Chapitre 1: Un Nouveau Masque à Suna


Avatar Korra OST - A Peaceful Place

Takeo se tenait devant l’immense rempart entourant le village de Suna. La Voie Illusionnée était ouverte en cette chaude matinée. Il s’avança d’un pas tranquille au-devant du premier garde. Le gardien vit arriver devant lui un homme vêtit d’une longue cape, dissimulant ses formes, couronnée d’une capuche, plongeant dans l'ombre son visage masqué. Lorsque Maruyama fut à son niveau, il sentit la tension augmenter vis-à-vis du shinobi du sable. Il faut dire qu'avec le passé du village, porter un masque n'était pas une excellente idée. Il prit les devants et sans attendre de réprimande, il fit glisser sa capuche et retira le masque de son visage, dévoilant ses yeux bleus. Il ouvrit la cape, montrant qu’il n’était pas armé et plongea son regard dans celui du gardien.

- Je suis un voyageur solitaire et je viens chercher asile au village de Suna. J’imagine que je n’inspire pas confiance, mais je suis plein de bonne volonté. J’aimerais rencontrer votre Kage.

Le gardien hésita longuement et dévisagea le jeune inconnu avec insistance, comme s’il cherchait à savoir ce qu’il dissimulait. Finalement, il appela un acolyte, qui devait être un nouveau et lui confia l’inconnu. Il devait l’accompagner jusqu’au bureau du Kazekage et rester en contact radio permanent. Takeo salua l’effort de la tête et remis son masque en place. Il s’engouffra à la suite du jeune ninja à travers les grandes portes du village sans dire un mot. Il se surprit à admirer l’ingéniosité des mécanismes permettant de bloquer les portes rapidement en cas de conflits.

Il avait choisi délibérément de se rendre ici et prévoyait de pouvoir s’y installer, rien que ça. Un inconnu qui se présente dans un large camp militaire avec l’intention de faire carrière… Pas de famille, pas d’attache, il comprenait la suspicion dont il était soupçonné. Une fois l’entrée passée, son regard se heurta à l’immensité du village caché du sable. L’architecture était plaisante et malgré la chaleur, les gens arboraient un sourire plein de sincérité. Les odeurs lui parvinrent et se mêlaient les unes aux autres. Des simples épices aux mets savoureux préparés avec dextérité, le tout était un enchantement pour les sens et stimulait grandement l'appétit.

Les couleurs, ocres pour la plupart et d’un large panel, dansaient devant ses yeux à travers de multiples réceptacles. De la simple tunique d’une inconnue à l’étendard d’un commerce, il y en avait pour tout les gouts. Les shinobis du village se déplaçaient en groupe et, malgré ses dernières et pénibles années, ils semblaient joyeux et ordonnés. Sous ses pieds, le sable brulant dégageait une aura à lui seule. Suna devait vraiment être une cité imprenable. Avoir une idée d’un lieu, fantasmé par l’imaginaire n’était rien comparé à l’explosion des sens de la réalité. Takeo laissa ses yeux se baladaient à travers les paysages qui défilaient devant sa vue. Les bâtiments n’étaient en rien comparables avec son petit village d’Hai no Kuni. D’une imposante ossature, ils paraissaient être enracinés dans le sable, immuable et condamné à rester immobile durant des millénaires. Des terrasses peu fleurit, ou décorées de fleurs désertiques qu'il n'avait jamais vu auparavant, cette ville avait beaucoup de charme et finalement, malgré l’imposante force que semblait exercer le soleil en ces lieux, il devait être plaisant d’y vivre.

Le jeune Maruyama fut conforté dans son idée à mesure qu’il approchait du bâtiment principale du village ; Le Palais du Conseil. Il était à la fois impatient et anxieux de rencontrer la chef du village. Surtout qu’il s’agissait de la cinquième en très peu de temps. La stabilité politique du village n’était pas au mieux de sa forme et un homme masqué avait foutu un bordel il y a peu. Ce qu’il percevait comme une ville d’espoir n’était en fait qu’un rêve de gosse qu’il s’était juré d’accomplir une fois libéré de ses chaines.

L’entrée du Palais était à deux pas et le jeune guide n’avait toujours pas décroché un mot, même s’il s’était autorisé de temps à autres un rapide coup d’œil vers notre héros. Il se laissa guider une fois les portes passées dans un escalier sans fin. Ils arrivèrent bientôt devant une large porte, gardée par deux shinobis d’une autorité palpable.

- C’est un voyageur qui souhaite rencontrer Kazekage-sama, faite en ce que vous voulez, je retourne à mon poste.

Apparemment, servir de simple guide touristique avait vexé le garçon qui salua à peine l’homme au masque et repartit dans la direction opposé sans un mot. Une nouvelle fois, Takeo retira son masque et ôta sans effort sa cape de ses épaules. Il était habillé le plus simplement possible. Un pantalon grisatre, élimé par le temps, une ceinture et en guise de haut, une tunique tout aussi détruite par les efforts et les saisons. Il avait l'air pitoyable, peut-être aurait-il du mieux s'habiller pour rencontrer un chef d'état. Il secoua ses cheveux, laissant tomber quelques grains de sable.

- Je me nomme Maruyama Takeo et je souhaite rencontre votre Kazekage pour une affaire importante. Désolé de mon mutisme, mais je ne peux en parler qu’avec elle.

Il venait de soulever un problème qui n'était qu'une demi vérité. Bien sur qu'il aurait pu en parler avec eux, mais il l'aurait surement décapité sur place. Il attendait de la clémence et de la compréhension de la part du Kazekage. Son cerveau avait surement du bruler sous la chaleur du soleil. Finalement, l’un des deux hommes, après hésitation, toqua à la large porte du bureau.

Une journée bien remplie comme j'en avais connue tant d'autres auparavant se profilait devant moi. Sur mon bureau trônaient plusieurs dizaines de dossiers portant sur divers sujets plus ou moins importants. Il semblait à beaucoup de personne passant dans cette pièce que je n'étais pas quelqu'un d'organisé, ou pire : une personne négligente. Mais comme je m'évertuais à le dire, l'habit n'avais jamais fait le moine; enfin... pour dire qu'il y avait une logique dans ce chaos dont j'étais la seule détentrice du secret. Cependant, ce n'était encore que le matin, bien qu'il fasse déjà très chaud; alors le désordre ne régnait pas trop, pas encore. J'allais m'apprêter à ouvrir le premier dossier tout en haut de la pile quand le bois de la porte résonna. Je venais seulement d'arriver au palais et déjà on trouvait le moyen de venir déranger ce semblant de quiétude. Accompagné d'un soupir, je reposai le dossier et fit entendre ma voix.

Là un homme que je n'avais croisé auparavant entra. Il ressemblait à peu prés à la plupart des gens du désert. J'imaginais qu'il était un marchand ou un nomade venu quérir l'aide de Suna dans une quelconque étrange affaire impliquant inévitablement des brigands, des voleurs ou tout autre genre de criminel de basse famille... Je le dévisageai quelques secondes comme pour tenter de sonder son intérieur et faire paraître son fort intérieur, mais comme d'habitude; cela ne fonctionna pas... L'inconnu resta silencieux, sans même se présenter. Etait il intimidé ? Etait il muet ? Peut être les deux... Ou alors n'avait il rien à dire, qui sait ? Bien sûr, j'excluais que ce soit mon titre qui puisse impressionner; c'était impossible. Croisant les bras, je brisai ce silence monotone, prenant les devants comme je le faisais à chaque fois.

"Laissez moi deviner, vous êtes un éleveur de chameau... et l'un de vos concurrents sur le marché fait s'abreuver ses bêtes à votre oasis. Je ne dois pas être très loin de la vérité... Enfin, que ce soit le cas ou pas, je vous prie de bien vouloir parler. Commencez donc par votre nom."

Blague à part, je me de mandais ce que pouvait vouloir cet anonyme éphémère, pourquoi s'était il aventuré si loin dans le désert, pourquoi se rendre à Suna, pourquoi vouloir parler au Kazekage. Beaucoup de questions auxquelles j'attendais des réponses sans contre-façon. Je n'aimais pas que l'on me mente, ça avait toujours été ainsi, mais moi; par contre, cela ne m'avait jamais posé de problème de trafiquer la vérité, de dissimuler les choses... De manipuler les gens. C'était si aisé. Parce que le fait était là : je finissais toujours par démêler le vrai du faux. Et je n'avais besoin d'aucun pouvoir particulier pour y parvenir à contrario de certains shinobis qu'ils m'aient été donnés de rencontrer. Je décroisai alors les bras et posai mes mains sur le bureau, entrecroisant les doigts; signifiant mon envie de passer rapidement à autre chose.

J'espérais alors que ce personnage ne venait pas annoncer quelque chose qui contrecarrerait mes plans pour la journée... J'avais aussi horreur des surprises... Comme cette lettre que j'avais reçue récemment. Le genre de déplaisir dont je pouvais me passer sans trop de soucis. Mais bon, je devais bien écouter ce qu'il avait à me dire de si important pour venir en personne frapper à ma porte de bon matin, quelques minutes seulement après mon arrivée...

Le seigneur Kazekage accepta de recevoir l’inconnu dans son bureau. Takeo remercia les gardes d’un signe de tête et entra dans la pièce du chef de village. Il régnait comment dire, une atmosphère des plus humaine. Il y est des lieux où lorsque l’on rentre, on se sent oppressé, tout est trop propre, trop à sa place et les odeurs naturelles sont chassées par les brumisateurs insoutenables. Dans ce bureau au contraire, rien ne paraissait trop à sa place et l’odeur du bois venait se mêler à une légère poussière, tandis que le parfum du seigneur venait ajouter une touche sucré à l’ambiance olfactive. Un large bureau, peu de meuble et encore moins de gardes pour surveiller la chef, ils devaient avoir une confiance aveugle en elle, où alors elle avait un caractère de cochon.

Le jeune homme entra tête baissée dans les lieux et sentit le regard de la dame sur son visage, mais n’osa pas lever les yeux. Il valait mieux jauger son caractère avant de démarrer les hostilités. Il avait préparé son beau discours durant des mois, peaufinant la moindre phrase pour tourner sa tirade à son avantage, mais maintenant qu’il était debout en face du Kazekage, les mots lui manquait... Pire encore, il transpirait de trac. Il sentit l'agacement de la jeune femme devant lui et finalement, c’est elle qui rompu le silence.

Il écouta attentivement sa seigneurie et un sourire se dessina sur ses lèvres. Un éleveur de chameau ? Comme sa vie aurait été beaucoup plus simple s’il n’avait été qu’un simple paysan ayant pour occupation la nutrition de ses bêtes, prendre soin de sa famille et travailler sa terre. Takeo inspira une grande bouffée pour se redonner du courage et finalement, posa un genou à terre. Avec beaucoup de préciosité, il déposa son masque à sa droite, tourné vers le Kazekage, puis fit glisser sa cape sur sa gauche. Il était à présent encadré par les seuls biens qu’il possédait sur cette terre. Ses cheveux sombres pendaient devant son visage et lorsqu’il releva la tête, son regard bleuté entra en contact avec celui du Seigneur de Suna.

Il eut tout d’abord une expression de surprise, devant la beauté de ce leader de guerre. Une chevelure rouge et des yeux tout aussi colorés se mêlaient à un corps de guerrière, puissant et bandé. Elle était une étrange harmonie entre la sensualité et la force brute. Elle avait croisé les jambes et ses yeux fixaient attentivement le moindre faux pas du jeune homme. Ses traits de visage faisaient ressortir l’expérience de la jeune femme et malgré son jeune âge, elle avait dû traverser nombre d’épreuves éprouvantes. Takeo inspira une nouvelle fois, se racla la gorge pour libérer le chat coincer et releva les yeux vers le Kazekage.

Je ne suis ni éleveur, ni paysan… Je ne possède rien de plus que ce qui est devant vous Kazekage-sama et je me nomme Takeo. Mon nom de famille, vous le connaitrez bien assez tôt, mais je ne veux pas mourir avant d’avoir pu m’expliquer.

Il marqua une pause dans son récit, le temps pour sa seigneurie de prendre note de chaque mot. Il faisait attention de bien proportionner ses mots, qu'ils ne soient ni trop brusques, ni trop irrespectueux et encore moins pathétiques. Il gardait une expression neutre sur son visage et se tenait toujours à genoux. Les experts en comportement se serait perdu devant un tel casse-tête, il avait l’air soumis, mais regardait son hôte dans les yeux, il avait l’air docile, mais n’exprimait rien sur son visage… Il jouait sur le mystère, mais pas au point de devenir agaçant, juste ce qu’il fallait pour rester en vie.

Je vais commencer par la fin, je suis venu à Suna pour devenir un Shinobi du désert. J’ai vingt-six ans et j’ai passé les six dernières années de ma vie à arpenter le nord, en quête de pouvoir, seul et retiré du monde. Je me suis entrainé au Ninjutsu dans l’espoir de devenir shinobi.

Nouvelle pause pour le jeune homme, qui manquait de souffle. Il venait d’exposer ses objectifs, mais cela ne suffira pas à convaincre qui que ce soit. Il allait devoir se livrer complétement s’il voulait espérer être compris. Les pensées se bousculèrent dans sa tête et il fut submergé par les émotions. Le souvenir de sa mère, étendu sans vie dans ses bras, les dures années de labeur où il n’était rien de plus qu’un paria. Sa main droite se mit à trembler et il dût inspirer une nouvelle fois pour calmer son cœur battant. Il leva finalement une nouvelle fois les yeux sur le Seigneur et son regard se fit bouleversant.

Je suis née loin d’ici, sur l’île d’Hai no Kuni. Il sentit un frémissement derrière le bureau. Je… Mon véritable nom est Gogyou Tomasu.

C’était fait, il venait de délivrer son identité, son existence démoniaque rejetée par le monde. Il continua de fixer le Kazekage. Il attendait la sentence patiemment. Il pouvait maintenant mourir d’une seconde à l’autre, que ce soit de la main de sa seigneurie elle-même où d’un bourreau improvisé. Si tel était le cas, il était prêt.

J'écoutais le récit de ce nouveau personnage avec attention. Je m'étais doutée, avec son masque, qu'il n'était pas issu d'une quelconque famille de terrien. J'avais même compris qu'il était un shinobi, ce n'était pas si compliqué à déduire. Et justement, ce masque, m'avait laissé imaginer qu'il cherchait à dissimuler son identité, or il n'y a que peu de personne qui se cache derrière une telle façade : les anbu de Konoha, les membres de l'unité, les pseudo-criminels voulant se donner une importance fictive, et les Gogyou. Et là ce fut donc le jackpot. Sa voix hésitante certainement ainsi animée par une forme de crainte annonça la terrible vérité. Pas si terrible que cela. Même si bon nombre de ninjas, de civils et autre détestaient ces êtres singuliers à cause d'une seule personne, moi, je les considérai comme tout autre individu.

Je n'avais jamais compris pour le monde leur en voulait. Que l'un de leur parent soit un monstre ne faisait pas de chacun d'entre eux des créatures ignobles auxquelles il fallait vouer une haine sans fin. C'était un peu le même principe pour mon clan, j'avais attaqué Suna, cela faisait il de mon frère jumeau un criminel et un traire ? Non, loin de là. Alors, quand j'entendis ça... Je rigolai, malgré moi, mon titre et surtout son histoire. Il s'agissait d'un rire amusé, en partie moqueur mais rien de plus. Une petite larme vint même humecter le dessous de mon œil droit, que j'essuyai rapidement. Je repris rapidement mon sérieux, et tâchai de répondre à ce jeune homme avant qu'il ne pense que j'étais folle, ou quelque chose d'aussi proche.

"Tu peux te relever, installe toi. Les histoires de famille sont ce qu'elles sont. Une brebis galeuse ne veut pas dire que l'on doit éliminer tout le troupeau... Tu as eu de la chance, tu es probablement tombé sur la seule personne de ce monde qui ne haït pas les Gogyou! Makka a fait ce qu'elle a fait, mais ce ne sont pas ses gênes qui l'ont poussées à commettre ces atrocités, mais bel et bien sa condition de Furyou. Enfin, si tu veux rejoindre Suna, tu le peux. Mais sache que, Gogyou ou pas, tu seras soumis à la loi de ce village et à la rigueur militaire; ce que nous sommes avant toute chose. La première chose à savoir, c'est que tu es libre de rester au village, ou de partir. Mais si tu pars, je n'hésiterai pas à t'éliminer, quelles que soient les raisons."

Une première approche plutôt directe. Je préférai annoncer les choses sans détour, sans artifice. Tous les Sunajins savaient quelle aversion je portai à la désertion, chacun d'entre eux connaissaient la position de Suna dans ce domaine : inflexible, incorruptible. Le village caché du sable était certainement le refuge de nombreux ex-nukenin, peut être même criminels; mais ne serait en aucun le producteur de ces derniers, ne permettant pas que cela arrive.

Il y avait bien sûr quelques exceptions, il y en avait toujours, mais elles étaient si rares et négligeables... En plus d'être sur la voie de la résolution! Enfin, je repris donc mes explications quant à Suna, mais j'allais aussi attaquer sa situation. Comme je l'avais dit, je n'avais rien contre les Gogyou, mais je ne pouvais me porter garante pour les autres.

"Il n'y a pas grand chose d'autre à savoir pour le moment. Néanmoins, même si tu n'as rien à craindre de moi, je ne peux pas en dire autant pour les autres Sunajin. Et je ne me porterai pas garante de ta sécurité. Ce sera à toi de faire le nécessaire pour que personne dans ce village ne le découvre. Tu adopteras donc l'identité que tu m'as donnée : Maruyama Takeo. Je sais que les pouvoirs de ton clan sont particuliers, et facilement reconnaissable. Tu feras attention à ne pas les utiliser en public, si tu ne veux pas... avoir de mauvaises surprises. Malgré tout ce que j'ai dit, veux tu toujours te joindre à Suna ?"

Achevais-je sur un ton bien plus sérieux qu'auparavant. Rejoindre Suna n'était pas une décision à prendre à la légère, et mes mots devenaient toujours réalité. Même s'il venait à se sentir en danger entre ses murs, et qu'il en désertait, je n'aurais aucune pitié à l'éliminer, comme tous les autres. La sécurité de Suna passait avant tout, avant leurs vies, avant la mienne. C'était difficile à concevoir, mais c'était et serait ainsi jusqu'à ma mort, et certainement après celle-ci.

Le jeune homme était encore bouleversé par la réaction pour le moins inattendue du Kazekage. A tout, il s’était à tout sauf à ça ! Il s’était déjà imaginé pendu haut et court, torturé ou même simplement emprisonné ou exilé, mais non. La jeune femme rousse s’était simplement mise à rire… Elle se moquait de lui, de son ton suppliant et pathétique. Il l’a regarda abasourdi en restant immobile et bouche bée. Elle ne réalisait surement pas l’impact de ses mots. Il venait pour la première fois en dix ans de se confier à quelqu’un, de lui livrer un terrible fardeau et elle rigolait jusqu’à en avoir les larmes aux yeux. Il avait entendu parlé d’Habashi Zanshi, de son caractère spéciale, mais jamais il ne se l’était imaginé de la sorte. Elle reprit son calme après quelques secondes et parla sur un ton beaucoup plus sérieux, bien qu’il perçut une teinte amusée dans son intonation.

S’installer… Le jeune homme se mit debout à ses mots, comme s’il les avait pris pour des ordres, mais il n’osa pas s’assoir. Elle ne craignait pas les Gogyou, Takeo ne savait pas s’il devait être en colère ou soulagé. La jeune chef continua son discours et parla de Makka… Et de Furyou. Il n’avait aucune idée de ce que cela signifiait, mais il hocha la tête pour ne pas paraitre trop ignorant. Le reste de sa phrase eut un effet euphorisant sur le jeune shinobi. Il pouvait, s’il le souhaitait, intégrer les forces ninjas du désert… Si facilement. A peine les préliminaires entamés qu’il était parvenu à ses fins. Il s’attendait à devoir user d’un argumentaire qui mettrais en valeur ses atouts, mais non. La chose s’était faite naturellement.
Zanshi était directe, franche et ne masquait aucune de ses pensées. Elle s’adressait à lui comme à un homme, non comme à un monstre. C’est je pense à cet instant précis que Takeo lui voua un respect immense… Au plus profond de son cœur, il savait qu’il était prêt à mourir pour cette femme, pour le seul être sur terre qui ne le jugeait pas, qui lui offrait une chance d’accomplir ce pour quoi il était née. Alors qu’il était en pleine rêverie, le Kazekage continua son récit. Elle lui parla de prudence et de camouflage, deux choses à laquelle il était habitué. Elle termina même son discours par une question qui lui semblait futile tant la réponse était évidente.

Il ne put retenir une larme qui coula le long de sa joue. Son visage était à nu, son masque, il le tenait dans sa main et son visage aux traits fins contemplait à présent celui de Zanshi. Ses cheveux bruns venaient pendre sur ses joues et ses deux grands yeux bleus se teintèrent de force et de conviction, mais également de reconnaissance et de respect. Il inspira un grand coup et s’essuya la joue d’un revers de manche.

Maitre Kazekage, vous me faites trop d’honneur, je ne sais pas quoi dire d’autres que oui, j’accepte avec une joie immense de servir Suna !...

Il n’était pas tellement sûr de ses mots, mais tout ce qu’il savait, c’est que pour la première fois de sa vie, il était véritablement heureux. Une fois cette puissante émotion passée, il baissa la tête en signe de respect, mais surtout pour masquer son désarroi. Il apposa sur son visage son masque et inspira une nouvelle fois. La présence d’une frontière entre sa peau et le reste du monde lui donnait une sensation de maitrise, de confiance absolue en lui et en ses capacités. Une fois calmé, il leva son regard sur le chef du village.

Concernant la désertion, laissez-moi vous parler de mon Nindõ. Makka était ma cousine et lors de sa venue sur Hai no Kuni, j’y ai vu un espoir de servir une cause, de devenir un guerrier pour restaurer le nom de notre clan…

Ses derniers mots avaient été prononcés avec amertume et il laissa quelques secondes passées avant de reprendre.

Quelle déception… Ses hommes ont attaqué au hasard les habitants de l’île. Les misérables ont battu et violé ma mère sous mes yeux pensant que je resterais faible, lâche, les regardant faire leur besogne… La haine que j’éprouve envers les Nukkenin n’a pas d’égale sur cette terre. Je détruirais les déserteurs et restaurerais le nom de mon clan, à ma manière. Mais en attendant ce jour, ma vie vous appartient et je m’évertuerais à protéger le village du sable.

J'observais le Gogyou, l'écoutait. Que pouvais-je dire ? Il avait connu ce que bon nombre de ninja moi y compris avait connu : la mort, la tristesse etc. Que ces expériences négatives se soient transformées en une telle volonté, en revanche, n'était pas pour me déplaire. Je réfléchis un instant sur la façon dont il pourrait intégrer le village sans éveiller les soupçons. C'était chose difficile. Je ne pouvais ni l'envoyer à l'académie compte tenu de son âge apparent, et l'ajouter aux effectifs genin me semblait trop facile. Mais avant d'en arriver là, une autre question me vint à l'esprit.

"Je ne doute pas de ton passé ou de ce que tu as vécu sur l'ile des cendres, mais... Pourquoi être venu à Suna et pas à Konoha ou à Kumo ? Pourquoi te risquer dans le désert, pourquoi venir dans le village qui a été frappé le premier par la Furyou Makka ? Autant je n'ai rien à faire des origines des personnes, que les raisons qui les mènent à moi m'intriguent au plus haut point. Vois tu, malgré tout ce que tu as dit, je ne peux m'empêcher d'imaginer que tu puisses être autre chose que ce que tu prétends. Alors, comment pourrais tu me prouver ce que tu veux, et ta volonté ?"

Dis-je sur un ton interrogateur, en effaçant cet air gaie qui avait éclairci mon visage l'espace d'un instant. Un peu plus et je permettais à n'importe qui de se fondre dans la masse de notre village, et de le mettre en danger. Après tout, il était un étranger, ni plus ni moins. Je savais que Suna avait cette image de village accueillant, que les habitants du désert étaient tous hospitaliers avec leur prochain. Mais cette image était fausse de A à Z. Je ne savais pas d'où elle pouvait venir...

Je repris alors la parole, observant toujours le jeune homme.

"Tu devras faire tes preuves, et subir des évaluations psychologiques régulièrement au Kenkyuujo. La moindre information allant à rebours de ce que tu m'as dit pourrait te coûter plus qu'un exil. Alors, si tu le veux toujours, prends ceci."

J'avais sorti un bandeau et un dossier vierge. Alors que j'ouvrais le dossier, je fis glisser la plaque de métal d'un mouvement de doigt sur le bois du bureau, et la laissai là, à disposition. Je pris la plume trempant dans son encrier, j'inscrivis son nom d'emprunt sur la couverture et dessinai en bas à droite, dans le coin, un sceau. Rein de particulier, il s'agissait seulement de ma signature; mais ça personne ne le savait et elle dissuadait souvent les indiscrets de consulter ces documents... La peut de l'inconnu...

"Je n'accorde pas ma confiance aux étrangers habituellement. Mais tu me sembles plutôt sincère. Bref... Bienvenue à Suna, tu peux te rendre chez le responsable des logements. Avec cette plaque et en expliquant que tu viens du palais; cela devrait aller. Attention aux questions et réponses inappropriées cependant. "

Malgré les mots doux qui avaient émané du Kazekage, elle paraissait pensive, comme si tout à coup, le doute l’avait assailli. Ce revirement d’humeur n’était pas pour déplaire au jeune homme. Si le leader du village se montrait si frivole et naïve, Suna avait de quoi s’inquiéter. Mais la femme aux cheveux rouges se montrait finalement prudente et une fois qu’elle eut choisi ses mots, elle exprima enfin le fond de sa pensée. Elle questionnait les choix de Takeo, leur origine, leur finalité. Pourquoi ? Il laissa son regard se perdre dans la salle du Kage avant de répondre.

Je ne saurais expliquer les raisons qui m’ont poussé à venir à Suna, mais une fois Hai no Kuni mis à feu et à cendre, j’ai traversé la mer pour rejoindre le Nord. Je devais partir aussi loin que possible de tout ce carnage. J’y ai passé du temps à réfléchir, mais je suppose que le Sud me manquait. Les Konohajin sont des rêveurs de la forêt et Kumo est bien trop proche de mon île natale… Je ne suis pas fait pour une vie simple et sans épreuves.

Ses yeux plongèrent une fois de plus dans ceux de la femme devant lui. Assise derrière son bureau, elle était décontractée tandis que le Maruyama se tenait debout, la tête légèrement baissée. Si, hors du temps, un peintre avait posé à ce moment là son chevalet face à ce bureau, le mélange de couleur, de teinte et d’émotion aurait surement rendu l’œuvre intemporelle et magnifique. La belle dégageait une aura à la fois apaisante et terrifiante, calme face à l’inconnu, elle en devenait étrangement puissante. Takeo sentait qu’au moindre faux pas, sa tête irait orner les remparts de Suna. Il évitait les mouvements corporels et laissait sa tête bouger pour exprimer ses intentions.

Suna est le premier village à avoir souffert de la folie de ma cousine. S’il y a un endroit sur cette terre où le nom des Gogyou doit être lavé, c’est ici. Je n’attends ni délicatesse, ni traitement de faveur, je veux seulement qu’on me donne ma chance.

Le Kazekage maintenait la tension assez haute, l’air s’en trouver chargé. Le rôdeur écouta la réponse du maitre qui semblait être convaincu, mais posait des conditions à son intronisation. Il était soulagé. Elle posa la main sur un bandeau qu’elle fit lentement glisser sur la table, face à la lui. Il resta quelques instants figé devant le signe de Suna. Il prenait conscience de la réalité à présent. Lorsque le bandeau toucherait sa peau, il ne serait plus une ombre, il rejoindrait enfin la lumière. Son errance, sa pénitence serait terminé, l’avenir se montrait enfin clément. Sans qu’il puisse la réprimer, une larme coula le long de sa joue, de gratitude j'imagines.

Avec cérémonie, il posa sa main sur le bandeau et serra le tissu dans sa main. Il l’attacha sans se presser à son bras droit et prit un moment pour le contempler. Il quittait officiellement sa condition de « monstre » pour devenir serviteur du village caché du sable. C’était la fin d’une aire, l’avènement à Suna d’un nouveau masque, d’un nouveau shinobi. Le premier Gogyou à servir les intérêts du désert. Il se tourna vers son maitre et remit en place le masque de son grand-père sur son visage. Demain serait un nouveau jour dans sa nouvelle vie.

Je ne vous décevrez pas maitre Kazekage.