C'est les bras croisés et appuyés contre mes genoux que j'observe le ciel à travers les barreaux recouverts de sceaux. J'imagine aisément l'agitation qui caractérise Odaichi et le désert qui borde ses murailles. Cela fait maintenant des semaines que je n'ai pas été en contact avec le moins de grain de sable. Cette cellule m'en empêche en s'assurant que je ne représente pas un danger pour les autres. Les autres et... moi-même. Car après tout si j'ai demandé à être enfermé ici c'est avant tout pour protéger ma précieuse personne de la créature qui se terre dans mes entrailles. Cette espèce de saloperie qui entend me contester l'océan de sable et me réduire à l'état de simple instrument.

Malheureusement pour lui c'est en Kawaguchi Kira qu'il a été scellé. Et Kawaguchi Kira ne se soumettra pas à la volonté d'un clébard. Fusse-t'il un Bijuu. Parce qu'un clébard, voyez-vous, se dresse. Que ce soit par la caresse ou les coups. Il semble évident que Shukaku n'est pas du genre à se laisser charmer. Alors il ne reste qu'une option. Le soucis, évidemment, c'est que la pratique est loin d'être aussi facile que la théorie. Et ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé. Car si je suis couché immobile sur le sol frais de ma cellule c'est bien un combat que je suis en train de mener. Contre moi-même.

Mon corps, donc, est apathique. Mais le combat qui se livre échappe à la perception de tous les autres êtres vivants. Il se situe là, quelque part à la frontière entre le réel et la folie. Le spectacle offert par la pyramide de sable qui retient Ichibi est toujours aussi impressionnant. Je perçois son regard mauvais rivé sur moi avec une intensité qui m'inspire toujours les mêmes craintes. Il agit tel un prédateur ayant déjà décidé de son prochain repas et n'attendant qu'une opportunité pour s'en délecter. En attendant il se contente de grogner pour exprimer sa "joie" de me revoir. Je m'installe face à lui avec toute l'assurance qu'il m'est donné d'avoir en sa présence puis l'observe longuement.

"Qu'est-ce que tu veux?"
"Tu sais très bien ce que je veux!"
"Alors c'est non!"

Je m'y attendais. J'acquiesce et hausse les épaules d'un air résigné. Il est têtu. Mais je le suis encore plus que lui. Je crois en tout cas. Et il se trouve que j'ai un avantage. La prison qui nous retient est calquée sur le modèle de l'Ergastule et les experts en sceaux se sont assurés que notre chakra soit bloqué. C'est pénible. Mais si ça l'est pour moi j'ose à peine imaginer ce que doit ressentir Shukaku. Ho, ça, il s'est calmé. Il n'est plus en mesure de me faire souffrir comme quelques semaines plus tôt. Mais il reste un emmerdeur de première. Ho pour ça, je sais reconnaître mes semblables.

"Si tu savais à quel point j'aimerais te faire bouffer du sable..." ho que oui! "Le soucis c'est que tu aimerais ça toi aussi. Je me contenterais de te botter le cul je crois alors."
"Libère-moi!" grogne-t'il en tournant son regard vers le sceau qui le retient prisonnier. "Tu fanfaronneras moins!"
"Ouais mais ce faisant je nous priverais aussi de nos si enrichissantes discussions. Et tu sais à quel point j'aime t'entendre te plaindre." je n'arrive pas à retenir un rire amusé. "Ça me rappelle que t'es bien plus dans la merde que moi!"

C'est facile. Je sais qu'il a du mal à résister à la provocation. Mais je m'ennuie. Et il peut contribuer à rendre cette journée un peu plus amusante. La lassitude me pousse donc à l'irriter par pur désir de distraction. C'est tout de même plus rigolo que de lire les trucs que Tsukiko me fait apporter... Toujours est-il que je suis pris d'un véritable fou-rire. Ça fait du bien. Et ça l'irrite. Il se redresse et son grognement fait trembler le sable alentours. Ça a le mérite de me calmer. Mais mon sourire ne disparaît pas pour autant. Je sais autant que lui qu'il n'est pas en mesure de me menacer autrement que par les mots.

"Bon et bien... Je vais aller m'amuser! Mais je te rappelle tout de même mes termes: tiens-toi sage et n'essaie plus de... me déchiqueter de l'intérieur. Et en échange je retourne dans le désert et je nous trouve des adorateurs. Dis-toi que tu y trouveras ton compte toi aussi!" Il pourra profiter de la vue. "Ou alors on reste ici jusqu'à ce que je devienne un vieux papy tout dégueulasse et complètement cinglé!"

Je viendrai chaque jour me foutre de sa gueule! Et puis le reste du temps je trouverai bien un moyen de tuer le temps. Comme ce fameux rocher à l'effigie de Kioshi - oui bon je ne dessine pas très bien alors son "visage" ne ressemble à rien, ok - sur lequel je me défoule. C'est quand même ironique de savoir qu'un tel crétin se balade en liberté dans le Yuukan et que mon propre espace vital se retrouve réduit à une simple cellule. Y'a des jours comme ça où je me dis que ma vie est aussi merdique que celle de Shukaku finalement. Même si j'ai droit à quelques compensations. Louée soit ma cousine et les saintes cuisses qui l'ont accueillies en ce monde!

"Gardes! Des figues!" Ha et en parlant de distraction. "Et une femme! Non, attendez! Deux! Du cru, pas des étrangères! Et majeures cette fois-ci bordel!"

Bon il y a tout de même des avantages à être enfermé par sa propre volonté. Je ne suis pas coupé des habituels plaisirs extérieurs. Ce qui rend évidemment ma détention tout à fait supportable pour l'instant. Mais le désert me manque. Et j'ai bien peur de lui manquer à lui aussi. Il est un peu comme un enfant sans son père. Ne reste plus qu'à espérer que l'autre saloperie finira par ployer l'échine. En attendant j'ai des invitées à accueillir!