L'attaque frontale fut certainement une surprise pour le Démon des Glaces. Non pas pour la violence qu'elle dégageait ; depuis le début de cet affrontement sans raison, le Samui complètement perdu avait interprété la présence de quiconque comme celle d'un ennemi. Voir l'homme le charger était donc une preuve de son raisonnement illogique : s'il m'attaque, c'est un ennemi ; si c'est un ennemi, je l'abats. 1+1=2, quoi … .
En revanche, le placage au sol et cette violence déclaration d'amour prirent l'homme au dépourvu. Un ami .. ? Conception pourtant si éloignée, presque étrangère en cette heure si froide … . Une relation du Passé ? Quel passé … .

Le Froid avait presque gelé le cerveau du vieux combattant ; se souvenir de quelque passé que ce soit ne pourrait être que douloureux. Et pourtant, notre homme était bien conscient de cette douleur. Ignorant le coup de genou qui venait de le projeter au sol, c'était davantage sa tête qui lui faisait un mal de chien. Sa main vint se braquer sur son crâne, comme pour retenir une explosion interne. Son liquide céphalo-rachidien était en ébullition, ses souvenirs en morceaux et sa volonté fortement ébranlée. Pourrait-il contenir cette puissance qui voulait lui arracher la cervelle et le squelette, à l'instar d'un Alien venu de l'espace inconnu ?! La douleur se maintint, mais se laissait également transporter par le désir de migration pour plus de soleil. Et, dans une douleur infernale, ce fut le cœur cette fois-ci qui saisit l'homme par la poitrine. Comme si son pouls battant voulait l'envoyer dans la stratosphère. Ayant eu les couilles de retenir son râle de souffrance jusqu'à présent, l'homme frappa son poitrail à pleine force, comme si une nouvelle douleur ferait taire la première ; mais l'effet en fut pire : il hurla avec une rage jamais exprimée jusqu'à ce jour par l'Être humain. Démon, humain ? Comment faire la différence devant pareille sauvagerie … .

Il fallut attendre de longues minutes, au cours desquelles notre homme se débattit, cherchant à renverser l'homme qui le chevauchait. Amitié ? Qu'est ce que c'est ? Quelles responsabilités sont impliquées ? Est-ce un sentiment proche ? Connait-il cet homme ? Doit-il lui faire confiance, cette amitié est-elle réciproque ?
Peu à peu, le battement de cœur devenait moins sauvage ; notre homme se débattait toujours avec une volonté extérieure, souhaitant lui glacer à la fois les organes et les sentiments. Mais, dans un effort qu'il serait impossible à décrire, le Capitaine de l'Ôda maîtrisait peu à peu cette fraction inconnue, cette erreur de calcul qui s'installait dans les tréfonds de sa personnalité. La douleur se gela sur place, sans faire des siennes ; seule la respiration forte et haletante rappelait au trio que notre homme venait de passer un mauvais quart d'heure … .

~ Ya …(han) nosa … (han)...

Il l'avait reconnu ?! Le voile devant ses yeux se dissipait progressivement et, malgré la grêle et la neige pluvieuse, le vieux Samui reconnaîtrait entre mille cette crinière rouge et fière, qu'il avait déjà rencontré plusieurs fois par le passé. Il avait fait des missions avec lui, avait conversé à plusieurs reprises … l'avait même affronté fut un temps ! Un parcours que notre vieux briscard n'avait partagé avec personne. Son némésis, peut-être ? Seul l'avenir peut jurer de telles choses. Mais reconnaître son acolyte était un progrès sans précédent, si on devait prendre les dernières heures comme référence.

La tension retombait, la rage se taisait pour laisser place au vent glacial qui se heurtait contre les parois rocheuses, comme un bélier contre une barrière de bois. Le Jônin ouvrait et fermait lentement les yeux, comme pour arracher délicatement le voile qui le coupait de la réalité. Les traits faciaux de l'Ancien Nuke-Nin devenaient de plus en plus clairs et identifiables ; et la situation devenait plus claire, plus limpide. Tout comme les ravages qui venaient d'être faits.

Car Kakeshuou Samui ne pouvait effacer ce qu'il venait de commettre : un meurtre au sein du Shukaï ; un assassinat au sein de l'Alliance des Pays Neutres ! Emporté par sa folie, une folie qu'il avait prétendu pouvoir contrôler, il avait surestimé ses capacités, et avait ainsi pris un rôle des plus lourds à porter. Que faire, maintenant que l'irréparable était commis ?! Le soldat n'hésiterait pas à révéler les faits, et à dénoncer le crime commis. Le laisser faire ? Ce ne serait que justice, et en tant que haut responsable au sein de l'Alliance, Kakeshuou Samui savait parfaitement qu'il serait en droit de le faire. Mais pour avoir outrepasser les règles du Shukaï, perdrait-il son rôle ? Prendrait-on en compte cette folie, ou jouerait-elle contre lui ? Ne risquait-il pas de tout perdre, lui qui représentait la Pureté et l'Honneur de sa Race millénaire … ?

Son bras venait saisir son interlocuteur par l'épaule. S'accrochant à ses vêtements, le sentiment d'insistance et de dépendance sur les actions de son vieux compagnon d'armes était évident. Son regard de Glace plongé dans celui de son Camarade, il espérait le toucher au cœur et lui transmettre son sentiment d'insécurité et d'absolue nécessité.

~ Je suis … enfin … revenu à moi … . J'ai commis l'irréparable, … mais je contrôlerais cette puissance … et je t'expliquerais tout … . Mais je ne peux pas … prendre le risque … que cette affaire soit rélévée … . Yanosa … .

L'emprise de la poigne se renferma plus durement sur le bras de son interlocuteur. Et le regard du vieux guerrier, qui glissa au dessus de l'épaule du Guerrier Rouge pour zieuter le Ninja survivant à l'affrontement, en dit bien assez pour être compris. Désormais, l'épreuve test était définitive : pour rejoindre le monde du Capitaine, il faudra copier ses péchés … !

La Rage. Ce sentiment à l’état Pur. Rien d’autre qui ne puisse atténuer, bloquer ou contrecarrer cette émotion si innocente, et pourtant si violente. Qui aurait la témérité d’affronter la Colère Divine par ses propres mains ? Qui oserait se lancer dans une quête perdue d’avance, où la Justice – pour cette fois – ne pourrait pas triompher du Mal ? Car c’est bien le Mal qui habite maintenant cet homme, pourtant devenu une Légende auprès des Siens. Sa Race, légendaire et noble, avait caché un bien lourd secret en exilant le Higunshi dans les ténèbres et l’Ombre des montagnes. Alors que Kakeshuou Samui plantait son arme blanche dans le cœur de sa cible, il récupérait ainsi ce Pouvoir Maudit, promettant une nouvelle Évolution dans sa Puissance … et de nouveaux déboires pour un monde déjà à feu et à sang !

La frappe brisant en mille morceaux le Combattant de l’Alliance était un choc pour beaucoup, mais elle annonçait clairement la couleur des choses. Il faudrait y mettre du Sien pour abattre ce Démon, réveillé de sa torpeur enneigée. Maintenant recroquevillé sur ces Cristaux porteurs de Mort, la silhouette se redressait lentement, adoptant la posture de la Montagne : droit, glacé, puissant, inébranlable ! Vous voulez me détruire, vous aussi ?! Venez, Mécréants ! Je saurais affronter tout Adversaire se jugeant digne de me défier !

La première Ombre était trop inquiète pour intervenir ; la Seconde était plus déterminée, et empressée. Alors tu veux me menacer ? Me prendre ma Place, et prétendre à de plus hautes Responsabilités ? Je te tuerais avant ! Je t’écraserais, avec ma Toute-Puissance, je réduirais son corps en Cendre, et tes espoirs en Boue ! Malgré ton attaque, et mes récentes Blessures, je ne me laisserais pas renverser, avec avoir traversé tant d’Épreuves et de Défis !!
La Charge de son ancien acolyte vint le saisir avec vigueur sur le flanc gauche. L’impact risquait d’être puissant. Composant un mudra des plus simples avec sa seule main valide, l’Homme de Glace composait, à partir de son corps et sur une épaule encore endolorie et fragilisée, un Bras de Glace, qui se mettrait sur la trajectoire de l’assaut. Dressé juste à temps, la paume frappait le bras ; qui résistait et absorbait le choc, juste avant de se briser en morceau. L’attaque avait vu sa puissance réduite … mais n’était pas pour autant affaiblie. Fracassé sur sa faiblesse, Kakeshuou devait perdre l’équilibre, dans une situation qu’il ne maîtrisait pas encore entièrement … .

Roulant dans la neige, le Shinobi se releva presque aussi sec, malgré un corps endolori par la récente attaque.

~ TU N’ME BATTRAS PAAAAAAAAAS !!

Concentrant son chakra, la vague de Froid revint de plus bel, plus agressive qu’avant. En finir ! Briser ces Scélérats, se débarrasser des Gêneurs ! Leur faire connaître un Froid plus intense et virulents que la plus Glaciale des Tombes ! Hors de question de s’avouer Vaincu face à des traîtres profitant d’un moment de Faiblesse, alors qu’il venait d’en baver comme Jamais !

Impossible pour notre homme de reconnaître ses propres congénères et anciens Alliés. Il venait déjà d’en sacrifier un sur l’autel de la Rage et de la Folie Incontrôlée. Comment pourrait-il faire demi-tour ? Comment réagirait-il à son réveil ? Y aurait-il un réveil ? Trop de questions se posaient et se bousculaient ; des questions sans réponse tant que les évènements n’étaient pas plus stables.
Et la Folie n’était pas prête à trouver des limites. Car les arguments vociférés de notre Capitaine déraillé montraient certes une grande Fierté … mais aussi une Détermination qu’il faudrait bien raisonner et mâter … à défaut de finir en glaçons pour apéritif !

~ JE SUIS KAKESHUOU SAMUI, MAÎTRE DU HIGUNSHI, DEFENSEUR DU SHUKAÏ ET JE NE TOMBERAI PAS AVANT DE VOUS AVOIR EXTERMINE !!

L'attaque frontale fut certainement une surprise pour le Démon des Glaces. Non pas pour la violence qu'elle dégageait ; depuis le début de cet affrontement sans raison, le Samui complètement perdu avait interprété la présence de quiconque comme celle d'un ennemi. Voir l'homme le charger était donc une preuve de son raisonnement illogique : s'il m'attaque, c'est un ennemi ; si c'est un ennemi, je l'abats. 1+1=2, quoi … .
En revanche, le placage au sol et cette violence déclaration d'amour prirent l'homme au dépourvu. Un ami .. ? Conception pourtant si éloignée, presque étrangère en cette heure si froide … . Une relation du Passé ? Quel passé … .

Le Froid avait presque gelé le cerveau du vieux combattant ; se souvenir de quelque passé que ce soit ne pourrait être que douloureux. Et pourtant, notre homme était bien conscient de cette douleur. Ignorant le coup de genou qui venait de le projeter au sol, c'était davantage sa tête qui lui faisait un mal de chien. Sa main vint se braquer sur son crâne, comme pour retenir une explosion interne. Son liquide céphalo-rachidien était en ébullition, ses souvenirs en morceaux et sa volonté fortement ébranlée. Pourrait-il contenir cette puissance qui voulait lui arracher la cervelle et le squelette, à l'instar d'un Alien venu de l'espace inconnu ?! La douleur se maintint, mais se laissait également transporter par le désir de migration pour plus de soleil. Et, dans une douleur infernale, ce fut le cœur cette fois-ci qui saisit l'homme par la poitrine. Comme si son pouls battant voulait l'envoyer dans la stratosphère. Ayant eu les couilles de retenir son râle de souffrance jusqu'à présent, l'homme frappa son poitrail à pleine force, comme si une nouvelle douleur ferait taire la première ; mais l'effet en fut pire : il hurla avec une rage jamais exprimée jusqu'à ce jour par l'Être humain. Démon, humain ? Comment faire la différence devant pareille sauvagerie … .

Il fallut attendre de longues minutes, au cours desquelles notre homme se débattit, cherchant à renverser l'homme qui le chevauchait. Amitié ? Qu'est ce que c'est ? Quelles responsabilités sont impliquées ? Est-ce un sentiment proche ? Connait-il cet homme ? Doit-il lui faire confiance, cette amitié est-elle réciproque ?
Peu à peu, le battement de cœur devenait moins sauvage ; notre homme se débattait toujours avec une volonté extérieure, souhaitant lui glacer à la fois les organes et les sentiments. Mais, dans un effort qu'il serait impossible à décrire, le Capitaine de l'Ôda maîtrisait peu à peu cette fraction inconnue, cette erreur de calcul qui s'installait dans les tréfonds de sa personnalité. La douleur se gela sur place, sans faire des siennes ; seule la respiration forte et haletante rappelait au trio que notre homme venait de passer un mauvais quart d'heure … .

~ Ya …(han) nosa … (han)...

Il l'avait reconnu ?! Le voile devant ses yeux se dissipait progressivement et, malgré la grêle et la neige pluvieuse, le vieux Samui reconnaîtrait entre mille cette crinière rouge et fière, qu'il avait déjà rencontré plusieurs fois par le passé. Il avait fait des missions avec lui, avait conversé à plusieurs reprises … l'avait même affronté fut un temps ! Un parcours que notre vieux briscard n'avait partagé avec personne. Son némésis, peut-être ? Seul l'avenir peut jurer de telles choses. Mais reconnaître son acolyte était un progrès sans précédent, si on devait prendre les dernières heures comme référence.

La tension retombait, la rage se taisait pour laisser place au vent glacial qui se heurtait contre les parois rocheuses, comme un bélier contre une barrière de bois. Le Jônin ouvrait et fermait lentement les yeux, comme pour arracher délicatement le voile qui le coupait de la réalité. Les traits faciaux de l'Ancien Nuke-Nin devenaient de plus en plus clairs et identifiables ; et la situation devenait plus claire, plus limpide. Tout comme les ravages qui venaient d'être faits.

Car Kakeshuou Samui ne pouvait effacer ce qu'il venait de commettre : un meurtre au sein du Shukaï ; un assassinat au sein de l'Alliance des Pays Neutres ! Emporté par sa folie, une folie qu'il avait prétendu pouvoir contrôler, il avait surestimé ses capacités, et avait ainsi pris un rôle des plus lourds à porter. Que faire, maintenant que l'irréparable était commis ?! Le soldat n'hésiterait pas à révéler les faits, et à dénoncer le crime commis. Le laisser faire ? Ce ne serait que justice, et en tant que haut responsable au sein de l'Alliance, Kakeshuou Samui savait parfaitement qu'il serait en droit de le faire. Mais pour avoir outrepasser les règles du Shukaï, perdrait-il son rôle ? Prendrait-on en compte cette folie, ou jouerait-elle contre lui ? Ne risquait-il pas de tout perdre, lui qui représentait la Pureté et l'Honneur de sa Race millénaire … ?

Son bras venait saisir son interlocuteur par l'épaule. S'accrochant à ses vêtements, le sentiment d'insistance et de dépendance sur les actions de son vieux compagnon d'armes était évident. Son regard de Glace plongé dans celui de son Camarade, il espérait le toucher au cœur et lui transmettre son sentiment d'insécurité et d'absolue nécessité.

~ Je suis … enfin … revenu à moi … . J'ai commis l'irréparable, … mais je contrôlerais cette puissance … et je t'expliquerais tout … . Mais je ne peux pas … prendre le risque … que cette affaire soit rélévée … . Yanosa … .

L'emprise de la poigne se renferma plus durement sur le bras de son interlocuteur. Et le regard du vieux guerrier, qui glissa au dessus de l'épaule du Guerrier Rouge pour zieuter le Ninja survivant à l'affrontement, en dit bien assez pour être compris. Désormais, l'épreuve test était définitive : pour rejoindre le monde du Capitaine, il faudra copier ses péchés … !

Les heures étaient passées ; de longues heures, sans que l’on puisse estimer le temps. Ayant perdu connaissance, le vieux combattant s’était laissé aller aux secousses et aux remous du temps, et de son camarade de combat qui l’avait porté pour le ramener à Gyamda. Bien plus tard, notre homme se réveillait, bien à l’abri des intempéries. Ses yeux s’écarquillant peu à peu pou reconnaître un habitat traditionnel et silencieux, il redécouvrait ce décor qu’il avait abandonné quelques jours plus tôt. Son première geste fut de se passer une main devant les yeux, pour voir si les choses étaient bien ce qu’il pensait être. Oui, il était bien réveillé cette fois … . Posant sa main sur son torse, un moment d’hésitation le saisit … avant qu’il ne cherche à toucher son bras gauche. Un moignon … . A peine en dessous de l’épaule. Il avait été tranché au dessus du muscle ; et rien ne laissait sentir qu’il pourrait récupérer son membre. Sans doute cela était-il inutile. Et, dans son propre corps … un tel froid … .

~ La cristallisation de ton corps au niveau cellulaire nous a empêchés de te rendre ton bras … . Tu vas devoir rester manchot jusqu’à la fin de tes jours … .

Surpris par cette déclaration venant de nulle part, l’homme sursautait et se tournait vers sa droite ; là, assise en seiza, la Chef du Clan Samui, Masayuki, l’observait jusqu’à présent en silence. N’ayant rien à dire, si ce n’est constater l’état déplorable de son vieil ami ainsi étendu. S’étant appuyé sur son bras droit pour retrouver l’équilibre, le quinquagénaire – pas encore habitué à ce nouvel équilibre – s’effondra sur le côté, les lattes du plancher en plein visage. Portant un pied au sol pour l’aider, la jeune adulte lui apporta son soutien pour qu’il retrouve sa position allongée et plus tranquille.

~ Reste au calme pour l’instant … . Tu n’es probablement pas habitué à ce genre de conditionnement … .
~ Parce que je suis encore en vie … ? Les Règles du Clan sont pourtant claires à ce propos, il me semble, n’est ce pas … ?
~ J’ai donné l’ordre d’un silence total sur cette affaire … . Nous ne sommes que quatre à être au courant : nous deux, ainsi que les deux Médecins t’ayant soigné … . Même s’ils n’ont pas eu à faire grande chose … .

Le ton n’était pas froid, mais restait ferme. De toute évidence, avoir découvert le véritable état de santé de Kakeshuou Samui était pour la Chef de Clan – l’une de ses plus vieilles et rares amies – une cruelle découverte. Le sujet du Higunshi était un véritable tabou ; du genre, qui ne pouvait sortir des murs de ce Quartier Clanique. N’importe qui aurait pu apprendre ce Secret, et demander des explications à la Haute Responsable des Samui. Mais non, pas ce vieux grincheux ! Il avait préféré régler les choses à sa manière ! Aller se mettre en danger, lui et tout son Clan, pour délivrer la Sentence de Mort réservée à un homme jusque là classé « Interdit », il n’y avait que lui pour passer outre les priorités Claniques dans ce genre de situation ! La femme était donc tout sauf ravie … . Mais en voyant un mystérieux Guerrier Rouge arriver en portant le vieux Compagnon sur les épaules, la surprise avait été trop importante, la tristesse trop grande à la découverte des résultats du Combat, pour souhaiter le condamner aussi injustement … . Malgré sa force et sa réputation de Chef de Clan, elle restait assez timide et bon cœur pour ne pas suivre toutes les recommandations de son Clan … .

Cela ne signifiait pas qu’elle ne méritait pas quelques explications sur ce comportement anormal. Ayant fait ses recherches, le vieux Capitaine de l’Ôda savait ce qu’il encourrait dans cet affrontement ! Et, malgré sa victoire, sa mort programmée n’avait absolument rien de réjouissant !

~ Tu t’es dis que notre relation te permettait de faire tout ce que tu voulais, sans me demander mon aval ?
~ Ce n’était pas une Histoire de Clan … mais une histoire de famille !
~ C’est une Histoire de Clan ! Depuis ton grand-père, le Higunshi est condamné à l’isolement ! Et à demeurer dans le Froid le plus absolu pour éviter de causer ravages et destruction autour de lui !
~ Je me fous de cette Malédiction … je la dompterais … Je ne me laisserais pas submerger une nouvelle fois par une chose aussi retord que des « sentiments » …

Masayuki fit volte face, se rapprocha de son « handicapé », et lui décolla une claque magistrale, qui vint redonner un semblant de couleur à son teint pâle. Le son de la gifle fut assez fort pour venir jeter un froid lourd sur l’ambiance de cette pièce. Et le Jônin ? Son visage était touché, mais son regard montrait qu’il n’était pas atteint. A la vérité, il s’attendait à une punition bien plus sévère pour ce qu’il venait de se passer … . Aussi, ses traits n’avaient pas amorti de surprise ou de colère. Une claque ? Qu’à cela ne tienne, que vienne la suivante ! Ce n’était pas gifle qui le ferait changer d’avis. Néanmoins, il demeura surpris lorsqu’une larme vint tomber sur sa joue. Tournant le regard pour observer le visage de la jeune Chef de Clan, la seconde claque eut bien plus d’effet que la première !! Aooutch ! Là, elle venait de le prendre au dépourvu ! Visiblement, il pourrait quand même mourir à coups de baffes … . Passons … .

Plusieurs minutes – et plusieurs claques ! – plus tard, le silence reprenait sa place de maître dans la pièce. Elle restait relativement vide, et c’était la présence de ces deux individus qui lui donnaient un peu de vie. Maintenant que personne n’osait parler, elle semblait aussi morte qu’un cimetière. Préférant aborder les choses sans trop tarder, le vieux briscard se hasardait sur une question … .

~ Que va-t-on faire de moi ?
~ S’il n’en tenait qu’à moi, tu prendrais une centaine d’autres claques pour te ramener à la raison ! S’il s’agissait du Clan, tu serais exilé dans la Montagne, comme ton prédécesseur … . Mais tu es un Capitaine de l’Alliance, et le Clan a besoin de toi … . Ton secret ne sera pas révélé en dehors de cette pièce … .
~ Je vois …

La Chef de Clan se dressa et se dirigea vers la sortie de la pièce. Elle était visiblement trop préoccupée et déstabilisée par les récents évènements pour s’acharner davantage sur son invité. Et lui en demander plus n’apporterait de toute façon rien. Elle savait que le statut et la Technique Interdite du Higunshi était une chose qui ne pouvait s’obtenir que par la mort du Principal Porteur ; dans ce sens, elle ne pourrait pas se débarrasser de ce Fléau sans écourter de façon irréparable la mort d’un homme aussi proche ; et cela restait au dessus de ses forces … .

~ Je garderais confiance en toi, puisque tu dis pouvoir vaincre cette Malédiction … . Mais tu auras besoin de vrais alliés à l’avenir … . Ce homme, qui t’a ramené à nous … peut-être est-il digne de confiance ? …

Sur ce, elle quittait la pièce, et préférait ne plus se remontrer face au vieux Samui. Le quinquagénaire l’avait-il trop affecté ? Non, il y avait d’autres raisons derrière. Des raisons qu’il était loin d’ignorer. Mais pour un Ninja aussi dévoué à son Devoir et à ses Responsabilité que lui, ce genre de choses était impensable. Par ailleurs, il n’était plus en âge de songer à ce genre de frivolité. Fixant le plafond sans vraiment réfléchir à quoi que ce soit, l’homme s’accordait ainsi un temps de pause. Comme pour s’habituer à ce retournement de situation. Il toucha sa joue ; il garderait encore la marque de la claque pendant un moment ! Peu importe … .

Une demi-heure plus tard, notre homme recommençait à faire des siennes. Désormais debout, il faisait les cent pas dans la pièce ; non pas d’impatience, mais d’entraînement. Il devait s’habituer à ce nouveau corps ; à cet état qu’il n’avait connu auparavant. Au-delà d’un bras mutilé, c’était aussi un corps dont la structure avait été profondément changé. Il se devait donc de retrouver la maîtrise de sa chair, de sa musculature épaissie, de son squelette renforcé par la Glace. Tout un challenge qui lui demanderait du temps dans cette nouvelle aventure … .

La silhouette à la porte fit rapidement comprendre à notre Capitaine que la visite du Guerrier Rouge était inévitable. Avec son petit entraînement post-amputation, les souvenirs les plus récents lui étaient revenus. Son camarade de combat avait certainement plusieurs questions à lui poser … . Quel tournant prendrait leur relation ? Seraient-ils toujours Amis de Combat, ou demeureraient-ils adversaires à l’avenir ? Tant de mystères à éclaircir ; et pour cela, il fallait commencer par tolérer la présence de cet homme.

~ Ne reste pas devant à ne rien faire … . Entre, Yanosa … .

Laissant l’homme entrer dans la pièce, le vieux combattant grièvement blessé quelques jours plus tôt livrait de ultimes efforts pour se porter jusqu’à sa couche, où on l’avait installé. Prenant soin de se pencher doucement, le corps titubant, il posait enfin ses fesses sur la couchette de fortune. Prenant le grand manteau-kimono, il le jeta sur ses épaules ; cachant ainsi cette plaie qu’il porterait pour le reste de sa vie. Son poitrail, encore nu et visible, ne cachait pas cette cicatrice importante en forme de croix au dessus de son téton gauche, à l’emplacement même du cœur. Là encore, une blessure qu’il arborerait jusqu’à la fin de ses jours ; mais qu’il cacherait avec le plus grand soin. Même si personne n’était au courant, mieux valait garder certaines choses secrètes.

Les deux hommes face à face, le quinquagénaire avait fait un signe de la main pour inviter le Guerrier Rouge à s’asseoir, et lui avait envoyé un coussin de sa propre collection. De quoi il offrir un poil de confort dans ce lieu étranger. Et pour lui montrer qu’il n’y avait rien à craindre. En revanche, il était évident qu’allait s’engager un bras de fer acharné ; un défi difficile à surmonter. Car, au-delà de tout ! le Jashiniste avait vu de ses propres yeux celui qui s’était métamorphosé et avait des ordres défiant toute logique et correspondance avec l’idée de Justice ou d’Ordre au sein de l’Alliance … . Ce serait donc son premier juge … et le plus important !

~ Ce que je vais t’expliquer ne doit pas sortir de cette pièce … pour des raisons évidentes, à priori …

Sur cette première lancée – et incitation au mutisme – Kakeshuou Samui entamait son histoire. De nombreuses recherches dans les Archives claniques après son retour du Village Caché des Nuages. La découverte d’un secret ancestral, qu’il avait lui-même enterré en détruisant les archives restantes dans un feu de cheminée … . Puis, cette escapade dans les Montagnes du Sud ; la recherche, puis la découverte de cet homme, le Hikaijuu – le « Démon des Glaces » … son propre grand-père, maintenu en vie et à l’éternelle jeunesse grâce à une Technique Interdite du Clan. Leur affrontement … la perte de son bras … la mort du Hikaijuu, et la fin de ce titre tristement porté par son prédécesseur.
Puis, la partie la cruciale ; qui répondrait certainement aux nombreuses questions de l’Oterashi. L’implantation pré-mortem d’un cristal au niveau du cœur. Un froid immense l’ayant saisi avant son évanouissement … le sentiment d’être détruit puis recréé à répétition … perdre la raison dans la Montagne, une résistance visiblement futile puis un sommeil profond dans les Limbes … . Puis l’arrivée de son Camarade de Combat, l’affrontement court, la mort des deux sbires … et son réveil en ces murs. Toute une aventure qui n’existerait même pas dans les contes. Une véritable farandole, à laquelle personne ne voudrait accorder le moindre crédit. Mais lorsque l’on connaissait le vétéran des guerres kiriennes, on pouvait commencer à y croire. Cet homme n’était pas homme à fantaisie. Lorsqu’il l’ouvrait, c’était pour une vérité, un blâme ou une condamnation à mort. Rien de plus.

Quelques secondes de silence accompagnèrent la fin du récit. Silence pendant lequel le Capitaine de l’Ôda passa une main sur son torse ; le cristal entrait presque en résonnance avec le moindre de ses gestes. Une chose qu’il pourrait arracher de sa poitrine s’il s’en sentait la force. En vérité, il en avait la force ! Mais cette volonté … une promesse faite au défunt … le désir et la rage de s’en sortir, sans succomber à cette faiblesse implanté dans ses entrailles. Il n’était pas prêt à se sacrifier sans livrer un dernier combat. Et cela, il comptait bien le faire comprendre ! …

~ D’après ce que m’en ont appris les Archives … la Technique du Higunshi permet à son Porteur de geler intégralement els cellules de son corps. Il ralentit donc considérablement son vieillissement, et ses capacités de guérison augmentent ; même si les blessures graves – comme la perte d’un bras – sont irrécupérables … . Par ailleurs, en raison d’un Froid permanent, un nouveau panel de techniques ancestrales – et aujourd’hui oubliées – s’ouvre à moi. On pourrait prétendre avec ironie … que je suis aujourd’hui … le plus redoutable de ceux de ma Race … .

Ce n’était guère l’objectif recherché ; mais les choses étaient désormais fixées. Rien à faire pour lutter contre. Si ce n’était avancer et ne pas regarder derrière. L’homme à la chevelure aussi folle que son ambition ne pouvait taire certaines choses.

~ Mais en échange de cette puissance, la Légende entourant cette techniques prétendrait à une perte de sentiments dans ce Froid qui m’habite … . Ce qui justifierait l’état vengeur et fier de mon grand-père … et expliquerait ma colère lorsque tu m’as rencontré … . Mais je compte bien lutter contre cet état de fait, et le vaincre ! Je ne me laisserais pas manipuler par une Force obscure, réputée incontrôlable. Ma vie le prouvera !

Pas de doute, notre Ancêtre n’avait rien perdu de sa hargne ; on pouvait le lire dans son regard. Il ne lâcherait rien, et dompterait cette folie supposée, pour maintenir sa position, son rôle, et son importance au sein de l’Alliance. Il ne se laisserait jamais désarçonner. Encore moins par un stupide cristal mis dans sa chair !
L’ambiance était étrange à lire ; à la fois tendue, calme, mystérieuse … . Ce serait la réponse de Yanosa qui apporterait plus d’éclaircissements à la suite des évènements. Il avait accepté de commettre l’irréparable en suivant les directives insensées du vieux Samui, dans les montagnes. Serait-il prêt à lui faire confiance pour la suite des évènements ?
Assurer cette confiance, bâtir quelque chose de mutuel, serait nécessaire pour que l’ancien conserve son autorité et sa réputation au sein du Shukaï et au sein de son Clan. Aussi, autant jouer carte sur table.

~ Dans l’absolu, ce n’est pas à moi de choisir mon sort. Cependant, je ne souhaite pas apporter déchéance et honte sur ma Race. Aussi, voilà ce que je te propose : juge-moi sur le champ. Si tu estimes que l’entreprise est trop dangereuse, tue-moi à l’instant. Sinon, accepte de garder tout cela pour toi, et n’en révèle rien à qui que ce soit. En revanche, tu seras toujours juge de mes actions, et pourra me tenir clairement informé de toutes tes remarques et observations à mon sujet. De cette façon, tu seras celui qui décidera du bienfait de mes actions ou non … .

Implacable, inébranlable, le vieux combattant attendait le jugement. Un rôle bien dur à accorder à l'un de ceux qu'il avait côtoyé le plus, me direz-vous … . Mais c'était justement cette relation qui persuadait Kakeshuou que le Guerrier Rouge ferait le bon choix. Homme au passé trouble et partagé, dont les actes dénotaient une personnalité à la fois forte et pleine de principes, il n'y avait que cet homme qui ne jugerait pas selon ses sentiments, mais d'après un raisonnement soigné et praticable. En cela, le quinquagénaire était prêt à parier sa vie, peu importe les conséquences derrière … .

L'approche un peu brutale de l'individu, la main armée, fit penser à notre Ancien que son heure était venue. Il avait donc fermé les yeux, bombé le torse, et attendu que sonne le glas. Mais la frappe sur le poitrail indiqua assez tôt à notre homme qu'une autre entreprise était à l’œuvre. Sculptant son pectosein, l'encadrant d'étranges sceaux, ces derniers disparaissaient et demeuraient ainsi la barrière invisible qui le contiendrait, et l'empêcherait au besoin de semer ravages et destruction. Tel qu'il l'avait espéré : un jugement juste, équilibré et dans les formes. Que demander de mieux … .
Pendant que le Jônin du Shukaï donnait ses raisons, notre homme glissait une main sur son torse, comme pour voir s'il parviendrait à repérer ce qui lui avait été apposé. Le sceau le plus complexe qu'il ait créé ? Il n'était pas destiné à retenir sa puissance ; mais à le bloquer à l'avenir si sa folie reprenait le dessus. Quelque chose qui le contrôlait sans pour autant l'affaiblir. Très bien, Kakeshuou Samui ne pouvait en espérer autant. Encore une chance qu'il puisse compter sur un homme comme l'Oterashi … .

Prenant connaissance et conscience des faiblesses du sceau, l'Ancien acquiessait d'un mouvement de tête, comprenant parfaitement les enjeux de cette nouvelle relation qui se tissait entre les deux personnages. Il faudrait donc être attentif, et sur ses gardes. Mais le Capitaine de l'Ôda se doutait que, avec un tel fardeau à porter au quotidien désormais, il devrait limiter ses actions et s'assurer d'un contrôle de soi permanent et au-delà de toute épreuve et rivalité. Un véritable travail d'artiste, en bref. Yanosa renouvelait sa confiance à son ancien compagnon de combat, tout en indiquant ses conditions. Pour l'homme, une évidence : hors de question qu'une tâche aussi ingrate qu'assassiner l'un de ses congénères lui soit de nouveau imputé à l'avenir. Pour être honnête, le doyen des Samui n'y tenait pas plus que cela … . C'était une situation pour laquelle il éprouvait un profond malaise ; et qu'il ne voulait pas risquer à l'avenir.

~ J'en prends bonne note, Yanosa, et je t'en remercie … . Je ferais en sorte que cette situation n'arrive plus … . D'autant que le problème a été coupé à la racine … .

Sur cette déclaration, l'Ancien restait toujours aussi téméraire, et s'employait à se lever. Il avait de grandes difficultés, mais avait dressé sa main en opposition contre tout soutien. Il se retrouvait handicapé, une position qu'il ne pourrait pas rejeter éternellement. Il se devait donc de porter cette fatalité, et de multiplier les efforts pour aller de l'avant. Il avait déjà – par le passé – perdu son danjeon ; ce ne serait pas cette petite perte d'un membre supérieur qui l'empêcherait de mener à bien son travail. Même s'il allait devoir passé par une série d'exercices plus douloureux les uns que les autres … . Autant dire qu'il était sur le point d'en baver plus que d'ordinaire.

Quelques pas, titubants et incertains, mais il fallait y aller doucement … . Pendant ce temps, notre homme laissait libre court à sa réflexion, à voix haute sans vraiment se soucier de la présence de l'acolyte ni l'encourager à une quelconque partcipation.

~ D'après les lettres que j'ai reçu dernièrement, ma nièce a mené une équipe sur Mizu no Kuni pour relever quelques indices préparant notre possible débarquement sur les lieux … . Quant au Shukaï, il se maintient ; mais l'attitude passive de certains responsables m'inquiètent. Je vais donc devoir rejoindre le Shozaichi le plus tôt possible pour m'assurer que tout fonctionne correctement, et que les défenses n'ont pas été amoindries d'une quelconque façon pendant mon absence …

Sortant de ses pensées funambules, son regard abyssal et océanique se portait sur son compère. Malgré les remerciements et les bons sentiments entre les deux hommes, il ignorait encore comment son partenaire voyait la suite de son aventure dans les lieux.

~ Qu'as-tu prévu pour la suite, Yanosa … . Cela fait longtemps que nous n'avons pas un peu discuté … . Partiras-tu pour Mizu, toi aussi, ou viendras-tu avec moi au Shukaï ? Et qu'en est-il de tes souvenirs … refont-ils surface … ?