Une salle de l’administration. Un lieu classique, où les responsables des différentes affaires de Justice traitaient les cas du jour. Chaque Ninja ici était un combattant, un exécutant de l’Ombre ; mais au sein de l’Alliance, tous étaient également Justicier, Juge … et parfois bureau. A eux, la sombre tâche de décider du sort d’autrui, de décider de ce que l’on ferait des traîtres, des querelles entre Ninjas et même des relations entre Villages Majeurs. A la tête de cette Section, Kakeshuou Samui – actuellement Capitaine de l’Ôda – pouvait agir comme Dieu sur Terre ! En tant que Juge Suprême, il était celui qui pouvait donner une condamnation sans consulter ses confrères, connaissant par cœur les textes de Loi. Certains de ses pouvoirs lui donnaient même le droit de vie ou de mort sans procès à tout individu ! Une position très importante … presque menaçante pour le Shukaï … .

Il est midi, et la salle est vide : la plupart des Ninjas présents habituellement sont soit allés manger, soit ont vidé les lieux en sachant l’approche de l’Examen Chûnin. Cet Examen n’était pas à prendre à la légère : au-delà de la promotion, devait aussi se profiler la sélection d’une Section à laquelle appartenir et jurer fidélité.

C’était ici que le jeune Arekushi Jisetsu avait rendez-vous à midi pétante. Il allait de soit qu’aucun retard ne serait toléré. A la porte de la salle, un homme se tenait adossé, les bras croisés. Une mèche blanche dans cette chevelure sombre, une partie du visage dissimulée derrière une cache-œil en cuir embrassant tout le côté droit. Des habits sombres, et deux sabres – l’un d’eux très imposant ! – pendant à sur ses hanches. Cet homme était l’un des Grands Juges, attitrés pour la phase finale des procès et condamnations éventuelles. Il était aussi réputé pour être un bourreau sans état d’âme … . Un pléonasme, quand on fait partie du monde Ninja ?


L’homme avait fait volte-face, fixant de ses yeux perdus la frêle silhouette fraîchement arrivée. Une main hasardeuse alla pointer du pouce la porte qui se trouvait derrière lui.

Des paroles bien sèches en réponse, oui !! Le Jônin, confident et ami sincère du Capitaine de l’Ôda, ne mâchait pas ses mots. En vrai dire, hormis son âge et sa carrure, son attitude, son regard, sa posture : tout rappelait un homme courroucé à la chevelure guerrière et aux dogmes imperturbables. Peu importe, l’homme préférait hausser les épaules, et quitter sa posture. Se plaçant devant la porte, il poussait celle-ci, toujours en s’adressant au candidat pour la Section « Ordre & Justice ».


Hum, un élément récalcitrant, hein ? Voilà qui méritait d’être clair ! Au moins, le jeune Jisetsu pourrait faire son maximum pour tenter de convaincre son potentiel supérieur. La porte s’ouvrait pour un nouveau spectacle : des bureaux vides – l’heure de la pause-manger – mais couverts de dossiers ! On ne chômait pas, à l’Ôda. C’était maintenant une évidence ! Chacune des piliers représentait une dizaine d’affaires au moins ! Et chaque affaire était d’une complexité et d’un niveau différent à chaque nouvelle page. Un véritable casse-tête, me direz-vous. Voilà ce qu’est l’administration, et la gestion d’une Organisation aussi vaste, aussi organisée et aussi complexe que l’Alliance des Pays Neutres. Ayant la tâche de juger de tout crime commis par des Ninjas sur leur territoire, autant dire que nos troupes n’étaient pas des tendres ! On pouvait aller ici de la simple bagarre aux meurtres, jusqu’à la trahison !

Le Jônin se rapprochait d’une table, où se trouvaient trois dossiers proprement alignés. De toute évidence, il s’agissait ici de l’épreuve suivante.


Une fois installée, Arekushi Jisetsu pourrait alors voir trois dossiers aux profils bien différents. Les condamnations qu’il allait déterminer, seraient-elles retenues ? Quelque chose qu’il apprendrait par la suite à ses dépends … .

Dossier 1:

Dossier 2:

Dossier 3:

Ayant laissé un temps au candidat pour qu’il puisse analyser les dossiers et comprendre la véritable mission de l’Ôda, le responsable de cette épreuve s’était assis à son propre bureau, et avait commencé à traiter les affaires courantes. Il était curieux de voir quels seraient les résultats. A vrai dire, il ne s’attendait pas à des miracles. En apprenant l’identité de son candidat, notre homme s’était décidé à le tester, et à juger de ses réactions. En glissant son propre profil, il souhaitait faire comprendre au jeune Genin qu’il restait à l’œil de certains sceptiques au sein du Shozaïchi. Quoi de bien surprenant … ?

Lorsque les réponses vinrent, l’Examinateur se contenta de croiser les doigts, mettre les coudes sur la table, et d’écouter les comptes-rendu. Une façon bien particulière de juger les affaires courantes ! Virer des Ninjas de l’Ordre auquel ils appartenaient pour une simple rixe ? Un recadrage pour un homme ayant mis en place une correspondance un Nuke-Nin ? Ne pas risquer l’incident diplomatique alors qu’un traître sévissait dans les rangs ?? Décidément, nous n’avions pas la même conception des choses … . Était-il vraiment digne d’entrer dans l’Ôda ?
Les jugements attribués n’étaient pas particulièrement faux. En vérité, il était vrai que l’Armée – la Section Buki – était celle qui devait donner l’exemple sur le terrain. Par la suite, la correspondance entre agents étrangers, bien que peu appréciée avec des déserteurs, n’était pas interdite ; seulement mise sous sécurité et contrôle. Enfin, déceler la présence d’un traître au sein des rangs était une affaire délicate ; qui devait être observée et tranchée avec soin. Cependant, cela n’empêchait pas la nécessité de prendre les mesures qui s’imposaient dans ce genre de circonstances.

L’homme se relevait, replaçant sa tignasse correctement.


Le regard sombre se posant sur le Jisetsu était bien assez évocateur pour comprendre ce que l’Examinateur entendait par là … .


Le ton était sec, et autoritaire. Mais le dogme était désormais présenté. Il n’y avait pas de place pour les sentiments, les gestes de bonté et le pardon au sein de cette Unité. Lorsque l’on porte à bout de bras la survie d’une Alliance – et ici, comprenons bien l’unité de plusieurs Pays, même mineurs !! – on se doit d’être exemplaire, sans tâche, et avec une détermination de fer ! Rien ne saurait détourner l’Ôda de sa mission, et de ses décisions ! Les jugements se doivent d’être cohérents, pour accorder une deuxième chance ; sans failles, pour ne pas laisser germer la coercition et le doute ; irrévocables pour ne pas laisser de place aux traîtres et aux malfrats !
Notre jeune Jisetsu avait-il échoué à son épreuve … ?


Sur cette déclaration, l’homme avait ouvert une porte au fond du bureau, et avait fait un signe de la main pour que le jeune candidat le suive. Le duo descendit les escaliers, et se retrouvait – à la grande surprise d’Arekushi ! – dans les geôles ! Le Quartier de la Justice était directement lié aux Prisons du Shukaï, afin que les annonces de jugement soient effectuées séance tenante et sans attendre. Paradant devant une série de cellules, l’équipée finissait sa promenade devant des barreaux. De l’autre côté, une silhouette cagoulée, enchaînée, en sueur. Les marques sur son corps indiquaient clairement qu’elle avait subi la Question ; et certains traits trahissaient l’identité d’une femme. Mais pour l’heure, qui était-elle : aucune idée.

La cellule fut ouverte, et les deux hommes purent pénétrer à l’intérieur. Contournant la cible, le visage du borgne s’assombrissait. La teneure de cette rencontre était grave : il n’était plus question de décider d’un jugement – mais de l’appliquer.


Et tirant sur la capuche, l’homme dévoilait le visage tuméfié et marqué d’Asuka Jisetsu ! Pas de temps laissé à l’hésitation. Juste un ordre à accomplir. Les questions qui pouvaient se poser à cet instant étaient au nombre de deux : était-ce vraiment sa sœur ?! Et si tel était le cas … serait-il prêt à l’éliminer pour l’Intérêt Général ?

Ayant pris ses distances, croisant les bras, l’homme portait son regard sur la scène. Il se demandait quel pourrait être le choix de ce jeune homme. De nombreux candidats s’étaient vus demander la même épreuve. Certains s’en étaient sortis ; d’autres non. Cela n’importait guère. Il n’était qu’Examinateur. Il était là pour surveiller, contrôler, évaluer. Il ferait son rapport en fonction de son avis personnel et des résultats obtenus par le candidat. Rien de plus.

Le jeune homme, marqué par cette découverte, s’était considérablement assombri. Allait-il renoncé ? Cela reviendrait à perdre le peu de points qu’il avait obtenu lors de cette épreuve. Mais pouvait-on le blâmer. Ils n’étaient pas très nombreux à avoir remporté cette phase. Certains en étaient même sortis brisés. Comment pourrait-on éliminer un membre de sa propre famille ? Et sans en éprouver quelque remord ? Certains pouvaient bien s’en sortir : ils seraient soit dévastés, soit psychopathes. Comme vous pouvez le voir, les choix ne sont pas nombreux … .

Le jeune Genin faisait son choix. Levant son bras, il accomplissait l’acte, et la tête volait dans la cellule, suivant le bras vengeur d’un Clan déshonoré. Contemplant la tête volante avec un regard vide de toute émotion et de tout intérêt, le Jônin resta sur place, et attendit un temps pour agir. Le gamin restait une seconde sur place, immobile, haletant. Il avait fait un choix dur … mais il avait franchi le pas. C’était donc une réussite, pour cette partie de l’épreuve, qui l’autorisait à prétendre à ce poste.

Soufflant, l’homme décroisa les bras, et frappa des mains. Le corps disparut comme en poussière, dans un vent inexistant. La silhouette, le sang et la tête disparurent sans laisser de traces. La salle était désormais vide. L’homme, d’un pas lent, retrouvait sa position favorite – bras croisés – et se permettait un commentaire sur expérience personnelle.


Le combattant borgne était aux portes de la cellule. Il allait quitter les lieux, sans réclamer plus pour la suite. C’était déjà bien assez pour cet Examen. La suite des évènements dépendrait certes de son rapport ; mais pas seulement. La journée était donc finie pour lui.