Le soleil se couchait sur le monde alors que je quittais tout juste les marécages du pays du Givre. Je commençais à crever de froid dans ces zones humides d’un pays aussi froid que pouvait l’être Yuki ou Tetsu. Cependant, j’avais passé quelques jours au pays du feu où la température était déjà bien plus haute que sur ces terres givrées. Mon pantalon commençait à ressentir les effets de l’eau et j’étais bien trop épuisé pour parcourir Kaminari sans prendre de repos. J’avais donc décidé de faire une halte dans un petit village après les marécages de Shimo. Un petit village qui s’appelait Touketsu, au sud du fameux temple Musha. Une fois au village, j’étais entré dans une espèce d’auberge qui faisait aussi office de bar. Au sein du bar, des hommes, vraisemblablement ivres qui chantaient des musiques grivoises au fond du bar, en se tenant par le cou avec des bouteilles dans les mains. Ce spectacle m’amusait alors que j’étais à l’extrémité, dans la dernière table, colée au mur. J’avais devant moi une petite table ronde, avec un fauteuil et une carafe de saké devant moi, posée sur la table. Je travaillais sur mon livre noir, notant tous les récents évènements et les informations que j’avais pu glaner sur des personnes, des lieux ou de simples rumeurs.

Les gens de l’auberge avaient du remarquer que j’étais ninjas, car personne ici ne s’approchait de moi, tous étaient vêtus d’habits dans un sale état, ils devaient travailler dans la mine d’argent qui se trouvait à quelques heures au sud d’ici. Je continuais à écrire quand j’entendis soudainement des éclats de voix masculines. Je redressais la tête pour voir que les bonhommes qui chantaient il y avait deux minutes, commençaient à se battre les uns contre les autres. Enfin, surtout deux énergumènes. Ah ! Les joies de l’alcool ! La vieille femme qui gérait l’auberge essayait tant bien que mal de canaliser leur colère, mais ce fut sans succès. L’un visiblement moins ivre lança son poing dans la figure de son pote, bousculant la vieille dame qui tomba les fesses sur le sol. Je n’avais pas besoin d’une telle cohue et j’allais intervenir. Sans me presser, je me saisis d’un kunai qui se trouvait dans son étui à ma jambe droite avant d’attendre le bon moment pour le lancer.

Alors que le premier homme lançait de nouveau son poing, le kunai vola en sa direction et de figea dans le mur en bois derrière, mais du sang se trouvait dessus. J’avais fais en sorte de le lancer de façon à ce qu’il ouvre une petite brèche dans les phalanges de l’un des homme. Pas de trou, juste une égratignure, mais assez profonde pour qu’il en souffre, même avec une bonne dose d’adrénaline et d’alcool. Il y eut soudainement un grand blanc et beaucoup de regards se tournèrent vers moi. Environs quatre hommes, visiblement tous ivres vinrent vers moi, dont les deux qui se battaient, vraisemblablement réconciliés. Ils se mirent face à moi, derrière la table ronde. Ils semblaient tous décidés à en découdre. Le premier homme avait visiblement récupéré mon kunai figé dans le bois.

« Hey toi le ninja ! Tu penses que tu peux venir ici et faire ta loi ? Ici c’est notre auberge et on accepte difficilement les étrangers. Tu viens de m’écorcher la main et tu vas le payer. Dit-il sans que je prête attention à lui. Hey ! Posant sa grosse main sur mon carnet noir que je fermais de fermer. Tu m’écoutes ? »

Je ne lui adressais qu’un léger regard, je les jaugeais, je savais pertinemment que je ne pourrais pas m’en tirer sans les froisser. Mais si c’était ce qu’il fallait, je le ferait sans hésiter. Après quelques minutes de silence, je plantais mon regard dans celui des quatre hommes devant moi. « On commence ? »

Je suis posé, assis près du lac. Un endroit paisible, ce lac Towada. Je repense à tout ce qui a bousculé ma vie ces dernières semaines. C’est en bateau que je suis arrivé jusqu’ici, j’ai bien aimé l’air de la mer. D’ailleurs c’est un peu ce que j’essaye de retrouver en restant assis près de cette vaste étendue d’eau. Un peu de vent marin quelque part sur ce continent. Mais ce que je recherche surtout, ce sont des réponses. Comment ais-je pu me faire battre aussi facilement et finir dans un tel état. Car cela fait presqu’un mois que le père de Goren m’a écrasé comme un moustique dans les forêts de ce pays. Je n’ai rien pu faire. Je ne même pas pu le toucher. Depuis ce jour où il nous a laissé presque mort, je ne ressens presque plus rien. Tous les sentiments positifs qui jusque là recommençaient à envahir mon cœur se sont échoués sur les plages inconnues de mon esprit. Désormais il n’y a plus que la haine et l’indifférence. Je sens s’insinuer en moi à la manière d’un cancer la noirceur de mes premiers jours. Elle prend possession de mon corps et de ma volonté. Je ne pense pas pouvoir continuer à me battre très longtemps. Et puis au fond, cela fait bien belle lurette que j’ai décidé de m’abandonner…

Je me lève, j’ai fini de méditer. En plus, il commence à faire froid. Je n’ai pas envie de finir en glaçon. Le pays du givre n’est pas l’endroit idéal si vous pensez passer une nuit à la belle étoile. Entre les bêtes sauvages et le froid, il y a de quoi faire pour se retrouver le lendemain matin en lambeau. Je prends la route du seul village de ce pays que je connaisse. Un petit village situé un peu plus au nord, près des cultures incessantes et inutiles des villageois de cette contrée. Ma marche prend une petite heure. Une heure pendant laquelle la température ne cesse de baisser. Il se fait de plus en plus frisquet et le vent tape de plus en plus fort. Pour me protéger de ses assauts, je rabaisse ma capuche un peu plus sur ma tête, je suis emmitouflé dans ma tunique noire.

J’arrive enfin à Touketsu, je longe les rues et les ruelles jusqu’à me retrouver en face de la petite auberge dans laquelle j’ai passé une nuit la dernière fois que je suis passé par ce pays. J’attends quelques secondes, j’entends comme un brouhaha puissant à l’intérieur. Il doit se passer quelque chose. Allez savoir pourquoi, je ne me sens pas le cœur à régler les problèmes des autres, plutôt à les tuer tout de suite. Mais m’attirer la foudre de tous les villageois présent ne ferait que me rapporter plus de problèmes qu’autres choses. Je déciderais en entrant… Je pousse la porte et fais quelques pas. Je dois avoir l’air d’un fantôme parce que le vent souffle dans mon dos d’une manière plus que macabre. Je tourne la tête de droite à gauche et remarque que toutes les tables sont vides et que le bar est inoccupé. Tout le monde est réuni autour d’une table où un homme, à l’apparence militaire est assis et regarde l’un de ses interlocuteurs avec insistance.

Je demeure debout au milieu de la pièce, quelques hommes ont daignés tourner la tête vers moi tandis que d’autres n’ont même pas fait attention à mon entrer dans l’auberge. Je baisse lentement mon capuchon et va m’asseoir au bar. Il n’y a toujours personne. Là, je commence à m’échauffer, je n’aime pas quand on me fait attendre plus que de raison et la maitresse de maison à l’air plus occupée par l’altercation à venir que par ma boisson.

« Qui faut-il supplier ici pour avoir à boire ? A croire que le combat de fillettes attire l’attention du tenancier ! »

J’ai parlé un peu trop fort, tous les regards se tournent vers moi. Je tourne la tête aussi, je croise le regard de chacun de ces pseudo-hommes. Je leur fais part de mon indifférence et de mon mépris, tout cela par mes pupilles. Alors une vieille femme parmi le groupe se détache de ce dernier et vient se positionner derrière le bar, elle pose une bière sur le comptoir. Apparemment elle se souvient de ma dernière visite et n’a pas envie que les choses se répètent. Mais avec elle un autre gars qui apparemment n’a pas apprécié ma remarque et qui n’a pas dû suffisamment assoiffer son envie d’adrénaline avec l’altercation d’à côté se place derrière la bars.

« C’est nous que tu traite de fillette ? »

Il me donne une pichenette sur l’épaule pour attirer mon attention. Je lui attrape le doigt et le tire vers moi. J’attrape sa tête et la plaque contre le comptoir. Je verse alors doucement la bière sur son visage avant de casser le verre sur son visage. Il perd connaissance et s’écrase au sol, la tenancière lâche un petit cri d’épouvante. Je cherche dans ma bourse et balance quelques pièces sur le comptoir.

« Pour le dérangement. »

Je me lève et me dresse en direction des autres et du ninja… Les choses prennent une tournure intéressantes.

Spoiler:

Alors qu’un brouhaha faisait rage de l’autre côté, je continuais de planter mon regard glacé dans celui de l’homme ayant sa main sur mon livre noir. Les choses allaient mal finir, mais c’était inévitable. J’avais déjà remarqué qu’ils avaient tous les poings serrés, ils étaient décidés à en découdre et je ne m’en sortais pas sans combattre. Soit, qu’il en soi ainsi. D’un mouvement rapide, j’attrapais le poignet de l’homme ayant sa main sur mon livre, je le tirais vers moi et en bas assez rapidement, le déstabilisant avant d’attraper sa tête de l’autre main, le tirant violement vers le bas. Un gros bruit sourd résonna lorsque sa tête vide entra en contact avec le bois de la table. Il tomba à la renverse alors qu’un autre homme vint pour me frapper de sa main droite. J’eu un mouvement de recul de la tête avant de frapper avec mon poing sur l’articulation de son coude, d’un mouvement rapide et précis, le faisant s’étouffer une plainte sourde. Je poussais alors l’homme d’un coup de pieds dans le bassin, et sas que je le remarque, l’homme alla s’effondrer sur un homme blond à l’air imposant qui avançait par ici.

Je reçus tout de même un coup de poing dans la mâchoire avant de me retourner d’un seul coup, figeant le revers de mon poing dans celui de mon opposant. Je profitais actuellement du peu d’espace entre le mur, la table et mes opposants pour réduire leur avantage du nombre. S’il y avait peu d’espace, ils ne pouvaient pas tous m’attaquer. Vint ensuite le tour de l’homme qui avait récupéré mon kunai : il essaya de me le figer dans les côtes, mais je parais de la main droite avant de décidé, trop dangereux, de lui briser tout simplement le poignet d’un coup de genoux placé dans son articulation. L’homme se mit à hurler alors que d’un autre coup de pieds, je l’envoyais sur une table voisine. Cette dernière, en bois, se brisa sous son poids avant que tout ce qui était dessus ne tombe sur l’homme, visiblement assommé par ce dernier coup. L’un des hommes vint de nouveau vers moi en lançant sa jambe. Je pliais la mienne et frappais sans force sur le bas de sa cuisse, juste au-dessus de son genou. Oui, je frappais toujours aux articulations, car c’était les points les plus stratégiques et aussi les plus efficaces. Un simple coup de tête sur ce même homme eu raison de lui.

Je me dirigeais ensuite vers l’homme que j’avais maladroitement lancé sur le blond à l’air imposant. En me voyant arriver, il se relevait comme il le pouvait, mais c’était trop tard. Juste devant le blond, je fondis sur l’homme, le plaqua au sol avant de lui administrer quelques droites, lentes, dans le visage, jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Je me redressais alors lentement, en soufflant de lassitude. Je vis que le jeune blond me regardait avec insistance. Je plantais alors mon regard dans le sien en sortant de ma poche une sorte de bandage blanc avec lequel j’essuyais le sang qui coulait de mes phalanges. Je lui adressais un semi-sourire, totalement faux, forcé par simple courtoisie avant de prendre la parole.

« Les effets de l’alcool.. Pardon pour cela ! Je ne voulais guère te l’envoyer dessus. » dis-je avant de me diriger vers l’aubergiste qui était au bord des larmes. Elle me lança un sourire lui aussi forcé avant que je ne m’excuse de tout cela. Elle se contenta d’un simple signe de tête suivit d’un signe de main, comme quoi cela arrivait souvent apparemment, elle devait être habituée. Je sortis quelques billets de ma poche avant de les lui donner en main propre. Je retournais ensuite à ma table et me servis un verre de saké qui, miraculeusement, avait survécu à la chute de la tête du gros lourd. Le blond était toujours en face de moi, je le regardais en rangeant mon carnet dans mon sac.

« Visiblement, toi, tu ne travailles pas dans les mines d’argents du sud. Dis-je en prenant une gorgée de saké. Que fais un shinobis en ces lieux ? »

J’admire la scène à partir de mon emplacement. Je me tiens debout au milieu de la pièce et mon compère ninja s’occupe comme un chef de tous ses adversaires. Une droite, une gauche, il sait indéniablement bien se battre au corps à corps, je lui accorde cela. Je demeure de marbre cependant et je fais bien. Rester concentré en toute circonstance est une nécessité si on ne veut pas se faire avoir comme un bleu. Un homme, projeté par un coup de pied de mon compère, fonce sur moi déséquilibré. Un petit mouvement sur la gauche et un pied tendu vers le sol, l’homme en question s’écrase au sol. Je recule quant à moi, je sais que son cas n’est pas totalement traité en voyant le regard de son assaillant. Je passe derrière lui et admire le spectacle. Le dit assaillant se jette sur lui comme un lion sur du gibier et lui écrase le crâne contre son poing à de multiples reprises. Le tout sonne comme une merveilleuse mélodie d’os qui se fracassent les uns contre les autres. S’en est presque beau. Mais tout à une fin, spécialement les belles choses. Mon inconnu se relève et nettoie ses mains tâchées de sang d’un mouchoir à présent maculé de sang. Il donne un peu d’argent à la tenancière puis se redirige vers sa table et se serre un verre de saké. Il se tourne ensuite vers moi et me demande ce que je peux bien fabriquer ici. Apparemment, il a cerné le fait que je n’étais pas du coin. Mais ce n’est pas moi qui fous le bordel dans les auberges. C’est à se demander qui est le criminel ici.

Je me rapproche de la table, jette un rapide coup d’œil à la carafe de saké. Je m’en servirais bien un peu mais il serait inconvenant de ne pas demander avant. Or ce n’est pas vraiment pour ça que je suis là. Je réfléchis donc à la question. Qu’y a-t-il à dire de manière générale ? Pas grand chose si je veux garder mes propres affaires pour moi. Je ne peux pas me permettre de laisser certaines informations filtrer comme ci comme ça. Je ne suis pas une bonne femme au foyer qui prend plaisir à partager des cancans. Je remarque une tâche de sang sur la table et en passant le doigt dessus, je commence à m’exprimer, toujours d’une voix neutralement explicite.

« Je suis à la recherche d’un homme qui m’a causé du tort. Mais je n’ai fait halte dans cette auberge qu’à cause du froid qu’il y a dehors. »

Une bonne réponse. Suffisamment clair pour qu’il ne demande rien d’autre et suffisamment évasive pour ne rien lui avoir donner comme information réelle. Néanmoins le fait d’avoir répondu à cette question éveille ma curiosité. J’ai moi aussi envie de savoir qui est et individu qui vient de rendre ma soirée un peu plus intéressante. Toute en essuyant le sang de mon doigt sur un pan de ma tunique obscure et en rabaissant le capuchon de celle-ci, dévoilant un peu plus ma chevelure, je reprends la parole.

« Je suis Katano Yusuke. Mais toi, que fais-tu ici ? Je suppose que tu es ninja également. A quel village appartient-tu ? »

Ma question et mes paroles ne se veulent pas menaçante du tout. Après peut-être que le ton que j’emploi n’est pas le plus accueillant du monde. Cependant il a le mérite d’être clair et explicite sur mes intentions de ne pas faire ami-ami avec tout le monde. Je suis un ninja et je compte bien garder une certaine prestance. Surtout que ces derniers temps, on ne peut pas dire que le monstre en moi ne titille pas un peu mon corps en surface. Rien que maintenant je le sens qui demande à sortir.

Tout en attendant la réponse de mon interlocuteur, je commence à caresser le manche de mon sabre le plus proche de ma taille. Cela m’aide à réfléchir. Une fois qu’il aura répondu, il faudra que j’en apprenne plus sur lui, il sait clairement se battre et quand on exerce un métier comme le mien, il vaut mieux savoir à qui l’on s’adresse.

Voyant que mon interlocuteur louchait grandement sur la carafe de saké qui se trouvait devant moi, je me levais pour aller chercher quelques mètres plus loin, posée sur une table faite pour ça, une autre tasse que je mis face à moi avant de me rasseoir. D’un signe de la main, j’invitais le jeune blondinet à venir s’asseoir en face de moi pour partager ce saké. Après tout, je venais de lui lancer un homme dessus, avec le nez sanguinolent qui plus est, donc je pouvais bien faire cela. Et puis en sondant sa signature de chakra, j’avais obtenu peu d’informations, car cet homme était inconnu au bataillon, mais je le sentais assez puissant, bien plus qu’un simple ninjas de moyenne classe comme il était coutume d’en voir dans ce monde. Déjà, le fait de le voir seul m’avait mis la puce à l’oreille, car peu de chûunins sortaient de leur nation seul, car ils n’étaient pas assez puissant contre des ninjas haut gradés, donc il devait minimum être un Jûnin. J’espérais juste qu’il ne soit pas de Kumo, mais je ne voyais aucune trace de bandeau, donc j’en jugeais que non.

Alors que l’homme venait de s’asseoir en face de moi, je lui servais une première tasse de saké avant que celui-ci ne daigne répondre à mes interrogations, prétextant qu’il était là pour recherche un homme lui ayant causé du tort et qu’il ne s’était arrêté là que pour se protéger du froid mordant du pays du Givre. Mes yeux s’arrêtèrent sur l’expression de son visage lorsqu’il prononça ces mots alors que je reposais lentement et délicatement la carafe d’alcool sur le table ronde en bois. J’essayais là d’obtenir des informations sur ses émotions lorsqu’il évoquait la traque de cet homme lui ayant causé du tord. Cependant, je ne vis rien, aussi surprenant que cela puisse paraître, le blond devait être extrêmement serein alors qu’il s’apprêtait, très certainement, à entrer ouvertement en conflit avec quelqu’un. C’était un signe de dangerosité chez une personne !

« Et j’imagine que vu que tu es venu jusqu’ici pour traquer ta proie, cela ne se finira pas pacifiquement mais dans un bain de sang. C’est donc une vengeance je présume ? » dis-je avec un petit sourire en coin, poussant de mes deux doigts sa tasse pleine afin qu’il puisse commencer à boire en ma compagnie.

L’homme se présenta ensuite comme Katano Yusuke avant de totalement dévoiler sa chevelure blonde et ses yeux bleus. Faisant rouler mes yeux sur le personnage, j’enregistrais, comme à mon habitude, chacune des informations que je voyais dans mon esprit, afin de pouvoir ensuite tout répertorié dans mon livre noir, qui était pour moi une sorte de Data Book où j’enregistrais toutes les informations que je pouvais accumuler, par moi, ou par autrui. Je me souviens avoir volé les informations dans un premier temps du Misuto lorsque j’en étais le chef alors que cela avait été interdit et celui du Data Book et du Bingo Book de Kumo afin de pouvoir agrandir les pages de ce fameux livret. Ah s’il tombait entre de mauvaises mains.. Yusuke, l’homme face à moi répondant d’après lui par ce prénom, me retourna alors ma question, me demandant la raison de ma venue de ces lieux et savoir de quel pays j’étais. Répondre Kumo serait une erreur, car s’il était effectivement de Kumo, il avait moyen de faire une enquête et de délier mon mensonge. Je préférais donc la franchise.

Je me tournai vers mon sac à dos avant d’en ouvrir la grande poche, plongeant ma main à l’intérieur pour en ressortir un bandeau que j’admira pendant quelques secondes avant d’en tourner la face vers mon interlocuteur : « Je suis de Kiri » dis-je avec une pointe de colère. « Je suis ici pour voir un vieil ami à moi qui travaillait avant dans les mines d’argents, il à quelques soucis de santé, et ce sera la dernière fois qu’il pourra apercevoir ma silhouette. Et toi ? D’où viens-tu ? » Répondis-je dans le calme

Bien entendu, tout ce que je venais de dire était un mensonge, mais je ne voulais ni ne pouvais pas trop en révéler à un parfait inconnu. Certains faisaient ça, des hauts gradés qui faisaient popper des informations comme bon leur chante alors qu’ils sortent du trou du cul du monde, et je ne vise personne, mais ce n’était pas mon genre. En vérité, j’allais certes rendre visite à un ami, mais celui-ci ne travaillait pas dans les mines d’argent, il se trouvait être un général de Kumo, chef de son clan et grand ami. De plus, ce n’était, je l’espérais, pas la dernière fois qu’il me voyait. Je levais alors mon bras, dirigeant ma tasse vers mes lèvres, faisant lentement descendre le liquide amer dans ma gorge.

Je suis assis et lorgne toujours sur la silhouette de mon interlocuteur. Je l’observe, passe mon regard sur chaque partie de son corps qu’il m’est donné d’apercevoir. Il faut savoir enregistrer les informations lorsque l’on est ninja et ne jamais oublier un visage fait partie de ces informations. Pour cela, il faut tout prendre en compte. Les vêtements, la manière de s’exprimer avec les muscles de ses sourcils, la couleur des cheveux. Tous ces petits détails permettent d’inscrire dans son propre esprit une sorte d’empreinte digitale souvenir de la personne que l’on a en face de soi. Une manière comme une autre de garder des notes sur les hommes et les femmes que l’on rencontre dans ce monde trop grand et trop dense pour garder une trace écrite de chaque individu y résidant.

Je prends une gorgé de saké, mon interlocuteur ayant eu la bonté de me présenter une tasse avant que je ne la remplisse moi-même. J’en profite pour écouter. Ecouter attentivement avant que mes oreilles ne se brisent à l’intérieur de mon crâne et que mes yeux ne manquent de sortir de leurs orbites. Car oui, les origines de l’homme en face de moi me surprennent grandement. Et, bien que je n’affiche rien en surface, c’est l’ébullition dans mon esprit. Un ancien Kirijin ? Je croyais qu’ils étaient presque tous partis au Shukaï ramper devant le peu de pouvoir qu’ils pourraient récupérer. Mais ce bandeau a l’air authentique. Ainsi cet individu serait de mon village, mais je ne l’ai jamais vu. Curieuse coïncidence, je ferais mieux d’essayer d’en apprendre un peu plus. Mais pour cela, il faut avant tout se dévoiler davantage de mon côté.

Ainsi mon interlocuteur me retourne ma question et je dois faire un choix, dire la vérité ou mentir. Si je mens, cela pourrait me retomber dessus un de ces jours et me causer de gros ennuis. Si je dis la vérité, il se pourrait également que les ennuis surviennent, mais plus tôt. Je suis piégé de toute façon alors autant respecter mon idéal d’honnêteté sans trop en révéler. Je suis un homme qui respecte ce qu’il est et si il ne l’apprend pas de ma bouche, il l’apprendra surement lors de l’un de ses voyages.

« Je suis également du village caché de la brume. Néanmoins j’ai déserté avant sa destruction. »

Pas un cil sur mon visage n’a bougé, pas un spasme incontrôlé. Certes, cette réplique m’a demandé de la force psychologique puisqu’elle suscite chez moi à la fois la tristesse et la mélancolie mais il est hors de question de laisser quoi que ce soit transparaitre. Je reprends donc une gorgé de saké ce qui vide ma tasse que je repose lentement sur la table avant de poser mes mains sur la table. Je plonge alors mon regard dans celui de mon interlocuteur et l’interroge de nouveau :

« Je croyais que tous les Kirijins ayant survécu à la destruction de leur nation s’étaient réfugié au Shukaï. Pourtant tu n’arbore pas ses couleurs, peux-tu me dire ce que tu recherches en errant sans nation dans ce monde ? »

Une question on ne peut plus explicite. Je ne suis pas du genre à faire dans la demi-mesure. Si je dois poser des questions, autant ne pas faire dans la subtilité et y aller franchement. Et puis je ne pense pas qu’un ninja se vexe ou s’offusque aussi facilement qu’une frêle demoiselle sur qui l’on émet une critique vestimentaire. Aussi, je me dis tout de même que mon interlocuteur n’a aucune raison de se montrer particulièrement franc avec moi si je ne fais pas de même de mon côté. Alors, avant de lui laisser le temps de me répondre, je continue.

« Avant que tu ne pose la question, je suis moi-même sans nation et recherché par le Shukaï et Konoha, je me suis engagé dans une autre voie que l’armée. »

Je dis l’armée mais pense au système actuel de ce monde. Car oui j’appartiens à un autre système bien différent et rempli de contrastes par rapport à celui aujourd’hui en place. Mon objectif ne consiste pas à tuer tout le monde mais bien à rétablir une honnêteté et une franchise que le monde, qui a trop joué à l’aveugle et à l’hypocrite a oubliée. Mais mon interlocuteur n’est pas prêt pour que je lui révèle ce genre de choses, il me prendrait pour un fou. Il me prendrait pour un anarchiste. J’en suis peut-être un, mais un anarchiste calme du cœur et de l’âme, un œil de cyclone en quelque sorte. Autour de moi se crée le chaos malgré mon impassible sérénité…

Alors qu’une nouvelle gorgée descendait brulante le long de mon oeusophage, je commençais à ressentir mon sang se réchauffer grâce aux effets de l’alcool. Parfait, c’était justement pour cette raison que j’étais entrain de boire. Mon organisme fonctionnait comme celui d’un homme malgré mon côté animal, donc je ne me réchauffais pas aussi vite que ces créatures de la nature, il me fallait du temps, et je ne pouvais autoréguler ma chaleur corporelle, donc je buvais. Mais mes yeux roulèrent en direction de mon homologue lorsque celui-ci m’appris qu’il était aussi un Kirjin. Tiens ! Quel hasard.. Cependant, bien que je ne laissais pas paraître, mon regard se durcissait à l’entende des mots qui suivirent sa révélation sur ses origines. Il avait déserté avant sa destruction ? Il était donc un ancien criminel recherché par la brume, ayant par la même occasion échappé à sa désolation. Mais je décidais de ne pas y prêter attention pour le moment, ou du moins, physiquement parlant, car Kiri n’était plus, je n’avais donc plus à faire respecter sa loi et ses droits.

« Tu dois être bien confiant sur les raisons qui t’ont poussés à quitter illégalement le village de la brume pour le dire d’un trait à un ancien Kirijin, d’autant plus, à un ancien chef de Misuto, un chasseur née pour traquer et tuer les déserteurs. Dis-je en me servant un autre verre, sans regarder mon homologue. Je venais de prononcer ces mots, au premier abord menaçants alors qu’en réalité, il n’en était rien. Cependant, je ne suis, comme tout Kirijin survivant, plus en fonction et je n’ai donc plus à faire respecter les lois et les droits de la brume. Mais j’aimerais tout de même savoir.. Je marquais une courte pause en fixant de nouveau mon regard dans le sien. Pourquoi as-tu déserté la brume ? »

Aucune agressivité dans mes paroles, mais un peu de lassitude. Je n’étais, comme je venais de le lui dire, plus en fonction, bien malheureusement, car sinon, j’aurais fondu sur cet homme, lui tranchant la gorge d’une traite, sans chercher à connaître les raisons de sa désertion, par honneur et respect pour la maison, aussi ingrate soit-elle, ayant recueilli le clan Gekei lorsque celui-ci était encerclé par de nombreux ennemis. Une phrase bien longue, mais qui affirmait la véracité de ma loyauté envers la nation mère des Gekei. Désormais, j’en étais le chef, proclamé par les grands des airs, des terres et des mers, et je me devais de ressouder le clan actuellement dispersé. J’avais donc, soucieux de ma famille, un réel devoir de loyauté envers Kiri. Mais désormais, je devais, en plus de la vengeance sur ces maudits Furyous, une nouvelle demeure à trouver à mon clan. Mais soit ! Là n’était pas la question. J’enchainais avec une réponse à ses propos, comme quoi il pensait que tous les anciens Kirijins s’étaient réfugiés au Shukai.

« Je ne connais strictement rien du Shukai, mis à part que c’est une alliance de pays neutre. Je sors comme qui dirait du coma, donc je ne suis pas à jour dans les histoires politiques et géo-politiques d’aujourd’hui. Pour le moment, je suis à la recherche de vengeance, je veux annihiler de façon sanguinolente les Furyous. Mais tu dis que tous les Kirijins ont cherché refuge au sein de ce nouvel ordre, mais toi pas d’après ce que je comprends, pourquoi ? »

Une autre précision de Yusuke me fit tilt, mais pas dans le bon sens. Il précisa qu’il était un criminel recherché par le Shukai et par Konoha, qu’il s’était engagé dans une autre voie que l’armée des nations. Mais ça, pas besoin qu’il ne le précise pour que je le comprenne. Sa désertion de la nation de l’eau était suffisante pour comprendre le chemin qu’il avait emprunté. Mais encore une fois, je ne comptais pas venger le monde et certainement toutes les victimes de cet homme, au contraire, il pourrait très certainement m’éclairer sur certains points, dont le Shukai. Ce que j’avais ouïe dire, c’était que la criminalité avait augmenté avec la destruction de Kiri, ce que je comprenais, les Kirijins se retrouvaient sans terres, sans rien, ils se réuniraient certainement en groupe pour faire valoir leurs droits. Une anarchie complète à laquelle les Gekei étaient jadis mêlés. Je reprenais alors la parole après avoir bu une nouvelle gorgée de saké, commençant à réellement ressentir mon corps se réchauffer.

« J’ai tout de même une question sur le sujet. Tu es recherché.. Pourquoi ? Et pourquoi t’es-tu engagé dans cette voie ? »

Mon regard ne quitte pas mon homologue. Tous deux cependant, nous demeurons extrêmement calmes. Nous n’avons aucun intérêt à montrer que quoi que ce soit nous affecte. Nous sommes des professionnels. Néanmoins, je sens que quelque part, en révélant le fait d’appartenir à la classe criminelle de ce monde, j’ai titillé la curiosité de mon interlocuteur qui d’un coup se fait plus bavard. Qui sait, peut-être ais-je installé une sorte de confiance entre nous. Cela reste peu probable bien que possible. On ne sait jamais comment réagissent les puissants ninjas de ce monde car pour atteindre un niveau respectable, il faut être spécial en soi.

J’apprends en écoutant les mots qui sortent de la bouche de mon interlocuteur qu’il était jadis chef du Misuto. Cette affirmation me perturbe un peu. Je connais bien le chef du Misuto de mon époque et ce n’est pas cet homme là. Appartenait-il à une autre génération ? Si c’est le cas, où se trouvait-il pendant tout ce temps. Maintenant j’ai la certitude qu’il ne s’agit pas tout simplement d’un frère d’arme que je n’aurai pas remarqué, il a dû disparaître d’une certaine manière. La question restera en suspens encore quelques minutes, le temps que je réponde à la sienne qui survient d’un coup. Je prends donc une profonde inspiration et, tout en regardant une tâche de saké laissée sur la table, je me mets à dévoiler un peu plus de ma personnalité.

« J’ai déserté la brume suite à la mort du chef du Misuto qui était accessoirement mon maitre : Kyu Shord. Ce dernier était le seul rempart qui m’empêchait de m’abandonner au mal qui se trouvait en moi. Avant de mourir, il m’a affirmé penser que les villages n’étaient pas la solution… J’y ai longuement réfléchi et j’ai déserté. »

La conversation continue de plus belle. Mon inconnu se met à parler du Shukaï comme s’il n’en avait qu’à peine entendu parler. Un indice de plus qui me conforte dans le fait qu’il a du demeurer en marge du monde pendant un moment. Je continue de l’écouter attentivement jusqu’à ce qu’une seconde interrogation survienne. Cette fois la question est différente : Pourquoi n’ais-je pas rejoint le Shukaï comme tous les anciens Kirijins ? Lorsque j’entends le contenu de l’interrogation, je ne peux refrogner un léger sourire au coin de mes lèvres. Je lève les yeux vers mon inconnu et prend le ton d’un homme ironique, voir cynique.

« Je suis allé rejoindre le Shukaï. Cherchant d’une certaine manière un nouveau départ et une manière de créer un système nouveau, je n’ai retrouvé que l’ancien qui me répugnait déjà. De plus, les ninjas de cette alliance, étant presque tous anciens Kirijins, m’ont bien fait sentir que je n’avais pas ma place dans leurs rangs. Ce n’est que lorsque ces soldats ont enlevés une enfant nukenin sans aucun motif que j’ai décidé de déserter à nouveau. »

Car oui, il fallait que mon homologue comprenne que je ne suis pas un traitre comme tous ceux qui me décrivent semblent vouloir le montrer. Bien au contraire, je suis fidèle à mon idéologie d’un système différent. Les villages ont tendance à justifier tous leurs actes par des principes auxquels eux-mêmes ne croient pas : la justice, l’égalité, le bien. Mais ce n’est qu’un voile de mensonge. Au final il n’y a que l’économie et la puissance qui compte. Les soldats sont utilisés comme des pions sur l’échiquier des chefs. C’est la raison pour laquelle j’éprouve une aversion profonde pour chacun des villages. Et lorsqu’en rejoignant le Shukai, je me rendis compte qu’il n’y avait rien de différent, je ne pus que me résigner à déserter de nouveau.

La dernière question tombe, pourquoi suis-je recherché et pourquoi me suis-je engagé dans cette voie. Y a t-il vraiment une réponse a cette question ? Je le pense. Il faut qu’il y en ait une. Sinon je ne suis qu’un autre de ces paumés qui se contentent d’arpenter le monde en long et en large sans aucun autre but. Je plonge donc mon regard dans celui de mon inconnu et prend une énième inspiration face à lui. Il est temps de rendre des comptes.

« Toi qui faisais parti du Misuto, tu dois surement savoir qu’il y a deux sortes de criminels. Il y a les barbares, ceux qui font du mal pour en faire et il y a les criminels politiques. Je fais partie de ces derniers. Je n’ai jamais vraiment commis de « crimes » contre des innocents n’ayant rien à voir avec mon combat. Je n’en demeure pas moins une menace pour le système des villages que j’essaye de détruire. Un système basé sur le mensonge et sur l’hypocrisie. Pour ça je suis recherché, pour ça, il faut que je meure. Alors les villages seront enfin libres de vaquer à leurs besognes malhonnêtes. Comme tout gentilhomme j’ai le sens de l’honneur mais au-delà, je suis partisan de l’honnêteté. Et je pense que pour créer un monde plus vrai, il faut obligatoirement passer par la destruction de l’ancien. »

Je marque un temps, l’avis de mon interlocuteur m’intéresse plus que je ne l’aurais pensé.

« Cette réponse te satisfait-elle ? »