompréhensibles que mystérieuses que vulgaires pour la petite princesse élevée dans les bonnes manières, le confort à l’extrême et reclus du monde à Yuki no Kuni ?

Et la mégère approcha. Et à la grande surprise de Gin, elle était incroyablement … gentille. Elle complimentait même la petite. Loin de pensée à mal ou être malicieuse, elle ne voyait aucun mal. L’homme ou la femme la plus hypocrite pourrait l’insulter qu’elle pourrait être inapte à le distinguer, et à remercier poliment et sincèrement. C’est donc avec un sourire timide, la tête baissée, les yeux regardant la pointure des chaussures qu’elle répondit.

- Merci … mais … ce n’est rien hein. C’est .. .vous étiez meilleures. Vous méritez votre titre…

Elle se tut, attendant que la demoiselle parte comme tant d’autre avec elle. Cependant, elle restait et semblait être intéressée par la petite.

- Oge Gin, des contrées enneigées de Yuki no Kuni, petite-fille de la Daimio actuelle en charge et qui y veille avec sagesse et justice, répondit Gin, répétant les dernières formules telle une automate.

Effectivement, sa famille était si fière que leur « tête » soit la Daimio actuelle de cette contrée glaciale qu’elle n’avait jamais hésité à revendiquer une ou deux titres ou positions et à transmettre cette revendication à leurs enfants. Ces derniers répétaient sans en comprendre les retombées durant leur prime jeunesse, et puis par la suite, ils les assimilaient et faisaient siennes. Petit à petit, au fil des années, ce souhait de suivre les traces de la grand-mère – ou de la mère – se renforçait, et davantage lorsque celle-ci était de plus en plus faible dû à l’âge. Il fallait un successeur … Entre les Daimios multiples – de petits seigneurs – et les membres de la famille, il fallait faire un choix. ET le bon choix au vu du nombre d’années que le Daimio en « tête » pouvait rester nominé.

- Et toi ? demanda timidement Gin.

Soudainement, la soirée prometteuse s’interrompit sur l’entrée fracassante et inattendue d’un équipage fort étrange. Les connaisseurs et habitants de Nami no Kuni surent immédiatement que ce n’était qu’une bande de pirates mettant à sac chaque fois l’auberge dû à trop de vins et d’autres alcools forts, et quittèrent donc dès qu’ils purent le bâtiment. Les ignorants comme Gin, son frère et son garde du corps, se réconfortèrent dans leur confort, se disant qu’ils n’encourraient rien. Au pire, ils pourraient se défendre – et défendre leur petite protégée -.

Bien dommage de penser ainsi. La situation s’envenima bien vite. On commanda de l’alcool à haute voix – alors qu’ils semblaient avoir déjà bien piqué du nez – ainsi que des femmes. Si ces dernières tardaient, on s’emparait de celles aux alentours, clientes comme non clientes, jeune comme vieille. Son frère tenta de faire un chemin jusqu’à sa soeurette chérie, afin de la sortir – et de même pour le garde du corps – mais ils furent arrêté en cours de route par l’équipage, qui leur demandait avec violence de partir.

- C’est notre domaine pour ce soir !

Un des pirates dans les alentours approcha de Gin et après, un regard de haut en bas, retira la capuche. Lorsqu’il vit à quel point elle était étrange, il ria à grosse voix.

- Hey C’taine ! V’pensez qu’elle s’vendrai à combien c’là ?

La petite Gin s'était allée réfugier dans les bras de la Rousse, toute tremblante.

Modeste. Malgré la claque auditive que la gamine avait administré à l'assemblée présente dans la taverne, elle n'était pas montée sur ses grands chevaux... A contrario de la Belle. Hasü se doutait que cette fillette était consciente de sa performance extraordinaire, pourtant cette dernière se contenta de lancer des lauriers à la Sirène. La DJ ne put que regretter ses mots malveillants davantage. Finalement, la jeune fille répondit à l'interrogation de la Sirène. Et pour sur, si elle ne se fichait pas de notre protagoniste, cette fille était une personnalité très importante. Ce n'est pas tous les jours que vous pouviez croiser la fille d'un Daimyo, et encore moins celle d'un autre pays. Pourtant les paroles de la Saphir semblaient un brin récitée, comme un texte. A croire qu'elle se devait de sortir cette formule à chaque rencontre... Déjà bien mâture pour son âge. Elle lui fit penser à ce jeune shinobi qu'elle rencontra lors de son arrêt à Kawazoï, capitale de Kawa no Kuni : Keitarô. Finalement, cette dernière posa la même question que la rousse.

— Hasü. Enchantée de faire votre connaissance Gin-dono !

La Sirène ne savait pas trop si elle devait se prosterner. Ne sachant pas trop comment réagir, elle se contenta de s'incliner légèrement afin de montrer son respect à cette princesse du Pays des Neiges. S'apprêtant à continuer la conversation, le duo fut interrompu lorsque la porte de l'auberge s'ouvrit brutalement. De nombreuses silhouettes se dessinèrent, leurs ombres s'allongeant sur le sol d'une manière menaçante. La Koken fronça des sourcils. Qui étaient ces gars ? Vu leurs allures, ce n'étaient pas des enfants de cœur. Rapidement ils franchirent le pas de la porte et demandèrent d'une voix forte, gutturale et autoritaire de l'alcool. Le groupe se dispersa rapidement. Une partie commença à agresser tous les hommes de la pièce. L'autre s'empara des femmes et jeunes filles, qui malgré leurs cris de protestation et de peur, ne purent empêcher ce qu'il se passait. C'est alors que plusieurs pirates s'approchèrent du duo. Un sourire horrible s'affichait sur leur faciès suant et poussiéreux. Des armes pendaient à leurs ceintures, ils étaient vêtus de d'habits déjà bien usagés et leurs odeurs empestaient, faisant froncer le nez de la Belle.

L'un des sbires commença à s'intéresser à Gin. Cette dernière, terrifiée, chercha une protection auprès d'Hasü. Montrant les crocs, la Koken ne tarda pas à se faire entendre :

— Hey ! On se calme direct... Personne ne touchera à un cheveux de cette fille.

Surpris par cette agressivité, le pirate toisa rapidement la rousse puis commença à rire grassement.

— BWAHAHAHA ! Et qu'est-ce' tu vas faire toi, heeeiiiiiiiiiin ?!

La Chanteuse jeta un dernier regard à la Princesse, et reposa ses pupilles de jade sur leur agresseur :

— Je te défonce !

Sans attendre, elle donna un violent coup de pied dans l'entrejambe du bandit et en l'espace d'une seconde, elle prit la main de la Oge et commença à courir vers le seul endroit encore non envahi par les brigands. Dans sa course, elle vit un escalier qui montait vers les étages supérieurs.

— Par là !

Tirant la fillette, elle monta. Leurs chaussures résonnant sur le bois crissant des marches. Un grand couloir leur faisait face. Par chance, une des nombreuses portes était ouverte. S'engouffrant à l'intérieur, elle ferma l'entrée de la chambre, plongeant le duo dans le noir. Ses doigts effleurèrent alors une forme métallique : La clé. Les doigts tremblants, elle fit tourner le petit bout de métal dans la serrure qui se verrouilla dans un cliquetis métallique. La respiration accélérée, Hasü regardait dans toutes les directions à la recherche d'une échappatoire.

Gin s’inclina respectueusement dès qu’elle entendit la marque de respect usuelle qu’on utilisait à son égard à Yuki no Kuni. On ne cessait de lui dire d’être courtoise et modeste, afin de trouver un bon parti. En effet, elle restait la petite dernière, derrière trois frères ainés. Elle n’était guère destinée à de « grandes » choses, si ce n’est se marier au meilleur des hommes, avoir le meilleur des enfants et apporter le meilleur des soutiens à la famille pour de futures élections Daimio.

Lorsque la situation dégénéra, la petite Gin ne sut quoi faire concrètement. Elle n’avait jamais vu une telle vulgarité à son égard jusqu’à aujourd’hui – comment pouvait-on lorsqu’on connaissait sa position ou l’attention particulière de sa famille à son égard ?- et était donc parfaitement perdue dans ce monde-ci. Heureusement, contrairement à elle, Hasü sut exactement quoi faire et réussit à sortir elle-même comme la petite vieille des griffes de ces monstres afin de fuir aux étages.

Certes, s’enfermer dans une pièce avait été une bonne idée mais cela restait une solution sur du court terme. Les brigands ne tarderaient pas à rentrer en enfonçant la porte même de chaque chambre ou pièce. En dehors d’une fenêtre – et donc d’un saut à faire – la demoiselle ne vit rien. Qu’allaient-elles pouvoir faire pour sortir de ce véritable enfer ?

- Ils vont nous retrouver, ne put-elle s’empêcher de chuchoter, paniquée, tentant de retenir son petit cœur qui semblait soudainement faire trop de bruit. Malheureusement, il était impossible « d’arrêter » un cœur et calmer était la seule solution. Mais comment faire dans une telle situation ?

Elle respirait et inspirait profondément.

- Nous pouvons accrocher les couvertures de ce lit quelques parts, jeter le matelas au sol au cas où la chute serait violente ? proposa-t-elle, étonnée de faire preuve d’une telle « stratégie ». Ou alors on lance tout plein d’objets ?

Petit à petit, on pouvait entendre les bruits de pas des brigands s’approcher. Ils hurlaient, ils braillaient, ils juraient, indiquant clairement et nettement que les deux demoiselles allaient amèrement regretter de s’être pris à eux. Par contre, à peine avaient-ils formulé cela qu’une bonne partie fit demi-tour, suite à une embrouille au rez-de-chaussée. Tout le monde n’était pas d’accord par l’arrivée brutale des hommes et surtout, elle avait un certain grand frère et un garde du corps protecteur du clan Samui à ses côtés.

Ils ne risquaient pas de rester sans « rien » faire. Surtout si leur petite princesse était portée disparue.

- Que fait-on ? murmura-t-elle, en entendant clairement deux brigands à l’étage, farfouillant les pièces, s’attirant les foudres de certains résidents pour la nuit, jetant les hommes, enfermant les femmes …

C’était des barbares dans tous les sens du terme. Le langage, les manières, le physique, la tenue …. La mer n’apportait pas que du bon il semblerait.

Paniquée, Hasü essayait de garder son calme. De la sueur perlait de son front alors que la jeune femme cherchait des idées pour se tirer, elle et Gin, de ce mauvais pas. Elles étaient cachées... Mais pour combien de temps ? La Koken pouvait entendre le bruit des pas de leurs poursuivants. Au vu des paroles proférées, ils étaient activement à leurs recherche. Ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'il ne les retrouve. La rousse ne souhaitait pas savoir la suite si elle se faisait attraper avec la Oge. Son regard se posa alors sur la fillette qu'elle tenait encore par la main. Elle était aussi effrayée que la DJ voire plus... Pourtant, ce fut elle qui proposa, en première des idées. Hasü fut étonnée d'entendre des stratagèmes aussi pensés de la part d'une gamine. Et pourtant ce n'était pas un Genjutsu... Acquiesçant, la jeune femme ne put s'empêcher de murmurer un petit commentaire. Un maigre sourire apparaissait sur ses lèvres :

— Vous êtes une experte de la fugue Princesse ? Allez va pour l'idée des couvertures. Mais il va falloir faire vite...

Sans attendre, le duo fonça vers le lit et elles le dévêtirent aussi rapidement et silencieusement que possible. Au vu des sons émis à l'extérieur, les bandits défonçaient littéralement les portes de chaque chambre. Ils progressaient à une vitesse impressionnante. Ils seraient sans doute devant celles des demoiselles dans quelques minutes. Ouvrant la fenêtre qui donnait sur une ruelle crade de Nami no kuni, le duo balança le matelas troué à travers cette dernière aux prix de quelques efforts. Une corde improvisée à base des couvertures et du drap de la couche suivit directement après. L'adrénaline leurs avaient permise de faire ce travail bien plus rapidement qu'à l'ordinaire. D'apparence, les noeuds semblaient solides. Accrochée à un des pieds du lit, le duo avait les mains libres pour débuter leur descente. Cependant Hasü doutait que ce lien puisse tenir le poids de deux personnes, aussi maigres et légères soient elles.

— Gin-dono, allez-y en première. Je vous rejoindrais en bas.

Il fallait se dépêcher maintenant. Les pirates étaient vraiment proche désormais. Pour prouver ces dires, la porte de leur chambre se plia sous la puissance d'un coup qui effara la Belle. Sans attendre sa réaction, Hasü se retourna vers la princesse.

— Allez ! Je vais les retenir !

S'emparant de la lampe à huile, posée sur la table de chevet, la rousse s'apprêtait à la lancer sur le premier visage qui dépasserait le pas de l'entrée. Des voix commencèrent à se faire entendre de l'autre côté. De toute évidence, un des gars venait d'appeler ses potes. Le deuxième choc fut fatal pour la porte en bois qui se détacha de ses gonds en allant se briser sur le mur d'en face. S'étant protégée de ses mains tout en se servant du squelette du lit pour éviter d'éventuel débris, la jeune femme se releva les yeux en direction de l'entrée. Ils étaient là. Trois hommes au regard satisfait, un sourire jaune sur chacun de leurs visages hideux. Ne se faisant pas prier, elle lança la lampe à huile vers le trio. Le premier se prit le projectile en verre en pleine face. Il émit alors un cri de douleur en maudissant la Belle de certains noms exotiques. Un autre de ses collègue se tourna vers la rouquine, désormais désarmée.

— Tu vas le payer !

La Koken ne se fit pas prier. C'est avec un sourire provocateur qu'elle s'approcha de la fenêtre. L'heure était au discours.

— Chers amis. Que ce jour demeure celui où vous avez failli capturer le Capitaine Jack... Euh DJ Ridou !

Elle sentit le frôlement d'une main alors qu'elle se jetait dans le vide. Dans son saut, elle tenta maladroitement d'attraper la corde. Elle ne parvint pas à s'en saisir correctement. Sa chute fut ralentie, mais pas stoppée. Elle sentit alors une forte douleur au niveau du dos lorsqu'elle heurta le sol.

L’idée plut à la Rousse et les deux demoiselles s’exécutèrent aussitôt. Le matelas se retrouva au pied même de l’auberge, en tête-à-tête intime avec la ruelle sale et malodorante de Nami no Kuni et les linges se croisaient et s’entrecroisaient pour finir attacher au pied d’un lit, et jetés par la fenêtre. Sans surprise, Gin fut invitée à sortir en première. Elle acquiesça, consciente qu’Hasu avait bien plus de ressources qu’elle pour se protéger ou fuir.

Doucement, tremblante, elle glissa le long de cette corde improvisée, suant de grosses gouttes dès qu’elle sentait que le lit bougeait en haut, offrant de petites chutes effrayantes dans le vide à l’Argentée. Sans accident, elle finit par arriver au pied même de l’immeuble. Cependant, ce ne fut pas le cas pour la seconde demoiselle. A peine la Civile avait-elle levée les yeux au ciel qu’elle vit la DJ tomber, littéralement, dans le vide.

Sans surprise, la chute occasionna un bruit d’os désagréable et inquiétant. L’adolescente se pencha sur la Rousse, tentant de comprendre si elle était toujours vivante ou non, si elle était grièvement blessée ou non … elle en avait « presque » oublié les Pirates à leur trousse. Ces derniers virent la scène et … N’en furent guère émus. Ils étaient prêts à descendre à leur tour pour en finir avec celle qui avait lancé la lampe à huile, mais faire tout autant payer à l’Argentée cette course inutile. Malheureusement, ils furent interrompus dans leur course par le garde du corps et frère de la petite princesse. Certains pieds s’étaient pris dans la glace, d’autres avaient droit aux coups de poing du frère. En moins d’une dizaine de minutes, l’affaire était close et ces deux hommes étaient à ses côtés.

Tout d’abord on s’assurait que Gin allait bien, et seulement après on se penchait sur le cas de la demoiselle.

- Je suis également médecin. Je saurais la mettre sur pied bien vite, annonça-t-il.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Il usa de ses dons de Samui, manieurs de glace, et de ses talents de médecin pour endormir la douleur et réparer d’éventuels os cassés. Sans brusquer davantage la blessée, elle se retrouva dans une petite table de glace improvisée et était traînée dans un coin plus éclairée, plus fréquentable et plus sécurisée de Nami no Kuni.

- Elle ira bien. Elle se réveillera d’ici quelques minutes, un tantinet vaseuse, conclut le médecin.

Aucune blessure à la tête, et la colonne vertébrale plus ou moins « épargnée », du moins aucune blessure complexe à guérir ou qui entraînerait des séquelles graves. La vie était sauve. Pour le moment. Et ils attendirent. Gin car elle souhaitait s’assurer que sa sauveuse allait bien. Son frère car il souhaitait remercier d’avoir aidé la sœurette adorée et chérie. Le garde-corps tant pour la conscience médicale que parce que Gin restait là toujours.

Au bout de longues minutes, les paupières de la Rousse s’ouvrirent. Gin n’osait dire quoi que ce soit, et laissa donc son garde du corps parler.

- Comment vous sentez-vous ? Ne vous fatiguez pas, doucement les gestes …

Et il accompagna donc Hasu dans ce petit processus de réveil, posant une main rassurante sur le dos, endormant d’éventuels douleurs ou courbatures restants.

- Je ne sais comment vous remercier, commença le frère de Gin. Je suis le grand frère à Gin, et je tiens à vous remercier. Mais je ne sais comment.

En somme … avait-elle besoin d’aide dans un quelconque domaine ? Contrairement à des Civils lambdas, ces derniers étaient les petits-fils de la Daimio de Yuki et surtout, Gin était la petite fille chérie de la doyenne. Cette dernière serait plus que volontaire d’aider et récompenser ceux qui ont sauvé ou protégé ou aidé sa petite fille adorée et fragile.

L'obscurité avait envahie l'esprit de la Belle qui ne bougeait plus. Inconsciente. La chute avait été plus rude que prévue et même le matelas n'avait pas pu amortir le choc suffisamment. Rajoutez à cela la résistance physique en carton de cette jeune femme et on comprend aisément qu'elle soit tombée dans les vapes. Elle nageait à travers l'Océan de ses propres souvenirs revoyant les événements de la journée : Le concours, la rencontre avec la Princesse et les pirates. Qu'allait-il se passer maintenant ? Elle ne savait pas si elle était vivante ou morte. Et qu'était il arrivé à Gin ? C'est sous cette dernière question qu'elle remonta à la surface, ouvrant les yeux.

Elle était couchée sur le ventre, son corps mollement étendu sur une table simplette. Une petite migraine était perceptible? et assez dérangeante, pour que la Belle plisse les yeux face à ce tambourinement. Utilisant ses mains pour se relever, elle entendit une voix dans son angle mort. Craignant que ce soit les brigands, la rousse redoubla d'effort pour se redresser. Une main apaisante se posa sur son dos, son détenteur lui demande de se ménager, de ne pas trop forcer. Anxieuse, elle jeta un regard sur son interlocuteur. Encapuchonné, il semblait froid comme la glace. C'est alors qu'Hasü remarqua d'autres personnes présentes. Un soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres lorsqu'elle aperçut la Fille du Daimyo de Yuki no Kuni. Elle était sauve.

Un homme se trouvait à ses côté. Arme à la ceinture, il arborait un air noble et bizarrement, il possédait certaines caractéristiques similaire à la jeune Princesse. Un membre de sa famille ? En tout cas ce dernier prit la parole et commença à remercier la DJ tout en donnant raison aux pensées de la Chanteuse. Un sourire sincère apparut sur son visage lorsque le grand frère termina sa déclaration. Une récompense... Voilà une idée qui plaisait à la Belle. Elle pourrait très bien demander des terres, ou même de l'argent... Des tonnes et des tonnes de Ryos ! Finalement, elle trouvait toutes ses envies un peu disproportionnées par rapport à son "exploit". Parce que bon, qu'on se le dise, elle avait voulu sauver sa peau autant que celle de la gamine.

— Je vous en prie Monseigneur.

Elle s'inclina légèrement afin de manifester le respect qui se devait par rapport à son rang social. Elle l'avait fait avec Gin... Alors pourquoi pas avec le grand frère ?

— Et bien, pour me remercier. Disons que si je vous rends visite un de ces quatre, je pourrais compter sur vous pour un hébergement ?

Son regard de jade se posa sur la fillette. Toujours souriante, assise sur la table, elle continua :

— Je compte sur vous pour me faire visiter votre palais lorsque je viendrais toquer à votre porte, Gin-dono.

Chanter dans un palais, voilà un rêve qui pourrait devenir réalité.

Le grand frère à l’avoir accompagné était le second de la famille. Il était le plus « lâche » dirions-nous, celui qui n’aimait pas se mouiller dans des histoires sordides ou peines perdues, celui qui aimait et se complaisait dans le confort et le luxe dans lequel il avait grandi, celui qui ne jurait que par les jeux d’argents et de hasards. Toute sa famille perdait foi en lui, sauf une personne. Gin.

Cette petite Argentée ne cessait de lui sourire, d’être douce avec ou de lui prodiguer mille et une gentillesses, se préoccupant que peu qu’il soit rentré complètement bourré avec une ou deux filles dans les bras. Il savait bien que cette innocence et naïveté étaient dues au fait qu’elle n’avait jamais vraiment exploré le grand monde mais il ne pouvait s’empêcher d’apprécier et d’espérer que cela durerait.

Ce genre de nuit, où certains regards se posaient sur elle et qu’elle n’en comprenait ni la portée, ni la signification ni les conséquences, il ne pouvait qu’être … triste. Il espérait, sincèrement, qu’elle aura droit à un époux juste, bon et plus ou moins de son âge. Il aurait aimé compter sur leur grand-mère mais cette dernière pensait davantage à Yuki no Kuni qu’à sa famille. Elle serait prête, si besoin, à sacrifier sa seule et unique petite-fille pour quelques arrangements profitables, quitte à ce que l’homme ait l’âge d’être le grand père à Gin.

- Notre porte vous sera ouverte Mademoiselle, finit par dire le second frère, ne pouvant s’empêcher d’apprécier la beauté de cette belle Rousse.
- EVIDEMMENT ! interrompit la petite Gin de sa voix soudainement enthousiaste, incroyablement même aux oreilles du frère. Viens quand tu veux ! Je te ferais visiter nos beaux lacs, et je t’emmènerai là où on raconte que des sirènes apparaissent mais aussi, je te ferais voir des ours, des phoques et des baleines !

Le frère l’interrompit aussitôt, tantôt amusé, tantôt triste devant toutes les rêveries et simplicités de cette petite.

- Vous serez accueilli comme il se doit au sein du Palais du Daimio de Yuki no Kuni. Et nous vous ferons visiter notre pays comme vous l’entendez. J’ai … cru entendre que vous étiez une artiste. N’hésitez pas à venir en notre pays pour apporter une petite concurrence à ma petite sœur.

Il se releva, aida à relever la Rousse et commença à diriger le groupe vers le port.

- Je serais enchanté d’assister à nouveau à l’un de vos concerts.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Il commença à être galant, tout miel tout sucre, laissant sa petite sœur chérie aux mains du garde du corps. La petite ne disait rien, intimidée par le Shinobi aux pouvoirs effrayants. Quant à ce dernier, il ne disait rien et ne faisait rien, habitué à l’étrange silence de l’Argentée à ses côtés.

Et ils arrivèrent au port. Ils durent se séparer de la Rousse à partir de là car, entretemps, le bateau qui les mènera à Yuki no Kuni était prêt. Enfin, avant cela, une petite étape était nécessaire pour « récupérer » les parents.

- Au plaisir de vous revoir, Hasu-san ! MERCI POUR TOUT !fit Gin avec un petit signe de main avant de tourner son dos pour se diriger tout droit vers le bateau.