- Et, ma demoiselle, que nous vaut le plaisir de la visite officielle du Shukai ? Je ne suis qu'un modeste Chûnin mais j'ai le mérite de comprendre beaucoup de rouages de ce monde, je pourrais peut-être te donner un premier avis en attendant ta rencontre avec Zanshi-Sensei ? Veux-tu bien excuser mon tutoiement à ton égard ? Je n'ai pas l'habitude de vouvoyer les personnes de mon âge... Si cela te gêne, je peux y remédier.

─ Hop là plus personne ne bouge !

Contrairement à la plupart des shinobis qu’il avait pu rencontrer depuis qu’il était redevenu actif, Kajirô aimait se voir attribué de missions présentées comme mouvementées. Le combat, les voyages tourmentés, le risque : sans certaines de ces choses la vie ne valait pas la peine d’être vécue ! Pour le Kawaguchi, c’était ça être un ninja. Et d’un côté, il n’avait pas totalement tort. Car un shinobi qui n’aimait pas combattre allait rarement loin.

Mais malheureusement, il ne pouvait pas toujours être satisfait. Déjà que la Kazekage lui avait donné un rôle des plus spéciaux, il devait aujourd’hui faire face à un problème légèrement plus récurrent : une mission « calme ». Car ouais, aller s’occuper d’une étrangère qui était arrivée à l’entrée du village était tout sauf une partie de plaisir. Hors de question de se battre, sous peine de déclencher un grand incident diplomatique. Car apparemment, cette inconnue venait du Shûkai, soit l’Alliance des Pays Neutres.

Wabla Eichi truc bidule était là. C’était une bonne chose que quelqu’un comme lui se soit présenté pour accueillir la fillette – car oui il s’agissait bien d’une fillette qui était venue en tant qu’émissaire apparente – mais heureusement pour lui, c’était le Kawaguchi qui était de corvée cette fois-ci. Il dévisagea la dénommée Samui Yuki de son unique œil.

─ Moi c’est Kajirô, on m’a demandé de m’occuper de toi personnellement. Du coup, si tu pouvais m’suivre, ça serait sympa.

Il alla chuchoter quelques mots à son compère : il pouvait retourner vaquer à ses occupations ou décider de suivre le balafré. Dans les deux cas, l’objectif était clair : il fallait faire voyager un peu la jeune kunoïchi et l’analyser un peu. Mais le problème c’était que l’analyse n’était pas la tasse de thé du Jônin.

Il engagea la marche et fit attention à ce que la membre de cette nouvelle alliance le suive. Sans vraiment la regarder, il la surveillait. Même si ce n’était pas ce qu’il aimait comme mission, hors de question de prendre les choses à la légère.

─ Zanshi, ou plutôt la Kazekage est un peu occupée en ce moment. Du coup, on va devoir marcher un peu. Si tu veux, tu peux me délivrer son message et blablater avec moi, mais si jamais tu veux à tout prix t’adresser à elle faudra attendre.

Sur quoi il se gratta un peu la tête, puis continua de marcher, gardant son œil gauche bien éveillé.

Une gamine, mais qu’est-ce que cette Alliance pouvait bien prendre au sérieux pour envoyer quelqu’un comme ça ? Le Triumvirat ? Jamais il n’en avait entendu parlé mais pourtant le Kawaguchi était obligé de considérer son invitée comme une membre à part entière. Mais il ne pouvait pas arrêter de se demander ce qu’elle était réellement au sein de sa grosse organisation. Jamais il n’avait entendu qu’un village ait envoyé un Genin dans une mission diplomatique, et même si au Shûkai ils ne suivaient sûrement pas le même plan de grade, elle ne pouvait pas être une novice. C’était peut-être idiot de s’attarder sur ce détail, mais Kajirô ne pouvait arrêter d’y penser.

Mais il devait se concentrer sur ce que la dénommée Samui Yuki avait à lui dire. Elle se comportait comme une fille qui découvrait un peu le monde : très polie, très mignonne. Et dire qu’il pourrait être son père… s’il avait été seul, le Kawaguchi n’aurait pas hésité à cracher en pensant à ça. Il était en train de traiter d’égal à égal avec une gamine. Cette mission était vraiment pourrie…

─ Ouais t’as vu c’est joli hein, c’est trop beau ! Y a pleins de trucs jolis, moi ma famille elle est très jolie !

Il ne put s’empêcher d’esquisser un rictus, puis essaya de retrouver son calme. Un marchand de sceaux d’eau passait par là. Et comme un bébé découvrant le monde, la jeune fille s’était exclamée.

─ Un marchand d’eau, faut dire que c’est rare les points d’eau par ici.

L’agacement commençait à l’emporter. Il voulait savoir à qui il s’adressait réellement. Etre en compagnie d’une fillette qui pourrait être sa fille et qu’il devait traiter presque comme une princesse commençait légèrement à l’écœurer. Si elle était là en tant qu’émissaire pour apaiser des tensions, elle devait en avoir un minimum dans le ventre.

─ Dis moi, je suis sûr qu’on n’enverrait pas n’importe qui, même pour le Shûkai. T’es quoi au juste ou plutôt, t’es qui au sein d’ton alliance ?

La messe était dite, et il se sentait soudainement soulagé. Cette question, il l’avait remuée dans tous les sens avant de la poser. Et bon dieu, ça lui faisait un bien fou.

hrp:

Mais c’était quoi cette nana ? Une fille des plus étranges et des plus gamines. Le problème c’était qu’elle jouait le jeu presque à la perfection. Car oui, elle faisait forcément de la comédie. Le Shûkai avait beau être tout récent, c’était tout simplement inimaginable qu’ils envoient une fillette comme ça. Même Kajirô en était persuadé, lui qui détestait réfléchir à ce genre de choses. Il était plus une arme qu’autre chose, un bourrin : la réflexion c’était pas pour lui, il laissait ça aux dirigeants. Mais là ça tombait sous le sens, on n’envoyait pas n’importe qui pour parler avec le Kazekage. A moins que ce soit une provocation ? C’était donc fait exprès ?

Le Kawaguchi se tamponna le crâne avec son poing, puis se décida à arrêter la torture de ses méninges. Il soupira, et regarda la gamine s’élancer pour aller acheter un vulgaire sceau d’eau. N’en revenant toujours pas, il regarda ailleurs, comme désespéré. Qu’est-ce que c’était que cette mission ? Il était désorienté. S’il n’y avait que lui en ligne de compte, il aurait viré cette enfant à coup de pieds dans le postérieur. Mais ce n’était pas possible. Alors que faire ?

Le pire n’était pas encore venu, car après ses petites emplettes inutiles, elle avait repéré une boutique de vêtements. Encore mieux, elle voulait que « Kajirô-san » l’aide à choisir ce qu’elle allait s’acheter. Et bien entendu, cela signifiait qu’elle n’allait apparemment pas répondre à l’unique question qu’il lui avait posée. Lui il était censé se taire et l’aider ? Non mais c’était un monde parallèle ou quoi ? Les yeux exorbités, il alla chercher la jeune fille.

─ Tu veux pas répondre à mes questions mais t’attends que j’joue le rôle de ta meilleure amie ? Nan mais t’as cru que j’étais qui ? Fini la rigolade !

Il l’agrippa par le bras comme un adulte le ferait pour une gamine – c’était d’ailleurs un peu l’image qui se passait – puis la traina hors du magasin.

─ On va y aller, chez Zanshi !

Direction le bureau de la chère Kazekage, dans le Palais du Triumvirat !