Voilà plusieurs mois que le Seki était sujet à diverses expériences anormales qui ne manquaient pas l’étonner au plus haut point. Rien à première vue le concernant n’avait changé, les jours passaient et se ressemblaient tous les uns les autres avec leur lot de missions périlleuses et de charges difficiles à supporter. Pour autant, intrinsèquement, le Seki ne changeait pas si ce n’était sur un point particulièrement : sa capacité auditive. Depuis des mois, Zennosuke se sentait apte à plus ou moins entendre des bruits qui lui étaient difficiles, voire impossible à entendre auparavant. Il s'agissait d'imperceptibles sons qui lui parvenaient distinctement à l’oreille pour peu qu’il y prête attention. Comme cette fois, où, enfermé dans son bureau en pleine journée, durant ce que l’on pouvait considérer comme une heure de pointe, le Jônin s’était mis à entendre de petits bruits dont l’origine n’était autre que les infimes couinements d’une souris. Ayant tendu l’oreille, le shinobi était parvenu à isoler ce bruit qui se signalait à son subconscient. Et curieusement, il y parvint avec une facilité déconcertante, parvenant à mieux entendre les couinements de la souris que le bruit causé par la présence de ses collègues membres du Satoru, dans les pièces voisines. Où se trouvait donc cette souris ? À mesure qu’il avait tendu l’oreille, le kumojin avait fini par avoir assez d’indications pour mesurer avec une relative précision, l’emplacement de la petite bête. Celle-ci était à une vingtaine de mètres, dans un bureau en face du sien…
Il fallut pour le Seki, se lever de son siège, se rapprocher le plus discrètement possible de l’endroit où se trouvait la souris pour ressentir, d’abord avec frayeur, puis avec amusement, que le son s’était amplifié. C’était le signe qu’il était sur la bonne voie, quand bien même il entendait la bestiole fuir à son approche. L’avait-elle senti ? Ou l’avait-elle seulement entendue ? En tout état de cause, ce jour-là, Zennosuke comprit qu’il avait une particularité nouvelle. Une aptitude qui, si elle était améliorée, affinée, pouvait lui permettre d’être tout aussi bon qu’Hiryuu dans le domaine de la manipulation du son : l’onkyoton. Une possibilité d'ajouter une nouvelle corde à son arc. Un sourire se dessina sur le visage du Seki. Il se souvint combien de fois, durant de petits entrainements, ou lorsque, tout en s’amusant, il parvenait à énerver sa belle, celle-ci parvenait à le calmer avec quelques cris stridents dont les décibels le forcer à battre en retraite. Était-ce par ce procédé que son rapport au son s’était amélioré ? Curieuse question qui méritait profonde réflexion. Mais pas dans l’immédiat. Dans l’immédiat, il était nécessaire pour le Seki de développer son nouvel art et pourquoi pas se trouver un maître pouvant l’aider dans cette voie. Des manipulateurs du son, le Seki en connaissait quelques-uns. Les noms qui lui vinrent immédiatement en tête furent : Hiryuu, l’Hokage et une sunajin qu’il avait eu à rencontrer il y a longtemps : Hassei Lucy…
Si pour la sunajin le contact était quasi impossible, voir difficile, celui avec l’Hokage relevait de l’utopie. Quoique ce dernier aurait fait un excellent maître étant donné ses aptitudes largement reconnues, le Seki ne pouvait se résoudre à l’approcher compte tenu des relations tendues entre Konoha et Kumo et à cause de la rumeur portant sur le mauvais état de santé de l’Hokage. Il ne restait plus qu’Hiryuu. Pouvait-elle faire un bon maître ? Elle qui avait récemment renoncé à la vie ninja ? Rien n’était moins sûr. Pour autant, Zennosuke s’était résolu à lui parler de ses nouveaux pouvoirs. Ce serait au moins ça de fait. Selon sa réponse, le Jônin verrait s’il pouvait s’approcher d’elle pour qu’elle l’aide à affiner ce qui semblait actuellement à un diamant brut.
Avant tout, le Seki ressentait l’impérieuse nécessité de débuter un entrainement. Dicté par son intuition, le Jônin se trouvait à présent dans les montagnes de Kaminari no Kuni, à un endroit où le vent, fort et libre ne cessait de bercer les environs d’une douce mélodie. Comment se faisait-il que le Seki n’était jamais parvenu à ressentir, à entendre, à percevoir toutes ces différences dans ce que d’aucun considéraient comme du bruit ? Dans cet endroit reculé du monde, tout ne lui semblait être que son. S’étant trouvé un endroit perché, proche d’une source, le kumojin écoutait. Sans faire rien d’autre que cela. L’entrainement de base consistait à isoler les sons, les uns après les autres. Que ce soit le bruit causé par le vent tel qu’il était rapporté à l’oreille humaine, que ce soit les clapotis de l’eau, que ce soit les grenouilles plongeant ou nageant dans l’eau, que ce soit les chants des cigales, que ce soit les crépitements causés par le déplacement d’insectes sur le sol, que ce soit le battement des ailes des oiseaux durant leur vol, tout était ciblé à tour de rôle. Cet exercice merveilleux, en plein cœur de la nature, mit du baume au cœur du Seki. Curieusement il se sentait vivre. Peut-être le fait d’être plongé en pleine nature, d’être éloigné de tout chahut causé par les hommes y contribuait pour beaucoup.
Après plus d’une heure d’exercice, le Jônin entreprit de passer à l’étape supérieure : isoler un son et s’y concentrer jusqu’à percevoir les plus infimes variations. Et là, ce fut les mouvements d’un scarabée à plusieurs mètres de lui, tentant courageusement de rouler un boule de terre plus grosse que lui, qui fut la cible du Seki. Au départ, les seuls bruits causés par les pattes de l’insecte sur la boule de terre étaient perceptibles par le Jônin. Avec plus de concentration ce dernier parvint à percevoir l'entrechoquement des mandibules de l'insectes et pis, une sorte de mastication provenant de ce que l'on pouvait considérer l'appareil buccal de l'insecte. Qui parmi les hommes pouvait se targuer d'entendre ce que Zennosuke entendait ? Lequel parmi les hommes parvenait à ressentir ce qu'il ressentait. Ce nouveau pouvoir l'excitait au plus haut point. Il semblait le mener sur des pistes encore inconnues. Tout ceci était comme une ouverture à un monde nouveau. Magnifique !
Se concentrant autant qu'il le pouvait, le Jônin se mit à amplifier le son provenant de l'insecte de manière à en faire un son prépondérant dans l'environnement ambiant. Non le Seki n'était pas sourd. Sa manœuvre avait fini par payer au bout de quelques minutes. Et là, pendant quelques secondes le scarabée s'était arrêté, puis il s'était mis à bouger dans tous les sens, à se rouler sur son espèce de carapace à une vitesse plutôt hallucinante. Ensuite, sans crier gare, l'insecte avait explosé éteignant à jamais la mélodie qui provenait de lui. D'abord étonné, mais ensuite conscient de la raison pour laquelle l'insecte avait fini par imploser, le Jônin se promit de ne pas utiliser à nouveau cette technique sur un si petit être. A l'inverse, tenter le procédure contraire, à savoir essayer de couper un son plutôt bruyant, pouvait être une nouvelle étape de l'entrainement du Seki.
Jaugeant son chakra qui commençait à baisser sérieusement, le Seki prit un grand souffle. Ce petit jeu était gourmand en termes de chakra. Normal, tout ceci était bien nouveau pour Zennosuke. Avec le temps, notre membre du Satoru parviendrait rapidement à user de son nouvel art comme il le faisait déjà avec son kekkei genkai. Laissant expirer un long filet d'air, Zennosuke se concentra à nouveau. Sa cible était rien d'autre que le bruit que faisait le vent en se heurtant aux obstacles sur son chemin. Il fallut d'abord procéder à l'isolation de ce son, puis tenter progressivement d'en réduire le volume. Les choses étaient bien plus aisées à conceptualiser qu'à effectuer. Et cela, Zennosuke s'en rendit bien vite compte. Après quelques tentatives infructueuses, le Jonin se rendit compte qu'il lui était nécessaire de stopper son entrainement pour ce jour. Son chakra était proche des 15%. Aller au delà serait tout aussi contre-productif qu'inutile. A chaque jour suffit sa peine !
S'étant relevé, le ninja regarda une dernière fois le cadavre du scarabée à terre. Voilà le signe de son évolution dans la maîtrise de l'onkyoton. Demain, il tenterait de franchir un nouveau palier.
