Les Affres de la Chair ~

L'aube pleine de promesses se profilait au loin, par delà le temps clair parsemé de quelques nuages blancs. En tailleur dans sa tanière, au Pays de la Neige, Yanosa terminait une longue séance de méditation, qui avait pour lui vocation de sommeil, rassemblant ses forces et canalisant ses énergies. Pendant le temps que duraient ces sessions, tout semblait en paix autour du jashiniste, dont émanait une curieuse impression de sérénité et de plénitude, quand bien même sa tâche sur cette terre était encore loin d'être accomplie. Comme si le chaos qui l'appelait nécessitait d'être traité avec la plus grande déférence et être manipulé avec des doigts de fée, telle une masse d'énergie noire et grouillante dans les mains d'un barde ou d'un habile jongleur. Mais avant que ne survienne son « réveil », presque pré-programmé dans son organisme aussi précisément que le mécanisme d'une horloge, son corps tout entier lui échappa.

Le Nukenin, piégé dans son propre esprit, se mit à convulser de manière erratique, ses yeux toujours clos froncés comme si il était agressé par une force tenace et invisible. Rien au dehors ne pouvait laisser présager des images et des flashs qui s'emparèrent alors de son âme, comme autant de feux follets dansant dans sa tête. Des morts, sous leur forme la plus abominable, aux orbites souvent évidées, plongeaient ce qui leur servait de regard dans les tréfonds de son esprit, faisant sentir au guerrier rouge par le biais de signaux synaptiques bien perceptibles leur puanteur et leur pestilence. Des arbres sans feuillage nimbés d'une lumière blanche très ténue l'engloutissaient sous leurs racines, le cantonnant à l'impuissance tandis que les vers et les nécrophages grouillaient partout autour de lui, se nourrissant de sa chair et vouant son corps à l'oubli. Des vents secs et arides asséchaient sa gorge, vidant tout son être de son eau si précieuse comme pour le transformer en sac d'os sur lequel il n'aurait plus resté que de la viande séchée et des os. Le sable, la poussière de cadavre... Tout se mêlait et s'invitait en lui comme autant d'invités indésirables, l'entraînant dans des royaumes de souffrances qui lui étaient jusque là encore inconnus pour le traîner dans une mélasse infinie qui s'insinuait par tous les pores de sa peau.

Tout. Tout autour de lui n'était que mort et putréfaction, des thèmes avec lesquels il se plaisait à jouer et à expérimenter dans sa vie de tous les jours, et qui aujourd'hui comme pour se venger venaient le rouer de coups invisibles en le privant d'un réveil salvateur, qui l'aurait arraché à toute ces visions et ces maléfices inexplicables. Puis tout fut subitement balayé. Une main spirituelle, venue de l'extérieur, arracha Yanosa à son tourment, sur lequel il n'avait aucun contrôle, et le délia des entraves qui le maintenaient en captivité dans son propre esprit. Le Nukenin resta malgré tout inconscient et une intense lumière, oscillant entre le rouge et le bleu pour parfois se muet en un violet presque palpable, se mit à parler au jeune guerrier en pleine transe. La voix était rauque, profonde et distordue, s'insinuant dans la tête du jashiniste comme si elle traversait les dimensions pour lui parvenir.

*Détruis-le. Détruis-le pour obtenir son pouvoir. Fais-lui goûter les délices de sa propre malédiction. Détruis Thanatos.*

Puis comme si rien ne s'était passé, Yanosa émergea d'un bond de sa méditation tumultueuse, se redressant aussitôt en balayant du regard toute son antre à la recherche du moindre indice pragmatique et terre à terre. Mais, bien entendu, aucune trace de quoi que ce soit. Tout s'était passé dans sa tête, et il s'en fallut de peu que le guerrier rouge oublie presque immédiatement pourquoi il était dans cet état, tremblant aux extrémités et couvert de sueur dans un pays où les températures ne dépassaient jamais les 2 degrés. Cette voix... C'était sans aucun doute Jashin. Il la reconnaissait, à présent, coutumier des brefs et intenses messages qu'il lui envoyait parfois. Mais quelque chose disait à Yanosa que tout ce qui avait précédé ces quelques mots était imputable à une toute autre entité. Son nom, il venait de se graver à jamais dans l'esprit de Yanosa : Thanatos. C'était à lui qu'il devait son tourment. Et c'était à lui qu'il devrait rendre visite...

Thanatos. Un nom de Dieu, de divinité aussi vieille que le monde lui-même, voire même plus ancienne encore. Il fallait l'avouer, Yanosa n'avait jamais eu à se préparer à combattre un tel adversaire : une entité informe qui avait pu prendre possession de son esprit et le noyer dans d'indicibles tourments. Et quelque chose lui disait que les pouvoirs de cette manifestation mystique étaient loin, très loin de s'arrêter là... Cloîtré dans son antre à Yuki no Kuni, le jashiniste mit pas moins de trente-six heures à décider d'un plan d'action, effaré de constater que le royaume des dieux comptait dans ses rangs des membres qui n'hésitaient pas à descendre sur Terre pour s'acharner sur un unique individu. En un sens, le Nukenin était flatté... Il ignorait si d'autres personnes avaient eu le même « honneur » par le passé, mais se faire posséder par le Dieu de la Mort lui-même avait quelque chose d'excitant pour Yanosa, qui mûrit également pendant ces trente-six heures une réflexion sur le pourquoi... Pourquoi, entre tous les marginaux religieux qui peuplaient cette planète, était-ce lui que Thanatos était venu hanter, défier. La réponse à cela, le guerrier rouge pensait la connaître...

Trop près du but... Il était, sans l'ombre d'un doute, bien trop près du but qu'il s'était fixé pour que le Dieu qui régnait sur la Mort elle-même l'ignore plus longtemps. Ses expériences devenaient en effet bien trop ciblées, étaient trop maîtrisées dans leur forme comme dans leur fond et d'une certaine manière, Yanosa s'était déjà un peu emparé du pouvoir de Thanatos. La poigne qu'il avait commencé à enserrer autours du concept même de mortalité ne devait pas être au goût de ce dernier, vraisemblablement, pour venir ainsi « attaquer » le guerrier rouge au cœur de ce qui lui servait de sommeil. Mais s'il était un fait avéré, c'était que lorsque les dieux commençaient à trop intervenir sur le plan terrestre, alors vous pouviez commencer à douter de leur capacité à garder leur sang froid... Si Thanatos avait pu intervenir de la sorte dans l'esprit de Yanosa, c'était nécessairement qu'il était ici. Sur Terre. A l'échelle cosmique, il était donc extrêmement proche du Nukenin, à un battement de cil divin à peine... Mais à l'échelle humaine, la Terre restait la Terre, et y rechercher un Dieu en colère, qui pouvait revêtir à peu près n'importe quelle forme, relevait du fameux dicton de l'aiguille et de la botte de foin.

Le plan que finit par échafauder le guerrier rouge était donc à la fois simpliste... et quasiment voué à l'échec. Car arpenter le monde sans but ni même un cap grossier pour guider vos pas, c'était à peu près le niveau zéro du plan de route, et cela le Nukenin en était bien conscient. Ce dont il était également conscient, toutefois, c'était que rester dans son antre à ruminer et ressasser sa relative impotence vis-à-vis de la situation ne le mènerait nulle part. Tout naturellement, après avoir préparé ses affaires avec soin, Yanosa prit donc la direction de l'un des grands ports de l'île, au sud-ouest du pays, afin de rejoindre le continent sur lequel, statistiquement parlant, il avait beaucoup plus de chance de tomber sur un indice quelconque. Choisissant cette-fois-ci les voies « officielles » pour naviguer, le jashiniste déboursa quelques Ryos pour embarquer à bord d'un transport de fret, qui l'emmènerait directement sur les côtes de Yu no Kuni. Un bon point de départ... Du moins en théorie.

La traversée prenait deux jours. Sans s'inquiéter plus que ça, Yanosa décida donc à mi-parcours, en fond de cale entre deux tas de caisses chargées de marchandises, de se replonger dans un état de méditation profond pour affûter ses sens et purifier son corps des toxines qu'il avait pu inhaler durant la première partie du trajet. Mais alors que son esprit commençait à trouver le repos et à se revigorer de lui-même, des stries noires et des flaques de boue dégoulinantes de matières douteuses lui emplirent subitement le cerveau, oblitérant à nouveau tout contrôle qu'il avait sur son corps. Alors qu'il ne s'y attendait pas, ayant jusque là ignoré les dangers qu'il courait, le Nukenin fut à nouveau pris de violentes convulsions, aux prises avec Thanatos, qui prenait apparemment sa vendetta très au sérieux... Cette fois-ci, plus de deux heures durant au cœur de la nuit noire qui régnait sur les mers, Yanosa devint l'objet, la marionnette, le torchon sur lequel le Dieu de la Mort essuyait ses pires immondices. Au petit matin, alors que de mince rayons de soleils pointaient timidement à l'horizon, le guerrier rouge rouvrit les yeux, épuisé, drainé de toute énergie, des cernes aussi profondes que l'océan sous les yeux...

Seul dans la cale, Yanosa respirait difficilement, comme s'il venait de livrer un âpre combat dont il n’avait pas été le franc vainqueur. Tout devenait plus clair, à présent... Thanatos, ou quelque fut son nom véritable, n'essayait pas d'intimider le guerrier rouge pour lui intimer d'arrêter d'empiéter sur ses plates bandes, non. Ce qu'il voulait, c'était le tuer. Purement et simplement. Pourquoi alors passer par ce biais plutôt que de simplement venir faucher sa vie... ? Le goût du panache, peut-être ? Un penchant prononcé pour les morts stylisées ? La réponse, une fois encore, s'imposa d'elle-même à mesure que Yanosa tentait de retrouver des forces après cette session de méditation qui l'avait privé de tout repos. Jashin. Il était, en l'état, le seul rempart qui faisait obstacle au Dieu de la Mort, l'empêchant de poser ses griffes hargneuses et acérées sur son âme et le protégeant de la plus grosse partie des pouvoirs de la sinistre divinité. Pendant un instant, le Nukenin eut l'impression d'être un pantin, une vulgaire peluche que les dieux s'envoyaient à la figure pour tenter de se vexer l'un l'autre. Fort heureusement, il savait à qui il devait la vie et à qui allait son allégeance... Une consolation bien maigre au final lorsque vous réalisiez que la personnification de la Mort voulait mettre fin à votre vie par tous les moyens à sa disposition.

Mais au milieu de ce marasme et de ces mauvaises nouvelles qui s'imposaient à lui, Yanosa discerna un échappatoire. Une faille, dans le plan d'extermination de Thanatos, qui lui permettrait de disputer ses chances comme un guerrier et non pas comme un légume asservi sitôt son âme en train de vagabonder dans l'inconscience même la plus légère. Qu'il le sache ou non, le Dieu de la Mort se mettait en effet à découvert lorsqu'il investissait l'esprit du Nukenin, qui cette-fois-ci avait clairement pu « tracer, « ressentir » l'énergie plus noire que le néant qui émanait de la divinité. Cette énergie, telle une piste odorante, il s'y était raccroché, deux heures durant, pour tenter de trouver sa provenance même approximative et obtenir un début de piste... Ce qu'il avait fini par dénicher. Quelle que soit la forme qu'il avait adopté pour intervenir sur Terre, Thanatos avait « élu domicile » loin au nord-ouest de là où était présentement le guerrier rouge, au milieu des mers à destination de Yu no Kuni. Un cap qui même s'il restait vague donnait un point de départ aux recherches du jashiniste qui, se relevant et se sortant de cette torpeur post-traumatique, regagna le pont pour humer l'air du large et se redonner la rage de vaincre.

Car il n'était plus question de pouvoir, désormais. Ce combat que venait d'entamer Yanosa, c'était une lutte pour sa vie qu'il devait à tout prix gagner, et l'issue était encore incertaine... Ses esprits complètement retrouvés, le guerrier rouge mena en effet une réflexion simple mais qui mettait en relief une problématique très épineuse : il ne pouvait pas encore localiser Thanatos avec exactitude, ni ne pouvait se reposer comme il l'entendait, chacune de ses méditations pourtant taillées sur mesure et lui permettant de garder un pied ancré dans la réalité se soldant inévitablement par une prise de contrôle du Dieu mortifère. Ce dernier ne pâtissait que d'une seule faille : Yanosa pouvait remonter le flux de son énergie lorsqu'il investissait et torturait son esprit, au prix d'une fatigue intense qui, pour autant qu'il sache, pouvait se muer en bien pire. Le constat final était donc simple : c'était une course d'endurance. Plus le temps passerait sans que le jashiniste ne puisse se reposer, plus il se rapprocherait de l'instant de sa mort, alors même qu'il lui était nécessaire de s'exposer aux tourments que lui réservait Thanatos pour le retrouver.

Lorsqu'il toucha terre sur les côtes de Yu no Kuni, Yanosa avait donc un objectif très clair en tête : traquer, trouver et anéantir ce fils de chien, qui pensait pouvoir jouer impunément avec sa vie.

Au cas où le moindre doute ait pu subsister chez Yanosa quant à la dureté de sa tâche, les jours qui suivirent terminèrent de les balayer. Sans adresser un mot à quiconque, évitant les agglomérations et ne s'arrêtant qu'en cas de pause insécable, le jashiniste se mettait progressivement à déambuler comme un fantôme sur la surface de la terre.

Sitôt qu'il fut arrivé sur le continent, malgré la nuit tombante, le jeune guerrier prit la route du sud-ouest, remontant aussi lentement que sûrement le Pays de Yu qui bordait toute cette partie du monde sans s'octroyer le moindre repos. Ses yeux à demi clos trahissaient de manière ostentatoire son état physique, affichant comme une pancarte placardée sur son front l'état de faiblesse dans lequel il se trouvait. Et, se disait-il parfois sans toutefois s’appesantir sur cette idée peu réjouissante, cela ne pourrait aller qu'en empirant dès qu'il se déciderait à laisser aller sa conscience, l'envoyant presque en pâture directement entre les griffes de Thanatos. Dix-huit heures de marches. Un jour s'était presque écoulé depuis son arrivée sur le continent et en cette fin d'après-midi, les premiers stigmates autres que de vulgaires cernes commencèrent à apparaître. Sa peau blanchie, ses veines ressortant peu à peu visuellement avec leur teinte violacée, sa peau se fripant par endroit, surtout sur les contours de ses vieilles cicatrices, Yanosa avait piteuse allure c'était peu de le dire. Il se préparait même, envisageant le pire, à voir poindre de bien plus atroces symptômes dans un futur très proche, tandis qu'il marquait une pause près d'un flanc de colline rocailleux qu'il avait reconnu d'un précédent voyage.

Il était temps, bien malgré lui, de tâter à nouveau le terrain, et ce au péril de sa santé et de sa vie. Tandis que le soleil se couchait au loin pour laisser toute son intimité au guerrier rouge, ce dernier disposa autours de lui plusieurs runes sur des rochers placés en cercle, des sceaux qu'il ne pourrait désactiver que s'il avait toute sa tête et qu'aucune entité n'avait la main sur lui. Assis en tailleur, épuisé mais conscient qu'aucun repos ne viendrait de cette séance de méditation, le Nukenin se plongea bien malgré lui dans les profondeurs de l'inconscience... Il ignorait s'il pouvait avoir le moindre pouvoir dans cette « dimension » que créait le Dieu de la Mort pour le déchiqueter de l'intérieur et sa priorité restait de le localiser, mais Yanosa, s'il avait la moindre opportunité de se défendre, s'en saisirait quoi qu'il arrive. Mais cette-fois-ci, le noir complet l'accueillit. Le jashiniste douta un instant, croyant peut-être être resté dans son esprit, seul, libre de glaner un peu de forces et de se reposer. Mais le jeune guerrier n'était pas dupe.... Là, tapi dans les insondables noirceurs de son pouvoir divin, Thanatos se terrait et faisait émaner de lui cette énergie froide et malodorante caractéristique, permettant à Yanosa de commencer immédiatement à remonter le fil plus précisément qu'il n'avait pu le faire auparavant.

La voix, distordue, rauque et dissonante résonna alors dans sa tête.

*Tu crois pouvoir survivre, humain. Ta vie n'est déjà plus entre tes mains. Abandonne tout espoir et rejoins les rangs de cadavres. Tu m'as défié. Tu n'as d'autre choix que d'obtempérer et de pourrir entre mes doigts*

*Je vais te trouver. Je vais te trouver. Je vais te trouver. Je vais te trouver. Je vais... te tuer !*

Aussi fort qu'il le put, Yanosa repoussa l'énergie nauséabonde du Dieu malavisé, qui pensait pouvoir faire plier l'esprit du Nukenin comme un vulgaire roseau. Et pendant qu'il lui parlait, tentant d'instiller le désespoir et la défaite dans son cœur, le guerrier rouge continuait à psalmodier ces mots, remontant vite, très vite le flux d'énergie qu'il tentait dans le même temps de contenir. Comme porté par un aigle, sa vue se clarifia alors soudainement, lui imposant un panorama clair, précis, qui se mit alors à zoomer dans les profondeurs d'une épaisse forêt noire en proie à un mal indicible et ténébreux. Mais Yanosa n'eut pas plus de temps pour pouvoir se concentrer sur son objectif : comme s'il venait de réaliser que les dons de senseur du Nukenin venaient de trahir sa position, il déploya ce qui sembla être un ouragan de noirceur et de sensations odieuses, ravageant, balayant, soumettant les forces psychiques du jeune guerrier écarlate à son divin pouvoir, qu'il semblait plus que désireux de conserver. Une demie-heure passa...

A son réveil, Yanosa se trouva sur le dos, au cœur de la nuit sans étoile, le corps endolori et surtout, affaibli. Son mental et son organisme venaient de franchir un nouveau palier de faiblesse... Ses muscles eux-mêmes semblaient faire grève et se refusaient à obéir convenablement à leur détenteur, qui tenta immédiatement de faire un pas, puis un autre, et encore un autre, tous dans cette même et unique direction qu'il lui fallait prendre à présent : la forêt noire, au nord-est du territoire du Pays du Feu. L'épicentre d'un pentagramme qui reliait toutes les grandes nations entre elles et qui, vraisemblablement, abritait la Mort...

Une pluie battante s'était mise à s'abattre sur les contrées centrales. Des orages éclatèrent, foudroyant par endroit la douce terre de leurs éclairs à la fois majestueux et meurtriers, tandis que les vents impétueux faisaient remuer les branches même des plus gros arbres en les faisant s'agiter en tout sens comme une cohue anonyme portée par la frénésie de ce qui s'annonçait. Yanosa, au cœur de cette tourmente naturelle aux allures artificielles, avançait toujours, bravant les éléments qui avait fait se déserter les routes et se faisant malmener en tout sens par les forces qui étaient à l’œuvre. Cela faisait à présent plus de trois jours qu'il n'avait pas pu trouver le moindre sommeil réparateur. Pire ! Ses tentatives de trouver du repos s'étaient toutes soldées par une perte sèche d'énergie, pompée par Thanatos tel un moustique en quête de sang pour se repaître. Moins que la moitié de ce qu'il était en temps normal, le Nukenin n'était donc plus que l'ombre de lui-même : sa peau blanchie devenait à présent presque transparente, ses vaisseaux sanguins s'exhibant ostensiblement comme s'ils étaient prêts à quitter son corps pour de plus verts pâturages. Sa mine décrépie, ses joues creusées par la fatigue et les yeux comme tirés vers le bas par des cernes noirâtres, le guerrier rouge n'aurait pas impressionné un nouveau-né dans son état. Et pourtant, son objectif était toujours ce qu'il y avait de plus clair... Trouver et détruire l'instigateur de tout ceci.

Et pour ce faire, le jashiniste dût prendre tous les risques, s'aventurant au delà des frontières du Pays du Feu pour rejoindre l'épicentre des énergies qu'il était parvenu à remonter, s'exposant à la capture par n'importe quel shinobi un tant soit peu au courant des mises à jour du Bingo Book de Kumo. Un échange d'informations qui n'était plus si rare par les temps qui couraient et qui aurait pu mener Yanosa droit à sa perte. Mais, comme guidé et gracié par le Dieu qu'il servait, le Nukenin présentement incapable de se camoufler ou de tenter une quelconque démarche d'évitement ne croisa aucune patrouille frontalière, ce qui lui permit de se concentrer sur ses pas. Rien de plus. Vidé de toute force, rongé par un mal antique qu'il avait attiré sur lui par ses actes, et seulement aidé par une volonté sans faille, le guerrier rouge se concentrait en effet simplement sur le fait de mettre un pied devant l'autre, gardant le cap, prenant mollement appui sur le tronc des arbres lorsque la tête lui tournait trop et repartant de plus belle en ne comptant pas les heures qui s’égrenaient dangereusement. Le temps jouait en effet contre lui, dans tous les sens du terme, et Thanatos avait à la vérité toutes les raisons d'être confiant, malgré le fait que Yanosa avait réussi à localiser sa cachette terrestre. Quel mal pourrait en effet lui faire un simple humain à l'article de la mort, quand bien même il aurait l'insigne honneur de le regarder dans les yeux ? Ne songeant même pas une seconde à cette problématique pourtant très épineuse, le jashiniste continua sa route lente et laborieuse, jusqu'à ce qu'il l'aperçut...

Là, devant lui, la noirceur du Dieu de la Mort avait marqué le paysage de son empreinte. Les arbres, peu à peu, tournaient en effet au noir et au vert de pourriture jusqu'à s'enfoncer dans un abîme sans fond de végétation corrompue par sa seule présence. Les feuilles avaient déserté les branches, le vent s'était tût, et seules quelques grosses gouttes de plus balayaient encore le visage du Nukenin, comme pour saper encore davantage le peu de forces qu'il lui restait. Sa détermination et sa résolution toujours aussi vivaces, Yanosa s'enfonça dans cette étendue de non-vie, ce havre de mort, se vouant, littéralement, corps et âme à son objectif. Discerner les contours et les formes devant lui devenait compliqué... Yanosa ne savait pas si cela était dû à sa fatigue extrême ou si un étrange maléfice était à l’œuvre et à vrai dire, s'en fichait pas mal pour peu qu'il soit encore capable d'occire cette divinité qui l'avait insulté. Ses forces envolées, le jashiniste dégaina un kunai comme seule arme, écartant les branches sinistres qui lui faisaient obstacle et qui prenaient peu à peu la forme de silhouettes connues, d'animaux peu amicaux ou de visions cauchemardesques. Yanosa manqua ensuite de trébucher, buttant dans une masse à la fois solide et molle qu'il ne put voir à cause de l'épais brouillard qui avait étendu sa domination sur le sol.

L'humidité ambiante faisait refouler des odeurs qui s'intensifiaient peu à peu, emplissant les narines du Nukenin et provoquant chez ce dernier de violents vomissements, qui manquèrent de peu de le mettre définitivement à terre. Et lorsqu'il plia le genou pour se rattraper, approchant son regard du sol, il comprit sans sourciller d'où provenait cette pestilence. Sans comprendre comment ni pourquoi, là, par terre, une myriade de cadavres en décomposition s'entremêlaient et pourrissaient à l'unisson. Comme si Thanatos, qui avait déjà fait la preuve de son orgueil et de son égocentrisme, s'était confectionné un petit lit douillet pour accueillir son enveloppe terrestre. Charmant, pensa Yanosa... Mais rien qui ne puisse le mettre en déroute. Ses sens avaient beau être agressés et malmenés par cet environnement extra-naturel, s'il s'était lui-même adonné à des expériences sur des corps humains en divers états, ce n'était pas pour rien. Mais ce regain de fierté indifférente tendit à disparaître lorsque, un peu plus loin, à à peine cinq mètres devant lui, il lui apparut enfin. Sortant de la brume épaisse et suffocante, tel l'annonciateur d'une mort prochaine qu'il espérait être celle du guerrier rouge, Thanatos daignait enfin montrer le bout de son nez.

Yanosa, qui disposait enfin d'un interlocuteur, se redressa autant qu'il put en affichant un maigre sourire, bien conscient qu'il s'agissait là peut-être de son dernier combat et qu'il ne devrait s'épargner aucun effort malgré sa condition déplorable.

« Te voilà enfin... Salopard... »

Les Affres de la Chair ~ 19913_12

Dernière édition par Oterashi Yanosa le Lun 17 Fév 2014 - 9:42, édité 1 fois

Mais que pouvait bien faire un humain, dans son état, contre « ça » ? Thanatos, malgré son statut de divinité avéré, revêtait une apparence des plus caricaturale. Haut de trois mètres, grossier assemblage d'ossements, de chair morte dégoulinant de ce qui semblait être un masse de mazoute grouillante et pestilentielle, le Dieu de la Mort était en effet présentement l'antithèse de tout ce que le trépas pouvait éventuellement avoir de glamour et de mystérieux. L'atmosphère pesante qu'il dégageait et qui se propageait à des dizaines de mètres à la ronde accentuait encore la dégénérescence amorcée du corps de Yanosa qui, brandissant fébrilement un unique Kunai finit par se demander comment il allait s'y prendre... Mais à peine commença-t-il à amorcer une réflexion sur le sujet que la « masse » noire, où trônait un crâne qui semblait représenter la « tête » de Thanatos, se mit à parler. D'une voix grondante et distordue, amplifiée par l'écho de son propre pouvoir, la divinité était bien décidée à regarder mourir devant elle le jashiniste téméraire...

« Tu viens ici... Pourquoi ? »

Le choc de sa voix sur ses tympans fut suffisant pour le faire froncer les yeux de douleur, en pleine décrépitude qu'il était. Rassemblant un semblant de force toujours appuyé par sa volonté inébranlable, le guerrier rouge répondit alors.

« Tu veux ma mort... Je ne fais... que te rendre la pareille

- Et tu crois avoir la moindre chance, Humain ? Penses-tu pouvoir tuer la Mort alors que tu es sur le point de la rejoindre ?

- Je... Jashin m'a guidé jusque là... Jamais il ne m'abandonnera.

- Tu es plus stupide que tu ne le parais si tu penses que ton Dieu va te venir en aide, Ici. La Mort est absolue. Toute chair me revient une fois son temps terrestre consommé. Et ton sablier... Arrive à son terme. »

Sur ces mots, Thanatos émit un cliquetis d'os frottant d'autres os, extirpant un long bras squelettique de sa masse grossière et informe pour en sortir un large couteau rouillé, aussi grand que l'épée de Yanosa.

« Ma mort je l'accepterai... Quand elle arrivera. Pas avant... »

Rassemblant toutes les forces qu'il put, le jashiniste passa ses deux mains dans sa sacoche et sa ceinture utilitaire, bardant toutes ses phalanges de kunais et de shurikens en les lançant à la volée sur la masse grouillante et dégoûtante qui incarnait le Dieu de la Mort sur Terre. Ce dernier ne sourcilla pas, reculant à peine sous l'impact des projectiles en déclenchant un rire tonitruant et à glacer les sangs des plus fébriles. Yanosa, lui, ne s'en laissa pas conter, envoyant jusqu'à sa dernière arme de jet vers Thanatos dans un ultime effort qui le mit à genoux, son corps lâchant de plus en plus et rendant totalement impossible tout usage des Portes Célestes. S'il ouvrait ne serait-ce que deux verrous, son corps se disloquerait sans doute en effet au premier mouvement...

« Est-ce tout, Humain misérable ? Tout ce que tu peux tenter pour essayer de me détruire ?

- Je n'ai pas encore... tenté quoi que ce soit... »

Déjà exténué, comme si le fait d'être si proche de la divinité accélérait son pourrissement cellulaire, le Nukenin envoya tout son chakra dans les sceaux apposés sur tous ses projectiles, faisant détonner d'un seul coup les dizaines de morceaux de métal qui s'étaient agglutinés dans les os et le liquide noirâtre qui semblait donner corps à cette monstruosité. Le souffle des explosions combinées l'envoya lui-même au sol, sa peau meurtrie se couvrant de la chair putréfiée qui faisait littéralement office de sol, et ce ne fut que quelques secondes plus tard que Yanosa put observer le résultat de son premier et dernier assaut, se redressant péniblement en gardant toujours un genou à terre.

« Toi... Tu vas rejoindre mon royaume. »

La gigantesque silhouette de Thanatos était réapparue, apparemment indemne, les os et chairs détruits tombant de sa carcasse en lévitation et étant sitôt remplacés par des kilos et des kilos de matériaux équivalents. L'assaut de Yanosa n'avait rien donné... Rien... Le guerrier rouge faillit alors être épris d'un sentiment de défaite, une impression de déjà vu montant en lui comme un relent désagréable dont il aurait voulu se débarrasser. La morsure du couteau de géant vint alors immédiatement l'arracher à ce sentiment, l'empalant littéralement par l'abdomen, le traversant de part en part et sectionnant indifféremment chair, os et moelle épinière. Thanatos ramena alors sa proie à lui, rapprochant son couteau et sa victime de son faciès de crâne vide uniquement habité par de vagues lueurs orangées. Les yeux de Yanosa se fronçaient et se rouvraient par à-coups, écarquillés. De sa bouche jaillirent plusieurs gerbes d'un sang devenu noir, qui rejaillirent sur les os gris de la divinité.

« Tu as perdu, Yanosa. »

La douleur était insoutenable. Et pourtant, il soutenait le « regard » de la Mort, fixant ses yeux dans les orbites vides du crâne qui lui faisait face pour tenter d'y déceler quelques chose. N'importe quoi. Un signe quelconque ou une once de solution dans ce méandre noir. Sa vue se troublait de plus en plus, l'empêchant de discerner les contours de ce qui ressemblait de plus en plus à un sourire sur ces dents dépourvues de gencives ni d'une quelconque trace de chair ou de ligament. Le monde s'entortilla en spirale autours de Yanosa, qui sentait son essence vitale -ou ce qu'il lui en restait- s'échapper par son abdomen transpercé comme à travers un trou noir. Tout le bas du corps paralysé, incapable de mouvoir ne serait-ce qu'un doigt à cause de l'état de choc profond dans lequel il était plongé, la fin du jashiniste semblait inéluctable. Et elle le fut. Son cœur vaillant et autrefois rayonnant d'énergie, véritable pompe qui faisait circuler et injectait son sang d'ordinaire aussi bouillant que les flammes de l'Enfer, se tut soudainement, coupant court à tout circuit vital dans sa carcasse désormais aussi morte que tous le cadavres entassés en ces lieux sordides et puants. Cliniquement mort, le corps de Yanosa fut rejeté au sol, glissant du couteau de géant toujours porté par Thanatos. Puis l'impensable.

D'abord habitée par de maigres spasmes, la dépouille du guerrier rouge se mit à gesticuler en tout sens, des halos noirs et rouges commençant à cercler le corps et à le remettre en mouvement comme si il s'agissait d'un numéro de marionnettes. Du haut de sa divinité, Thanatos lui-même ne comprit pas ce qui était en train de se produire. Des tréfonds des abysses, en provenance direct du plan astral duquel il venait lui aussi, la voix de Jashin retentit alors comme un coup de tonnerre enrobé dans du coton, faisant sentir à son homologue l'étendue de sa colère et de son pouvoir. Une joute passive entre dieux avait commencé, le cadavre de Yanosa s'animant toujours seul comme possédé.

« Tu as commis ta dernière erreur, Thanatos.

- Jashin... Ton poulain n'est plus. Accepte-le et rejoins l'abîme comme je m'apprête à le faire.

- J'ai bien peur que tu n'ailles nulle part, mon Frère. »

Un éclair rouge frappa alors le corps de Yanosa, le disloquant en un milliard de fragments fossilisés qui lévitèrent un bref instant avant de se rejoindre les uns les autres aussi rapidement qu'ils ne s'étaient séparés. Lorsque « l'assemblage » fut terminé... Yanosa était là, les jambes légèrement écartées, les bras parallèles au sol, la tête tournée vers le ciel noir strié de coups de tonnerre.

« Qu'est-ce que ceci ! Tu n'as aucun droit d'intervenir de la sorte, Jashin !

- Comme je te l'ai dit, tu as commis ta dernière erreur. En provoquant de ta main la mort de mon enfant, tu m'as permis de le ramener. L'équilibre cosmique n'est pas une règle à prendre à la légère...

- Cela ne fera aucune différence !! Je le tuerai à nouveau, tout comme je viens de le faire, et-

- Et je le ramènerai, autant de fois que tu le tueras.

- Tu n'as jamais été drôle, Jashin... Cesse cette mascarade et laisse ton serviteur se dissoudre dans le néant.

- Bonne chance, Thanatos. »

Extatique, encore sous le choc de sa propre mort et de sa résurrection par la main des dieux qui s'invitaient à l'occasion sur le plan terrestre, Yanosa n'entendit rien des paroles échangées par les deux divinités. Son corps gelé regagna subitement ses couleurs et sa chaleur, son flux de chakra et ses énergies remontées à bloc par la double intervention de Thanatos puis de Jashin. Le Dieu Destructeur avait fait preuve de malice, et tout comme son serviteur avait placé sa foi en lui, accordait toute sa confiance au guerrier rouge chargé de porter ses desseins sur Terre. Yanosa, regagnant peu à peu sa pleine conscience, mira un instant ses mains, ses bras,... Toute trace de maladie ou de pourrissement cellulaire avait disparu. Son corps, purifié par son allé-retour moléculaire, était aussi sain qu'au premier jour de son périple, prêt à combattre et à endurer le tourments des Sept Portes. Lentement, le regard du Nukenin se braqua alors vers le Dieu-Mort, conscient que des forces qui le dépassaient avaient été et étaient toujours à l’œuvre.

« Humain... Mon maléfice ne te quittera pas. Tu mourras, qu- »

Si tant est qu'il fut possible de discerner un soupçon de fébrilité dans les paroles d'un Dieu, alors Yanosa aurait entendu le mince soubresaut dans sa voix rocailleuse qui appelait au néant. Mais il se fichait des paroles, désormais. Jashin l'avait épaulé, Jashin l'avait guidé. Désormais, à lui de finir le travail... Enfonçant, oblitérant un à un tous les verrous psychiques de son enveloppe, le guerrier rouge fit éclater une large onde de choc écarlate autours de lui, balayant les cadavres en putréfaction qui jonchaient le sol et faisant même marquer un temps de recul à la masse noire faite d'ossements, de chair et de dieu sait quoi encore, l'interrompant du même coup dans sa tirade. L'énergie se mit alors à déborder du Nukenin, à suinter comme si son enveloppe charnelle n'était pas à même de faire usage d'autant de chakra. Ses yeux, qui avaient tourné au blanc, fixaient toujours Thanatos, une détermination plus vivace que jamais en émanant de façon presque palpable. La Porte de l'Extase était ouverte, et rien ni personne ne pouvait dès lors empêcher le guerrier rouge de faire usage de toute sa puissance.

Disparaissant et réapparaissant en moins de temps qu'il n'en faut pour cligner des yeux, le corps et le poing chargé en avant de Yanosa se ruèrent de front sur Thanatos. Le poing auréolé d'énergie créa une onde de choc invraisemblable, mettant presque en morceaux toute la masse qui composait le corps de la divinité. La main ayant perforé le Dieu-Mort, le jashiniste se tenait littéralement sur lui, les deux jambes arquées et prenant appuis sur sa carcasse ni morte ni vraiment vivante.

« Ton pouvoir... Est Miens !! »

La surprise n'était pas un sentiment ou une émotion qu'un Dieu était très habitué à ressentir. De même que la colère qui s'ensuivait lorsque la surprise en question vous fournissait toutes les raisons du monde de haïr l'instigateur de la farce qui vous mettait dans cet état. En l'occurrence, la morsure du poing de Yanosa dans l'enveloppe terrestre de Thanatos, cet assemblage grossier et empli de pestilence, faisait office d'une belle surprise pour le Dieu-Mort. Ne rechignant devant aucun effort pour faire plier la divinité, le Nukenin avait en effet déployé la quasi-totalité de son pouvoir pour frapper vite, et surtout très fort.

« Toi... Tu n'es pas...

- Je suis celui à qui tu consentiras à léguer tes pouvoirs... Que tu le veuilles, ou non... »

La voix de Yanosa était à son tour distordu par l'afflux de chakra qui le parcourait de part en part, et alors que son poing était toujours au cœur de la masse noire et informe, il y déversa une quantité phénoménale d'énergie, la faisant littéralement imploser à l'intérieur de cette carcasse de trois mètres de haut. Un flash rouge émana alors soudainement des entrailles d'os et de chair viciée de Thanatos, expulsant des lambeaux d'immondices de son corps et le dépouillant de sa consistance. Yanosa prit appui sur l'enveloppe du Dieu funèbre pour se dégager de l'onde de choc, mettant en une nanoseconde cinq bons mètres de distance entre lui et son adversaire en proie à une explosion interne incontrôlable. Un bourdonnement sourd sonna le glas de l'intégrité corporelle de Thanatos, qui dans un gémissement rauque presque inaudible s'affaissa pour tenter de se reconstituer à l'aide des cadavres alentours. A distance, Yanosa lui observait, flegmatique malgré les dépenses énergétiques incommensurables qu'il encourait à présent.

« Tu perds ton temps. Je t'ai percé à jour.

- Ghhhwwooor.... Qui perd son temps, ici...

- Tu as voulu m'empêcher de posséder des capacités qui empiétaient sur tes plates-bandes. Désormais, tu dois choisir entre renoncer à ta quête orgueilleuse et retourner d'où tu viens... Ou périr, dans toute ta divinité, ici-même.

- Qu'est-ce qui te fait dire... que moi, Thanatos, je suis contraint à ces choix...

- Tu sous-estimes trop les humains. Moi, en l'occurrence. Pour entamer ta vendetta... tu as du venir ici, sur ce plan, afin de tenter de me faire mourir. Ce que tu sais probablement, et que je n'ignore pas non plus, c'est qu'une telle démarche t'a rendu... Mortel.

- Idioties que ceci ! Je suis tout aussi divin sur ce plan que dans l'autre !

- Divin peut-être... Mais pas invincible. Je t'ai mis à genoux en un seul assaut. Je peux te réduire à néant si je le veux. »

Récupérant encore un tant soit peu de contenance en assimilant cadavres après cadavre, ré assemblant sa structure originelle en provoquant un bruit de succion fort peu ragoûtant, Thanatos, pour peu que cela soit possible, eut l'air pensif. Yanosa était dans le vrai, il le savait. Tout comme il savait que derrière le guerrier rouge, Jashin veillait au grain, prêt à le ressusciter à la première occasion et sapant ses efforts tout comme il avait sapé l'énergie du Nukenin lors de son périple. L'équilibre cosmique... Une règle ancestrale, qu'il n'avait jamais oublié et qu'il avait pourtant ignoré en cherchant à préserver l'exclusivité de son pouvoir divin. Un pouvoir qu'il allait être contraint de léguer, au moins en partie.

« Toi... Jashin a bien choisi son poulain.

- Je ne te l'fais pas dire. Maintenant, choisi. Disparaît en me léguant ce qui me revient, ce que j'ai acquis par ma seule force et ma volonté... Ou encourt mon courroux tout ce qu'il y a de plus terrestre et douloureux. »

Un silence relatif se fit alors à nouveau, la noirceur de l'endroit investi par le Dieu de la Mort s'intensifiant comme pour tenter d'engloutir l'aura rougeoyante qui émanait de Yanosa et qui balayait tout autours de lui. La concession était faite.

« Ne crois pas pour autant m'avoir soumis à ta volonté, Humain.

- Ta collaboration me suffit. Le cours que je ferai prendre à l'Histoire contre-balancera amplement ton... sacrifice. Les âmes pleuvront par milliers.

- Je n'ai que faire des âmes. Mais ton œuvre, je pourrai en tirer des bénéfices quoi qu'il en soit. Adieu...

- Attend. Je dois te demander quelque chose.

- N'abuse pas de ma patience, Humain.

- Les âmes... Si ce n'est pas de toi qu'elles dépendent... Alors de qui ?

- Ghhahaha... Tu es bien trop ambitieux. Mais soit. Je suis curieux de t'observer te débattre pour lorgner sur les plates-bandes d'un autre que moi... Charon, c'est celui que tu cherches. Adieu et à Jamais, Yanosa Oterashi... fléau des hommes et des dieux... »

Sans qu'aucun n'ajoute un mot de plus, Thanatos disparu alors dans un abîme sans fond, aspirant toute réalité l'environnant directement et forçant même le guerrier rouge à prendre encore davantage ses distances pour ne pas risquer d'y perdre un bras. Un grand flash de lumière noire balaya la zone... Et l'obscurité de la nuit reprit ses droits. La pluie battait encore à tout rompre et Yanosa leva les yeux sur un ciel sans étoiles, visible à travers la cime des arbres. Relâchant ses énergies, le Nukenin fit se dissiper le flux de chakra qui découlait de l'ouverture de la septième Porte, mettant un genou à terre sous l'effet du contre-coup, inévitable même en cas d'utilisation brève et mesurée. Il avait gagné. Gagné le droit de mettre à profit toutes les connaissances qu'il avait pu acquérir au cours de ses recherches, le droit de manipuler la mort et de la modeler à sa guise. Un droit qu'il allait mettre en pratique avec une satisfaction non dissimulée...

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