« Tu m’as été très utile aujourd’hui, Daini. »

Comme à son habitude, la jeune femme ne répondit pas, s’engouffrant encore dans un lourd silence, à peine perturbé par les bruits des chaudes ruelles de Suna. Ils étaient parvenus à y rentrer, fort heureusement, mais de façon plutôt simple. A vrai dire, Howaito avait pris en compte l’éventualité que les choses pouvaient ne pas se passer aussi bien qu’escompté, vu les récents évènements que les villages shinobis et le monde en général avaient du affronter.

« Sincèrement, merci pour ton aide. Merci d’avoir été chercher de l’eau pendant plus d’une demi-heure, me laissant entre les fines mains d’une Saibogu prête à me mettre une balle dans la tête. Merci de ton utilité flagrante durant notre première entrevue avec la Kazekage.
─ C’est bon, j’ai compris. »

L’homme s’arrêta aussitôt. Forcément, celle qui lui servait de bras droit l’imita et porta un regard fatigué sur ce dernier. D’un mouvement de bras et d’une paume pleinement ouverte, Howaito indiqua à D de faire marcher arrière.

« Tu m’en vois ravi. Dans ce cas je te laisse trouver une auberge dans laquelle nous, ou plutôt toi, pourras te reposer. »

Amusée, la jeune femme esquissa un sourire. Elle était loin d’être une imbécile, et le Gekei avait eu le temps de pleinement prendre conscience du degré de l’intellect de son acolyte.

« Vous voulez m’écarter, pas vrai ? Bien, mais comment ferez-vous pour trouver l’auberge que j’aurais choisie si vous ne m’accompagnez pas ?
─ Suna est avant tout un village militaire, il ne doit pas y en avoir des dizaines. Et puis, je trouverai, comme toujours. »

Daini ricana, et se retourna, montrant son dos déformé par l’épée qu’elle y portait à l’ancien Kiezan. Elle se mit à marcher.

« Vous passerez le bonsoir à Kawaguchi Tsukiko. »

Ce fut au tour d’Howaito d’arracher un rictus. Ce dernier s’envola vite, laissant l’homme faire lui aussi volte-face et se remettre à marcher…

Trouver Kawaguchi Tsukiko ne fut pas une tâche aussi aisée qu’il l’aurait souhaitée. A vrai dire, la soirée se rapprochant, les shinobis et civils étaient forcément moins loquaces : fatigués ou voulant profiter de leur soirée. Mais finalement ce ne fut qu’une question de temps. Néanmoins, Howaito fut surpris de savoir que la jeune femme ne résidait plus dans les quartiers des Kawaguchi, ce qui expliquait par ailleurs pourquoi il avait mis plus d’une heure à la trouver.

Il frappa simplement à la porte, et attendit. Puis lorsqu’on vint lui ouvrir, il n’eut qu’un mot à prononcer.

« Bonsoir. »

Résumé de l'état de Tsukiko a écrit:

- Suite à un événement, elle est devenue claustrophobe et craint plus que tout le sable (notamment, être enfermée sous des tonnes de sable et ne plus pouvoir contrôler).
- En raison de ses crises de colère, son chakra est fortement influencé par ses émotions et elle le manipule que trop mal, devenant un danger pour tout le monde et elle-même. D'où des entraves sous forme de bracelet en or sur chaque poignet, scellé via du fuinjutsu.

La soirée s’annonçait cruciale et importante. Autant dire qu’elle souhaitait plus que jamais la paix et la solitude. En effet, son clan insistait toujours plus – comme son entourage – pour qu’elle abandonne ses entraves de chakra et reprenne pleinement et entièrement ses fonctions de Shinobi. La pression n’en devenait que plus forte au fur et à mesure qu’elle s’enfonçait dans l’enquête sur la mort des Conseillers ou encore au fur et à mesure que la date de son départ approchait. En effet, la Kazekage avait fait appel à elle pour une mission diplomatique plus ou moins importante : négocier des alliances, tantôt commerciales, tantôt militaires – elle était incertaine sur ce point – avec les autres villages et Daïmio afin d’apporter les ressources nécessaires à Suna et à Kaze pour son développement. Elle ne pouvait plus continuer de prendre des missions de rang D et elle ne pouvait pas non plus se permettre de quitter Kaze no Kuni sans sa réserve de chakra. Elle ne pouvait plus se permettre de se promener avec des entraves tout court qui étaient sous forme de bracelets.

« Sensorialité ou Invocation » se demandait-elle mentalement.

Devant elle, sur sa table basse, elle avait des grains de sable d’un côté et un parchemin indiquant clairement que c’était un pacte de l’autre côté. Si elle choisissait le pacte, elle se liait à cette bête, lui conférant une partie de ses capacités soit sa sensorialité non maîtrisable que l’invocation sera plus apte à maîtriser. L’invocation en question ? Des adorables fennecs qui ont toujours été fidèles aux membres du clan Kawaguchi , et surtout aux membres qui avaient failli à de vieilles traditions qui avaient été banni par le chef de clan actuel. Elle avait succombé, dans sa faiblesse, à une offre d’une vieille femme … et aujourd’hui, elle était inapte d’utiliser son sunaton sans être effrayé par son propre sable.

Elle était belle la Shinobi.

Et puis. Toc Toc.
Elle inspira longuement, se leva rageusement et ouvrit la porte avec un air blasé, prête à déballer ses premières phrases cinglantes comme « je n’ai ps de sucre, de sel, de poivre, de chocolat, de thé, de café » et ainsi de suite … Mais elle ne fit ni l’un ni l’autre.

Elle cligna des yeux plusieurs fois, s’interrogeant sincèrement sur ses capacités visuelles. Rêvait-elle ? Etait-elle dans un Genjutsu des plus tordus et incongrus ? Ou était-ce l’incroyable vérité ? Est-ce que le moine qu’elle avait rencontré il y a de cela des années – deux ou trois ans – était à sa porte même ? Il faut dire qu’elle avait commencé à perdre espoir de le voir fouler le sol de Suna un de ces jours.

- Euh … Bonsoir.

Et elle resta plantée là, à le fixer avec des yeux ronds incrédules et un air étonné. Elle comprit la stupidité de sa réaction au bout de quelques minutes, suite à un certain silence qu’on pourrait qualifier de gênant.

- Oh, excusez moi. Euh … souhaitez-vous …entrer. Prendre un … thé. Ou un verre. Enfin, ce que vous voulez, elle s’éclaircit la gorge. Entrez donc.

Elle avisera de la boisson après, une fois qu’elle se serait renseignée sur la santé et le voyage du moine. Elle espérait qu’il mettrait cette maladresse sur le compte de sa surprise.

- Asseyez-vous, sentez-vous comme … chez vous.

Plus que jamais elle se rendait compte de l’étroitesse de son studio. Elle était assez frêle en soit et elle se mouvait plus ou moins à son aise dans l’espace restreint. Cependant, dès l’instant où quelqu’un de bien mieux bâtit ou de plus grands qu’elle entrait dans la pièce, la donne était différente.

Le choix de l’espace n’était guère nombreux pour Howaito. Il y avait une petite table basse ronde obligeant toute personne à s’asseoir à même le sol, un lit des plus simples dans un coin, une petite cuisine dans un autre – une cuisine pour une personne surtout, du type kitchenette – et une fenêtre sans … fenêtre. Il faisait suffisamment chaud à Suna en journée, et en soirée, elle avait les bonnes couvertures et un bon paravent de bois empêcher plus ou moins l’air froid de trop pénétrer la pièce.

- Excusez-moi pour cet accueil maladroit. Je ne m’attendais pas vraiment à votre visite. J’avoue avoir été surprise et même là, je suis encore surprise. Cela fait bien quelques années. Je suis … vraiment heureuse de vous revoir, dit-elle sincèrement.

Elle ne savait pas pourquoi mais le moine semblait dégager un aura qui insistait au calme … ou à la curiosité. Le regard de ce dernier témoignait d’une grande connaissance, mais de quel type de connaissance ? Les paroles mystérieuses laissaient assez libres à l’interprétation, ou alors n’étaient-elles pas si mystérieuses ? Sa mémoire lui jouait de sacrés tours.

- Que désirez-vous ? J’ai du saké, j’ai du thé et j’ai même du café. Que souhaiterez-vous après un long voyage dans le désert du Pays du Vent ? demanda-t-elle avec une pointe de malice dans la voix. J’espère que le voyage n’a pas été trop rude.

Elle était heureuse de le voir car il lui rappelait une promesse faite … et une ancienne Tsukiko qui lui manquait presque. Un regard sur la table, et elle remarqua les grains de sable et le pacte non signé. Il semblerait que cet homme tombait toujours à pique quand il était question de questionnement existentiel.

Devrait-elle en faire part comme la dernière fois ? Elle ne savait pas, elle en aviserait au fur et à mesure.

- Laissez-moi débarrasser, dit-elle, jetant par la fenêtre les grains de sable, et mettant dans un coin le pacte enroulé.

Toute trace de sable avait disparu dès lors. En effet, les parois de sable étaient recouverts de nombreux plans de bâtiments – le QG de l’organisation de Kibo, une demeure secondaire comme cadeau de mariage d’un mariage qui n’aura pas lieu ainsi que d’autres petits plans simples -, accrochés par divers moyens – shurikens un tantinet émoussé, des colles fortes .. etc –. Quant au sol, il était également couvert d’un tapis épais à la couleur d’un rouge sombre.

Hormis le plafond, toute trace de sable avait disparu.

- J’aurais voulu vous accueillir dans de meilleures conditions.

Le clan Kawaguchi était l’un des clans les plus influents et riches de Suna … et elle était réduite à cela.

Tant de choses s’étaient bousculées. Nombreux étaient les sentiments qui devaient traverser l’esprit de la jeune femme, tourmentée, perdue, à un moment sûr d’elle, hésitante. Un spectacle comportemental auquel Howaito décida d’assister sans faire quoi que ce soit d’anormal et le tout en restant silencieux. Il notait les informations dans sa tête au fur et à mesure qu’elles lui apparaissaient. Et malheureusement, il semblait que les choses n’étaient pas devenues aussi bonnes et simples qu’il les aurait souhaitées pour la belle Tsukiko.

Une hésitation flagrante dans les gestes et dans les mots pour commencer. Mais ça, cela pouvait encore s’expliquer par la surprise de voir débarquer le moine qu’elle avait rencontré il y avait presque deux ans. S’il ne la connaissait pas, il aurait pu se demander si elle n’était pas intimidée ou même effrayée. Après tout, un homme un soir chez elle… Mais ils se connaissaient. Et tous deux savaient que l’hésitation de la Kawaguchi n’était nullement due à une tension d’ordre physique ou une question d’attirance.

Le pacte qu’elle s’était empressée d’enrouler était intriguant. Etait-ce là quelque-chose lié à un Kuchiyose ? Le sable qu’elle avait chassé de la table n’avait pas de signification claire, elle pouvait très bien l’avoir enlevé pour rendre un peu plus « propre » l’endroit dans lequel elle accueillait son invité.

Mais globalement, elle était restée la même. A part qu’elle était devenue majeure, qu’elle s’était embellie et qu’elle avait sûrement du faire des progrès dans de nombreux domaines. Néanmoins la contradiction et l’hésitation faisaient toujours partie intégrante de sa vie. Preuve en était qu’elle habitait toujours à Suna, mais plus chez les Kawaguchi. Preuve en était ce parchemin. Preuve en était son comportement.

Pourtant, le principal était là. Elle était heureuse de le revoir. Et lui aussi.

« Je veux bien un café, s’il te plaît. Et je te laisse ton lit, rassure-toi. Je vais me mettre par terre, j’ai l’habitude. »

Un sourire avait accompagné ces quelques mots, alors que l’homme s’était assis au sol. C’était vrai qu’avec toutes les années passées auprès des Kiezan, il n’avait plus la moindre difficulté à gérer la rigidité d’un parterre et pouvait s’y asseoir sans être gêné.

« Moi aussi, je suis content de te revoir. Je te l’avais plus ou moins annoncé et ça y est. La nouvelle étape de ma vie a commencé. Et toi, comment vas-tu ? »

- Je vais aussi me mettre par terre, répliqua-t-elle d’un ton léger en secouant la tête d’un air amusé.

Le lit ne lui servait qu’à dormir ou encore s’y allonger pour contempler des heures le plafond de sable. Autrement, elle passait le plus clair de son temps à même le sol, à dessiner des projets architecturaux ou encore à gérer le projet de développement de Suna et de Kaze en y apportant des modifications – corrigeant les erreurs ou apportant des améliorations – ou encore à méditer.

Le moine s’assoit et commence à parler. Il utilise le tutoiement. Et étrangement, elle était incitée à user du tutoiement, comme si elle était sur un même pied d’égalité avec lui. Il n’y avait pas les barrières de la hiérarchie, des générations ou encore de fausses courtoisies. Cela ne sous-entendait pas qu’elle ne le respectait pas – loin de là – mais qu’elle le voyait déjà bien différemment pour une raison inexpliquée.

Une seule seconde de réflexion lui suffit pour comprendre. Elle n’était plus la naïve adolescente de dix-huit mais une demoiselle de vingt-deux ans qui n’avait plus guère d’illusions. Il pouvait être moine mais comme tout homme, il avait aussi sa part d’ombre. Il était comme tout le monde par conséquent. Enfin, s’il était venu jusqu’à elle, c’était qu’elle devait être plus qu’une simple inconnue. Une amie ou une connaissance « premium ». Dans tous les cas, Un « Tu » s’imposait.

- Je ne vais pas bien. Ce serait mentir que de dire le contraire. Mais je vais aller mieux. J’en suis sûre et certaine. Je vais bientôt partir en voyage, disons que cela va m’aider à prendre des distances avec certaines choses.

Elle allait cesser de mentir. Elle était lasse de toujours prétendre qu’elle allait bien. Si elle était en colère ou fatiguée, elle allait le montrer. Tout le monde semblait des plus impatients de connaître chaque parcelle de son existence.

- J’avais promis de chercher certaines Vérités. Ce qui est drôle, c’est qu’en dénichant une Vérité, on a à chercher une autre qui est plus profondément cachée, et bien plus coûteuse en conséquence.

Elle finit par revenir avec quelques apéritifs qu’elle déposa sur la table, suivit du café tant pour lui que pour elle. Quoique, elle s’était servie d’un thé plutôt, bien plus apaisant qu’un café à son sens.

- Mais je vais aller mieux. Une nouvelle étape se présente à moi aussi, et elle est bien plus brillante. Bien plus prometteuse que tout ce que j’ai pu vivre jusqu’ici. Je vais partir en voyage dans quelques jours ou semaines, et à mon retour … les choses seront différentes. Bonnes pour moi.

Elle allait être chef de clan. Si sa mission diplomatique se passait bien, elle aura plus que quiconque droit à ce fameux poste. Si le chef ne le souhaitait pas maintenant, elle savait déjà comment l’aguicher. SI elle obtenait ce fameux poste de conseillère, elle lui promettrait d’être un bon bras droit, et y apporter un tantinet quelques avantages dans les futures décisions … et elle deviendra chef de clan. Dès lors, les Kawaguchi les plus cupides, stupides et injurieux à son égard subiront un à un sa colère et sa vengeance. Non, elle ne comptait pas laisser ce maudit clan s’en tirer aussi aisément. Du moins les membres ayant fait de sa vie un vrai enfer sur terre.

- Et qu’elle est ta propre nouvelle étape ? Ai-je à la deviner ?

Lors de leur dernière rencontre, elle avait plus parlé qu’autre chose. Il restait toujours un homme mystérieux.

- Et également. J’ai en mémoire un nom comme Howaitaito … mais quelque chose me dit que c’est faux. Que cela sonne faux, dit-elle avec un petit air gêné.

Lors de leur première rencontre, elle était des plus perturbées. Elle avait répété un nom qu’elle avait à peine écouté. Elle préférait déjà s’assurer d’avoir le bon nom, si non, corrigé. Il serait malvenu qu’elle l’appelle par le mauvais nom en plein milieu de la conversation.

Elle avait elle aussi décidé de s’asseoir par terre. C’était une douce attention. Il y avait des choses chez la Kawaguchi qui n’avaient pas changé, et c’était avec plaisir qu’Howaito redécouvrait des facettes d’une personnalité certes perturbée mais qu’il appréciait tant.

Mais force était de constater que le moine ne s’était encore une fois pas trompé. La jeune femme n’allait pas bien, et pour preuve pour elle ça aurait été « mentir que de dire le contraire ». Néanmoins, petite surprise : elle préparait un voyage. Quel genre de décision avait-elle bien pu prendre ? Et quelles en étaient les causes ? Des informations difficiles à obtenir, car Howaito ne voulait surtout pas brusquer son interlocutrice.

Sa petite phrase sur les vérités avait démontré qu’elle avait beaucoup réfléchi à leur ancienne discussion. La philosophie était accessible à tous, mais la marge de compréhension et de réflexion était grande, immense, infinie. Jusqu’à quel point avait-elle évolué sur un plan psychologique ? Il n’en avait encore pas la moindre idée. Mais elle avait progressé. Elle n’était plus la fille chétive qu’elle était il y a deux ans.

« C’est Howaito, mais nous savons tous les deux que tu as retenu bien plus de choses sur moi que tu voudrais le laisser croire. »

Chose surprenante ou pas quand on connaissait le passif rapide mais intense des deux personnes, l’homme s’approcha dangereusement de la Kawaguchi. Sa main droite se leva et alla lentement se poser sur la joue gauche de la blonde.

« Aller mieux, c’est tout ce que je te demande. »

Il plongea ses yeux dans les siens pendant plusieurs secondes, qui même pour un intellect comme lui parurent durer bien plus… Puis il se redressa jusqu’à se relever complètement.

« Personne ne peut juger si ce que je fais est bien ou mal. Et à vrai dire, je ne prétends pas moi-même le savoir. Néanmoins, comme tout le monde, je fais ce qui me semble juste. Nous sommes, tous, constitués différemment. Chacun a ses forces et ses faiblesses, ses particularités. Tu es blonde, je suis brun ; tu es quelque-part attachée à ton clan ; je ne le suis pas pour le mien. Il y a parfois des choses contre lesquelles nous ne pouvons pas lutter, pour lesquelles nous sommes faits. »

Son regard insista pour continuer de chercher celui de Tsukiko. Puis Howaito ferma ses pupilles lentement avant de détourner son visage.

« Ma prochaine étape est le commencement d’une nouvelle vie. Pas seulement pour moi, à vrai dire. Je vais changer la vie de nombreuses personnes. »

Ses mains s’en allèrent dans ses poches. L’homme avait finalement entièrement tourné le dos à la kunoïchi. Son regard fixait le mur, imaginant derrière les shinobis de l’unité spéciale de Suna qui devaient surveiller l’entrée du studio de Tsukiko.

« Si je suis venu à toi, c’est pour te demander de venir avec moi. Accompagne-moi dans mon voyage, et profite de ce dernier pour faire tout ce que tu as l’intention de faire, de ton côté. Je t’y aiderai, et je saurai convaincre le Kazekage si nécessaire. Mais dans l’éventualité où tu refuserai… »

Sa voix se fit soudainement plus pénible.

« … je suis venu te dire adieu, car nous ne nous reverrons probablement plus. »

Les relations homme-femme étaient toujours d’un grand complexe. L’acte des uns envoyait un message à l’autre. Cependant, est-ce que le bon message était transmis ? Par exemple, prenons la situation présente. Est-ce que le geste d’Howaito était anodin, sans arrière-pensée et totalement dénué d’intérêt ? Il pourrait la regarder avec les yeux d’un homme envieux ou alors les yeux d’un homme d’affaires ayant là une opportunité ou les yeux d’un homme bienveillant et doux. Il y a deux ans, elle aurait naïvement opté pour le dernier cas.

Sauf qu’elle n’était plus naïve. Ni pleine de rêves. Elle était dans cette dure réalité plus que jamais, malgré elle.

Elle cherchait d’ailleurs une réponse à cette question dans les yeux du moine. Cependant c’était peine perdue. Comment savoir quand un homme mentait ou non quand on ne l’avait vu que deux fois dans toute son existence ? Cependant, malgré sa méconnaissance du brun, elle put tout de même y discerner quelque chose de dangereux : l’intelligence. Il avait effectivement le regard vif et perspicace de ces intellects.

Les belles paroles, si prononcées dans un but intéressé, n’eurent pas le don de l’hypnotiser au point d’en perdre toute notion de temps ou de parole. Cependant, elle n’était pas non plus totalement insensible au regard, découvrant toujours plus un tout autre aspect de cette énigmatique personne.

M’enfin, dans tous les cas, Elle était encore parfaitement consciente de son environnement et de ce qui se passait. Elle entendit donc parfaitement les premières paroles d’Howaito. Le début étrange ne semblait présageait rien de bon et cela n’allait que crescendo. Il disait qu’il faisait ce qu’il pensait être « juste », et qu’il allait changer la vie de plusieurs personnes.

Il finit par tourner le dos à la dame … pour faire une proposition des plus étonnantes.
Le mot « adieu » créait tout de même un trouble dans son esprit. Inconsciemment, et malgré la rareté de leur rencontre, il avait gagné le respect de la dame et peut-être même son « amitié », et par conséquent, elle ne souhaitait pas avoir à lui dire « adieu ».

Elle se leva et posa doucement une main sur l’épaule du brun pour l’obliger à se retourner et lui faire face. A nouveau elle plongeait un regard inquisiteur et bienveillant à la fois. Elle était curieuse de ses paroles et souhaitait de plus amples éclaircissement avant de décider si elle accepterait, déclinerait, ou mettrait en « attente ».

- Il faut toujours regarder la personne en face lorsqu'on fait une proposition.

Elle tentait d'être taquin, et de détente l'atmosphère soudainement "étrange". L'avenir déjà bien incertain lui semblait encore plus incertain.

- Je ne suis attachée à mon clan que parce que c’est ce qui me reste de ce que j’appelle Famille. Cependant, dernièrement, je me suis rendue compte qu’une famille n’est pas forcément des liens de sang mais plusieurs autres choses. Beaucoup de gens me l’ont montré à plusieurs reprises … avant que je ne les blesse et détruise tout, déclara-t-elle avec une pointe de tristesse. Nous nous sommes peu vu mais malgré tout, Aussi étrange que cela puisse paraître, tu as mon respect Howaito et c’est pour ce respect-même que je t’écouterai jusqu’au bout.

Elle l’invita à nouveau à s’asseoir.

- Je ne veux pas avoir à dire adieu à un ami sans savoir pour quelle raison j’ai dit adieu. Peux-tu me parler davantage de ce voyage, de ce qui te semble « juste » mais que d’autres qualifiaient « d’injuste » ? Si tu assures de pouvoir convaincre la Kazekage, alors ton projet n’est pas à l’encontre de Suna et de Kaze n’est-ce pas ?

Elle se releva un court instant pour sortir du frigidaire les bouteilles d’alcool, et deux verres.

- Et plus important, pourquoi « adieu » ? Cela signifie-t-il que tu y risques ta vie … ou ton honneur?

Honneur dans le sens où il risquait de se faire une très mauvaise réputation dans le monde ninja qui lui vaudrait des recherches de recherche « mort ou vif ».

- Parle-moi s’il te plaît, lui demanda-t-elle d’une voix toujours douce et amicale. Je ne sais pas si cela peut te rassurer mais je viendrai avec toi si ta cause me semble juste. J'ai également ma propre vision du "juste" qui peut ne pas coller avec la notion de la majorité. Je suis la Bâtarde de mon clan, l'Etrangère à la vision bien différente.

Un silence de quelques secondes. Un silence pourtant si long. Mais lorsqu’il sentit une main se poser sur son épaule, le souffle d’Howaito se coupa. Un court instant, il perdit la notion du temps. Elle le forçait à se retourner, chose qu’il fit sans trop forcer et ce même s’il mit du temps à accepter l’idée de la regarder à nouveau sans qu’elle eut encore formulé sa réponse. La voir créait en lui un sentiment si étrange, si doux, si bon mais pourtant si dangereux…

Tout était dangereux. Et sa venue à Suna était dans le même degré de dangerosité que tout le reste. Pour la première fois de sa vie, il allait faire quelque-chose d’important qui allait engendrer des répercussions qui dépasserait tout ce qu’il avait pu faire avant. Des shinobis, des civils, des clans, des villages… Mais pourtant dans l’instant présent il n’y avait plus qu’elle qui comptait. Kawaguchi Tsukiko.

Il l’écouta parler de sa vie, de son clan. Il ne s’était donc vraiment pas trompé : elle avait vécu d’autres aventures depuis leur première rencontre. Des évènements peu commodes avaient du se rattacher à sa vie déjà difficile. Mais tout pouvait changer, que ce soit avec le voyage qu’elle préparait ou avec ce qui lui offrait Howaito. Mais bien entendu, elle n’avait pas manqué le mot « adieu ». Et elle ne comprenait pas. Ou du moins, elle semblait essayer de saisir son sens. Mais elle était si loin de la réalité. Si loin que lorsqu’elle voulut qu’ils se rassoient, le moine attrapa la jeune femme par les épaules.

« Adieu car si tu ne viens pas, c’est toi qui mourras. »

Son regard était perçant, inquiétant et perturbé. On avait du mal à croire qu’il eut menti lorsqu’il avait prononcé ces mots d’une telle violence. Il lâcha la Sunajin et soupira.

« Je n'ai pas peur de ce qui peut m'arriver, mais à toi si. Je veux que tu viennes avec moi pour vivre. Car je sais, et c’est justement ce dont je dois parler avec le Kazekage, je sais, je sais… »

Pour la première fois depuis très longtemps, le Gekei transpirait. Ce n’était pas justifié par la gravité de la situation, par l’importance de ce qu’il savait ou de ce qui pourrait se passer. Non, il transpirait parce que cela pouvait engendrer la mort de la seule personne qu’il appréciait réellement ici, à Suna, au Pays du Vent.

« Je sais que Suna va se faire attaquer. »

Son regard se fit fuyant. Il chercha un endroit, quelque-chose à regarder. Fébrilement, il s’assit sur le lit de la jeune femme, jusque-là ignoré. Ses doigts se rejoignirent et s’embrassèrent.

« Et je ne te parle pas d’une attaque sur un avant-poste ou d’une vaine provocation ou attaque sur la Voie Illusionnée. Je te parle d’un véritable attentat, qui pourrait rayer ton village de la carte du monde. »

Si jamais il sortait du studio sans elle, alors il ne serait plus capable d’être sûr de la sauver. Car la suite pourrait se révéler être un chaos total.

- Adieu car si tu ne viens pas, c’est toi qui mourras.

Elle était à des années de lumière de penser que l’Adieu lui était destiné. Elle n’aurait pas été aussi triste si cela n’avait été qu’elle – il semblerait que sa vie soit une succession de mauvaises surprises. Cependant, malheureusement, l’Ange de la Mort qui lui faisait de la face ne s’était pas limité à lui annoncer une Mort qui aurait dû être surprenante et inattendue mais également annoncer celle des êtres chers qui peuplaient Suna soit ses amis, les civils qu’elle avait juré de protéger…

- Je te parle d’un véritable attentat, qui pourrait rayer ton village de la carte du monde.

Elle le vit s’asseoir sur son lit, joindre ses mains dans un geste fébrile … mais elle remarquait à peine ces petits gestes. Elle aurait souhaité dire qu’elle réfléchissait mais c’était fort impossible. Son esprit était aussi vide que le désert du Pays du Vent, et son corps était tout tremblotant. C’est dans cet état de choc qu’elle s’assit aux côtés d’Howaito pour le regarder droit dans les yeux. Un sourire nerveux finit par apparaître sur ses lèvres.

- Tu … C’est une blague n’est-ce pas ?

Elle attendit ce fameux rire qui indiquait que c’était la fin de la blague. Elle le secoua, tentant misérablement de récupérer ce maudit rire. Les meilleures blagues étaient les plus courtes … Sauf qu’il ne semblerait pas que ce soit une « blague ». Elle se tut, regardant en face d’elle, le teint pâle, le regard dans les vagues.

- Que sais-tu exactement sur cette attaque … et comment ? Ne me dis pas que tu en fais … partie.

Etait-il un des acteurs de cette future attaque ? Elle lui lança un regard des plus accusateurs et colériques. Suna était sa dernière chance pour « avoir » une vie. Elle était mal partie certes, mais elle aimait espérer à un avenir bien plus radieux auprès de ses amis. Kioshi, Kibo, Yami, Oniri, Shinji, Zanshi et tant d’autres personnes civiles comme non civiles.

- J’ai mes démons à Suna, comme tout le monde. Mais j’ai aussi des amis, et j’ai juré de protéger les civils de cette nation. Quoi qu’il arrive, et je suis une femme d’honneur.

Elle avait pris son visage entre les mains pour l’obliger à la regarder pour qu’il comprenne vraiment l’importance de Kaze dans sa globalité pour Tsukiko. Enfin, elle voulait maintenir ce contact visuel pour savoir – ou tenter de savoir – quand il mentait et quand il disait la vérité. Tant bien que mal, elle arborait un air calme. Tant bien que mal car son cœur battait mille à l’heure, ses membres tremblaient et ses yeux exprimaient une grande crainte.

- Nous avons ce qu'il faut pour que la majorité survive. Nous pouvons tous survivre. A moins que tu ne veuilles pas ...

Tous car ce qu’elle retenait était un homme ayant proposé uniquement à elle – ou à quelques autres personnes – de l’attaque de Suna, et de la mort prochaine de plusieurs personnes innocentes, comme non innocentes.

- Howaito, dis-moi ce que tu sais. S’il te plaît, dit-elle d’une petite voix presque suppliante.

Elle voudrait secouer, claquer, hurler mais cela ne servirait à rien. Il fallait tenter de rester calme pour une situation qui ne semblait définitivement pas à être une blague. Elle ne le lâcherait pas d’une semelle jusqu’à obtenir tout ce qu’elle voulait. Cependant une question trottait : était-il l'ennemi ou l'allié?

Elle ne craignait rien. Il y avait forcément un ou deux membres des forces de Suna surveillant le moine. S'il était un vrai danger, ils sauront le maîtriser. S'il n'était pas un danger, il sera un puissant allié.

« Tu crois vraiment que j’aurais fait ce voyage pour blaguer sur ce genre de sujet ? Tu me connais bien mieux que ça pour croire une telle chose, Tsukiko. »

Ses yeux avaient baissé en intensité. Ils étaient attristés, fatigués mais pourtant encore clairvoyants. Ils voyaient clairement que la jeune femme était perturbée, et qu’elle n’allait désormais sûrement pas laisser son village se faire attaquer pendant qu’elle partirait ailleurs. Quelque-part, son ultime tentative de la faire sortir d’ici avait échoué, et l’avait condamnée. Mais il pouvait faire en sorte d’éviter cette sentence. Il le voulait.

« Non je n’en fais pas partie. Mais si je sais la menace que cette attaque représente… c’est parce qu’elle va venir de Kyoshi Rei, l’Homme Masqué. Et avec ce genre d’énergumène, on ne peut pas espérer ne serait-ce qu’une once d’humanité. Il veut la fin des shinobis. Et il commencera par détruire Suna. »

Soupirant, l’homme repensa à celui qu’il connaissait si bien mais avait si mal jugé. Aurait-il pu penser qu’il aurait autant malmené les Kage et aurait été à la fois la menace et le sauveur de ce monde ? Lorsqu’il avait divulgué l’information sur l’inhibiteur de Gogyou Makka, tout le monde – le moine y compris – avaient pensé que l’Homme Masqué était quelqu’un de bien. Mais c’en était tout le contraire. Et maintenant que les Furyous avaient disparu…

Sauver Kawaguchi Tsukiko, voilà la seule tâche qu’Howaito s’était clairement fixé. Bien entendu il savait ce qu’il pouvait faire d’autre pour aider ou non Suna, aider ou non Kyoshi Rei. Mais la seule chose contre laquelle il ne pouvait pas se battre c’était de cette envie de protéger son amie. Sa seule amie ici.

Bien sûr des visages familiers lui revenaient en tête. Habashi Zanshi qui avait fait preuve d’une rigueur et d’une clairvoyance d’esprit que le Gekei aimerait voir plus souvent chez les dirigeants des villages shinobis. Saibogu Oniri qui, malgré le zèle qu’elle avait fait, était une kunoïchi qui semblait respecter les ordres qu’on lui donnait et Dieu savait que si tous les shinobis étaient aussi disciplinés il y aurait bien moins de problème dans le monde. Et bien entendu Ketsueki Yami, grâce à qui il avait préparé un plan éventuel qu’il pourrait mettre en œuvre et ce des deux côtés. Mais qui aider, Suna ou l’Homme Masqué ?

Howaito avait toujours été contre les terroristes comme Sabakyô Seitô par exemple, et contre l’Homme Masqué qui, malgré une certaine intelligence, n’était au final rien d’autre qu’un homme qui souhaitait la fin de toute une espèce ; un barbare. Mais malheureusement pour le moine, il connaissait bien l’homme derrière le masque blanc. Et il savait à quel point ce qu’il avait vécu était difficile. Il savait également que se mettre en travers de ses plans serait le plus grand risque qu’il prendrait de sa courte vie.

Que faire ?

Fallait-il s’opposer à Kyoshi Rei et aider Suna sachant très bien le niveau de l’intellect du Nukenin ? Il y aurait forcément un risque énorme que l’Homme Masqué en vienne à s’attaquer en premier à Kawaguchi Tsukiko si jamais il n’était pas arrêté.
Alors fallait-il l’aider, lui et condamner un peuple entier ? Des shinobis entraînés chez qui il n’avait vu que des personnes aux motivations et aux comportements louables ? Fallait-il se remettre à la promesse d’un homme qui s’était joué des shinobis les plus puissants de la planète ?
Ou encore fallait-il rester neutre et ne rien faire, en espérant que ni Kawaguchi Tsukiko ni lui n’en paient un lourd tribut.

« Ce que je sais, je le dirai à la Kazekage dès demain matin. En attendant, je veux que tu me promettes deux choses. »

Howaito s’approcha lentement de la porte du studio. Ses yeux embrassèrent le sol, et remontèrent petit à petit sur ceux de la magnifique blonde.

« Si jamais ta Kazekage refuse de m’écouter, va lui parler et fais pression sur elle. Et si jamais je viens à être enfermé, fais en sorte de faire partie de ceux qui me surveilleront, s’il te plaît. Fais ces deux choses et je te garantis que le village aura le plus de chances d’être protégé. »

Il regarda une dernière fois la jeune femme. Un sourire éclaira son visage, puis disparut. Comme lui. Il ferma la porte derrière lui.

Ses paroles avaient montré qu’il souhaitait défendre Suna, mais il était obligé de le faire quoi qu’il eut décidé, c’était nécessaire pour le bien de Kawaguchi Tsukiko.
Mais qu’avait vraiment décidé l’ancien Kiezan ? Seul lui le savait.