L’obscurité des geôles du Satoru s’intensifiait à mesure qu’on y pénétrait. Plus la cellule était éloignée, plus il y faisait noir. Mais c’était plus une image que la réalité. Pourtant, l’homme que le Raïkage allait voir était dans une des cellules du fond, et ce n’était pas la première fois qu’il y avait été. Les barreaux et les murs bloquaient le chakra de cet être aussi dangereux qu’imprévisible. En effet, depuis quelques temps : Oterashi Yanosa n’était devenu que l’ombre apparente de lui-même.

Les pas du chef de village résonnaient de plus en plus, à mesure qu’il s’approchait de l’homme qui était là depuis quelques temps maintenant. Le Nukenin s’était présenté à Kumo et s’était immédiatement fait arrêté en bonne et due forme. Seki Zennosuke – en bon shinobi de l’Ombre qu’il était – avait fait un rapport des plus complets sur la situation. Et bien entendu, il avait été décidé que relâcher l’individu était tout sauf acceptable. A vrai dire, il n’y avait plus que peu d’options pour le déserteur. Et parmi elle : la mort.

Il soupira à la vue de Yanosa, privé de son corps bloqué par une grande masse de béton. Faisait-il pitié ainsi ? Non. Il était rare que Tsumei ressente de tels sentiments aussi rapidement sans savoir ce qu’il avait réellement devant lui. Yanosa était un déserteur, mais était-il aussi devenu un menteur ? Ah, tout aurait été plus simple si elle avait été là, mais le Yondaime allait devoir se débrouiller tout seul.

Bonjour, Oterashi Yanosa.

Son regard s’en alla sur le côté, et il alla chercher la chaise qu’il avait repérée, avant de la ramener. Il ouvrit la porte blindée, rentra et s'assit. Puis il regarda l’homme déchu de tout pouvoir ici, mais peut-être également de son esprit.

Je ne sais pas à quel point ton amnésie est grave, aussi je me présente : Karasu Tsumei, chef de ce village. Tu as toi-même appartenu à Kumo, mais l’as quitté peu de temps après puis tu es devenu un des plus importants criminels de ces dernières années. Tu as même déjà été emprisonné, mais tout ça… Zennosuke a déjà du te le raconter.

Il s’accouda sur sa chaise, et reposa sa tête dans le creux de sa main, sans relâcher son attention sur le Nukenin.

Cependant, si je suis ici, c’est pour te ramener une partie de tes souvenirs. Mais autant te prévenir : si tu acceptes, tu devras garder cela secret et si jamais tu simules ton amnésie, je le saurai immédiatement.

Sur quoi Kuchibashi commença à laisser échapper quelques cliquetis, que seul son maître entendit.

Il bégayait, hésitait et semblait plein de remords. Mais malgré toute cette « bonne volonté » apparente, quelque-chose clochait. C’était si simple et à la fois si complexe. Comment avait-il pu devenir amnésique de façon si grave ? Il avait depuis plusieurs années reçu la réputation d’un des plus puissants Nukenins de Kumo voire même du monde entier. Personne n’aurait pu lui infliger une blessure aussi lourde, à moins d’être nettement supérieur à lui. Kyoshi Rei, un Furyou ? Il y avait tant de possibilités. Et bien entendu, dans l’ordre, Tsumei pensa à l’Homme Masqué.

Le marché qu’il avait passé avec l’Oterashi avait conduit à sa libération. Kyoshi Rei l’avait sauvé d’une mort certaine, du moins c’était ce que ce dernier devait croire. Mais si jamais il avait découvert la supercherie, lui aurait-il supprimé ses souvenirs ? C’était étrange, car jamais l’ancien Kazekage n’avait usé de pouvoirs télépathiques propres pour la plupart au clan réputé des Yamanaka. Et même, son principe consistait en l’éradication pure et simple des shinobis, alors un ninja inutile pour lui et surtout qui pouvait rapporter des informations à l’ennemi ne lui aurait pas imposé trop de réflexion : il l’aurait simplement tué.

Alors un Furyou ? Là encore, c’eut aurait été étrange. Même s’il semblait y avoir un membre de leur armée manipulant avec facilité les esprits et les souvenirs, il n’y avait pas de raison de laisser un shinobi tel que Yanosa en vie. Mais c’était possible.

Tu demandes pardon mais tu te fourvoies dans la même phrase. Même si tu as réellement perdu tes souvenirs, cela ne constituera jamais ni une excuse, ni un argument, ni un espoir pour toi…

Il se releva vu que le Nukenin avait accepté sa proposition. Il s’approcha lentement de lui.

… car ce n’est pas en perdant la mémoire que ta nature change. Tu étais un meurtrier et tu le seras toujours. Tu ne changeras pas.

L’Ombre désactiva les entraves de la cellule du Nukenin, et attendit que ce dernier reprenne un peu la mesure de ses muscles et de ses membres avant de l’inviter d’un geste à sortir.

Nous allons combattre dans les montagnes, Yanosa.

Le Nukenin semblait réellement atteint par la tristesse face à ce qu’on lui disait. Il avait eu le même comportement avec les autres Kumojins comme Zennosuke. Soit il était un très bon comédien, soit il avait réellement perdu la plupart de ses souvenirs. Quelle était la solution préférable ? Aucune à vrai dire, mais la plus simple serait qu’il eut décidé de jouer la comédie. Auquel cas la réponse du Raïkage serait extrêmement simple. Il le tuerait. Mais avant d’en arriver là, il fallait apprendre, connaître, combattre.

Car pour un barbare comme celui que l’Oterashi était, le combat était sans doute un très bon moyen pour le jauger. Tsumei n’était pas qu’un simple intellectuel qui se plaisait à réfléchir derrière son bureau – bien qu’il l’eut fait de nombreuses fois – il était également capable de pousser sa pensée dans d’autres circonstances. Combattre le déserteur était pour lui la solution la plus rapide pour capter les intentions de Yanosa. En fonction du comportement qu’il adopterait dans ce combat étape par étape, l’Ombre en saurait plus.

Mais tout n’était pas aussi simple, et la difficulté allait sans doute s’annoncer dès le début de ce combat. Car en ayant perdu ses souvenirs, est-ce que le barbare avait également oublié la plupart de ses aptitudes combattives ? Ce fut une question que le Yondaime se posa, alors qu’il marcha jusqu’aux monts près du village, après avoir croisé quelques regards ébahis.

Si tu m’as menti, tu mourras. Mais si tu as réellement perdu tes souvenirs, alors défends-toi.

Il avait prononcé ces mots tout en prenant de la distance avec son nouvel adversaire. Le terrain était légèrement habité de quelques cailloux et reliefs, mais il restait très praticable. Très lentement, à une vingtaine de mètres du Nukenin, le manieur du Bec dévoila son arme.

Je te présente Kuchibashi. Vous vous connaissez déjà mais tu ne te rappelles peut-être pas… du moment où elle t’a lacéré le corps.

Sur quoi il prit une posture de combat, pliant légèrement ses genoux pour se tenir prêt tout en relevant sa lame, dont les cliquetis se firent de plus en plus intenses. Kuchibashi aussi voulait se souvenir.