Dieu des missions a dit:

Comme trop souvent à mon goût, un gosse était venu toquer à ma porte en pleine matinée. Quelques temps plus tôt c'était Kibo qui s'était présenté sur le pas de ma chambre et j'avais terminé sur un bateau en plein océan. C'était donc avec une appréhension certaine que j'étais aller ouvrir avant d'être partiellement rassuré en découvrant l'enfant qui avait l'habitude de venir me porter les ordres de missions. Après un bref regard devant chez moi pour m'assurer que le membre du Kakumeigun ne se cachait pas dans les parages, je refermai la porte et m'y appuyai de dos avant de décacheter le parchemin et le parcourir de mon oeil valide.

Plus que le but de la mission en lui-même, ce fut surtout le nom de mon coéquipier pour celle-ci qui attira mon attention. Sinbad! Je l'avais côtoyé à plusieurs reprises dans le passé et à l'époque je pouvais le considérer comme un bon pote! Ha, combien de prostituées on s'était envoyées ensemble... C'était le bon vieux temps! Mais maintenant beaucoup de temps s'était écoulé depuis notre dernière et nous nous étions pour ainsi dire perdus de vue. Trouverais-je le même homme qu'autrefois? Ou la vie s'était chargée de nous différencier si bien que nous n'avions plus le moindre atome crochu?

Quoi qu'il en soit j'étais curieux de voir ce qu'il en était et ravi de pouvoir le revoir. Cette mission serait l'occasion de papoter un peu et apprendre ce qu'il était devenu après tout ce temps. Et puis elle semblait plutôt simple même si on ne pouvait pas exclure une attaque sur cette caravane. Il y avait eu pas mal de tempêtes de sable ces derniers temps - un coup d'un Kawaguchi en colère? - et ça pouvait très bien expliquer le retard des marchands à lui seul. Mais nous en aurions le coeur bien assez tôt de toute façon. Pour l'heure il était temps d'aller au point de rendez-vous, à savoir la voie illusionnée. Le rendez-vous était dans à peine une heure mais c'était largement suffisant pour faire un brin de toilette et préparer mes différentes affaires. Ce que je fis!

Je pris ensuite la direction de la massive entrée de Suna et attendit patiemment mon partenaire, jetant des regards alerte autours de moi dans l'espoir de discerner sa silhouette. Avait-il changé physiquement? Là encore, j'aurais certainement une réponse rapidement pour peu qu'il soit aussi ponctuel qu'autrefois! Je profitai du temps que j'avais devant moi pour me rouler une cigarette puis procéder à l'entretien de Malaise que je nettoyai avec attention, le couvrait d'huile pour faire resplendir sa lame forgée de mains de maître. Je le glissai ensuite dans son fourreau en me disant que Taku serait sûrement satisfait de l'attention que j'accordais à son présent.

Ceci fait je vis finalement Sinbad qui s'approchait de moi et je me hâtai d'aller à sa rencontre avant de lui taper dans la main puis l'attirer contre moi pour lui donner une accolade virile comme nous le faisions par le passé. Je l'observai ensuite un instant comme pour chercher quelque chose d'étrange ou susceptible de mériter mon attention.

- "Salut mon pote! Comment tu vas?" demandai-je avec enthousiasme. "Toujours aussi cinglé?"

J'étais curieux de savoir ce qu'il était devenu aussi je me pressai de reprendre la parole avant qu'il ait pu répondre:

- "Et comment va ce vieil Alibaba? Toujours aussi ronchon le paternel?" fis-je en lui décochant un large sourire amusé. "Faut que tu me racontes ce que tu deviens! D'ailleurs on peut papoter pendant qu'on va à la rencontre de cette caravane tu en dis quoi?"

Je l'invitai alors à marcher à mes côtés tandis que nous franchissions la voie illusionnée pour pénétrer dans le désert qui caractérisait Kaze no Kuni...

Oh le mal de crâne… J’avais peut-être un peu trop abusé hier soir. Mais bon, je l’avais bien mérité. C’était mon dernier soir de liberté après tout. Et oui, fini la débauche, les conneries, la vie quoi ! Aujourd’hui débutait officiellement mon service en tant que Genin de Suna. Mais comment avais-je pu me mettre dans une telle, comment dire, merde ! Allongé dans mon lit king size, la tête enfouie sous mes oreillers, je portais encore les vêtements de la veille et tentais tant bien que mal de refreiner mon envie de dégueuler. Non mais quand même. Ces draps avaient couté une fortune. De la soie importée, on ne trouvait pas ça à chaque coin de rue de Suna. En plus en y repensant, ce Gekei, la fourmi, il m’avait un peu plombé ma soirée aussi. Si je le revois, je lui défonce sa face d’insecte lui.

Enfin bon, je m’agrippais donc à mon lit, espérant que le décor autour de moi cesse enfin de tourner dans tous les sens, quand soudain une vermine vint frapper à ma porte. Le son résonna dans l’immensité de la pièce et eût le même effet qu’un marteau piqueur s’acharnant sur mon crâne. Le pire, c’était que cette misérable personne ne semblait pas vouloir s’arrêter.

« ASSEZ !!! »

Ma voix couvrit alors totalement l’horrible son métallique qui s’arrêta sur les champs. En revanche, un grincement horrible se fit entendre alors que quelqu’un venait de pénétrer dans la pièce, et ce, sans ma permission. Quel sacrilège ! On ne respectait plus rien de nos jours ! Je me redressai immédiatement, bondissant de rage.

« C’EST QUOI CE BORDEL ?! QUI VOUS A PERMIS ?! »
« Oh mon Dieu. Veuillez m’excusez Sinbad Ôji-sama. J’ai lui ai bien dis que vous n’étiez pas en mesure de recevoir quiconque mais il a insisté pour vous remettre ce message en main propre. »

En face de moi, l’un de mes serviteurs accompagné d’un homme que je voyais pour la première fois. De par son accoutrement, je compris très vite qu’il ne s’agissait que d’un simple messager. Quel outrage ! Me faire réveiller par un membre de la classe inférieure. J’étais tout simplement fou de rage.

« Euh… Oui… Donc, bonjour, vous êtes bien Baal Sinbad ? Je suis venu vous… »
« NAGINI !! »

Mon fidèle anaconda répondit immédiatement à mon appel, sortant du petit coin de ma chambre que j’avais aménagé juste pour elle. L’impressionnant reptile rampa alors jusqu’au perturbateur. Elle n’avait surement pas encore eu son petit déjeuné. D’habitude, je ne l’autorisais pas à manger les êtres humains, bien trop dur à digérer pour elle à mon avis, mais pour le coup, j’étais prêt à lui autoriser un petit écart.

« S-S-Sinbad Ôji-sama, calmez-vous je vous en prie. Cet homme est venu vous apportez votre ordre de mission ! »
« Quoi ? »

D’un signe de la main, j’ordonnai à Nagini de se calmer et je décidai alors de porter un peu plus d’attention au messager. Il me transmit alors une enveloppe dans laquelle se trouvait effectivement ce qui semblait être de toute évidence un ordre de mission. Ça allait donc être ça ma vie désormais ? Etre réveillé aux aurores afin de partir en mission ? Ma colère ne faisait que grandir au fur et à mesure que je lisais ce maudit bout de papier. Ils étaient sérieux ? Retrouver une caravane ? Il se foutait de moi ou quoi ? Qu’ils la retrouvent eux-mêmes cette caravane ! Puis soudain, quelque chose attira mon attention. Un nom. Akuzu Shinji. Si je m’attendais à ça ! Cela faisait un moment que je ne l’avais pas revu ! D’ailleurs je ne me rappelais même plus pourquoi nous nous étions perdus de vue. J’oubliais à chaque fois qu’il était un ninja. En effet, nous nous étions rencontrés lors de combats clandestins dans les vieux quartiers du village. Ce gars a été l’un des premiers à rendre la vie à Suna supportable pour moi. J’avais hâte de le revoir. Pour le coup, là j’avais une motivation.

Une fois prêt, je me rendis alors aux portes du village. Vu le temps que j’avais pris pour me préparer, mon ancien compagnon devait surement déjà arriver sur place. Je ne m’étais pas trompé. Au premier regard, nous nous reconnûmes mutuellement et nous saluâmes immédiatement. Une bonne accolade, comme pour se remémorer le bon vieux temps. Car oui, cet homme avait été pendant des années mon partenaire de débauche, un ami, voir un frère. J’avais donc un peu de mal à cacher mon enthousiasme maintenant que nous nous étions retrouvés.

« Whoa Shinji mon frère, ça fait un bail ! Ben moi comme d’hab, je me fais chier dans ce village pourri. Et toi ? Je te vois bien. T’as grandi ou je me trompe ?! »

Bon ce n’était pas que, mais nous n’étions pas venu ici pour faire la causette. Malheureusement, nous avions une mission à accomplir. Nous entamâmes donc notre marche dans le désert à la recherche de cette fameuse caravane. Sur le chemin, Shinji voulait apparemment savoir que j’avais fait tout ce temps que nous nous n’étions pas vu.

« Bah Père n’a pas changé. Toujours aussi chiant. Mais je dois t’avouer que là, il a fait fort. Ça doit surement t’étonner de voir que je suis désormais un ninja comme toi. Tout ça c’est de sa faute. Il m’a mis la pression avec mon héritage afin que je m’inscrive à l’académie. Et du coup, me voilà. Et toi ? Tu continues les combats clandestins ? »

Il avait surement dû faire des progrès en combat depuis la dernière fois que je l’avais vu. D’ailleurs moi aussi. Je maitrisais aujourd’hui mon sceau maudit bien mieux qu’à l’époque.

C'était un plaisir de revoir Sinbad, même après tout ce temps. Certaines choses changeaient mais d'autres semblaient rester immuables. Je fus donc ravi de constater qu'il avait toujours la même façon de s'exprimer et que notre amitié ne semblait pas avoir trop souffert de notre séparation prolongée. Après tout nous venions de milieux différents et c'était peut-être une chose inévitable même en faisant de notre mieux pour maintenir le lien qui nous unissait - et semble encore nous unir - jadis. Lui fils d'un riche marchand et moi issu d'une lignée secondaire du clan Akuzu, rien ne semblait à la base nous prédestiner à nous rencontrer et à sympathiser. Nous n'appartenions pas au même monde et tout semblait nous opposer si l'on se limitait à une vision simpliste des différentes classes sociales. Et pourtant...

Je me fendis d'un de mes sourires goguenard alors qu'il me demandait si j'avais grandi et je me portai à sa hauteur pour comparer nos tailles respectives. Il était toujours plus grand que moi puisqu'il dépassait facilement les deux mètres. Mais j'avais effectivement gagné quelques centimètres puisque je dépassais à présent le niveau de son épaule. Cette constatation m'arracha un léger ricanement tandis que je lui adressais un regard amusé.

- "Ouais on dirait bien que je t'ai rattrapé de quelques centimètres, hein?" clamai-je comme si j'avais remporté une manche décisive. "Ou alors c'est toi qui a rapetissé, c'est selon! Pour le reste ouais je me porte bien! Tu sais j'ai même arrêté de boire. Hé ouais mon pote, je deviens presque quelqu'un de fréquentable maintenant! Faut dire aussi que c'est à cause d'une femme mais c'est souvent le cas dans ce genre de situation, pas vrai? Mais je te rassure je suis toujours aussi amusant qu'avant!"

Enfin, je l'espérais... Fallait dire que j'avais quand même pas mal gagné en maturité ces derniers temps et j'étais peut-être un peu moins enclin à faire des conneries. Mais c'était un peu le lot de tous quand on quittait l’insouciance de l'adolescence pour entrer dans le monde moins féérique des adultes.

- "Et puis allez, tu l'aimes bien ce village quand même non? Sinon ça ferait longtemps que tu aurais foutu le camp je n'sais où! Il n'y a pas une femme aussi là derrière? Ou alors t'as pas envie d'aller te les peler dans une autre contrée? Au moins on a le soleil pour nous, pour ça on ne peut pas se plaindre!"

Sans parler du fait que le soleil, justement, avait tendance à dénuder les demoiselles lorsqu'il ne tapait pas trop fort. Ce qui était un véritable régal pour les yeux. Même lorsqu'on en avait plus qu'un seul... Je l'écoutai ensuite me parler des raisons qui l'avaient poussé à rejoindre les rangs des shinobis de Suna. Je me fendis d'un sourire amusé et d'un signe affirmatif de la tête lorsqu'il me confia que je devais sûrement être étonné de le voir porter ainsi le symbole du village. À vrai dire le mot était encore un peu faible dans la mesure ou je ne l'avais jamais vu être tenté par une carrière de ninja mais l'explication ne tarda pas à se manifester. Ainsi donc son paternel avait décidé de lui poser un ultimatum...

- "Allez tu verras c'est pas si emmerdant que ça la vie de Shinobi! Bon tu risques de crever à tout moment et puis à notre niveau on fait pas forcément les choses les plus intéressantes mais d'un autre côté on découvre pas mal de choses et on ne s'ennuie pas tant que ça! Tu pensais aller secourir des marchands en te levant ce matin? Comme quoi..." fis-je en tentant de faire ressortir les bons côtés de la chose.

Parce que bon c'est vrai que ça devait être plus agréable de vivre une vie bien tranquille et à l'abri du besoin et des risques que de trimballer ses fesses face au danger. Mais je ne mentais pas en disant que l'existence était plus passionnante en tant que ninja que simple citoyens. Après ça restait bien évidemment une question de goûts et le ton qu'employait Sinbad laissait clairement comprendre ce qu'il pensait de tout ceci. Je décidai donc de changer de sujet pour répondre à ses autres questions:

- "Ouaip sinon je continue effectivement les combats clandestins! Disons que c'est un bon moyen d'arrondir les fins de mois et puis tu me connais, j'aime bien me battre!" fis-je avec un clin d’œil entendu. "Mais j'ai un peu ralenti le rythme ces derniers temps! On me confie pas mal de missions et puis la Kage a décidé de me prendre dans son équipe. Me demande pas pourquoi parce que franchement j'en sais foutrement rien! Mais du coup j'ai moins de temps libre et encore moins d'heures de sommeil! Figures-toi que l'autre jour un membre du Kakumeigun est venu me chercher pour me téléporter sur un bateau! Ouais, un putain de bateau mon pote! Je te raconte pas la galère! Mais c'est une longue histoire je te la raconterai une autre fois..."

D'autant plus qu'elle n'était pas forcément très glorieuse puisque j'avais passé la majeure partie du voyage à dégueuler. Je préférais nettement les récits dans lesquels je pouvais me poser en héros que ceux où j'avais le mauvais rôle. Notre discutâmes un peu de tout et de rien mais surtout du bon vieux temps, celui où notre seul but était de nous amuser pour échapper à la monotonie de notre existence. Et on était sacrément doués pour ça, faut le dire! Plusieurs gardes devaient encore se souvenir de nos sales tours et tout ceci nous arracha plusieurs fous-rires. Ca faisait un bien fou de revoir le type avec qui j'avais pratiquement vécu tous les meilleurs moments de mon adolescence parce qu'avec lui les souvenirs remontaient à la surface.

- "Tu te souviens de la tronche que le type dans le bar avait poussée quand tu t'es transformé après qu'il ait cassé ton verre? Le mec a failli se faire dessus! Comment il s'appelait déjà? Kirigami? Kawagiri? Ha non! Shikamari! Je me souviens encore de sa grimace! Si ça se trouve il a fini à l'asile ce vieux schnok après ça!" m'amusai-je avant de reprendre un ton plus sérieux. "D'ailleurs comment ça se passe avec ton sceau? Tu as appris à mieux le maîtriser je suppose? T'es capable de faire plein de nouveaux trucs?"

Ce pouvoir m'avait toujours impressionné même si une certaine fierté masculine m'empêchait de le reconnaitre. Il y avait souvent eu une forme de compétition amicale entre nous deux et je me demandais si elle était toujours d'actualité. Chacun voulait dépasser l'autre sans toutefois que ça n'occulte notre amitié qui avait toujours prévalu sur cette saine lutte.

- "Ha ben tiens voila autre chose..." soupirai-je en dardant mon regard droit devant nous. "Tu sais quand je parlais de trucs chiants? Ben voila!"

En effet une tempête de sable recouvrait l'horizon et n'annonçait rien de bon d'autant plus qu'elle se dirigeait dans notre direction. On avait beau être des fils du désert, ce genre d'événement n'était jamais agréable à affronter. D'autant plus que l'on ne pouvait guère l'éviter vu sa vitesse. Et puis il n'y avait pas le moindre endroit où se cacher dans le désert ou, du moins, dans la zone où nous nous trouvions. En plus de l'inconfort qu'elle procurait et de la visibilité qu'elle masquait, il fallait compter sur le fait qu'elle allait sûrement recouvrir les traces laissées par la caravane. Vu qu'elle se dirigeait vers Suna et non l'inverse ça n'allait pas vraiment être un problème. Sauf si nous passions à côté auquel cas il serait bien plus compliqué de les suivre pour remonter jusqu'aux marchands.

- "Je hais ces saloperies!" fis-je en rabattant un bout de tissu sur mon visage pour protéger mon nez et ma bouche. "Fallait que ça tombe sur nous..."

Je lâchai un soupire blasé avant de poursuivre notre route pour foncer droit vers cette monstruosité. Si l'un de nous avait été un Kawaguchi on aurait sûrement pu se ménager un espace de tranquillité dans cette tempête mais là c'était foutu. Mais nous savions l'un et l'autre comment réagir face à ce genre d'imprévus, à savoir en restant l'un près de l'autre pour ne pas se perdre de vue. Nous aurions le temps de retrouver nos repères une fois qu'elle serait passée. Ne restait plus qu'à espérer qu'elle n'était pas trop imposante mais vu sa taille j'avais de sérieux doutes.

- "Comme au bon vieux temps mon frère, hein?" fis-je en faisant contre mauvaise fortune bon coeur. "Ça va être sportif!"

Et pour être sportif, ça le fut! Nous fûmes bientôt ballotés par des vents violents tandis que les endroits de notre peau exposés se faisaient fouetter par les rafales incessantes nimbées de sables. Nous réussîmes néanmoins à rester en contact visuel, marchant de front et côtes à côtes. Nous progressâmes pendant une durée indéterminée jusqu'à ce qu'une forme apparaisse en face de nous, drapée dans la semi-obscurité qui nous enveloppait. J'échangeai un bref regard avec mon coéquipier, plissant les yeux pour me protéger du sable qui tentait de se glisser entre mes cils. Qu'est-ce que c'était que ça encore?

Nous nous approchâmes rapidement de l'ombre qui se révéla être un homme d'une quarantaine d'année. Il titubait et pas seulement à cause de la tempête et des vents violents qui y prenaient vie. Lorsqu'il s'effondra devant nous en tendant la main dans notre direction comme pour demander notre aide, le doute ne fut plus permis: une flèche dépassait de son dos! Faisait-il parti de la caravane? Était-ce un marchand isolé ayant perdu son chemin?

- "Juste un jour de plus au paradis, hein?" criai-je à Sinbad avec une ironie certaine.

Enfin, paradis... Si les oasis et divers autres lieux du genre adoucissaient un peu la vie dans la région, Kaze no Kuni ressemblait bien plus souvent à un véritable enfer...

Arrêté de boire ? A cause d’une femme ? Il se foutait de moi là. Ce n’était pas le Shinji que je connaissais ! Avait-il fini par… mûrir ? Cette fille devait être vraiment exceptionnelle pour l’avoir motivé à effectuer de tels changements. Je le regardai alors dubitatif quand il m’affirma que malgré tout, il était resté le même. Désolé mon vieux, mais quand une femme nous met la patte dessus, on est plus jamais le même. D’ailleurs, il s’interrogea lui aussi sur une éventuelle demoiselle qui partagerait ma vie. Je ne pus m’empêcher d’éclater de rire tant mon cher ami était dans le faux.

« Haha ! Non tu te trompes mon petit Shinji. Le jour où je me caserais est encore loin. Et puis, comme je te l’ai dit, je me retrouve coincé à Suna maintenant. C’est trop tard. J’aurais peut-être dû partir il y a longtemps de cela, tu as raison. Quoiqu’il en soit, je suis là aujourd’hui, donc autant rendre cette vie le plus agréable possible. »

L’Akuzu tenta ensuite de me convaincre que la vie de shinobi n’était pas si mal en fin de compte. Lui-même ne semblait pas très convaincu de cela mais s’il y avait une chose dont j’étais sûr à ce moment précis, c’est que le Shinji que j’avais connu autrefois n’existait plus. Il était devenu adulte le petit. Et je doute que ce soit uniquement à cause de sa fameuse petite amie. Etait-ce son poste de shinobi ? Whoa… Père avait donc raison. Je comprends mieux maintenant pourquoi il avait fait preuve d’une telle bassesse pour que je me lance dans la voie du shinobi. Il voulait vraiment que je devienne un adulte responsable. Que j’aide mon prochain, que je me trouve une charmante épouse et que je fonde une famille. Ô Père… Si j’avais su… Je me serais surement enfui de la maison beaucoup plus tôt ! Et avec mon héritage sous le bras ! Non mais je te jure. Quel ramassis de conneries. Cependant, j’étais paradoxalement heureux que Shinji ait trouvé sa voix. En effet, il n’avait pas eu une vie facile quand même. Bizarrement cela me faisait plaisir de voir qu’il n’était plus l’adolescent à problème d’il y a quelques années. Il vivait des choses extraordinaires en tant que ninja de Suna, et franchement, il le méritait.

Il s’intéressa ensuite à mon sceau maudit. Il est vrai qu’à l’époque je ne le maitrisais pas très bien et que je me transformais dès qu’un imbécile me mettait en colère, à savoir, quasiment tout le temps. Mais aujourd’hui, ce n’était plus cas, heureusement.

« Maitriser est un bien grand mot. C’est vrai que je me suis grandement amélioré mais j’ai encore besoin d’entrainement. Mais toi, l’homme élastique, je suppose que tu es devenu super balèze maintenant hein ? »

A peine eu-je le temps de finir ma phrase, que Shinji me fit remarquer qu’une tempête de sable s’approchait dangereusement de nous. Mon pauvre compagnon n’avait que ses vêtements pour le protéger. Quant à moi, vu le peu de tissus que je portais généralement, je devais donc me rabattre sur autre chose.

« Tiens, toi qui voulais voir un de me nouveaux tours. »

En utilisant le pouvoir de mon Henka Akuma, je modifiai la texture de ma peau afin de me recouvrir d’une cuirasse d’écailles très épaisse. Cela devrait surement être plus que suffisant pour me protéger de la violence de cette tempête. Bon, ok, je l’avoue, je voulais me la péter un peu. Mais y’a pas de mal à cela ! Enfin bref…

Soudain, une ombre apparut au loin. Une personne seule, au beau milieu d’une telle tempête. Quelle folie ! L’ombre finit par s’effondrer sur le sable sous les vents violents de la calamité, dévoilant une flèche empalant vilainement l’individu. Il s’agissait d’un homme d’une quarantaine d’années, se vidant de son sang juste devant nous. Je dois avouer que j’étais plutôt choqué par la situation. C’était la première fois que je faisais face à ce genre de chose. Ce devait surement être ça la vie de shinobi.

Je me jetai alors sur la pauvre victime et à l’aide de mon vêtement, je tentai tant bien que mal d’appuyer sur sa blessure afin de ralentir l’hémorragie. Je ne devais surtout pas ôter la flèche, de peur de voir l’afflux de sang devenir encore plus important. Je fis ensuite dos à la tempête afin d’épargner le pauvre homme des bourrasques de vent chargé en grains de sable.

« Oy vieux ! Hey ! Hey ! Tu m’entends ? Que t’est-il arrivé ? »
« Humph… Mes… compagnons… morts… fuyez… argh ! »
« Hey hey ! Reste avec moi vieux ! Oh ! Ils sont où tes compagnons ? »
« Ils… Embuscade… »

L’homme laissa échapper son dernier souffle, dans mes bras. Sur le moment, il y eu comme un vide dans mon esprit. Etait-ce donc ça la réalité de la vie ? Des innocents perdant la vie, tombant comme de vulgaires animaux. Une rage incontrôlable m’envahit alors. Ma cuirasse se dissipa alors que mon démon prenait le dessus sur ma personne. Une corne d’une bonne cinquantaine de centimètre apparut alors sur le côté gauche de mon front. Mon bras gauche quant à lui se transforma en un impressionnant membre recouvert d’écailles rouges, assorti de longues griffes acérées. Et pour finir, une imposante aile jaillit de mon omoplate gauche, le tout face aux yeux ébahis de mon coéquipier.

« Merde… Pas maintenant… »

Cela faisait un moment que je n’avais pas été victime d’une transformation dite « sauvage ». En dépit du grand pouvoir que m’octroyait ce sceau, l’apparence démoniaque qu’il m’imposait me dégoutait au plus haut point. Quel honte. Me laisser emporter de la sorte. Moi qui pensais avoir fait des progrès en la matière. Il fallait que je me calme. Que je vide mon esprit. Au bout de quelques minutes, je repris lentement mon apparence normale. Heureusement, Shinji était déjà habitué à cette face de ma personne. Mais j’étais tout de même gêné que cela se produise encore aujourd’hui, et ce malgré mes efforts pour contrôler ce démon en moi. Il faut dire aussi que c’était la première fois que quelqu’un mourrait dans mes bras…

« Désolé pour ça mon frère. Je t’ai dit que j’avais besoin d’entrainement. »

Je me tournai alors vers le cadavre encore chaud.

« T’en penses quoi ? C’est l’un des marchands que nous recherchons ? Vu sa blessure et la météo, il a surement dû avoir une trajectoire plus ou moins linéaire. Donc si nous continuons dans cette direction, nous finirons bien par trouver quelque chose, non ? »

Je n’étais pas forcément le plus expérimenté dans ce genre de situation. Je laissai donc mon coéquipier me montrer l’exemple.

Sinbad prit les choses à son compte et se hâta de se porter à la rencontre du malheureux. Je restai près de lui tandis qu'il interrogeait le marchand tout en observant la blessure de ce dernier. C'était mauvais, à n'en pas douter! Et si l'homme avait eu la force de marcher dans cette tempête pour venir avertir Suna ou plus vraisemblablement l'espoir de rester en vie, il semblait pratiquement évident qu'il n'en avait plus pour longtemps. Du sang maculait ses vêtements amples et ses paupières oscillaient dangereusement comme si elles cherchaient à ses clore définitivement. Si Yami avait été là elle aurait certainement pu guérir ses blessures ou tout du moins refermer ses plaies. Mais là il ne fallait pas se leurrer: c'était une question de secondes, peut-être de minutes, avant que la mort n'étreigne le malheureux.

Je me positionnai dans le dos de mon ami comme pour offrir à mon tour une protection supplémentaire au marchand contre le vent imprégné de sable. Ce n'était pas grand mais si ça pouvait quelque peu alléger les souffrances de l'agonie... Mais c'était davantage Sinbad que j'observai alors même si je ne pouvais guère voir son visage. Quelque chose dans son attitude laissait présager qu'il était en train de vivre une nouvelle expérience, de découvrir une facette qui allait malheureusement avec la vie et qui se manifestait trop souvent dans le monde troublé dans lequel nous prenions place: la mort! Et lorsque le marchand rendit son dernier souffle, je compris que j'avais vu juste puisqu'il se transforma en partie en démon. Je ne l'avais jamais vu sous une forme aussi accomplie même si ce ne fut que la partie gauche que de son corps qui manifesta son côté démoniaque. Je me décalai ensuite sur le côté lorsqu'une aile de taille impressionnante jaillit dans l'espace nous séparant, impressionné par la vision qu'il m'offrait de lui. Mais je savais que c'était souvent lorsqu'il était en proie à des émotions puissantes qu'il succombait ainsi à son sceau maudit...

Je posai alors une main sur son épaule droite et serrai quelque peu comme pour lui rappeler ma présence et mon amitié. J'espérais par ce simple geste réussir à la calmer mais je savais également qu'il restait dérisoire. Était-ce de la honte que je pouvais discerner dans son regard à cet instant? Je restai silencieux quelques minutes, le temps qu'il reprenne son apparence normale et qu'il me présente des excuses. Je fus surpris par ces dernières et je restai un instant interdit avant de hausser les épaules avec nonchalance:

- "Il n'y a rien à excuser mon pote!" fis-je simplement sur un ton apaisant. "Rien du tout!"

Il me demanda ensuite ce que je pensais de tout ça et si cet homme était l'un des marchands que nous cherchions. À vrai dire nous n'avions guère l'occasion d'en être sûr. Tout ce que nous savions c'est qu'il était tombé dans une embuscade et qu'il avait d'autres compagnons. D'un autre côté il n'y avait pas cinquante caravanes attendues à Suna dans la journée et il y avait de bonnes chances que notre mission et ce marchand soit liées.

- "Je ne sais pas trop! Mais quoi qu'il en soit il faut qu'on aille voir s'il y a des survivants. On ne peut pas fermer les yeux sur ce qu'il vient de se passer. Alors oui je suppose qu'en suivant une trajectoire rectiligne on risque de tomber sur ses compagnons... ou sur leurs cadavres! À supposer que la tempête n'ait pas recouvert toutes traces de leur existence..."

Les tempêtes de sable déplaçaient des masses ahurissantes de sables et recouvrait aisément les empreintes de pas et autres traces de passages. Celles du marchand et les nôtres n'étaient déjà pratiquement plus visibles après quelques instants seulement et il allait falloir compter sur notre sens de l'orientation pour marcher en ligne droite jusqu'à la caravane qui était tombée dans une embuscade. Le tout en espérant que nous ne serions pas trop désorientés par la tempête ce qui risquait fort d'arriver malheureusement. Mais plus qu'une mission de sauvetage, c'était avant tout le désir de vengeance qui m'animait présentement.

- "Dépêchons-nous! Les responsables de tout ceci doivent encore être dans les parages! Et je sais pas pour toi, mais il est hors de question qu'ils puissent s'en tirer à si bon compte!"

Nos ordres étaient de faire appel à des renforts si jamais nous tombions sur des forces hostiles. Mais retourner à Suna maintenant revenait à laisser une chance aux enfoirés qui avaient tendu une embuscade à ces marchands de s'en tirer. Je pêchais peut-être par excès de confiance mais je me sentais capable de maîtriser quelques pillards en compagnie de Sinbad. Et s'il était aisé de s'en prendre à des civils, affronter deux shinobis était une toute autre pair de manche! Même deux genins...

- "J'ai jamais été très doué pour suivre les ordres de toute façon... Alors continuons et voyons ce que l'on trouve! Et si ces enfoirés sont toujours dans le coin, assurons-nous pour qu'ils regrettent amèrement ce qu'ils ont fait!"

Le regard que Sinbad me décocha alors, oscillant entre la détermination et la colère, me confirma alors qu'il était de mon avis. Nous calculâmes rapidement la direction d'où venait le marchand et continuâmes alors notre progression en tentant de suivre une trajectoire en ligne droite. Plus facile à dire qu'à faire... La tempête gagnait en intensité et notre visibilité devint pratiquement nulle. Je pouvais percevoir mon ami à mes côtés mais guère plus. Nous nous appliquâmes du mieux que nous le pouvions pour garder le cap sans toutefois être assurés que c'était bien le cas.

Le bruit de cette manifestation naturelle du désert nous empêcha bientôt de parler et je dus même rendre quelque peu élastique mon corps pour contrer les assauts mordants du sable. Une heure s'écoula ou peut-être deux et la tempête perdit peu à peu de sa puissance jusqu'à finalement nous dépasser. Le paysage sembla retrouver sa quiétude et le ciel d'un bleu profond reprit ses droits sur les grandes dunes qui caractérisaient le désert. Nous étions enfin sortis de cet enfer et notre progression allait s'en trouver grandement facilitée. Un petit repérage s'imposait alors et j'allongeai mes jambes pour gagner une dizaine de mètres de hauteur, histoire de me fournir un vue digne de ce nom.

Quelques silhouette s'agitaient à quelques centaines de mètres devant nous et je parvins même à repérer la forme biscornue de plusieurs chameaux. J'en informai rapidement Sinbad et nous nous hâtâmes de rejoindre leur position. Il nous fallut plusieurs dizaines de minute pour arriver à destination mais l'envie de vengeance et notre rancœur à peine atténuée nous fourni la motivation nécessaire pour oublier un peu notre fatigue. Sur place nous pûmes découvrir une dizaine de chameaux et pratiquement le triple d'hommes qui se préparaient à reprendre la route. L'un d'eux, le plus proche, vint à notre rencontre et leva les bras pour nous accueillir.

- "Salutations voyageurs!" fit-il en portant finalement son regard sur l'insigne de Suna. "Ha, des Sunajins! Je vous en prie, venez, venez!"

Il souhaitait visiblement nous inviter à boire du thé puisqu'il nous mena en direction d'un feu agonisant sur lequel se trouvait une théière métallique. Une tradition des hommes du désert et un signe de paix et d'amitié. Je plissai les yeux en observant la troupe et les marchandises empilées dans un coin. C'était bien une caravane mais il n'y avait nulle trace de lutte quelconque. Était-ce un autre convoi? Il fallait croire...

- "Nous n'avons malheureusement pas le temps!" fis-je en lui suivant. "Est-ce que vous avez eu des problèmes dans les parages? Il semblerait qu'une autre caravane soit tombée dans une embusca..."

Je trébuchai sur un obstacle et baissa les yeux pour découvrir un visage figé qui dépassait à peine du sol. Le choc fit tomber le sable qui recouvrait partiellement son corps, libérant un peu plus de son anatomie. Je remontai le regard sur l'homme qui nous avait accueilli puis sur Sinbad. Un instant de silence désagréable prit ses droits tandis que nous comprenions que c'était bien aux assaillants que nous avions à faire. Et s'il nous fallait une preuve supplémentaire, les cimeterres qu'ils tirèrent tout en se regroupant face à nous ne laissaient guère place au doute.

- "Il aurait mieux valu pour vous que vous ne découvriez pas ça..." fit l'autre en nous décochant un sourire carnassier.

Nous étions clairement un sous-nombre pour affronter ses types, même avec nos capacités de shinobis. Mais nous n'avions guère le choix. Je levai le poing vers Sinbad et sentit le sien s'y apposer comme pour me confirmer qu'il était de la partie!

- "Comme à l'époque mon pote, comme à l'époque..."

Et les hommes nous chargèrent...

Nous nous retrouvâmes dans une situation bien délicate. Nous faisions face à une bonne trentaine d’individus, tous prêts à nous faire subir la même chose que ce pauvre cadavre qui dépassait du sol. En un contre un, j’aurais surement eu aucun problème à m’en sortir. Même contre 4, bon aller, même une petite dizaine, ok. Mais une trentaine c’était peut-être un tantinet trop pour le jeune homme vif et fort que j’étais. Heureusement, Shinji était à mes côtés. On pouvait donc diviser les nombres d’adversaires par deux non ? Une quinzaine pour chacun, c’est jouable. Ou pas… Ces mecs étaient bel et bien décidés à nous faire mordre la poussière. De plus, cela faisait un moment je ne mettais pas battu. J’étais surement un peu rouillé. Il fallait vraiment que je reprenne l’entrainement sérieusement. Mais bien entendu, ce genre d’états d’âme arrivait toujours trop tard. Joignant mon poing à celui de Shinji, nous nous préparâmes à défoncer du bandit.

« J’aurais pas dit mieux. Explosons leur la tronche ! »

Une première vague de bandits se jeta donc sur nous. Au point où on en était, autant y aller à fond. M’appuyant bien sur mes appuis, je bondis tel un félin sur l’un des bandits, le pied en avant.

« DYNAMIC ENTRY ! »

J’assenai alors un violent coup pied direct au pillard, lui fracassant ainsi le visage. Un de moins, plus que 29, environ… Prenant appui sur le crâne de ma victime, j’effectuai un salto avant afin d’atterrir derrière le groupe ennemi. En les attaquant sur des flans différents, on aurait plus de chances de désorganiser le groupe et ainsi bénéficier d’un certain avantage durant quelques instants.

« Toi la sauterelle, on va te faire mordre la poussière ! »
« Ramène-toi, face de chameau ! »

Un nouveau groupe fonça alors en ma direction, aussi hargneux que leurs autres compagnons. En y réfléchissant, nous aurions peut-être pas dû foncer dans le tas comme nous l’avions fait. Mais c’était bien trop tard, nous ne pouvions plus retourner en arrière. Il y avait déjà une bonne dizaine de pillards qui me collait aux basques. Une balayette par-ci, un coup de pied aux côtes par-là, je m’efforçais de faire le plus de dégâts possibles. Et puis ces mecs n’étaient vraiment pas des guerriers hors pairs non plus. Cependant, qu’est-ce qu’ils étaient nombreux. Rapidement, je me retrouvai dépasser par les évènements. Même s’il était indéniable que j’étais un être humain exceptionnel, j’avais tout de même mes limites. Et après avoir jeté un coup d’œil du côté de Shinji, lui aussi semblait aussi galérer de son côté. On s’était vraiment mis dans une merde pas possible. Ca nous apprendra à ne pas suivre les ordres. Nous aurions peut-être dû rester à carreaux et appeler des renforts. Et puis merde. Non. Ces mecs ont tué pas mal de monde. Il méritait une bonne correction. Une correction, démoniaque ! Mais pour le moment, il serait surement plus judicieux de se retirer si on ne voulait pas se retrouver six pieds sous terre.

Sautant à pieds joints sur les épaules d’un des voleurs, d’un mouvement sec, je lui brisai la nuque et avant d’effectuer un bond au-dessus du groupe pour rejoindre mon coéquipier.

« Bon, on est pas dans la merde là, Akuzu. »

Je lui lançai un regard complice. Il savait très bien que ma remarque était ironique. Il nous fallait trouver un moyen de sortir de ce guêpier.

Les premiers assaillants se jetèrent sur nous et j'imitai bientôt Sinbad en me portant également à leur rencontre. J'allongeai mes jambes pour passer rapidement derrière la première vague et les prendre à revers. J'en frappai un dans le dos et l'écrasai ensuite contre une dune pour lui faire manger de la poussière avant de me baisser pour éviter un coup de sabre qui avait vocation à me décapiter. Un coup rapide dans la trachée ôta la vie à l'indélicat tandis que je bondissais en arrière pour éviter de me faire encercler. Ces types n'étaient pas des shinobis à proprement parler mais ils étaient nombreux et visiblement bien décidés à nous faire la peau. Rien d'étonnant à cela dans la mesure où la dizaine de chameaux semblaient lourdement chargés. Et si Suna nous avait envoyé vérifier ce qu'il était advenu de la caravane c'était sûrement que ce qu'elle transportait était précieux pour le village...

J'utilisai les propriétés de mon clan pour devenir aussi mou que du chewing-gum alors qu'un coup de sabre se perdait dans mes vêtements sans parvenir à m'entailler la peau. L'arme de l'homme coincée dans un amas de peau élastique, je n'eus guère de problème à contre-attaquer en tirant un kunaï de son étui pour le lui planter profondément dans le coeur et le faire pivoter d'un quart de tour. Un coup de pied dans la poitrine pour me dégager plus tard, je faisais face à trois nouveaux pillards. J'avais vaguement l'impression que pour chaque ennemi tué il en revenait le triple. Bien sûr leur nombre baissait mais trop lentement. Ces types n'étaient pas vraiment des amateurs et semblaient savoir comment réagir à une attaque en règle, même aussi peu conventionnelle que celle de Sinbad et moi. Six archers se mirent en position sur deux rangs et nous décochèrent une volée de flèches.

L'une d'elle se figea dans le sol devant moi et j'allongeai mes doigts pour la récupérer en vitesse avant de l'enfoncer dans la gorge d'un assaillant puis la ressortir vivement pour l'observer. Un liquide verdâtre se mêlait au sang et je compris rapidement qu'il s'agissait de poison. Une seule éraflure, une seule petite entaille et nous allions sûrement tomber dans l'inconscience ou la mort. La partie venait encore de gagner en dangerosité alors que les ennemis se regroupaient pour nous faire face. Ce léger instant de flottement nous laissa l'occasion de communiquer Sinbad et moi. Ce dernier m'indiqua clairement avec ironie que nous étions plutôt mal barrés.

- "Akuzu?" fis-je avec un léger sourire. "C'est quand la dernière fois que tu m'as appelé comme ça mon pote?"

Ceci dit il avait raison quand il faisait remarquer que nous étions en mauvaise posture. La fuite n'est peut-être pas la plus honorable des options tactiques mais si elle permet de sauver sa peau pour continuer le combat plus tard, où était le mal. J'échangeai un regard avec mon coéquipier pour voir s'il pensait à la même chose que moi et finis pas acquiescer en constatant que c'était bel et bien le cas.

- "Ok, on s'arrache! Ils ont gagné cette manche mais pas la guerre!"

J'enroulai mes jambes sur elles-même afin de leur donner la forme de ressorts et me propulsai en arrière dans le désert juste au moment où une volée de flèches venaient frapper le sol meuble où je me trouvais quelques instants plus tôt. Je me réceptionnai tant bien que mal sur le flanc d'une grande dune et roulai en arrière avant de finalement m'immobiliser une dizaine de mètres plus bas. Je crachai rapidement du sable avec un air dégoûté sur le visage avant de me relever pour m'épousseter. Un peu plus tard Sinbad se porta à ma rencontre et je supposai qu'il avait utilisé ses ailes pour fuir le combat.

- "Ces types sont plus coriaces que prévu, c'est irritant! Mais je n'ai pas envie de retourner à Suna la queue entre les jambes pour demander de l'aide après avoir échoué une première fois. Je sais pas pour toi mais je n'en ai pas fini avec ces enfoirés!"

J'allongeai mes jambes à nouveau pour laisser ma tête dépasser de la dune et m'assurer qu'on ne nous suivait pas avant de reprendre une taille normale.

- "Ok, on dirait qu'ils ne cherchent pas à nous trouver! Ils doivent se contenter de protéger leurs marchandises et ils continueront sûrement à agir ainsi jusqu'à ce qu'elles soient en sécurité, peu importe où ils comptent la mener. Et maintenant ils vont être sur leurs gardes en plus..."

Je me passai une main sur le menton avant d'entreprendre de rouler une cigarette. Je bus une longue rasade d'eau avant de la visser au coin de mes lèvres puis l'allumer, réfléchissant aux options qu'il nous restait. Mon regard s'illumina après quelques instants lorsqu'une idée me traversa l'esprit.

- "On pourrait les suivre et les harceler! Une sorte de guérilla en somme! On attaque, on en tue quelques-uns et on se replie! Ça va nous prendre du temps surtout s'ils restent bien organisés! Mais en guettant les ouvertures on risque de faire pas mal de dégâts tout en créant une certaine panique chez eux. T'en penses quoi?"

Après qu'il m'eut confirmé qu'il approuvait cette option, nous entrâmes dans une phase d'observation de nos cibles. Restant ni trop près pour se faire repérer et ni trop loin pour se faire distancer, nous nous contentâmes de suivre les traces de nos adversaires pour remonter leur piste. Ce petit jeu dura toute la journée jusqu'à ce que finalement le soleil se couche. Nous avions volontairement renoncé à attaquer dans l'après-midi pour que leur vigilance baisse en pensant que nous avions abandonné l'affaire et nous étions contentés de fuir.

Mais lorsque la nuit fut tombée et que les pillards allumèrent des feus de camp autours de leur campement improvisé, il fut temps de passer à l'action. Sinbad et moi nous séparâmes pour nous approcher de nos adversaires depuis deux directions différentes et lorsque je le vis dans l'obscurité, planqué derrière une dune, je sus qu'il était prêt à passer à l'action. J'allongeai alors mes bras pour les enrouler autours du cou d'un garde avant de les rétracter, l'attirant en silence vers ma position tandis qu'il cherchait à reprendre son souffle en se débattant nerveusement. En vain...

Nous avions donc décidé de nous replier. Shinji ne passa pas par quatre chemins, tortillant ses jambes élastiques tels des ressorts, il quitta les lieux en un temps record. Pas mal le mec. Mais maintenant du coup, c’était à mon tour de prendre la poudre d’escampette. Me retrouvant face à tout ce groupe de crevards en rogne, il me fallait foutre le camp le plus vite possible si je ne voulais pas me retrouver six pieds sous terre. Aux grands maux les grands remèdes. Je fis apparaitre mes deux ailes de démon, devant les yeux ébahis de mes adversaires. Bon, ils l’ignoraient, mais je n’étais pas vraiment capable de voler... Je ne maitrisais malheureusement pas assez bien ma transformation afin de prendre mon envol. Celle-ci eût tout de même l’effet de paralyser momentanément de peur ces pauvres idiots. Profitant ainsi de ce moment d’égarement, j’effectuai un vif mouvement d’ailes, soulevant le sable et aveuglant ainsi les pillards. Je réitérai cette action, mais usant cette fois-ci de mes attributs démoniaques pour bondir plusieurs mètres plus loin et m’enfuir.

Je retrouvai ensuite Shinji quelques instants plus tard. Nous décidâmes d’un commun accord de ne pas rester sur un échec et de ce fait, rentrer au village alors que cette bande de voleurs devait bien se foutre de nous. Personne ne se moque du Prince de Focalor. J’ai dit que j’allais leur défoncer la tronche et je tiendrais ma parole ! Quitte à y passer la nuit ! Car oui, la nuit venait de tomber. Mon compagnon et moi avions suivi le groupe ennemi toute la journée, attendant le moment propice pour passer à l’action. L’Akuzu fut le premier à entrer en scène. A l’opposé, tapis dans l’ombre, je rampai sur le sable tel un serpent vers sa proie. Un homme semblait faire le guet de manière assez désinvolte. Je me glissai alors derrière lui, et d’un mouvement vif, je pris appui sur mes deux mains afin de me retrouver tête en bas. La tête, du bandit cette fois, se retrouva alors prise entre mes deux jambes et, d’un mouvement sec, je lui brisai la nuque sans qu’il ait le temps de prononcer le moindre mot.
Au même moment, deux de ses acolytes se rapprochèrent dangereusement de la scène. L’un était plutôt enrobé, l’autre de corpulence normale. Mis sur le fait, je ne pus dissimuler mon acte. Les deux individus tombèrent alors sur le corps de leur camarade, avec moi positionné juste devant, haussant les épaules.

« Oups ! »
« Toi ?! Mais t’es le mec de ce matin ! »
« Viens vas-y on se le fait ! »
« Ramenez-vous les babouins. »

Le gros lard fut le premier à se manifester. Il me balança un violent coup de poing, auquel je ripostai immédiatement avec la paume de mon pied. On aurait pu croire que les deux assauts étaient de force égale, mais un détail de taille changea la donne. Je modifiai la texture des cellules de ma jambe qui prit une couleur grise sombre et devint aussi rigide que le plomb. Face au choc, le bras de l’adversaire se brisa sur le coup alors que des fragments d’os jaillirent un peu partout dans sa chair. Ce n’était pas très beau tout ça. L’homme se mit à crier le martyr, attirant ainsi ses autres compagnons. L’autre voleur qui avait assisté à la scène, malgré quelques hésitations, tenta néanmoins de venger ses deux camarades. Courageux le petit. Toujours armé de ma jambe de plomb, d’un mouvement vertical je lui fracassai la mâchoire inférieure, le propulsant dans les airs. Au loin, je pouvais entendre un groupe se rapprocher dangereusement. Voilà que les pleurnicheries du gros lard avaient rameuté toute la bande. J’espérais tout de même que tout se passait bien pour Shinji.

Il m'avait fallu quelques instants pour étouffer l'homme que j'avais attiré derrière la dune qui me servait de couvert. Non qu'il ait opposé une grande résistance ou encore que je ne savais pas comment ôter la vie rapidement mais j'avais envie de le faire souffrir. Ce n'était pourtant pas du sadisme au sens conventionnel du terme, plutôt une vengeance pour les marchands que ces charognards avaient exterminés quelques heures plus tôt. Tout ça pour quelques marchandises... La valeur d'une vie était-elle si insignifiante à leurs yeux pour qu'ils tuent pour quelques ryos? Je connaissais déjà la réponse à cette question et je n'avais guère envie de me montrer meilleur qu'eux. Je voulais qu'ils aient le temps de regretter leurs actes avant de pousser leur dernier soupire.

- "Tu aurais du y réfléchir à deux fois avant de t'en prendre à des gens qui essaient simplement de gagner leur vie honnêtement..." avais-je murmuré à l'oreille de ma victime alors qu'elle agonisait. "Trouduc, va!"

Il m'avait entendu, ça j'en étais certain... Quoi qu'il en soit je n'avais guère eu le temps de me féliciter pour tout ceci car Sinbad était entré en action de son côté. Nos premières actions étaient restées discrètes mais nos cibles avaient tôt fait de se rendre compte qu'on les attaquait. Un cri de l'un des hommes avait suffi à alerter leurs collègues et la résistance s'organisait déjà. Ces types n'étaient pas des shinobis mais ils savaient travailler en équipe et se défendre. Nous l'avions vu lors de notre première confrontation avec eux et c'était à nouveau le cas maintenant. Certains d'entre eux jetèrent des torches autours du campement pour illuminer la zone tandis que d'autres se regroupaient en groupes de trois ou quatre personnes pour faire face à la menace. Ils eurent tôt fait de nous repérer et une volée de flèches trop précise à mon goût nous frôla de peu. J'étais pratiquement certain que la seconde allait faire mouche, en revanche...

- "On ferait mieux de ne pas trop insister pour l'instant je suppose..." fis-je à mon camarade tout en commençant à battre en retraite.

Nous en avions éliminé quelques-uns mais il en restait encore trop pour tenter le diable et prendre le risque d'y laisser des plumes. Je ramassai une flèche plantée dans le sol et allongeai mon bras pour la figer rapidement dans la gorge d'un assaillant avant de bondir plusieurs fois pour me mettre hors de portée. Comme il fallait s'y attendre, nos cibles restèrent sur la défensive et ne nous poursuivirent pas dans l'obscurité. Encore un signe qu'ils étaient organisés et peu promptes à céder à leurs pulsions.

- "On devrait éviter une autre attaque pour l'instant, ils s'y attendraient! Et puis il faut qu'on prenne un peu de repos si on veut pouvoir les suivre demain et les harceler efficacement. Repose-toi et je monterai la garde pendant ce temps, on changera dans quelques heures si ça te va?" lui proposai-je alors qu'il me rejoignait. "On pourra lancer un assaut à l'aube pour leur rappeler qu'ils ne seront pas en sécurité dans ce désert!"

Nous n'étions pas loin du campement ennemi, tout juste à quelques dizaines de mètres. Mais dans la nuit ils ne pouvaient guère nous voir alors que leurs feux nous indiquaient leurs positions en retour. Cet avantage nous permettait de compenser un peu notre infériorité numérique flagrante. Je ne tardai pas à m'endormir après m'être enveloppé dans mon manteau pour me protéger du froid mordant. Lorsque je rouvris les yeux j'avais l'impression de m'être assoupi que quelques instants mais la lune avait parcouru une bonne distance dans les cieux, signe que quelques heures s'étaient écoulées. Nous intervertîmes nos places avec Sinbad et je veillai alors tout en jetant de temps à autre des regards au campement.

Au bout de quelques heures quelque chose semblait étrange. Nos cibles étaient trop silencieuses et aucune ombre ne passait devant les feux de camps pour signaler la présence de ces enfoirés. Pas le moindre écho de voix ou de blatèrement pour indiquer qu'ils se trouvaient toujours là. Je réveillai donc Sinbad quelques poignées de minutes avant l'heure convenue car j'étais pratiquement certain que quelque chose n'allait pas.

- "Leur camp est trop silencieux mon pote! Beaucoup trop! Je crois qu'ils nous ont faussé compagnie..."

Ce qui se confirma quelques instants plus tard lorsque nous nous rapprochâmes de l'endroit où nos ennemis se trouvaient. Ou, plutôt, étaient sensées se trouver! Car si les feux étaient encore là ainsi que diverses tentes laissées volontairement sur place, la troupe s'était volatilisée. Nous ne mîmes pas longtemps avant de trouver des traces et donc le chemin qu'ils avaient empruntés mais il était impossible de dire depuis combien de temps elles avaient foutu le camp.

- "Et merde!" soupira-je avant de prendre une gorgée d'eau. "Ces types sont décidément assez malins! Si ça se trouve ils ont déjà quelques heures d'avance sur nous... Dépêchons-nous!"

Et nous nous lançâmes à leur poursuite alors que le soleil inondait de ses premiers rayons l'océan de sable qui nous entourait...

Ces connards ! Ils nous avaient bien eus ! Ils devaient déjà être bien loin. Cela voulait-il dire que nous avions échoué ? Non je refuse. Ma première mission ne peut pas être un échec. Il me faut absolument retrouver ces bâtards et les taper jusqu’au dernier. De quel droit ils osent me berner de la sorte ?! Je vais les saigner à blanc ses primates. Par chance, Shinji était du même avis que moi. Ce fut donc alors que les premiers rayons du soleil caressaient notre peau que nous élançâmes à la poursuite de ces bandits. Combien d’avance avaient-ils sur nous ? Des minutes ? Des heures ? Nous n’en avions aucune idée. Nous nous contentions de suivre approximativement les quelques traces qu’ils avaient laissé derrière eux. Et encore, celles-ci étaient difficilement utilisable tant le vent ne cessait jamais de souffler dans le désert aride de Kaze no Kuni. Plusieurs heures s’étaient déjà écoulées et nous n’avions toujours rien. Même pas une légère silhouette au loin. Je vais être franc, je commençais à perdre espoir. C’était une cause perdu. Comme chercher une aiguille dans une meule de foin. De plus la faim commençait à se faire sentir. Vu la position du soleil dans le ciel, nous avions visiblement passé midi de quelques heures déjà. Etait-ce la fin ? Cela ne servait surement à rien de s’acharner après tout.

Nous finîmes par arriver dans une zone rocheuse du désert. De hautes falaises formaient une crevasse qui nous permit de nous mettre à l’ombre afin de nous désaltérer et nous reposer un instant. Appuyé contre la paroi rocheuse je ne pus m’empêcher d’analyser la situation ô combien pathétique dans laquelle nous nous trouvions. Je pouvais clairement sentir que Shinji lui aussi était agacé par la situation. Mais nous avions chacun un ego surdimensionné. De ce fait, aucun d’entre nous ne souhaitait abandonner.

« Bon on s’y remet ? Si ça se trouve ils ont dû eux aussi s’arrêter ici pour faire une pause. Ces cons ne pourraient pas marcher sous une telle chaleur sans s’arrêter un instant. Si on part maintenant, on pourra peut-être réduire notre retard. »

Je me mis donc en position pour me remettre en route quand soudain un bruit étrange m’alerta. Un caillou avait chuté du haut de la paroi pour finir sa course quelques mètres devant moi. J’eus donc le réflexe de regarder vers le haut. Aveuglé par le soleil, j’aperçu tout de même un silhouette se tenant au sommet de la falaise. A peine eu-je le temps de m’en rendre compte qu’une flèche jaillit en ma direction me tailladant l’épaule droite. Une flopée de flèches suivit donc avec nous pour cible. Il s’agissait de cette maudite bande de pillards. Ils nous avaient pris en embuscade ! Au milieu de ces parois rocheuses, nous nous retrouvions vulnérables. Nous devînmes donc des proies faciles dans l’incapacité de s’enfuir. Je fis donc sortir mes ailes démoniaques donc je renforçai la texture épidermique afin couvrir aussi bien ma personne que Shinji.

« HAHAHAHA !! On fait moins les malins maintenant ! »
« Merde, je pourrais pas tenir longtemps… »

Mon compagnon et moi nous échangeâmes donc un regard et nous nous comprîmes en un instant. Le jeu du chat et de la souris avait assez duré. Il était temps de mettre un terme à tout ça. Nous nous séparâmes donc, chacun prenant un côté de la paroi rocheuse. Perpendiculaire au sol, je courais le long de la falaise à toute vitesse alors que les flèches venaient s’écraser sur ma cuirasse. J’étais dans une colère noire. Je m’abandonnai donc à l’emprise de mon sceau et me transforma totalement en cet horrible être démoniaque. Longues cornes, griffes acérées, puissante paire d’ailes, j’étais prêt à les réduire en poussière. Arrivé au sommet, je battis de mes ailes afin de déstabiliser le groupe de bandits. J’enchainai ensuite entre violents coups de pied et coups de griffes fatals. Malheureusement, ils restaient encore beaucoup trop supérieurs en nombre. Il me fallait frapper un grand coup. Je sautai alors le plus haut possible en me propulsant à l’aide mes ailes, puis fracassa violemment le sommet de la falaise. Cette dernière se fissura de toute part puis finit par s’effondrer en direction de son homologue d’en face, avec les bandits avec.

« Fais attention Shinji !! »

Je bondis alors afin de ne pas me laisser emporter dans cette chute. J’atterris un peu plus loin alors qu’un épais nuage de poussière s’était soulevé. Ils n’avaient pas pu survivre à une telle chose mais j’étais persuadé que Shinji avait pu s’extirper à temps.

S'il y avait bien une chose sur laquelle nous étions d'accords Sinbad et moi, c'était la volonté de rattraper ces enfoirés malgré la distance qu'ils semblaient avoir mise entre nous. Mais la volonté ne fait pas tout dans le désert et il faut souvent compter sur la chance lorsque l'on traque des gens qui le connaissent aussi bien que vous. Aussi même si nous arrivions à suivre les quelques traces encore visibles de nos cibles sur le sable chaud, l'espoir s'amenuisait au fur et à mesure que le temps s'écoulait. C'était bien le problème au fond: nous ne savions pas combien de retard nous avions sur nos proies ni même s'il serait possible de les rattraper. Et il n'y avait rien de pire que l'incertitude ou le doute en ce bas-monde...

Nous arrivâmes finalement dans une partie rocheuse du désert après une longue marche. Nous n'avions guère conversé pendant le trajet, chacun étant concentré sur notre objectif. Et puis nous voulions économiser notre salive pour consacrer toutes nos forces à cette traque qui était devenue une affaire personnelle maintenant. Il ne s'agissait plus seulement de venger la mort des marchands ou récupérer les marchandises si précieuses pour Suna mais également de prendre notre revanche pour le sale coup qu'ils nous avaient joué. Avions-nous été trop naïfs ou s'étaient-ils montrés particulièrement malins? Dans les deux cas il s'agissait maintenant de plus se faire avoir...

On prit finalement une courte pause à l'ombre d'une falaise pour se rafraîchir et reprendre quelques forces. C'était bienvenue! Mais nous perdions à nouveau du temps et visiblement la même pensée avait traversé l'esprit de mon pote puisque ce dernier proposa assez vite de reprendre notre progression. Il fallait compter sur les pauses de nos cibles pour rattraper notre retard et donc ne pas trop prolonger les nôtres...

- "Ouais, on y fout!" confirmai-je. "On a pas trop l'choix de toute façon!"

On allait donc reprendre la route quand quelques cailloux dégringolèrent du sommet de la falaise. On leva les yeux pour en découvrir l'origine quand une flèche fendit les airs pour venir entailler l'épaule de Sinbad. Ouch! D'autres suivirent et il sembla rapidement évident que nous étions tombé dans une embuscade. Décidément... Ces types n'étaient vraiment pas des amateurs. Ils avaient prévu qu'on les suivrait et avaient attendu qu'on soit dans un défilé pour lancer l'attaque. Si ça se trouve ils avaient laissé exprès des traces pour qu'on puisse les suivre. C'était malin et surtout irritant!

J'allais me rendre malléable pour absorber l'impact des flèches mais une paire d'ailes noires vinrent me protéger en se déployant autours de moi. Je ne pus m'empêcher de sourire. Sinbad avait décidément beaucoup évolué et cette protection était bienvenue même si elle semblait provisoire, comme il me l'indiqua. Il ne pourrait pas tenir indéfiniment.

- "Bien joué mon pote! Allons leur faire tâter de nos poings et régler cette affaire une bonne fois pour toute!"

Pendant une légère accalmie des tirs nous nous séparâmes pour monter chacun de notre côté le long de la paroi. J'allongeai mon bras pour me hisser à son sommet tout en rendant mon corps tout mou pour absorber les quelques flèches qui m'atteignirent. Puis je bondis et décochai un coup de pied allongé au premier brigand que je vis. Une lutte au corps à corps s'engagea alors. Nous compensions notre infériorité par notre rancœur accumulée même s'il faut rapidement clair que nous allions de nouveau être repoussés. Un cri d'avertissement de Sinbad m'annonça que je devais faire attention. À quoi? J'eus la réponse quelques secondes plus tard quand un violent coup de mon ami fissura la paroi et la fit lentement chuter sur celle d'en face. J'eus à peine le temps d'allonger mes jambes pour me réceptionner sur cette dernière et ainsi éviter d'être ensevelis sous des tonnes de rochers. Lorsque la poussière s'estompa on pu découvrir une foule de gravas et parmi eux quelques corps qui dépassaient. Je sautai pour m'approcher d'un de ces enfoirés:

- "Pourquoi attaquer cette caravane? Qui vous a averti de sa présence? Qui?"

Était-ce le hasard ou est-ce qu'on les avait rencardé? C'était tout de même étrange qu'une marchandise qui semblait aussi précieuse pour Suna se trouvait dans la caravane qui s'était faite attaquer par une bande aussi organisée. Mais nous n'obtînmes pas de réponses, l'autre agonisant sous mes yeux. Quant aux autres, ils étaient ensevelis ou déjà morts. Ca ne servait à rien de perdre du temps à chercher des survivants...

Les chameaux et dromadaires de la caravane, quant à eux, était assez éloignés du bord de la falaise pour avoir échappé à la chute. On vérifia que la marchandise était encore là et nous écarquillâmes les yeux en découvrant ce dont il s'agissait: des graines! Je parti dans un rire nerveux en me disant que nous avions risqué notre peau pour ça! En y repensant c'était plutôt logique: Kaze étant pauvre en ressources nourricières, des graines en une aussi grande quantité était une vrai magne. Peut-être qu'elles étaient destinées au plan de restructuration de notre nation. Allez savoir!

- "Rentrons Sinbad!" fis-je en donnant une tape sur l'épaule de mon ami. "La première tournée est pour moi!"

À chaque jour suffisait sa peine...