Setsuna laissa son regard vagabonder sur le paysage qui s'étalait devant elle. Une légère brise vint caresser son visage puis se perdre dans ses cheveux d'un noir de jais. Elle écarta machinalement une mèche rebelle de sa joue et la glissa derrière son oreille tout en étudiant les options qui s'offraient à elle. Ses interrogations tournaient principalement autours du petit village qu'elle pouvait distinguer à l'horizon et sur l'intérêt ou non de le rejoindre.

Cela faisait déjà quelques jours qu'elle avait quitté les rivages d'Hai no Kuni et pour le moment son voyage s'était déroulé sans anicroches. Peut-être parce que la jeune femme avait mis toutes les chances de son côté en évitant le contact avec les autres voyageurs. Elle avait évité les villages et les routes trop fréquentées pour ne pas devoir subir la compagnie d'autres personnes et jusque là ça lui avait plutôt réussi. Mais cette méthode avait ses limites! Spécialement lorsque l'on voyageait en terres inconnues...

Setsuna avait une idée plutôt précise de la géographie du continent grâce à ses diverses lectures mais les connaissances théoriques ne pouvaient remplacer l'expérience du terrain. Et si elle était pratiquement certaine de se trouver au pays de l'herbe, elle n'avait pas une idée précise de sa localisation. Rejoindre ce village pour demander des informations sur le meilleur chemin à emprunter pour rejoindre le Shotaichi devenait donc pratiquement indispensable. Elle n'aimait pas cette idée mais elle n'avait guère le choix finalement. Et puis Kusa no Kuni était un membre de l'alliance des pays neutre et avec un peu de chance elle pourrait obtenir des informations plus précises au sujet du Shûkai. La jeune femme mit donc ses appréhensions de côtés et soupira de résignation avant de poursuivre son chemin en direction des bâtisses.

Ses doutes quant à la justesse de son choix s'amplifièrent au fur et à mesure qu'elle se rapprochait du village. Redoutant que sa présence ne soit pas acceptée ou qu'elle soit perçue comme une menace, Setsuna hésita plusieurs fois à fléchir sa route pour éviter les habitations. Elle ralentit le pas en atteignant les premières d'entre elles et fut soulagée de constater que sa présence ne provoquait rien d'autre que des regards vaguement curieux. Un brin détendue mais toujours méfiante, la jeune femme évita soigneusement de croiser le regard des gens avec la ferme intention de ne pas se faire remarquer plus que nécessaire.

Elle s'accorda une courte pause dans un restaurant et questionna brièvement le serveur sur le Shûkai. Elle comprit rapidement que l'homme ne savait rien de très utile mais ce dernier lui indiqua en revanche qu'un membre de l'Ōdā se trouvait actuellement au village et qu'elle ferait mieux de s'adresser directement à lui si elle souhaitait des informations. Setsuna décida de suivre le conseil et partit donc à la recherche de l'intéressé. Elle le trouva finalement sur la place du marché et l'identifia pratiquement immédiatement grâce à la tenue blanche et au brassard rouge qu'il portait. La jeune femme n'hésita ensuite que brièvement avant de s'en approcher.

- "Tu es bien membre du Shûkai, n'est-ce pas?" l'interrogea-t-elle d'une voix neutre.

Setsuna était au fait des diverses conventions sociales que la bienséance commandait de respecter lorsque l'on s'adressait à quelqu'un. Mais elle n'était pas là pour faire connaissance et elle se fichait pas mal de savoir comment le shinobi en face d'elle se portait. Dès lors il était inutile de s'embarrasser de veines politesse qui ne constituaient rien de plus qu'une perte de temps.

La shinobi releva les yeux vers l'homme vêtu de blanc et se décida finalement à croiser son regard. Elle le détailla ensuite quelques instants avec un semblant d'intérêt. Il devait avoir plus ou moins le même âge qu'elle et des iris d'un rouge aussi vif que les siennes. Le teint pâle, les cheveux blonds et mi-longs, le jeune homme avait un physique plutôt avantageux. Mais Setsuna ne s'arrêta pas à ce genre de détail et reprit une nouvelle fois la parole:

- "Alors tu auras peut-être l'amabilité de me donner des informations sur cette alliance qui prétend vouloir restaurer la paix?"

Une esquisse de sourire aussi furtive que moqueuse fit son apparition au coin de ses lèvres sans que la jeune femme ne puisse la réprimer. Au fond d'elle Setsuna trouvait cette idée louable mais la voyait déjà vouée à l'échec. Elle se garda néanmoins d'exprimer ses doutes à ce sujet et attendit la réponse de son interlocuteur avec un air impassible sur le visage...

La Pays de l’Herbe, un pays mineur appartenant à l’Alliance. Comme son nom l’indique, ce territoire présente une végétation très dense. Cet environnement tropical avait occasionné la formation d’immenses jungles et autres forêts exotiques, rendant la zone difficilement habitable. La faune et la flore s’étaient considérablement développées et il n’était pas rare par exemple de croiser le regard perçant d’un serpent géant d’une centaine de mètres de long. Même si ces terres pouvaient sembler hostiles, la population indigène était parvenue au fils des années à dompter Dame Nature et se faire une place dans toute cette végétation.

C’est dans l’un des rares villages du pays qu’Aokiji avait dû se rendre afin d’accomplir une mission plutôt banale. Rien de bien méchant, juste un petit groupe de délinquants juvéniles qui semait le trouble depuis quelques temps dans les parages. Le Samui avait fait le déplacement seul et était parvenu à rétablir l’ordre dans cette petite cité, en ayant recours à des méthodes de persuasions pas très pacifistes. Même s’il ne s’agissait que de bandits mineurs, ils avaient pourtant fait preuve d’une certaine violence qui ne pouvait pas rester impunie. Quoiqu’il en soit, il avait été maitrisé et allait devoir payer pour les actes. Ces derniers n’étant pas d’une gravité trop élevée, ils allaient surement être réduits aux travaux forcés.

Une fois son devoir accompli, Aokiji décida tout de même de s’octroyer une bonne nuit de sommeil avant de prendre la route pour le Shozaichi. Il prit une chambre dans l’auberge du coin et se prépara à partir le lendemain. Cependant, rien ne pressait. C’était la première fois qu’il mettait les pieds à Kusa no Kuni. Il avait le temps de faire un peu de tourisme. Depuis qu’il avait intégré le Shûkai, il avait que rarement quitté la capitale. Il avait eu l’occasion de se rendre au Pays des Oiseaux lors d’une mission avec Kakeshuou et Asuna, mais à part de la végétation et un criminel de rang A furieux, il n’avait rien vu de bien intéressant.

Ici pour le coup, le Samui en prenait plein les yeux. Malgré l’atmosphère rustique qui se dégageait de ce petit village, le jeune homme était subjugué par l’architecture de celui-ci. Des bâtiments perchés dans des arbres immenses, des demeures quasiment bâties à l’intérieur des troncs. Il n’y avait pas à dire, les habitants de ce pays avait sans aucun doute réussi à s’adapter à cet environnement pour le moins exotique. Profitant de ses derniers instants dans les lieux, Aokiji décida de faire une hâte au marché avant de se mettre en route. Entre les épices en tout genre, des fruits et légumes tropicaux ainsi que d’autres œuvres artisanales fait à partir de bois ou de feuillages, le Genin ne savait pas trop quoi rapporter chez lui en souvenir. Il opta pour une magnifique sculpture d’une trentaine de centimètres taillée dans le bois, représentant de toute évidence un guerrier ou une divinité locale.

Alors qu’il achevait la transaction, une voix l’interpella. Il s’agissait d’une femme arborant une aura plutôt sombre. De longs cheveux noirs ainsi que des yeux rouges vifs venant se plonger dans ceux d’Aokiji arborant la même couleur. Elle semblait plutôt jeune mais le Samui ne semblait cependant être beaucoup plus âgé qu’elle. Qu’est-ce que cette belle jeune femme pouvait bien vouloir au Samui? Avait-elle une requête particulière ou simplement besoin de son aide ?

« Effectivement je suis membre du Shûkai. Je m’appelle Samui Aokiji et j’appartiens à la section de l’Oda. Tu veux des informations sur l’Alliance ? Je pourrais en effet t’en donné, mais j’aurais tout de même besoin de connaitre tes intentions… Et ton nom. »

Le jeune homme esquissa un sourire charmeur sans réellement le vouloir. Il n’avait pas l’intention de séduire la jeune femme mais il faut avouer que parfois son esprit pervers prenait le dessus.

Setsuna réfréna un soupire ennuyé en se rendant compte qu'elle n'allait pas obtenir des informations aussi facilement de la part de son interlocuteur. C'était plutôt logique après tout puisque ce dernier ne savait pas qui elle était ni les intentions qui pouvaient l'animer. Si la situation avait été inversée la jeune femme aurait sans doute réagi d'une manière similaire. Et puis c'était ainsi, on n'obtenait jamais rien sans rien! Il fallait simplement composer avec cette vérité...

- "Mes intentions ne concernent que moi et ne sont que de peu d'intérêt de toute façon..." répliqua-t-elle sans agressivité. "Toutefois sache que je ne représente pas une menace pour ce village, ses habitants ou le Shûkai. Ma présence est uniquement motivée par le désir de connaissance et en aucune façon par la volonté de causer des troubles..."

La shinobi se demanda un instant si le jeune homme en face d'elle se contenterait de cette réponse. Elle estimait que l'essentiel était dit et que le reste relevait de sa vie privée.

- "Quant à mon nom... Je m'appelle Nakatobi Asumi." ajouta-t-elle après un court de silence.

Ce nom ne lui dirait certainement rien puisqu'elle venait de l'inventer mais il suffirait sûrement à donner le change. De toute façon elle n'allait pas donner sa véritable identité à une personne dont elle ne savait pratiquement rien. Le fait qu'il soit membre du Shûkai ne signifiait pas qu'elle pouvait se fier à lui et sa méfiance naturelle lui commandait de rester sur ses gardes. D'autant plus qu'elle était pratiquement certaine d'avoir déjà entendu le nom de son interlocuteur quelque part. Si elle avait bonne mémoire, il s'agissait de l'un des clans les plus nobles de Kiri. Ou, plutôt, de ce qu'il restait du village caché...

- "Maintenant que j'ai répondu à tes interrogations j'espère que tu voudras bien satisfaire les miennes. Pour être honnête, tout ce que je sais du Shûkai provient de rumeurs et je suis simplement curieuse de voir si elles sont confirmées ou non."

Setsuna savait ce que tout le monde croyait savoir au sujet du Shûkai, à savoir que ses membres désiraient la paix. Mais elle désirait apprendre concrètement de quoi il en retournait. La plupart des nations et autres organisations n'avouaient jamais leurs véritables buts et les camouflaient derrière une moralité irréprochable. Si le Shûkai prônait la paix par devant, il pouvait tout aussi bien préparer la guerre dans l'ombre.

- "Ce qui m'intéresse, ce n'est pas ce que le Shûkai prétend être. Je veux savoir si toi, tu crois qu'ils œuvrent réellement pour la paix. Je veux dire... est-ce que tu as l'impression que ceux que tu sers cherchent vraiment la paix ou qu'il ne s'agit que de belles paroles?"

Elle marqua une courte pause et détourna le regard pour observer les alentours.

- "Dans un autre registre, j'aurais bien besoin d'indications pour rejoindre le Shotaichi. À supposer, encore, que tu saches comment t'y rendre..." ajouta-t-elle d'une voix neutre.

Si le jeune homme portait un nom réputé ça ne signifiait pas pour autant qu'il était compétent. Peut-être qu'il avait été affecté à la surveillance de ce village parce qu'il était jugé inutile dans les plans du Shûkai, allez savoir. Setsuna espérait simplement qu'elle n'était pas en train de perdre du temps inutilement avec une personne qui ne pourrait rien lui apporter...

Le petit sourire d’Aokiji disparut au fur et à mesure que la jeune femme lui faisait son petit discours. Cette dernière était froide et savait clairement ce qu’elle voulait. Elle devait pertinemment savoir que le Samui pouvait lui fournir certaines des informations dont elle avait besoin. Et pourtant elle ne semblait pas prendre de gants. Elle n’essayait même pas d’amadouer le jeune homme en le caressant dans le sens des poils afin que celui-ci se montre coopératif. Si elle était une espionne elle se serait prise surement de cette manière. Ces paroles sèches émoustillaient quelque peu Aokiji. Il aimait beaucoup quand les femmes lui parlaient avec fermeté. Cependant, derrière son discours affirmé, elle gardait un certain calme et une certaine nonchalance qui la rendait quelque peu insolente. Elle alla même jusqu’à sous-entendre qu’il ne savait même pas où se trouvait le Shozaichi. Quelle bassesse ! Le Genin ne savait pas trop comment réagir à cette petite insolente. Il décida dans un premier temps de l’envoyer balader.

« Ben voyons… Je vois que tu sais ce que tu veux mais je passe mon tour. Parler du Shûkai m’ennuie au plus haut point et j’ai autre chose à faire que de parler politique avec toi petite. »

Aokiji s’en alla donc en frôlant la jeune femme. Avait-il pris la bonne décision ? Il l’ignorait. Mais ce dont il était sûr c’est que cette Nakatobi Asumi était pour le moins intrigante. A vrai dire, elle lui rappelait lui-même il n’y a pas si longtemps. Peut-être que, tout comme lui, elle cherchait tout simplement une bouée, un point d’attache. Reconsidérant la situation, le Samui s’arrêta et laissa échapper un long soupir et se tourna vers la jeune femme.

« Asumi, c’est ça ? Finalement, on va dire que tu m’intéresses… Un peu. Je veux bien avoir une discussion avec toi mais pas au milieu de ce brouhaha. Viens avec moi. »

Aokiji invita Asumi dans un bar non loin de là qu’il avait fréquenté la veille. A cette heure de la journée il n’y avait pas grand monde et ce n’était pas plus mal. Tous deux prirent place sur une table discrète située dans le fond de l’établissement. Aokiji commanda du Saké et laissa son invitée faire son choix. Il ne savait même pas si elle était majeure, même si de nos jours les jeunes ignoraient les restrictions d’âge quand il s’agissait d’alcool. Quoiqu’il en soit, le Samui se retrouvait donc face à son interlocutrice attendant avec impatience les informations qu’il pourrait lui révéler. Bien entendu, il n’allait pas lui dévoiler tous les secrets du Shûkai, mais plutôt le discours politiquement correct pour le moment et on verra si elle s’en contentera.

« A en croire tes paroles, je suppose que tu as déjà pu recueillir un certain nombre d’informations sur l’Alliance. Pourtant si tu te trouves en face de moi aujourd’hui c’est que tu n’es pas encore convaincue. Je me trompe ? »

Aokiji marqua un temps d’arrêt et fixa Asumi. Il prit une gorgée de Saké et poursuivit.

« Pour être franc avec toi, je me contrefiche un peu de la paix. Depuis ma naissance je n’ai connu que la guerre. Elle m’a pris ma famille, mon village, mon pays. Je n’ai jamais connu « la paix » dont tu sembles aspirer tant. J’ai rejoint le Shûkai pour des raisons qui ne regardent que moi mais je peux t’assurer que ça n’a rien à voir avec la paix ou toutes ces conneries. »

Le jeune homme s’arrêta à nouveau, observant les réactions de son interlocutrice. Elle semblait très attentive. Ce sujet devait vraiment la captiver.

« Mais je vais te dire ce que je pense. Si c’est la paix que tu recherches, je te dirais que le Shûkai est surement la Nation qui est la plus à même de te l’offrir. Réussir à allier cinq pays n’est pas chose facile, surtout dans l’époque où nous vivons. Je peux clairement te dire que la paix est la priorité de l’Alliance. »

Aokiji prit une grande inspiration ainsi qu’une autre gorgée de Saké.

« Je crois t’avoir dit ce que tu voulais savoir non ? Maintenant à toi de m’éclairer. Pourquoi une personne une personne aussi jeune que toi aspire à de tels idéaux ? Que serais-tu prête à faire pour parvenir à la paix mondiale ? En fonction de ta réponse je verrais si je te conduis ou pas au Shozaichi… »

Un sourire s’afficha sur le visage du jeune homme alors qu’il prit une posture beaucoup plus décontractée attendant la réponse d’Asumi.

Le fait que le jeune homme n'apprécie pas ses remarques et refuse d'entrer dans une discussion sur le Shûkai n'étonna qu'à moitié Setsuna. Elle passa également sur le terme de "petite" qu'il utilisa pour la qualifier, estimant que ce n'était que la réponse du berger à la bergère. Après tout, elle avait sûrement dépassé les bornes en suggérant qu'il pouvait très bien ne pas connaître l'emplacement du Shozaichi. Elle resta donc immobile lorsque Aokoji la frôla alors qu'il faisait mine de s'éloigner sans toutefois apprécier que son espace personnel soit ainsi bafoué.

*Tu ferais peut-être mieux de t'excuser...* songea-t-elle sans toutefois parvenir à passer de la pensée aux actes.

Mais elle évita ce fastidieux travail diplomatique lorsque le jeune homme s'arrêta pour lui dire que finalement il acceptait d'avoir une discussion avec elle. Setsuna fronça imperceptiblement les sourcils en se demandant ce que ce revirement pouvait bien signifier. Pourquoi voulait-il qu'elle le suive ailleurs? Était-ce seulement pour éviter que des oreilles indiscrètes écoutent leur conversation ou cela cachait-il des desseins plus sombres? Autant de questions dont les réponses ne pouvaient être obtenues qu'en obtempérant...

- "Très bien, je te suis..." accepta-t-elle finalement après avoir pesé le pour et le contre. "Passe devant!"

Setsuna suivit le membre de l'Ōdā jusqu'à un bar en se disant qu'elle aurait préféré tomber dans une embuscade. Ce genre de lieu dédié à la vie communautaire ne l'attirait vraiment pas et c'était l'un des derniers endroit où elle aurait décidé d'avoir une discussion. Mais on obtenait rien sans rien et maintenant qu'Aokiji semblait disposé à lui parler du Shûkai elle ne pouvait pas vraiment se permettre de faire la fine bouche. Et puis plus vite la discussion serait expédiée et plus vite elle pourrait passer à autre chose et reprendre sa route. Gardant à l'esprit cette conclusion, elle entra à son tour dans l'établissement et rejoignit le Samui à une table isolée.

Elle commanda simplement de l'eau et jeta un vague regard au verre de saké que son interlocuteur avait décidé de s'offrir. Elle analysa soigneusement ce qu'il lui disait sans se départir de son habituelle impassibilité et attendit patiemment qu'il ait terminé. Elle prit ensuite une gorgée d'eau et savoura la douceur du liquide qui se déversait dans sa gorge avant d'observer attentivement son vis-à-vis.

- "Tu as raison lorsque tu dis que je ne suis pas convaincue par ce que j'ai appris du Shûkai, oui..." concéda-t-elle. "L'idée même d'une ligue de nations prêtes à tout pour instaurer une paix durable est tout à fait séduisante. Peu être un peu trop, justement... Et quand les choses semblent trop belles pour être vraies, la plupart du temps c'est que c'est effectivement le cas!"

Comment ne pas avoir de sérieux doutes alors que le Samui venait lui-même de lui annoncer quelques instants plus tôt qu'il se fichait pas mal de la paix? Si cet idéal n'était pas partagé par tous les membres du Shükai, quelles chances y avaient-ils que l'alliance atteigne ses objectifs? Pour la jeune femme ça ne faisait que confirmer les soupçons qu'elle avait. Toutefois elle se garda bien de les partager avec Aokiji, estimant que ça n'apporterait strictement rien à une discussion qu'elle espérait déjà aussi courte que possible.

- "Tu reconnais toi-même que réunir cinq nations sous un même drapeau n'a pas été chose aisée alors qu'en sera-t-il lorsqu'elles devront combattre côte à côte? Et si j'aimerais croire que les dirigeants du Shûkai ne sont motivés que par le bien commun, j'ai de la peine à croire que ce soit vraiment le cas. Ceci dit je pense que je te crois lorsque tu dis que c'est la nation la plus apte à défendre la paix..."

La jeune femme marqua une pause et reprit une gorgée d'eau en appréhendant la suite de la conversation. Il était temps de répondre aux questions qu'Aokiji lui avait posées mais le problème c'est qu'elle aurait de la peine à le faire sans révéler une partie de son passé. Il n'avait rien d'exceptionnel en soi puisque la plupart des jeunes de sa génération avaient connus la guerre. Mais l'exercice était compliqué pour Setsuna qui avait toujours eu de la peine à parler d'elle-même. Mais, encore une fois, elle devait faire des concessions si elle désirait en apprendre plus encore sur le Shûkai.

- "Quant à mes idéaux... Qu'est-ce qui te fais croire que le but que je recherche est la paix? Ce n'est pas parce que je m'intéresse au Shûkai que je partage ses opinions!" reprit-elle sur un ton entendu. "Mais en admettant que ce soit bien mon objectif, je ne vois pas en quoi mon âge est important. Tu es bien placé pour savoir que la guerre n'épargne pas la jeunesse. Il faut composer avec, c'est inévitable. Mais ça ne signifie pas pour autant qu'on doive l'accepter!"

Cette réponse n'en était pas vraiment une et elle en était consciente. Mais, encore une fois, Aokiji devrait sans accommoder.

- "En ce qui concerne tes autres questions..." hésita-t-elle. "Disons que pour parvenir à une paix digne de ce nom je serais prête à faire brûler des villages entiers sans la moindre hésitation. J'imagine que ce n'est pas la réponse que tu voulais entendre mais c'est celle qui s'approche le plus de la vérité..."

Elle termina son verre d'un geste élégant en se demandant si elle venait de saborder ses chances d'être menée au Shozaichi.

- "Alors, ta décision? Tu me mènes au siège de l'alliance où je t'offre un autre verre de saké pour te rendre plus docile?" le questionna-t-elle avec mélange d'humour et d'indifférence. "J'imagine d'ailleurs que la seconde option ne te dérangerait pas puisque mélanger alcool et travail ne semble pas te poser le moindre problème..."

Si cette dernière phrase avait été prononcée d'une voix aussi monocorde que d'ordinaire, il était toutefois facile d'y discerner de la désapprobation...

Ce petit bout de femme devait en avoir vécu des choses pour faire preuve d’une telle maturité. Elle était de toute évidence de la même génération qu’Aokiji. Elle également dû vivre la grande guerre. Elle nia vouloir absolument chercher la paix, pourtant ses paroles laissaient le jeune homme perplexe. Toute cette réflexion autour du Shûkai et de ses réelles intentions ne l’intéressait guère. Il n’avait plus grand-chose à apporter à ce débat. Asumi était déjà clairement arrivée à ses propres conclusions. Et étant donné la perspicacité dont elle avait pu faire preuve, Aokiji était certain qu’elle finirait par trouver les réponses qu’elle attendait tant. Cependant, le Samui ne les avait pas et ils n’avaient pas ni l’envie ni la motivation de se joindre à elle dans cette quête. Ce n’était pas la voix qu’il avait décidé de suivre. Néanmoins, qui était-il pour mettre des bâtons dans les roues de cette vagabonde ? Ses intentions étaient nobles, du moins d’après ce qu’il avait pu observer. Il décida donc de lui apporter son aide. Une fois qu’elle eut terminé, Aokiji reprit alors la parole.

« Alcool et travail ? Tu me vexes là. J’avais l’espoir que notre petit tête à tête était d’un registre plus intime que celui du travail. »

Il afficha un sourire moqueur teinté de cynisme et fini son dernier verre de Saké. Il fouilla ensuite dans sa poche et y sortit un billet qu’il déposa de suite au centre de la table. Il se leva puis fit quelques étirements. Mine de rien, leur petit échange avait pas mal duré. Le ninja se tourna alors vers Asumi et prit alors un air beaucoup plus sérieux.

« Par contre, je dois avouer être un peu déçu par ta dernière réponse. Je ne t’imaginais de ceux qui pensent que la réponse à la violence était la violence elle-même. N’est-ce pas à cause de ce genre de réflexion que le monde se trouve dans cette situation aujourd’hui ? Enfin bon, je pense qu’on en a fini pour aujourd’hui. Je ne peux rien te dire de plus, le reste tu devras le découvrir par toi-même… Quand nous arriveront au Shozaichi. »

Oui, le Genin avait décidé de satisfaire la demande de la jeune femme. Cette dernière fut quelque peu surprise par une telle décision mais Aokiji n’avait qu’une parole. Il se dirigea donc vers la sortie laissant le temps à Asumi de digérer la nouvelle.

« Mais que les choses soient claires. Quand nous arriverons à la capitale, tu devras te débrouiller seule. J’ai autre chose à faire que de te servir de chaperon. Je pourrais tout au plus essayer de t’arranger une rencontre avec l’un de mes supérieurs, mais je peux rien te garantir. »

Le jeune homme se tourna alors vers elle et afficha un large sourire en tendant la main vers sa nouvelle compagne de route.

« Prête ? On peut y aller ? »

Même s’il ne voulait pas l’admettre, cette Nakatobi Asumi avait réussi à le toucher. Ils s’apprêtaient maintenant tous les deux à faire la route jusqu’au Shozaichi. Un voyage de plusieurs jours où les deux individus allaient devoir supporter la présence de l’autre…

Setsuna ne sut pas vraiment comment réagir lorsque Aokiji lui fit remarquer qu'il pensait que leur rencontre ne relevait pas uniquement du travail. Elle se contenta de hausser un sourcil avec scepticisme en se demandant s'il se fichait d'elle ou s'il était sérieux. La noiraude n'était vraiment pas douée pour les rapports sociaux et avait toujours de la peine à distinguer les plaisanteries des simples vérités. Et puis ce genre de situation la mettait mal à l'aise...

Elle fut donc ravie de changer de sujet lorsque le jeune homme lui dit qu'il avait été déçu par sa dernière réponse. Elle haussa simplement les épaules pour montrer qu'elle ne faisait pas grand cas de son avis avant de se pencher sur la question qu'il venait de soulever en arguant grosso-modo que la violence appelait la violence. Difficile de lui donner tort sur ce point...

- "La violence n'est peut-être pas la réponse la plus adaptée à la guerre, c'est vrai. Mais c'est un langage universel qui a au moins le mérite d'être efficace! Bien maniée, je suis convaincue qu'elle peut être un outil puissant au service de la paix. Sinon le plus puissant..."

Elle le regarda ensuite se diriger vers la sortie et attendit quelques instants avant de le rejoindre. Elle se demanda un instant si elle n'avait pas rêvé et s'il allait bien la mener au Shozaichi. Lorsque ce dernier ajouta qu'elle devrait se débrouiller seule une fois sur place, elle comprit qu'elle avait bien entendu la première fois. Elle se sentit néanmoins vexée lorsqu'il ajouta qu'il n'allait pas perdre du temps à la chaperonner. La jeune femme fit son possible pour rester stoïque mais ne put s'empêcher de lui décocher un regard noir.

- "Si c'est ça qui te dérange tu peux être rassuré: je ne compte pas t'imposer ma présence plus que nécessaire..." l'inverse était vrai également... "Quoi qu'il en soit je suppose que je devrais te remercier pour l'aide que tu m'apportes même si je ne vois pas vraiment ce qui t'as convaincu d'accepter ma requête. Enfin... Merci, donc!" fit-elle avec nonchalance.

Mais si la jeune femme savait faire preuve de courtoisie il ne fallait pas non plus trop en demander. Elle jeta donc un vague regard à la main qu'Aokiji tendait vers elle avant de purement et simplement l'ignorer. La noiraude le trouvait plutôt sympathique à sa grande surprise mais ça se limitait à ça pour l'instant. Et la dernière chose que Setsuna désirait, c'était bien créer des liens avec quelqu'un qu'elle ne reverrait sans doute jamais après son arrivée au Shozaichi. Elle se promit toutefois de faire de son mieux pour se montrer agréable. Si elle devait passer quelques jours en sa compagnie il valait mieux faire en sorte que les choses se passent bien. Elle avait besoin de ses indications pour rejoindre la destination qu'elle s'était fixée ce qui n'était pas son cas. Il valait donc mieux le ménager...

Setsuna prit ensuite la tête du duo comme pour répondre à son compagnon improvisé de voyage lorsque ce dernier lui demanda si elle était prête à partir. Elle fut ensuite envahie d'une certaine appréhension en se disant qu'elle allait devoir passer plusieurs jours en compagnie d'une autre personne. Même une personne aussi intrigante qu'Aokiji...

Elle resta silencieuse jusqu'à ce que le village disparaisse de leur vue avant de ralentir un peu son allure pour se mettre à hauteur du blond. Quelque chose la tracassait et elle voulait en avoir le coeur net:

- "Dis, tu m'expliques? Tu m'as avoué tout à l'heure que tu te fichais pas mal de la paix alors pourquoi est-ce que tu portes les couleurs du Shûkai? Tu ne savais pas quoi faire de ta vie ou tu es simplement trop faible pour suivre ta propre voie?"

Setsuna regretta d'avoir posé cette question au moment même où le dernier mot franchit ses lèvres. Ou, plutôt, de ne pas l'avoir embellie avec un minimum de tact... Mais elle avait de la peine à comprendre les motivations d'Aokiji et ça avait le don de l'intriguer. Ne restait plus qu'à espérer que l'autre se concentrerait sur le fond et non sur la forme...

Les deux compagnons de route avaient donc prit la direction de Tsuchi no Kuni. En effet, le Shûkai avait choisi ce pays pour y installer sa capitale et avait réussi à rallier la majorité des autres pays frontaliers à leur cause. L’Alliance s’était assuré de bénéficier du maximum de soutien possible afin de pouvoir rivaliser avec les autres Nations, qui elles étaient beaucoup plus anciennes et expérimentées.

Avançant dans une jungle à la végétation dense et exotique, cela faisait déjà plusieurs minutes qu’ils avaient laissé le petit village où ils s’étaient rencontrés. Le voyage s’annonçait déjà assez pénible et silencieux. Aucun d’entre eux ne semblait vouloir prendre la parole. Asumi s’était positionné en tête de fil, surement pour éviter à avoir à croiser le regard du jeune homme. D’ailleurs, cela fit un peu rire ce dernier, car en y réfléchissant bien, elle n’avait aucune idée de la direction à prendre. Aokiji ne fit cependant aucune remarque, observant la situation avec humour. A vrai dire, elle ne semblait pas avoir pris une direction si éloignée de celle que le Samui comptait prendre. Mais il savait qu’il allait devoir très vite reprendre la tête du groupe s’il ne voulait qu’ils se perdent et prennent 10 000 ans pour arriver à destination.

Soudain, la vagabonde ralentit et recula afin d’arriver au niveau du jeune homme. Qui l’aurait cru ? Se sentait-elle un peu seule à l’avant ? A vrai dire, elle voulait simplement discuter. Alors qu’Aokiji eut la naïveté de penser que le sujet était clos, Asumi revint à la charge et remit sur le tapis une remarque que le Genin avait fait un peu plus tôt. D’ailleurs, toujours fidèle à elle-même, elle ne manqua pas de lancer un nouveau pique à son compagnon de voyage. Même s’il tenta de le cacher, ce sujet était assez délicat pour lui. Son enfance, la guerre, son exil puis son intégration du Shûkai, il n’en parlait que très rarement. Donc lorsque la jeune femme lui fit la remarque, il réagit de manière plutôt agressive.

« Ce ne sont pas tes oignons. Je n’en ai rien à foutre de ce que tu penses de moi. Maintenant ferme-là et avance ! »

Un silence s’installa alors qu’Asumi devait surement être confuse par la réaction du jeune homme. Celui-ci accéléra donc le pas et se positionna à son tour en tête de fil. Un froid s’installa alors entre les deux individus et ce ceci dura jusqu’au coucher du soleil. Plusieurs heures s’étaient écoulées et aucun d’entre eux ne s’était adressé la parole. Aokiji était d’ailleurs surpris que la jeune femme soit restée à ses côtés. Elle devait de toute évidence vraiment vouloir se rendre au Shozaichi. Le Samui brisa cependant le silence pour lui proposer de faire une pause étant donné que la nuit était sur le point de tomber. Ils repartiraient le lendemain à l’aube mais avant tout il leur fallait se reposer aussi bien physiquement que mentalement. Le duo s’arrêta donc aux abords d’une petite rivière où ils purent se désaltérer. Aokiji alluma un feu et tous deux vinrent s’y réchauffer.

Le silence était toujours de rigueur. L’orgueil de chacun devait surement les travailler car aucun parti ne semblait vouloir réagir à la situation. A vrai dire, le jeune homme y avait réfléchi toute la journée et reconnaissait avoir été un peu dur avec elle. Il était très sensible sur le sujet et se renfermait très vite sur lui-même quand il s’agissait de parler de son passé. Mais il fallait crever l’abcès.

« La liberté… »

Ces mots retentirent alors qu’Aokiji faisait mine de réfléchir à haute voix. Mais en fait il était bel et bien entrain de répondre à l’interrogation d’Asumi.

« J’ai rejoint le Shûkai car j’avais tout simplement envie de quitter l’enfer où je vivais. Durant mon adolescence j’ai été envoyé à Yuki no Kuni contre mon gré. J’y étais coupé du monde, de ma famille. Le plus drôle dans tout ça, c’est que cet exil a justement été orchestré par un membre de ma propre famille. Je possède peut être un nom célèbre et noble, mais l’envers du décor est tout autre. Malgré cela, durant toutes ces années, j’avais tout de même l’espoir de les retrouver un jour. Mais lorsque Kiri a été détruit, j’ai perdu la seule chose qui me donnait encore l’envie de vivre. Paradoxalement, je perdis également la seule chose qui me maintenait au Pays de la Neige. Mon clan s’étant rallié au Shûkai, j’ai vu en cette alliance un moyen de quitter cet enfer gelé et démarrer une nouvelle vie… »

Aokiji marqua un temps d’arrêt afin de reprendre son souffle. Il laissa échapper un léger soupir et poursuivit en lever la tête vers le ciel.

« Je ne voulais pas errer comme toi. Vivre au jour le jour à rêver de ce que je pourrais ou aurait pu accomplir. Je cherchais certes la liberté mais surtout l’acceptation de mes pairs. Aujourd’hui avec le Shûkai j’ai enfin trouvé ce à quoi j’aspirais depuis mon enfance… »

Cela lui faisait bizarre de reparler de tout ça, surtout face à cette fille qu’il connaissait à peine. D’un autre côté, cela lui faisait un peu de bien. Il avait vraiment pris conscience de son parcours et à quel point il se sentait épanoui aujourd’hui.

« Je pense avoir répondu à ta question… Et… Hum… Désolé pour tout à l’heure. Je me suis laissé emporter. »

Le Samui prononça ses paroles assez gêné par la situation. Mais il était tout de même soulagé d’avoir pu mettre les choses au clair. Cependant, quelque chose le dérangeait.

« Et toi tu viens d’où et que recherches-tu réellement ? »

La jeune femme savait qu'elle n'était pas douée pour communiquer avec ses semblables mais la réaction d'Aokiji lui semblait tout de même disproportionnée. Peut-être qu'elle l'avait poussé à bout finalement mais quelque chose lui disait qu'elle avait plutôt touché un point sensible. Toutefois il avait raison quand il disait que ce n'était pas ses oignons. Setsuna oublia donc l'idée d'en apprendre plus à ce sujet tout en décidant d'ignorer le ton particulièrement agressif de son compagnon de route.

*Tu l'as bien cherché après tout...*

Ils ne s'adressèrent plus la parole jusqu'à ce que le jour décline. La shinobi accepta d'un signe de tête la proposition de faire une pause et ils choisirent un endroit aux abords d'une rivière pour passer la nuit. Une fois qu'ils furent désaltérés elle laissa ensuite le soin au jeune homme d'allumer un feu. Elle hésita un bref instant à lui proposer son aide d'autant plus qu'elle aurait pu allumer aisément le foyer grâce à son affinité avec le Katon. Mais elle n'avait pas oublié le ton incisif que ce dernier avait utilisé quelques heures plus tôt et elle n'allait certainement pas faire le premier pas. Et puis le silence ne la dérangeait pas, bien au contraire...

Pendant qu'Aokiji s'affairait à créer un feu digne de ce nom Setsuna en profita donc pour aller se baigner dans la rivière un peu en amont, à un endroit où la flore exotique de Kusa no Kuni la cachait des regards indélicats. Après s'être accordée quelques minutes de détente dans l'eau elle revint vers le Samui et prit place autours du feu, face à lui. Elle lui décocha un vague regard curieux avant de contempler les flammes qui s'élevaient en crépitant vers les cieux puis les braises ardentes à la base du feu. La noiraude repensa à Hai no Kuni et à ses volcans majestueux et se surprit à ressentir une certaine mélancolie...

- "La liberté…"

Setsuna fut tirée de ses pensées par la phrase du jeune homme et leva doucement son regard incandescent vers lui. Elle l'écouta ensuite parler avec attention et sans l'interrompre. Lorsqu'elle lui avait demandé pourquoi il avait rejoint le Shûkai s'il se fichait de la paix, la noiraude cherchait surtout à assouvir sa curiosité. Mais elle n'avait jamais pensé que leurs histoires respectives pouvaient avoir de similitudes. Elle le dévisagea un instant avec un nouveau regard avant de reporter son attention sur le feu.

- "N'en parlons plus d'accord?" répondit-elle sur un ton se voulant détaché. "On ne peut pas dire que j'ai été un exemple de politesse non plus!"

Elle hésita longuement avant de se décider à répondre aux questions de son compagnon de route. Il avait été honnête avec elle et avait en plus fait l'effort de renouer le contact. Peut-être qu'une fois, rien qu'une fois, elle pouvait essayer de s'ouvrir un peu. Et puis elle n'était pas obligée de tout lui raconter non plus...

- "Quand je te disais que je recherchais la paix je ne mentais pas tu sais? C'est bel et bien mon objectif!" fit-elle en commençant par répondre à la deuxième question avant de se concentrer sur la première: "Je suis issue d'un clan qui a tenté de rester neutre pendant la guerre qui a ravagé le monde Shinobi avant la fondation des villages. Ce fut un véritable échec et la guerre nous a rattrapé..."

Parler de son passé faisait automatiquement remonter en elle des souvenirs qu'elle aurait préféré oublier mais maintenant qu'elle avait commencé il était trop tard pour faire marche arrière. Le mal était fait...

- "J'ai survécu en fuyant avec ma mère sur Hai no Kuni où on a retrouvé son propre clan. J'ai pu grandir dans une relative sécurité jusqu'il y a peu, quand les villages ont attaqué Gogyou Makka. Je le savais déjà mais c'est là que j'ai pris conscience qu'il ne servait à rien de fuir la guerre, qu'il fallait la combattre avec violence et cruauté pour avoir une chance de la vaincre. Le reste tu le connais, j'ai quitté l'île et le reste de ma famille avec l'intention d'en apprendre plus sur le Shûkai. Et pour être honnête je ne suis pas vraiment convaincue par ce que j'en ai vu pour le moment..."

D'un autre côté elle avait tout de même une meilleure opinion de l'alliance grâce à Aokiji. Mais elle n'allait certainement pas le lui faire remarquer sans quoi il essaierait sans doute de la persuader de rejoindre son camp. Et puis elle n'était pas du genre à faire des compliments...

- "Dis-moi, tu n'as pas essayé de te venger pour ce que ton clan t'a fais subir? Un exil, ce n'est pas rien quand même... Tu as tenté un coup d'état ou quoi?"

Setsuna se renfrogna presque immédiatement après posé cette question. Qu'est-ce qu'il lui prenait de chercher à sympathiser tout d'un coup? Elle se rappela que les liens de toutes sortes étaient des faiblesses et se mura une nouvelle fois dans l'impassibilité qu'elle se faisait un devoir d'arborer en toute circonstance. Un nouveau silence menaçait de s'installer quand le bruit d'une branche qu'on écrase se fit entendre en provenance de l'autre côté de la rivière.

La shinobi réagit au quart de tour et se redressa d'un coup, un kunaï dans la main droite. Elle scruta les environs pour tenter de discerner la chose ou la personne à l'origine de ce bruit mais la nuit qui était désormais tombée n'offrait pas la possibilité d'y voir très loin...

- "Est-ce qu'on doit s'attendre à de mauvaises surprises dans le coin?" demanda-t-elle au jeune homme sans quitter l'endroit d'où le bruit s'était élevé.

Au lieu de lui poser des questions sur son vécu, elle aurait mieux fait de se renseigner sur les dangers potentiels dans la région...

Comme Aokiji l’imaginait, la jeune femme n’était pas devenue une errante par hasard. Bien qu’elle différait de celle que Samui, son histoire expliquait assez le comportement qu’elle avait pu avoir depuis leur rencontre. Après leur échange, le Genin eut l’impression qu’il avait désormais en face de lui une toute autre personne. Une personne qu’il pourrait, eh bien, apprécier. Il était de toute évidence trop tôt pour la considérer comme une amie, surtout que cela ne faisait même pas 24 heures qu’ils avaient fait la connaissance l’un de l’autre. Quoiqu’il en soit, il commençait à la trouver beaucoup moins pénible à supporter et cela ne pouvait annoncer que du positif pour la suite de leur voyage.

Maintenant que la communication fut rétablie, les deux individus continuèrent donc à échanger et la question sur son exil fut inévitablement posée. Il s’agissait également d’un sujet sensible. Aokiji parlait quasiment jamais de sa belle-mère Kumiko. En effet, tout était de sa faute. C’était elle qui avait fait en sorte d’envoyer le jeune homme à Yuki no Kuni afin de l’éloigner de sa famille. Le fantôme de cette femme, qui avait surement dû périr durant la destruction de Kiri, le  hantait toujours. Il avait toujours cette désagréable impression qu’elle l’observait sans arrêt et que s’il avait le malheur de prononcer son nom, elle réapparaitrait de suite devant lui tel un esprit démoniaque.

Pour le coup, Aokiji se retrouvait face à un dilemme. Sa paranoïa semblait avoir refait surface. Peut-être que cette prétendue Asumi était elle aussi à la botte de Kumiko. En y réfléchissant, elle entra dans sa vie de manière pour le moins subite. Il y avait des centaines d’agents du Shûkai qui devait parcourir l’immense territoire de l’Alliance. Pourquoi avait-t-il fallu qu’elle tombe spécialement sur lui ? Alors qu’il était perdu dans ses pensées, un léger silence s’installa. Très vite, celui-ci fut perturbé par un étrange bruit qui semblait provenir de l’autre côté de la rivière. La vagabonde se leva presqu’instantanément. Kunai à la main, cette petite semblait avoir les réflexes d’une vraie Kunoichi. Le jeune homme se leva à son tour, beaucoup plus calmement mais il restait néanmoins sur ses gardes. Soudain, une ombre jaillit à toute vitesse hors d’un buisson et se dirigea tout droit vers le duo. Bondissant chacun à l’opposé de l’autre, ils parvinrent sans trop de mal à esquiver cette chose qui venait de s’enfoncer dans le sol non loin de leur feu de camp. Eclairé par la lueur des flammes, Aokiji pu voir de quoi il s’agissait.

« Qu’est-ce que… ? Des cheveux ? Cela voudrait dire que… »
« Oh ? Tu as compris assez vite. Je n’en attendais pas moins d’un soldat de l’Alliance. »

De l’autre côté de la rive, deux hommes firent leur apparition. La mèche de cheveux qui avait attaqué le duo se rétracta alors dans la chevelure de l’un d’entre eux.

« Cette technique. Vous faites partie du clan Tôhatsu ! »
« C’est exact petit. »
« Vous avez remarqué que j’appartenais à l’Alliance, dans ce cas pourquoi nous attaquez-nous ? Votre clan s’est allié au Shûkai et je sais que vous avez un sens de l’honneur légendaire. Je ne manquerais pas de signa… »
« Hé ho on se calme ! Ce n’était pas toi que je visais mais la fille qui t’accompagne. Tu ne nous en veux pas, mais on a écouté vos petites histoires. On ne te veut rien à toi. Nous respectons notre alliance avec le Shûkai. Mais en revanche nous n’avons aucune obligation envers cette petite fugueuse. Nous ne voulons pas lui faire du mal, juste la dépouiller. Dis chérie, t’as combien sur toi ? Hi hi hi ! »
« La ferme ! Elle est avec moi. Maintenant foutez-nous la paix et retournez vous occupez de votre brushing ! »
« Un soldat qui s’allie à une errante ? T’es con ou simplement naïf ? Si ça se trouve c’est une espionne ! A moins que tu ne sois un traitre toi aussi ! »

A ces paroles les deux hommes bondirent en direction du duo, bien décidé à passer à l’action. La confrontation semblait inévitable. Aokiji avait pris un engagement auprès de la jeune femme, il ne pouvait pas simplement l’abandonner ici. Il allait devoir riposter, mais comment Asumi allait-elle réagir ?

Des cheveux? C'était quoi ce délire? Setsuna ne comprenait pas vraiment ce qu'il se passait et qui étaient ces mystérieux agresseurs mais Aokiji, lui, semblait avoir une petite idée sur la question. Et il avait tapé dans le mille puisque rapidement deux hommes firent leur apparition de l'autre côté de la rivière, dans la lumière vacillante du feu. Comme bien souvent et sans qu'elle ne s'en rende compte, la noiraude inclina légèrement la tête de côté comme pour mieux analyser la situation.

*Serait-ce ces fameux manipulateurs de cheveux dont parlent les livres?*

La jeune femme laissa Aokiji converser avec les deux intrus, peu désireuse d'engager un dialogue qu'elle voyait déjà voué à l'échec. Elle se contenta simplement de répondre par un sourire froid à l'homme qui lui demandait combien elle avait d'argent sur elle tout en se permettant de l'appeler chérie. Elle ne s'en offusqua pas mais fut en revanche surprise lorsque Aokiji prit sa défense en tentant jusqu'au bout d'éviter l'affrontement. La noiraude tourna un regard intrigué vers le jeune homme. Était-il vraiment prêt à se battre contre un clan allié au sien juste parce qu'elle était "avec lui"? Qu'est-ce que ça cachait? Elle n'eut pas le temps de creuser davantage la question, les deux autres décidaient déjà de passer de la parole aux actes.

- "Et après on se demande pourquoi je me méfie du Shûkai et de ses membres..." soupira-t-elle, plus pour elle-même que son allié.

Elle avait à peine terminé sa phrase que l'un des deux intrus était sur elle. Elle se pencha en arrière pour éviter un coup de pied circulaire avant de bloquer une seconde attaque avec sa paume. Setsuna tenta une contre attaque mais son pied ne rencontra que le vide à l'endroit où son adversaire aurait du se trouver. Un mouvement à l'extrémité gauche de son champ de vision l'avertit d'un danger mais il était déjà trop tard. Les cheveux de l'assaillant se séparèrent en plusieurs tentacules qui s'abattirent simultanément sur elle. La jeune femme parvint à en éviter certaines et à en bloquer ou dévier d'autres mais elle ne put pas toutes les contenir: une mèche lui lacéra la joue avant de revenir à la charge une nouvelle fois dans son dos. Setsuna se baissa in extremis avant de faire un bond en arrière puis se réceptionner à environ trois mètres de son adversaire.

La noiraude passa le revers de sa main sur sa joue d'un geste nonchalant et posa brièvement le regard sur le sang qu'elle y trouva. L'autre en profita pour lâcher un petit rire amusé qui se transforma bien vite en sourire vicieux.

- "Tu me donnes tes biens ou je continue d'abîmer ce joli visage? Ça ne sert à rien de lutter, tu ne fais que retarder l'inévitable!"

La jeune femme était plutôt dans une mauvaise situation, c'est vrai. Le Tôhatsu semblait savoir se dissimuler dans les ombres et était bien meilleure qu'elle au corps à corps. De plus la faible luminosité ne l'aidait pas lorsqu'il s'agissait de déceler les cheveux de son adversaire. De plus elle estimait que le niveau de ce dernier était légèrement supérieur au sien. Tous ces détails mis bout à bout ne laissaient pas présager d'une issue heureuse à ce combat. Mais le terrain, en revanche, offrait un avantage à la noiraude.

- "Tu es tellement aveuglé par l'appât du gain que tu as oublié deux détails d'importance." lâcha-t-elle d'une voix douce en levant un doigt. "De un, tu n'as même pas envisagé que tu puisse perdre ce combat. L'arrogance a conduit bien des ninjas à la mort!"

Le Tôhatsu répliqua par un rire moqueur avant d'enfoncer de longues mèches de cheveux dans le sol. Setsuna les évita de justesse lorsqu'elle perforèrent le sol à l'endroit où ses pieds auraient du se trouver. Elle enchaîna trois bonds successifs pour éviter ces attaques souterraines avant que son adversaire reprenne ses attaques à l'air libre. Mais cette fois les cheveux n'étaient plus tranchants comme des rasoirs et ressemblaient davantage à des serres. Setsuna évita les deux premières avec ses mains mais les autres s'enroulèrent autours de ses bras et ses cuisses. Elle réprima un cri lorsque les griffes de ces serres capillaires s'enfoncèrent dans sa peau.

L'autre semblait encore une fois trouvé la situation amusante et arborait l'air réservés aux vainqueurs. Il l'attira lentement à lui en rétractant ses cheveux tout en se délectant de la situation.

- "Alors on fait moins la maline maintenant hein Mademoiselle-je-donne-des-leçons!?" se moqua-t-il. "Alors? C'est quoi ce fameux deuxième détail que j'ai oublié, chérie? Qu'il ne faut pas t'embêter ou une connerie dans le genre?"

- "Non! Que les cheveux, ça brûle!"

Setsuna laissa juste le temps à son adversaire de comprendre les aboutissants de cette déclaration et raffermit sa prise sur les deux serres qu'elle avait attrapé avec les mains lors du dernier assaut de ce dernier. Un sourire mauvais vint prendre place sur ses lèvres tandis qu'elle se surprenait à ressentir du plaisir. Profitant du peu de mobilité qu'il lui restait, la noiraude enchaîna quelques mudras aussi vite qu'elle le pouvait.

- "Katon; paumes incendiaires!" cria-t-elle.

L'intérieur de ses mains s'illuminèrent lorsque deux flammes de taille modestes y firent leur apparition. Le Tôhatsu avait comprit ce qui le guettait et il fit son possible pour rétracter ses cheveux avant que la jeune femme puisse s'en saisir. Mais il était trop tard: elle agrippa à pleines mains la crinière de son adversaire et le feu commença aussitôt à se propager. L'homme se mit à crier de douleur et courut jusqu'à la rivière. Non sans contre-attaquer...

Deux mèches de cheveux jaillirent de l'herbe dans laquelle elles s'étaient faufilées et frappèrent à hauteur d'épaule. Elle réussit à en éviter une en se penchant légèrement sur le côté mais la seconde trouva sa cible. Elle trancha dans la peau à hauteur d'épaule et une nouvelle fois Setsuna sentit son sang chaud lui couler sur la peau. La noiraude posa une main sur sa blessure, contrariée, et observa le Tôhatsu ressortir de la rivière. Le feu avait fait son office mais ne s'était pas montré aussi efficace qu'elle l'avait espéré. Le voleur avait encore plus de la moitié de ses cheveux et l'air qu'il affichait ne laissait aucun doutes quant à ses intentions...

- "Je crois que je hais ce pays..." soupira-t-elle.

La jeune femme s'autorisa un bref regard du côté de Aokiji pour voir comment la situation évoluait de son côté...

Un contre un ? Le code d’honneur des Tôhatsu semblait s’appliquer même dans les situations les plus insolites. Aokiji ne connaissait pas le niveau actuel de sa compagne de voyage. Il lui était impossible d’évaluer son niveau pour l’instant mais cette petite altercation avec ces deux individus allaient lui permettre de voir de quoi elle était capable. Il avait pu noter qu’elle possédait des réflexes intéressants et semblait vive dans ses actions mais également vive d’esprit. Mais pour l’instant, l’heure n’était pas vraiment à l’observation. L’adversaire du jeune homme s’approchait dangereusement de lui. Ce n’était donc pas le moment de rêvasser.

Le Tôhatsu agita sa chevelure, comme il savait si bien le faire, et forma deux larges poings prêts à écraser tout sur leur passage. Les compétences du Samui en Taijutsu étaient déjà limité en temps normale donc il n’avait aucun moyen de faire face à cette technique en restant aussi près de son adversaire. Il fit un premier bond en arrière afin d’esquiver le premier assaut de celui-ci. L’homme enchaina ensuite avec un deuxième coup de poing qui vint fracasser le sol alors que le Samui effectua une autre pirouette vers l’arrière. Mais le Tôhatsu n’en avait pas fini pour autant. Une mèche de cheveux jaillit de la dernière attaque de l’ennemi et agrippa sans toutes attentes le pied d’Aokiji. Une fois attrapé, l’homme projeta le shinobi de l’Oda contre un arbre se trouvant quelques mètres plus loin. Il parvint néanmoins à se réceptionner tant bien que mal alors que le tronc s’était écartelé sous la puissance de l’impact. Debout perpendiculaire sur l’arbre, le Samui fixait son adversaire.

« Je vous laisse une dernière chance de partir. Nous affronter de la sorte n’aboutira à rien. »
« Une chance dis-tu ? Vous les Samui vous croyez au-dessus de tout. Je vais te réduire en miette petit blondinet ! »
« Je vois… »

La chevelure de l’indigène prit alors la forme de plusieurs tentacules dont les extrémités prenaient la forme de ce qui ressemblaient de toute évidence à des marteaux.  Il passa donc à l’action et envoya son premier assaut sur Aokiji. Ce dernier n’avait pas très envie de se battre contre ces hommes mais ils ne lui laissèrent pas le choix. Il s’agissait de fauteurs de troubles donc il était en droit de les remettre à leur place. Il courut alors vers le sommet du tronc afin d’esquiver l’attaque de son adversaire. Celle-ci fracassa l’arbre déjà endommagé qui finit alors par s’écrouler. Le jeune homme sauta ensuite vers une autre branche et se hâta de rejoindre la rivière. S’il pouvait utiliser le plan d’eau qui se trouvait à proximité, cela pourrait lui donner un avantage non négligeable. Brandissant de branche en branche, Aokiji esquiva tant bien que mal les attaques dévastatrices du Tôhatsu. S’il parvenait à le toucher avec ses marteaux chevelus, il ne donnerait pas cher de sa peau.

Soudain, l’ennemi utilisa ses cheveux comme un grappin et apparut sans toutes attentes quelques branches en face du jeune homme. La chevelure de l’indigène avait repris la forme de deux gros poings et il s’était mis à charger le Genin. Un affrontement au corps à corps était difficilement envisageable pour lui, il devait donc trouver une échappatoire. Après avoir effectué une série de mudras, Aokiji cracha un liquide bleuâtre en direction du Tôhatsu. Cette technique ne le visait pas directement mais plutôt la branche qui se trouvait quelques mètres devant. Au contact du liquide, cette dernière se recouvrit d’une fine couche de glace extrêmement glissante. L’homme ne manqua donc pas de tomber dans le piège du Samui et glisser sur le verglas. Profitant de son déséquilibre, Aokiji bondit vers lui et lui assigna un coup de pied au visage. Les cours de Taijutsu de l’Académie de Ninja lui auraient servi après tout. L’indigène fut alors projeté en arrière et finit sa chute dans la rivière. Le jeune homme, qui s’était réceptionné sur une autre branche, enchaina une nouvelle série de signes puis prit une grande inspiration. Il relâcha ensuite le tout sous la forme d’un impressionnant souffle glacial qui gela littéralement le plan d’eau. Le Tôhatsu se retrouva donc prisonnier de la glace, impossible de bouger pour le moment.

Aokiji retourna au niveau du sol, non loin d’Asumi. Elle était elle aussi parvenu à résister aux assauts de son adversaire à la nouvelle coupe de cheveux peu avantageuse. Il n’avait pas pu suivre le combat mais le Samui était agréablement surpris par la jeune femme. Il se tourna alors vers le Tôhatsu et lui donna un ultime avertissement.

« C’est bon ou vous en voulez encore ? »

Les pupilles écarlates des deux ninjas rayonnaient à la lumière du feu, ce qui faut se l’avouer était assez intimidant. Ils fixaient l’ennemi avec assurance se préparant à anticiper la réaction de ce dernier.

Setsuna lança un kunaï en direction de son adversaire désigné dans le but de couper sa trajectoire. Ce dernier avait décidé de libérer son coéquipier pris dans la glace au lieu de lancer une deuxième attaque et il parvint à dévier l'arme grâce à un revers subtil d'une mèche de cheveux. Ces jutsus capillaires commençaient à sérieusement agacer la jeune femme. Et le mot était faible...

- "On dirait qu'ils ne vont pas laisser tomber si vite..." constata-t-elle laconiquement lorsque les deux hommes revinrent à la charge.

La première partie du combat semblait n'avoir été qu'un round d'observation et les choses sérieuses allaient sans doute commencer. Ce qui se confirma lorsque leurs deux adversaires adoptèrent une formation de combat en duo, visiblement décidés à les affronter ensemble.

*Ils doivent avoir l'habitude de combattre ensemble. Ce qui n'est malheureusement pas notre cas...*

Setsuna avait vu de quoi son compagnon de route était capable et force était de constater qu'il était doué. La noiraude avait tout particulièrement apprécié le moment où il avait gelé une partie de la rivière pour y emprisonner son adversaire. L'intervention du deuxième Tôhatsu lui avait permis de se dégager mais elle savait à présent qu'elle pouvait compter sur son binôme improvisé. Malgré tout ils risquaient d'avoir de sérieux problèmes face à un duo depuis longtemps formé. Ce qui se confirma assez rapidement...

Les premières attaques furent violentes mais plus retenues. Cette fois-ci les deux voleurs ne fonçaient pas têtes baissées et gardait une partie de leurs cheveux en réserve pour s'assurer une défense. Et le fait que l'un d'eux aient la tête à moitié brûlée ne l'empêchait en rien de se montrer dangereux. Setsuna fit de son mieux pour tenter de s'écarter de Aokiji et ainsi séparer leurs ennemis mais ces derniers firent le nécessaire pour faire échouer toutes les tentatives de ce genre. Finalement le Samui et la jeune femme furent forcés de se mettre dos à dos pour contrer les assauts. L'idée de tourner ainsi le dos à une personne qu'elle ne connaissait que depuis quelques heures était assez désagréable mais la perspective de se faire trancher par des cheveux l'était encore davantage. Et puis de toute façon elle n'avait pas vraiment le choix...

Contre toute attente leur travail d'équipe porta ses fruits et ils parvinrent tant bien que mal à repousser les assauts adverses. Le combat avait prit une tournure beaucoup moins amicale; les Tôhatsus se montraient moins loquaces et si leur but avait tout d'abord été de les dépouiller, il semblait à présent évident qu'ils souhaitaient également se venger.

Le combat se poursuivit jusqu'à ce qu'enfin une occasion de contre-attaquer se présente: leurs adversaires se regroupèrent pour leur faire face une nouvelle fois et relièrent leurs cheveux pour former un seul et unique bélier. Ceci fait, ils se ruèrent avec une rapidité amplifiée contre les deux défenseurs. Setsuna exécuta alors quelques mudras et fit appel à sa maitrise de l'Haiton: elle leva la main pour projeter un jet continu de cendres froides contre leurs assaillants. L'attaque s'écrasa contre les deux Tôhatsus mais ne fut pas suffisante pour stopper leur assaut. Elle réussit tout au plus à les ralentir, ce qui leur offrait un court répit.

Mais la noiraude devait se concentrer pour maintenir le jet de cendres. La fatigue accumulée pendant la journée puis l'affrontement commençait à se faire sentir et les blessures qu'elle avait reçues commençaient à se faire douloureuse. Elle n'allait certainement pas pouvoir tenir longtemps mais elle ne pouvait guère faire plus pour l'instant. Ce qui n'était pas le cas d'Aokiji!

Elle tourna les yeux vers lui et lorsqu'elle croisa son regard la jeune femme comprit qu'il pensait à la même chose qu'elle. Maintenant qu'ils étaient ralentis et que leurs cheveux étaient liés, ils étaient vulnérables...

- "À toi de jouer!" lâcha-t-elle à son allié sur un ton entendu.

Le combat s’était prolongé alors que l’homme qu’Aokiji figea dans la glace fut libéré par son camarade. Une bataille à deux contre deux avait alors été lancée entre les Tôhatsus et les voyageurs. Après avoir tout de même résistée encore quelques instants, la collaboration entre le Samui et la jeune femme commençait à présenter des signes de faiblesse. En effet, Asumi semblait diminuée. Elle devait surement avoir atteint sa limite. C’était tout à fait compréhensible compte tenu de la journée qu’ils avaient passé. Le Genin, bien qu’en meilleur forme, réalisait tout de même qu’il ne pourrait pas tenir bien longtemps si le combat devait durer davantage.

Alors qu’Asumi parvint à ralentir la course des deux indigènes qui fonçaient droit sur eux, elle lança un regard au jeune homme lui faisant comprendre que tout reposait sur lui désormais. Il resta silencieux, le regard plonger dans celui de sa coéquipière, puis se tourna vers ses adversaires perturbés par les jets de cendre. Aokiji joint alors les deux mains et afficha un visage sérieux et concentré.

« Dans ce cas je crois que je n’ai pas d’autre choix. Vous auriez dû vous en allez quand je vous en ai donné l’occasion. »

Le Samui enchaina une assez longue série de signes. Durant la succession de mudras, un grondement sourd se fit entendre avec une intensité en crescendo. Quand celle-ci sembla atteindre son paroxysme, une onde de choc fut générée au niveau du plan d’eau qui s’était transformé en mini banquise un peu plus tôt. Une entité mi- tigre, mi- dragon, entièrement constituée de glace, jaillit alors de la rivière gelée afin de s’élever dans les airs. Les ennemis ne devaient surement pas s’attendre à ce qu’Aokiji les attaque par derrière. Il lui était plus facile d’utiliser cette technique avec une base déjà composée que de glace, qu’en utilisant l’air ambiant. Le monstre hybride d’une couleur immaculée, fonça alors en piqué sur le binôme adversaire. Ce dernier surprit par la manœuvre du Samui n’eut pas le temps d’esquiver et fut frapper de plein fouet par la technique Hyôton. Ils venaient de subir la fureur du Kekkei Gekai d’Aokiji. L’impact généra une onde choc qui recouvrit une partie de la zone de neige et de glace. Le Genin lui-même dû se protéger le visage afin de ne pas trop être affecté par le souffle glacé.

Le combat venait de toucher à sa fin. Les Tôhatsus étaient K.O et ne devrait pas se relever de sitôt. Le ninja du Shûkai était cependant épuisé. Il avait utilisé une grande quantité de chakra afin d’orchestrer cet assaut final. C’est quelque peu essoufflé qu’il se tourna vers Asumi et lui fit un signe de la main, accompagné d’un large sourire afin de lui confirmer la fin de la bataille. Soudain, alors qu’ils pensaient tous deux être sortie d’affaire, un son menaçant se fit entendre de l’autre côté de la rivière. Un groupe d’individus s’avançait en leur direction. L’agitation créée par la bataille avait surement dû attirer d’autres membres du clan vivant dans la zone. De toute évidence, ni Aokiji, ni sa comparse n’était en état de livrer un autre combat. Encore moins contre un groupe tout entier. Il leur fallait d’enfuir et vite.

« On ne doit pas rester là. Il faut qu’on s’en aille sur le champ ! Nos chemins se séparent ici Asumi… »

Le jeune homme comprit alors que la vagabonde fut quelque peu troublée par ces paroles. Il uilisa le peu de chakra qui lui restait afin de crée un clone aqueux.

« Ne t’en fais pas, je tiendrais ma parole. Je t’emmenais au Shozaichi. Mais pour l’instant la situation est beaucoup trop dangereuse. Mon clone fera diversion afin que nous puissions nous enfuir. Nous partirons chacun d’un côté différent afin de réduire les chances qu’ils nous trouvent. Une fois que tu jugeras être en sécurité, dirige toi vers le Nord-Ouest jusqu’à ce que tu arrives au canyon séparant le Pays de l’Herbe et celui de la Terre. Un pont relie les deux territoires, nous nous retrouverons là-bas. »

Une fois ces paroles prononcées, Aokiji lui tourna le dos et se prépara donc à quitter la jeune femme. A ce moment, il marqua un temps d’arrêt et murmura quelque chose juste avant de s’éclipser.

« Fait attention à toi… Asumi… »

- "Fais attention à toi… Asumi…" fit Aokiji avant de disparaître.

- "Je suis toujours prudente!" précisa Setsuna sur un ton qui se voulait assuré. "On se retrouve à ce fameux pont dès que possible."

Elle porta ensuite une nouvelle fois la main à son épaule blessée en songeant qu'elle ne devait pas être crédible. Maintenant que l'adrénaline du combat s'estompait elle ressentait plus clairement la douleur provoquées par les coupures et la fatigue se faisait plus insistante. Malgré tout les cris qui s'élevaient de l'autre côté de la rivière ne lui laissaient pas vraiment le choix: elle devait fuir sans quoi elle ne donnait pas cher de sa peau. Affronter ces deux Tôhatsus avait déjà été une épreuve difficile alors combattre une bande entière de ces voleurs s'apparentait à une tentative de suicide. La jeune femme jeta un bref regard au clone aqueux que son partenaire avait invoqué en se demandant s'il serait capable de retenir suffisamment longtemps leurs poursuivants pour réussir à fuir.

*Ça ne sert de toute façon à rien de rester là pour le découvrir...* songea-t-elle, pragmatique.

Mais avant de s'en aller, elle avait encore un petit détail à régler. Elle glissa sa main droite dans l'étui à sa cuisse et en tira un kunaï. Elle rejoignit ensuite rapidement les deux hommes allongés pour le compte et se pencha doucement sur eux. La noiraude observa un instant leurs cheveux encore entremêlés et leurs vêtements mouillés voir partiellement glacés. L'attaque d'Aokiji avait été redoutablement efficace...

Setsuna n'hésita ensuite que brièvement avant de plonger son kunaï d'un geste rapide dans le coeur du premier. Elle fit de même avec le second en faisant de son mieux pour offrir une mort rapide. Elle murmura ensuite un vague "désolée..." avant de tourner les talons pour s'enfuir. La jeune femme se doutait bien qu'Aokiji n'aurait pas approuvé cet acte mais il n'était plus là - elle l'espérait en tout cas - pour voir ce qu'elle avait fait. Laisser ce genre de personnes en vie revenait à condamner des innocents. Que ce soit dans un jour, une semaine ou un mois, tôt ou tard, ils allaient tenter de dépouiller à nouveau des voyageurs. Et ces derniers trouveraient peut-être la mort en résistant comme ça avait failli être le cas ce soir. Elle avait simplement eu l'occasion de rendre le monde un peu meilleur et elle s'en était saisie...

La shinobi atteignait le couvert des arbres quelques instants plus tard et s'autorisa une courte pause pour regarder derrière elle. Leurs poursuivants étaient arrivés à hauteur du feu de camp et venaient de découvrir les cadavres. De quoi leur donner matière à réfléchir...

Elle poursuivit ensuite sa fuite en avant, bien décidée à mettre le maximum de distance entre elle et ces manipulateurs de cheveux. Ce faisant elle réfléchit à sa rencontre avec Aokiji. Ce dernier s'était montré digne de confiance jusqu'à maintenant. Elle avait pu compter sur lui contre les Tôhatsus alors qu'il aurait pu simplement les laisser faire. Elle, de son côté, n'avait même pas été capable de lui donner sa véritable identité. Elle se promit de se rattraper à leur prochaine rencontre. À supposer, encore, que le jeune homme soit au lieu de rendez-vous...

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