Lorsque je sors du sommeil, je suis à moitié affalée sur le corps endormie de Yusuke. J'y respire sa chaleur, son odeur si réconfortante. Ça, plus les petits bruits qu'il produit avec sa bouche et qui me font sourire.
Je me glisserai bien un peu plus contre lui pour me rendormir dans les bras de mon amant, retourner au pays des songes et de l'insouciance, pourtant, je ne peux me le permettre. J'ai encore tellement de choses à faire. Tellement de choses à accomplir.
Il faut que je retourne à Kiri pour soigner grand-mère, mais avant toute chose, il faut que j'aille informer Kakeshuou de cela et je sais que je vais passer un très mauvais quart d'heure.

J'en frémis d'avance et alors que je m'avance à hauteur du visage de Yusuke et l'embrasse timidement sur les lèvres, je me laisse glisser du matelas tout en entreprenant de défaire ma longue chevelure.

Je me déshabille entièrement, sans même chercher à regarder si Yusuke est toujours endormie. Pas le temps pour ce genre de futilité.
Je me glisse dans une paire de collants blancs et une petite robe noire que j'agrémente d'une ceinture de la même couleur que mes collants et d'une paire de ballerines noire.
Un serre-tête dans les cheveux, me voilà plonger dans une monde entre l'enfance et l'adolescence qui me fait plus que présentable pour me présenter devant le chef des lieux.
Je regarde timidement Yusuke une dernière fois, puis après avoir enfilé un petit gilet noir, je me glisse hors de la pièce et me laisse déambuler en demie teinte au milieu des longs couloirs avant de gagner l'étage inférieur et les bureaux du gouverneur.

Je sais que ma visite n'est pas attendue, surtout pas depuis que j'ai disparu il y a une semaine de cela et je reste longtemps de marbre devant la porte du bureau... Hésitante.
Finalement, je frappe trois coups secs et j'attends que l'on me donne l'autorisation de rentrer.

Le soleil se lève à peine au travers des grandes fenêtres en face le bureau, mais je sais que le gouverneur est plutôt du genre matinal. Nul doute qu'il a déjà pris ses fonctions.
Je rentre finalement dans la pièce après avoir entendue une voix m'en donner l'autorisation et je prends tout mon temps, baissant bien entendu le visage vers le sol pour rentrer et refermer la porte derrière moi.

Cependant, je reste dos au bureau lorsque je prononce les premiers mots de la journée :


"Bonjour Kakeshuou Sama ..."


J'attends que la tempête se lève.

Plongé dans sa lecture, notre homme posait ses yeux sur une lecture saine – traduisez par non-administrative – tout en croquant un morceau de crabe. Il s’était levé plus tôt que prévu. Ou disons plutôt qu’il avait mal dormi. En résultat de cela, le voilà qui profitait de ce temps supplémentaire pour faire ce qui lui convenait le mieux. De la lecture, au calme, sans personne pour le déranger. Si le bureau était vaste, il avait choisi de se replier sur ce petit espace dans l’angle gauche de la pièce, où il avait rassemblé une table basse, une petite bibliothèque de deux rayons et des coussins pour s’asseoir et prendre ses aises. Un bocal à côté de lui rempli de pattes de crabes et une bouteille de jus de fruit – notre homme sait rester sain et profiter de la vie ! – Kakeshuou Samui oubliait ses dossiers, sa fonction de Gouverneur du Pays des Neiges, son Pays, son Clan … son identité prenait le dessus et l’emmenait au loin. Il n’avait même pas pris la peine de se refaire une beauté. Non pas qu’il s’y attardait, mais le monde est ainsi fait : on ne peut espérer prospérer et se faire un nom sans un minimum de panache. En l’occurrence, au revoir la coiffure ordonnée semblable à la crinière d’un lion, adieu les vêtements officiels, amples et magnifiquement créés par un ami dans la haute couture. Place aux habits les plus standards : pantalon de soie, et donc léger, kimono certes classe mais complètement ouvert, simplement jeté sur les épaules. Une paire de lunettes pour mieux lire cet ouvrage sur la gastronomie japonaise et ses bienfaits pour la santé. Un ordinateur à disposition pour prendre des notes et penser à déguster un bon plat ou à voir si ces plats pouvaient bel et bien soigner à l’avenir … .

En pleine activité personnelle, notre homme ne se laissait pas déranger par un levé de soleil glacé sur la baie vitrée de son bureau remis à neuf. La dernière visite avait rendu les choses … explosives ! Ce Yusuke Katano était désormais privé de missions, mais qu’importe : le Gouverneur n’avait que faire des mouches à merde qui buzzaient sur une terre désolée et condamnée au froid éternel. En revanche, la porte qui s’ouvrit sur sa droite et qui laissa poindre un petit museau ne put qu’attirer son attention. Nom d’un chien, il est cinq heure du matin, qui peut bien venir me casser les bonbons alors que je mange du crabe, HEIN ?!?
La pâle figure de Yuki Samui, membre du Clan et occasionnellement celle qu’il appelle sa nièce, vient de faire son entrée. De si bonne heure ? Elle séjournait certes au Palais du Gouverneur, mais c’était quand même très tôt ! Et à la connaissance de notre homme, aucune mission ne lui avait été donnée. Elle serait tombée du lit ? Si tu es venue ici pour te faire câliner en espérant pouvoir te rendormir de cette façon, tu peux toujours rêver … . Kakeshuou Samui n’a jamais fait dans le bisounours.

~ Il est bien tôt pour venir me voir … tu ne crois pas qu’un peu de repos serait recommandé … ?

Ne levant pas les yeux, se contentant de réceptionner les salutations de son invitée non attendue, notre vieux briscard continuait à mâcher et à sucer sa patte de crabe, ingurgitant la graisse et la texture moelleuse du crustacé. Tapant sur son ordinateur, il venait de trouver une recette tout à fait intéressante, consistant en une soupe de champignons, avec des nouilles et … du crabe ! Et bin quoi, oui, j’adore ça !! Vous voulez la famille du craby en photo, pour voir ?!? Et bin yen a pas ! J’les ai déjà tous mangé BAOUUUUUM !!! (bref, calmons-nous …)

Un silence gêné s’installait, à peine perturbé par le cliquetis des doigts s’agitant frénétiquement sur le clavier informatique, et partiellement accompagné du bruit des pages se tournant. Rien ne pourrait déranger la lecture de notre homme ! En particulier lorsqu’il s’agissait de crabe … sauf lorsque ce lourd silence signifie quelque chose d’important. Non, cette gamine n’était pas là pour chercher réconfort. Elle était venue, légèrement habillée, jusqu’au bureau du Gouverneur : mais était-ce le supérieur, ou le membre de la famille qu’elle cherchait ? Ce silence, jusque là pesant, devenait surtout chiant ! Mais il signifiait bien quelque chose. Et notre Lion des Neiges n’était pas assez bête pour passer à côté, malgré sa passion dévorante pour l’alimentation maritime.
Posant son ouvrage et sauvegardant ses informations avant de refermer l’écran, ses dents se refermèrent avec violence et appétit sur la patte de crabe encore dans sa bouche. Croisant les bras, maintenant sa place sur ses coussins, affalé comme un pacha, votre serviteur n’oublie pas que son service ne commence qu’à 6h le matin, et qu’il a encore le droit de profiter de son corps et de ses aises comme il l’entend ! Il devrait d’ailleurs le faire plus souvent.

Ses yeux bleus glacés des Mers du Nord se posèrent sur son interlocutrice. Pour une personne venue le déranger de si bonne heure, elle était peu bavarde. Était-ce à propos de ce Yusuke ? D’une mission ? D’une rencontre avec le dénommé « Seth » alors qu’il avait interdit à ces deux-là de se recroiser ? Il était temps de tirer les vers du nez, aussi horrible cette expression pouvait-elle être … .

~ Tu es là, maintenant ; alors parle. Je t’écoute, que se passe-t-il.

Pas le moindre brin de vent, pourtant, ne vint. Qu'arrive-t-il au gouverneur pour qu'il se montre aussi clément envers moi ? Je n'en ai pas la moindre idée, mais il est temps d'affronter l'orage qui va malgré tout se lever et lorsqu'il me demande enfin ce qu'il se passe pour que je vienne réclamer une audience d'aussi bonne heure, je reste de marbre.
Rien, pas même une petite boutade sarcastique ? N'aurait-il pas remarqué ma disparition ? C'est étrange de sa part, vraiment très étrange, pourtant, je finis par m'avancer vers lui, dans son petit coin personnel et je m'installer à ses côtés, repliant mes genoux et m'asseyant sur ces derniers tout en restant légèrement en retrait. Il n'est donc pas encore au courant et je ne sais pas comment lui annoncer.


"Kakeshuou sama ... Je ... Je voudrais rentrer à Kirigakure s'il vous plait ..."


Je n'avais pas spécialement envie de lui donner d'explications pour le moment, mais je savais qu'il allait me demander. Pourtant, rien que l'évocation de la cause de cette envie me fit mal au cœur et ma main droite remonta doucement le long de ma poitrine avant de se poser sur cette dernière, le poing serré avec ferveur avant de trembler légèrement.
Il me fallut une bonne minute pour arriver à trouver le courage nécessaire pour lui annoncer la nouvelle, une longue minute durant laquelle mes prunelles cristallines remontèrent doucement vers le visage de mon ainé avant que ma bouche ne s'ouvre doucement :


"Grand-mère Chifumi est ... Mourante ..."


Mes mains se posèrent alors avec fermeté sur mes cuisses et les pressèrent doucement comme pour chercher un contact réconfortant, un simple contact me permettant de me prouver que j'étais toujours dans la réalité, mais que j'avais en moi les armes pour passer par-delà cette épreuve et la combattre.
Finalement, je redressais une nouvelle fois le visage, plongeant mon regard dans celui du gouverneur :


"Je suis partie passé la semaine chez les moines du temple perdu ! J'y ai appris la médecine ! Je veux tenter de soigner grand-mère ... "


Mon regard marquait ce coup-ci une profonde détermination et ne laissait admettre aucun refus. Un regard que le vieux Samui connaissait bien et qui lui rappellerai sans équivalence possible, au combien j'étais en train de devenir aussi forte en caractère que Chifumi Samui.

Mâchant son morceau de crabe, le Gouverneur de l’île enneigée ne lâchait pas pour autant chaque parole, chaque mot prononcé par la jeune demoiselle. Il la connaissait bien et la considérait comme sa nièce. En l’occurrence, sa présence ici ne pouvait être que pour une bonne raison. On se lève rarement aussi tôt pour une simple conversation ; ou bien c’est une question de trouble du sommeil, et si tel était le cas, le quinquagénaire la renverrait très rapidement hors des lieux. Mais l’air anxieux de la jeune femme confirmait ses soupçons. Il y avait quelque chose de nouveau, d’inattendu. Un élément qu’il ne connaissait pas.
Après lui avoir donné l’ordre de s’exprimer, notre homme était resté toujours aussi austère ; mais patient. Après tout, maintenant que toute son attention était redirigée vers Yuki, celle-ci ne laisserait pas passer l’occasion. Elle savait de toute façon qu’il lui en coûterait de faire ça. On ne vient pas déranger autrui sans raison, encore moins lorsqu’il s’agit d’une personne ayant d’importantes responsabilités, peu importe qu’il y ait des relations de sang dans l’histoire. La Princesse des Neiges finit par faire un pas en avant, et à venir se recroqueviller non loin du vieillard. L’image était assez étonnante. On eut pu y voir deux mendiants : le vieil aveugle perdu dans un monde qu’il ne peut voir, à côté de l’enfant autiste et perdue qui ne peut rien faire pour lui. Clairement, le duo faisait peine à voir. Et les nombreux bandages qui recouvraient le corps de l’ancien n’allaient pas embellir la photographie de groupe. Passons. Suite à ce mouvement et à une petite minute de silence, la nièce faisait savoir ses véritables intentions. Quitter le Pays de la Neige, pour retourner dans les terres ancestrales du Clan.

Une décision pour le moins spontanée … et étrange ! Il y avait nécessairement une raison à cela. C’était sur recommandation de sa grand-mère Chifumi que cette gamine se trouvait désormais entre les mains de Kakeshuou Samui, dans le pays de son Clan. Selon un accord qui ne concernait que les deux doyens du Clan de la Glace, la jeune femme devait se rendre sur ses terres où elle retrouverait certes ses traces, mais également où elle devrait grandir et se trouver une raison, un but, une connaissance de la vie. Si elle avait déjà démontré - par son grade, son efficacité en mission et sa détermination sur certains affrontements – son niveau, elle devait encore voir le monde et son contenu de ses propres yeux. Longtemps protégée par les siens, on lui avait caché la médiocrité du monde en lui faisant refusant une face cachée de la lune. La preuve avec le changement de pouvoir : la seule mention de nouveaux quartiers de prostitution établis à Kirigakure no Sato avait suffi comme argument pour faire enfermer la jeune fille. De quoi rendre un flocon brillant dans la nuit aussi terne qu’un flocon fondu une fois au sol. Rien de beau à voir, tout de perdu.
Et maintenant, tu souhaites rentrer ? Estimes-tu avoir assez appris pendant ce court laps de temps ? Ou une raison particulière te pousserait-elle à rentrer plus tôt que prévu … . Le Gouverneur ne souhaitait pas intervenir, et attendait d’avoir toute l’explication. Il était effectivement le seul à pouvoir donner son accord à ce genre de départ ; tout autre mènerait à un motif de désertion, et pourrait être puni de mort sur décision du Gouverneur de province, et accord du Mizukage en personne. Si l’on rassemble les pièces pour observer ce paysage d’une vue d’ensemble : Yuki est assurément venue pour demander cette autorisation. Mais pour venir aussi tôt dans la matinée, plutôt que d’attendre une heure convenable où le haut responsable de la province pouvait recevoir, ne signifiait qu’une chose : l’affaire était importante ET personnelle.

Ce qui nous conduit à la nouvelle. La vieille chouette, doyenne du Clan Samui, Chifumi, était mourante. Son regard toujours posé sur l’enfante assise à ses côtés, Kakeshuou ne quittait pas ses yeux et tentait de décrypter chaque signe et réaction à l’information. Était-une une blague ? Apparemment non ; cette morveuse était trop inquiète, trop soucieuse, pour annoncer ainsi une chose aussi grave. Le terme « mourante » était-il le mieux choisi ? Si l’on reposait sur le comportement de Yuki, il fallait le comprendre comme tel. Mais cette gamine était concernée au premier degré, et elle n’était pas célèbre pour son calme et sa témérité face aux nouvelles dramatiques. Fallait-il donc la croire ? De qui tenait-elle cette information ? Et depuis quand ? Certaines choses n’étaient pas concevables. Pourquoi n’avait-il pas, lui, de son côté, obtenu des informations ! Aussi étrange que cela puisse paraître, il se trouve que notre homme avait installé un réseau d’espions et une clientèle importante au sein de son propre clan ! Et parmi, un homme de confiance, qui lui rapportait régulièrement ce qui se passait au sein du cercle clanique, au sein du Village caché de la Brume, et dans le monde. Eiko, que fais-tu … et comment cette nouvelle peut-elle m’arriver ainsi … .

Dernière nouvelle. La jeune membre du Clan Samui s’était enfoncée dans les terres glacées vers le sud-est, vers le Temple Perdu. Là, elle aurait appris la médecine, d’après ses dires ! Intéressant et inattendu ! Jusqu’où iras-tu, femme, et dans quel but ? Veux-tu seulement venir en aide à ton prochain, ou bien est-ce un moyen pour toi d’atteindre le sommet ? Après tout, il y a divers moyens de gravir la pente et de réclamer les hauteurs de l’Olympe ! Certains se dédient à la guerre et au sang, d’autres aux soins et à la reconnaissance. Ici, tu désires faire usage de tes connaissances pour soigner l’un des tiens. Mais demain, que feras-tu de ce nouveau pouvoir, si ce n’est pas pour le bien d’autrui ? Jusqu’où reposeras-tu les limites que chaque homme essaye de repousser ? Quelles frontières envisages-tu ?
Voyons jusqu’où peut te mener le chemin que tu décides d’arpenter. Et si ton caractère est assez bien trempé pour surmonter les obstacles qui s’y trouvent.

~ La vieille harpie, mourante … ? Je n’en crois pas un mot.

Continuant à écraser ses dents insatiablement sur son morceau de crabe, le regard du vieux Lion des Neiges n’avait pas changé d’un poil ! De la provocation ? Pas vraiment. Le fait est que, même pour notre homme, Chifumi restait une légende du Clan. Morte, elle restait encore vivante. Alors mourante : en quoi cela était-il une nouvelle qui méritait toute l’attention de l’homme ? On lui avait déjà rapporté que Kirigakure no Sato avait été dévasté, que son Clan avait été détruit. Peu importe : ce quinquagénaire ne croit que ce qu’il a sous les yeux. Les nouvelles venant du Mizukage en personne ne seraient pas suffisantes pour lui faire croire à la défaite tant qu’il n’y aurait pas eu un rôle, aussi minime pouvait-il être.
Commençons par constater de ces exploits que tu dis avoir fait. En ayant lancé cette phrase, il était sûr que le Gouverneur aurait provoqué sa nièce. Mais il ne restait pas là à rien faire. Ne laissant pas le temps de comprendre ou d’analyser les mots, l’ancien retirait déjà le lourd manteau de laine noir qui lui recouvrait les épaules, le laissant tomber au sol derrière lui ; sous ce simple habit du matin, notre homme dévoilait sa masse musculaire, ses épaules solides, sa nuque épaisse, son corps robuste … et ses innombrables cicatrices et les bandages récents qui couvraient la majeure partie de son torse. Un champ de bataille à lui seul, où l’on pouvait déjà observer çà et là quelques fins saignements à droite et à gauche. Les restes d’un récent combat qui aurait pu coûter cher à notre homme ?? Et dont personne n’aurait entendu parler ??

~ Si tu veux être d’une quelconque utilité sur place, et que tu souhaites obtenir mon accord pour quitter ce pays … prouve moi que tes connaissances sont suffisantes en me soignant.

Une consigne des plus simples. Mais des plus appropriés. Après tout, si les faits étaient réels, cela n’apporterait rien d’envoyer une pleureuse de plus. Les seigneurs pouvaient se permettre cette fantaisie. Les soldats se contentaient de mourir et de pleurer leurs seigneurs morts au combat. Le schéma inverse était futile. Aussi, si cette petite princesse voulait être de la plus petite utilité une fois sur place, elle devrait d’abord faire preuve de sa valeur et de son intérêt sur ce cas médical.

~ Et pendant que tu fais cela, dis moi comment tu as eu ces nouvelles. Comment, par qui, et les détails.

Bien entendu, le vieux biscard ne croit pas un mot de mes dires et me demande bien vite de lui prouver tout ce que je racontes. Voilà que je me retrouve confronter une nouvelle fois à la vigilance et au manque de confiance du vieillard.
Suis-je vexée ? Clairement, mais je n'ai pas le temps de me soucier de mes états d'âme, chaque minute perdue au pays de la neige et une minute perdue pour retrouver ma grand-mère. Je baisse les yeux d'amabilité lorsque le gouverneur commence à se dévêtir en me demandant de prouver mes compétences médicales. Mes yeux se lèvent alors timidement vers lui et j'observe le rouge aux joues les multiples blessures et contusions qui couvrent son corps. Je ne peux retenir un petit hoquet de surprise et sans même attendre un ordre ou un accord, je compose plusieurs mudras de suite tout en me déplaçant rapidement dans le dos du vieil homme :


"Hatsu Sessei !"


Je me saisis sans ménagement de la trousse de secours que j'ai invoqué et en déverse le contenu sur le sol pour me saisir d'une paire de ciseaux avec laquelle j'entreprend de couper un à un les bandages du vieil homme pour dévoiler entièrement ses multiples blessures tout en glissant par-dessus son épaule la lettre que ma mère m'en envoyé et qui m'informe que grand-mère souffre d'une dégénérescence mentale :


"Voilà la lettre que j'ai reçue de ma mère ... Mais ... Comment vous êtes vous fait de telles blessures !"


Mes fins doigts de poupées glissent sur les contusions une à une et doucement, je déverse mon chakra dans le Samui pour analyser chacune de ses souffrances en faisant la grimace quand quelques choses m'interpellent. C'est ce coup-ci le médecin qui parle :


"Vous êtes un idiot ! Vous n'avez consulté personne depuis que vous vous êtes fait ça !"


Sans aucun ménagement, je retourne le vieil homme et presse une blessure particulière, plus profonde et que je sais aussi plus douloureuse que les autres :


"Les portes célestes ! Vous êtes un grand malade ! À votre âge ! C'est ce nukenin qui vous a appris ! Ce seth !!! Ne me mentez pas !!!"


Mes yeux lancent des éclairs alors que je continue à analyser la situation :


"Vous n'avez vu aucun médecin, vos os se sont mal ressoudés ... Je vais devoir les casser pour vous remettre sur pied ! La douleur n'était sans doute pas suffisante pour vous !"


Sans ménagement alors, je donne un grand coup dans le pectoral du gouverneur et les os se brisent sous l'impact de ma paume, causant une grande douleur à l'homme alors que j'enfonce immédiatement une seringue d'anti douleur dans sa cuisse :


"Vraiment, vous êtes plus vieux, mais vous êtes surtout ... "


Je retiens le mot et oblige l'homme à se retourner avant d'appliquer mes mains recouvertes d'une fine aura sur ses contusions. Je répare alors les os, régénère les chairs nécrosées et brulées par le froid en même temps que je fais disparaître les multiples rougeurs de son corps. Finalement, au bout d'une vingtaine de verdicts alors que je lui administre une dernière dose d'anti douleur, j'attends son verdict.

hrp:

S’emparant de la lettre avec une certaine énergie, Kakeshuou Samui portait ses yeux sur ce papelard qui semblait apporter d’aussi pitoyables nouvelles. Alors comme ça, la mère de Yuki craignait pour la mère supérieure ? Qu’avait-on bien pu inventer, cette fois-ci … . Même le typhus ne parviendrait pas à abattre la vieille Chifumi ! Vous savez, mine de rien, cette femme est comme Chuck Norris : quand un moustique la pique, c’est le moustique qui se gratte !!
En vérité, s’il faut vraiment développer la question, le Lion des Neiges était véritablement inquiet. Même s’il ne saurait le reconnaître lui-même, il savait parfaitement que certains fléaux ne pouvaient être contrés. Et parmi eux, la dette que tous les hommes paient en ce monde : la mort. Que ce soit au combat, de vieillesse pour les plus chanceux ou par une quelconque maladie, le ninja finit toujours au fin fond de la terre, comme l’ensemble de ses camarades. Mais dans sa situation que faire … . Certes, c’était un membre éminent de son Clan ; et une amie proche ! A eux deux, ils constituaient deux des grands doyens de ce noble Clan capable de maîtriser la Glace, et présents depuis l’aube du Village caché de la Brume. Qu’elle parte serait une énorme perte. Mais il avait malgré tout des obligations. Le devoir de veiller sur cette province qui lui avait été confié, de surveiller ses frontières et d’assurer le maintien de la sécurité pour tous ses habitants. Il ne pourrait jamais déserter son poste hors des ordres directs envoyés par le nouveau chef du Village. Peu importe les circonstances.

Sur cette pensée, notre homme quittait peu à peu les lignes manuscrites et portait son regard vers un lointain sans fin. L’horizon ? Oui, celui de la bibliothèque qui se trouvait quelques mètres à peine devant lui. Non, Kakeshuou restait dans le brouillard. Il savait que ses prochaines paroles allaient être déterminantes sur bien des points. Sur sa façon de voir les choses dans la vie, sur sa condition vis-à-vis de son poste et de ses priorités, sur sa relation avec sa nièce … . Que devait-il faire … .
Cette profonde réflexion l’avait empêché d’entendre la première injure qui lui était faite. Il se contentait de penser aux choses de la vie, et de ressentir la chaleur des soins qui lui étaient administrées. Effectivement, il y avait du talent pour l’instant. Mais à voir ce qui allait arriver après. En revanche, ne va pas croire que tu passeras sans remarques sur ces derniers propos ! On se prend pas aussi facilement son pied sur le plan lexical avec le Gouverneur ! Et les liens de parenté n’y changeront rien. Aussi, la diatribe du quinquagénaire serait-elle sauvage !

~ La ferme et soigne-moi sans faire d’histoire ! Je te rappelle qu’au-delà de notre parenté, je reste ton aîné et ton supérieur ! Le respect, quel que soit notre relation, reste un impératif entre nous ! Et ne m’oblige pas à être désagréable ! Je n’ai rien appris, et encore moins d’un cancrelat sans identité et sans foyer ! J’ai évolué ! Comme tu as évolué avec la médecine ! Ce que j’obtiens, je le fais de mes propres mains ! Et je t’in-terdit de m’entendre faire la morale par une gamine !

La colère avait été forte ! … de quoi effrayer la jeune demoiselle. Raison pour laquelle le Gouverneur, qui venait de se jeter hors de ses gons, reprenait son souffle et retrouvait peu à peu son calme. Allons, il s’agit d’une enfant qui pense tout savoir du monde. Même si, de toute évidence, ce n’est pas le cas. En revanche, les deux protagonistes sont pris au dépourvu par la nouvelle et doivent reprendre leurs esprits. Restant dans le silence quelques secondes, la voix du vieux briscard revint sur une tonalité plus délicate, même si toujours aussi sévère.

~ Même si mon corps a enduré les coups, il n’en reste pas moins que je me sens mieux et qu’il ne reste presque plus dAOUTCH !!! NOM D’UN CHIEN DE BORDEL DE DIEU DE

Sur cette lancée lyrique et poétique, le vénérable grinçait des dents et fermait les yeux, comme si cela allait atténuer la douleur. Elle l’avait fait exprès ! Son objectif était de le soigner ou de le massacrer ?? Portant instinctivement la main à son torse, comme pour en extraire la souffrance à mains nues, l’autre main agrippait un coussin qu’elle tordait entre des doigts rageurs et prêts à déverser la fougue d’un vieil homme sur tout ce qui passait. Son regard marquait maintenant une certaine colère. Mais contre qui la diriger, étant donné qu’il ne tient pas à fustiger contre sa nièce … .

~ Ca fait un mal de chien ! Tu aurais pu y aller plus doucement ! Si ton but est d’obtenir mon autorisation pour quitter l’île, ce n’est pas sur mon cadavre que tu le feras … !

Suivant les consignes et les indications de son médecin en ce petit matin, le Kirijin restait attentif aux remarques.

~ Vieux et … ? Maintenant que tu es lancée, tu pourrais être honnête avec toi-même, tu ne penses pas ?

Pas vraiment de signe de gentillesse. Plutôt une moue d’ours grognon. Tout à parier que la réponse ne va pas plaire !

Toujours aussi agressif, le vieux. Comme quoi, il y avait des choses qui n'étaient pas destinées à changer le moins du monde.
Un frisson me parcourut l'échine lorsqu'il commença à m'injurier, si bien que je mis encore plus de plaisir malsain à briser ses os mal ressoudés, sans même prendre la peine d'user d'anti douleur dorénavant.
Kakeshuou Samui veut jouer les gros cons ? Oh et bien, il n'en a pas besoin puisque c'est un gros con. Le plus gros des cons de tout l'univers même.
Je me répétais sans arrêt cette phrase dans ma tête, inlassablement, s'en m'arrêter, cela m'encourageait à l'idée doucereuse d'abréger définitivement ses souffrances d'une petite incision dans la carotide. Juste une petite, une toute petite non douloureuse, mais tellement réconfortante pour mes oreilles.
Un grommèlement s'échappa de ma gorge alors que je me prenais une ultime remontrance en faisant en sorte que les os de son coude se remettent bien à leur place alors qu'une nouvelle injure sortait de la bouche du vieillard. Décidément, il ne savait pas ce qu'il voulait. Que je le soigne ou bien que je le laisse dans cet état.
Mes yeux se posèrent alors sur sa silhouette sculpturale alors que je lançais des éclairs de mes prunelles :


"Vous êtes un idiot ! À votre âge, on n'a pas idée de faire pareille folie avec son corps !"


Et pour ponctuer ma phrase, j'empoignais férocement sa main, les métacarpes ayant eux aussi beaucoup bougé. D'une simple pression de la main, je déplaçais l'ensemble des os composant sa dextre avant d'entreprendre de les remettre un à un à leur place par un procédé médical. Un sourire narquois se dessina alors sur mon visage en avisant les pinces de crabes posaient dans une assiette juste à côté de la bibliothèque :


"Pas très pratique de manger du crabe avec des mains dans cet état-là !"


D'un coup sec, je remboitais la main dans son axe et la faisais bouger dans tous les sens pour vérifier qu'elle ne bloquait pas :


"Ça va aller mieux là !"


Sans rien dire de plus, je me saisis d'une série de pilules et lui prends son verre des mains dans lequel je mets la plupart des comprimés avant de remplir le verre d'eau et de lui rendre :


"Buvez ça ! Ça va éviter les douleurs persistantes une fois que les effets de la piqure seront partis ! Vous avez de la fièvre aussi non ? Vous me semblez un peu rouge et transpirant !"


Sans attendre son accord, je me dirige vers un placard dont je retire une épaisse couverture duveteuse que je viens placer sur les épaules du vieillard :


"Donc ... Est-ce que vous m'autorisez à rentrer à Kirigakure pour tenter de soigner grand-mère ?"


J'étais venue pour ça après tout.

Des p’tits soins, des p’tits cachets, une p’tite couecouette pour le p’tit papi … Non mais attends, tu m’as pris pour un homme de l’âge de pierre ?!? Se tenant à sa place, sans chercher à intervenir davantage, le Gouverneur ravalait sa rancœur et contenait sa rage. Elle le prenait vraiment pour un crouton, pas vrai ? Sais-tu, pauvre gamine, que j’ai traversé mille enfers, et affronté plus d’ennemis que toi dans toute ta minuscule vie ? Sais-tu combien de fois j’ai placé mon corps sur la balance pour le bien du Village, et cela, peu importe les conséquences ? Et sais-tu, pour la dernière fois, que je suis capable de renouveler cela maint et maint fois sans la moindre hésitation ? Tu es d’une génération pourrie gâtée, qui ne réalise pas qu’il faut savoir prendre des risques dans la courte vie qu’a un Shinobi. Nous, qui avons parcouru toutes les guerres kiriennes, nous savons qu’il ne faut pas lésiner sur les moyens et les méthodes pour faire la gloire et la victoire du village.

Rejetant la couverture d’un mouvement d’épaules, le quinquagénaire portait son regard sur son corps brutalisé ; aussi bien par les coups portés auparavant, que par les soins qui venaient de lui être appliqués. Tu souffres bien souvent, toi. Mais un peu trop des mauvaises mains ! Yuki a appris la Médecine ? Heureusement qu’elle n’a pas appris la cuisine ; elle pourrait empoisonner toute la garnison, et livrer ainsi le village Caché de la Brume à l’ennemi ! D’ailleurs … il va peut-être falloir faire surveiller les cuisines … .
Mais il fallait bien rendre à César ce qui était à César. Après tout, malgré les nombreuses souffrances qui venaient de le meurtrir en plusieurs points, il faut bien reconnaître les choses telles qu’elles sont : alors qu’il pouvait se plaindre de très nombreuses douleurs articulaires depuis ces derniers jours, il ne ressentait maintenant presque aucune douleur. Les cicatrices étaient déjà guéries, et ses os remis en place. Un point des plus importants ! il serait fâcheux que votre dévoué serviteur se retrouve avec une ossature misérable lors de son prochain combat. Le simple fait d’y penser le ramenait à une réalité. Les Portes allaient, à l’avenir, lui poser de très nombreux soucis. Il allait devoir être prudent. Certes, il avait poussé le vice pendant ce combat face au guerrier rouge ; se mettant presque aux limites de la mort. C’était sur un traineau, et en pleine nuit, à l’insu de tous et par le service d’un fidèle compagnon qui saurait garder ce secret. Deux jours tranquille, sans qu’on ne vienne le déranger. Il avait battu le record établi par son adversaire ! Mais cela n’empêchait rien : s’il venait à souffrir de pareilles blessures, il aurait bien du mal à agir s’il n’a pas réglé le combat à cet instant là. Il faudrait certainement remédier à cette pénible situation … . Avoir un allié Médic-Nin, peut-être … ?

De son côté, associant reproches, injures directes et revendications incessantes, Yuki Samui n’en perdait pas une goutte. Le dernier geste était de trop. Maugréant et ignorant les conseils, recommandations et autres fioritures de sa nièce, l’homme mâchait son morceau de crabe sur un grognement d’ours. Prenant le verre qui lui était proposé, il le porta à ses lèvres … puis eut un moment d’hésitation et observa la gamine avec suspicion. Elle n’oserait quand même pas … ? Hé oui, que voulez-vous !! Jusqu’à présent, cette pré-adolescente s’est montrée capable de toutes les bêtises possibles ! De quoi prendre la tête pendant un moment !! Et ces comprimés, d’où venaient-ils ? Il reposait le verre sur la tablette à côté de lui. Oui, notre homme est méfiant, même des membres de son propre clan.

~ Je boirais ce verre plus tard. Je dois finir un travail ; et je ne peux pas me permettre d’avoir les idées ailleurs … .

Cette demande. Rentrer à Kiri ? La demande était raisonnable ; d’autant plus lorsque l’on regarde la lettre qui atteste du sérieux de la situation. Mais il ne faut pas précipiter les choses. Il est évident, d’après cette démonstration et l’intention qu’elle faisait connaître, qu’elle voulait tout tenter pour soigner sa grand-mère. Pouvait-elle y arriver ? C’était encore un mystère. Après tout, il vaut mieux ne rien parier sur sa première application dans un cas complexe, surtout lorsqu’il s’agit d’un membre de la famille. Devait-il lui permettre de commettre ce qui risquait d’être la plus grosse erreur de sa vie ? Devait-il, lui, prendre ce risque ?
Il se devait de s’assurer d’une certaine maturité chez cette jeune femme. Après tout, pour augmenter ses chances de succès, il est nécessaire que la jeune Princesse des Neiges ait grandi, ou plutôt mûri ! pour se lancer dans une opération aussi délicate. Un petit interrogatoire allait être nécessaire. N’oublions pas que la présence de Yuki Samui sur ces terres s’explique par une volonté de la confronter au monde réel, et sur un échange de bons procédés entre les deux doyens du Clan. Pourrait-elle se justifier, et montrer qu’elle avait changé pendant son court séjour dans le Pays de la Neige ? C’était encore à confirmer. Certes, des missions, des rencontres, … . Mais notre homme préférait en juger par lui-même. Après tout, d’après ses informations, si certains éléments plaidaient en sa faveur, d’autres (comme la rencontre avec l’un ou l’autre Nuyke-Nin) faisaient bien l’inverse !

~ Tu es venue à Yuki no Kuni pour t’ouvrir au monde, et prendre conscience de sa complexité et de son état. Que peux-tu me dire de ton expérience ici. Selon ta réponse, je déciderai de ton départ ou non … .

Repoussant le verre contenant des anti-douleurs et un comprimé pour dormir, le vieux biscard commença alors à me regarder avec insistance comme ci il cherchait à percer mon âme de ses pupilles pour découvrir ce que je cachais dans cette dernière. Qu'elles étaient vraiment les motivations de ma requête.
Dés lors, je commence à plier avec insistance les nombreuses couvertures du placard en prenant grand soin de les ranger dans l'armoire d'où je venais de les sortir. En définitive, je cherchais juste quelques choses pour m'occuper les mains. Pourtant, la question finie bel et bien à tomber.
Savoir ce que j'avais retiré de mon expérience à Yuki no Kuni ?
Beaucoup de choses et à la fois tellement peu. C'était plutôt contradictoire comme impression et pourtant, c'était ce que je ressentais.
Sans plus attendre, après avoir remis l'ensemble des couvertures dans le placard, je posais genoux à terre et m'asseyais juste derrière lui, continuant à scruter le moindre de ses mouvements.
Les lèvres mirent un certain temps à se scinder, puis à s'ouvrir raisonnablement pour enfin apporter une réponse à son interrogation :


"J'ai appris à voir le monde en deux couleurs ... Noir et blanc ... Et pas uniquement blanc comme je le voyais avant."


Une première phrase remplit de sens caché et pourtant tellement représentative de mon expérience ici. Mais je n'en avais pas fini :


"J'ai gagné en autonomie, en force de caractère ! J'ai appris à faire des erreurs, à avoir des élèves, à prendre des décisions, bonnes ou mauvaises ! C'est ce que vous vouliez, je crois non ?"


Sans plus attendre, je me redressais et m'approcher de la porte, bien décidée à la franchir sans trop attendre. Qu'il me donne ou non son accord, tant pis. Ça aussi, je l'avais appris dans mon pays natal. Il est parfois nécessaire d'agir en son âme et conscience et d'outrepasser les règles. C'était la base de notre existence.
Ma main se referma sur la poignée de la porte et j'activais cette dernière avant de lancer un dernier regard au vieux lion :


"J'ai grandi comme vous pouvez le voir ! Je pars sur-le-champ ! Et Yusuke m'accompagne, que vous le vouliez ... Ou non !"


Les dés en étaient jetés et sans même attendre la réponse du vieux, je quittais la pièce et remonter dans les étages pour récupérer mes affaires et prévenir mon amant que nous quittions le palais sans plus attendre.

Toujours assis, toujours à manger son crabe. Imperturbable, sans geste superflu et sans emportement, le vieil homme restait calme, posé, sans demander quoi que ce soit. Enfin … si ! Il avait posé une question à celle qui figurait, sur l’arbre généalogique, comme sa nièce éloignée. Il avait été envoyé sur cette île glacée et enneigée pour une mission de première importance : s’assurer de la sécurité de l’île, occuper le poste de Gouverneur et, ainsi, le rôle de représentant du Village caché de la Brume dans cette province conquise. La gamine, elle, était présente en ces lieux sur un accord bilatéral avec sa grand-mère. Elle se chargerait de veiller sur les enfants que Kakeshuou avait à charge, pendant que lui s’assurerait de la maturité et de la « rencontre avec le monde réel » pour sa petite fille. Un échange, ma foi, tout ce qu’il y a de plus louable. La question maintenant était de savoir si le tout avait porté ses fruits. Elle devait retourner au village militaire central. La situation l’exigeait et c’était on ne peut plus compréhensible. Mais les choses ne se limitaient pas là. Il était aussi question de voir si elle ne faisait pas cela sur un simple coup de sang, et si elle était véritablement capable de maturité et d’efficacité sur un esprit de communauté. Après tout, la perte de la vieille chouette pourrait la conduire au bord du désastre. Chose qu’il valait mieux éviter à tout prix, si cela était possible. Ce qui nous fait revenir à la fameuse question.

Temporisant dans un premier temps, et s’affairant à ranger les couvertures inutilement sorties, l’enfant s’était attardé sur un bilan pour le moins … mitigé. Son séjour aurait donc porté ses fruits ? Après tout, la vie de Ninja était ainsi faite : impossible de savourer l’instant présent, car il était souvent rabaissé et réduit à peau de chagrin par une nouvelle mission, un nouveau devoir, de nouveaux sacrifices. En l’occurrence, bien qu’il n’en ait pas fait mention à qui que ce soit, Kakeshuou Samui avait repéré un manège bien étrange avec un individu pour le moins peu commun. Un homme qui l’avait forcé à détruire son bureau pour le faire sortir. De quoi vous foutre en rogne un bon moment, croyez-moi !
Enfin on pouvait entendre un soupçon de réponse. Un monde fait de noir et de blanc ? C’était une analyse relativement fidèle des choses. Bien que simpliste ! Après tout, ce n’était pas aussi aisé de comprendre le monde. Non, la vérité est que le monde est gris par nature. L’action « blanche » d’un homme sera toujours « noire » pour une autre. Les ambitions entrent en collision, s’opposent, s’affrontent même ! Prenez l’exemple de Kiri : ses soldats de l’Ombre ne reculeront devant rien pour accomplir les mission que leur sont donnés ; et pourtant, il est évident que certaines d’entre elles – peut-être même toutes, lorsque l’on connaît la nature des missions du Village Sanglant – iraient à l’encontre des attentes ou des volontés d’une autre nation. Bref, le méli-mélo de ce monde, qui fait que même les plus sages ont appris une chose : la mission d’un Shinobi n’est pas de savoir ce qui est juste ou non. Seulement de savoir ce qu’il est prêt à mettre en jeu pour remplir sa mission.

Faire des erreurs ? Effectivement, s’associer avec un Nuke-Nin, c’était plus qu’une erreur !! C’était une faute grave, passible d’une condamnation pour acte de trahison. En particulier lorsque l’on observe l’ensemble de la scène sur un angle neutre : une jeune femme, kunoichi de surcroît, se livre d’amitié et de connivence avec un traître par essence … . Pas de quoi dresser un tableau neuf et bien joli ! Heureusement pour elle, le fait que son oncle était Gouverneur avait permis de camoufler l’affaire. Le progrès dans tout cela ? Elle reconnaissait qu’une erreur avait été commise … . De ce point de vue là, c’est sans le moindre doute un progrès. Avoir des élèves ?? Grand bien t’en fasse, même si je n’étais pas au courant ! Après tout, c’est vrai qu’avoir à charge des jeunots était le meilleur moyen de faire face à ses responsabilités. Si elle était capable de gérer ce genre de situation, elle pourrait rapidement assumer d’importantes tâches. Pour le Clan comme pour le Village.
Enfin, ce dernier point : oui, savoir prendre des positions importantes faisait partie d’une des plus lourdes responsabilités pour un être humain, surtout quand d’autres reposent sur ces mêmes choix.

~ Oui, en effet, c’est ce que nous espérions … ta grand-mère et moi. Si tu as suffisamment mûri pendant ton séjour parmi nous …

Mais il faut bien que la gamine fasse des siennes. Il serait étonnant qu’elle eut changé à ce point en seulement quelques mois. Après tout, elle avait déjà montré qu’elle était sauvage, indomptable, et ce en bien des façons. Surprotégée par sa grand-mère et sa famille, son arrivée sur l’île n’avait fait qu’aggraver les choses, en fin de compte. Alors qu’il s’apprétait à donner son accord et à la renvoyer avec quelque judicieux conseil, celle-ci se permet de faire une scène des plus inutiles et des plus folles ! Pourquoi gueuler ?! Pourquoi vouloir t’imposer et faire ta loi ? Cela me donne juste envie de t’envoyer paître et de te mettre aux arrêts pour insubordination ! Alors, dis-moi ce que tu y gagnes, sérieusement ….
La porte se claque, laissant le quinquagénaire seul … avec son crabe ! Heureusement que ce dernier est là ; c’est toujours un moyen de passer à autre chose … .

~ Ma pauvre Yuki … . Si tu ne t’insères pas dans le monde Shinobi en respectant ses règles … Tu ne survivras pas longtemps sur le champ de bataille … ou au sein même du Village … .

Mot de la Fin: