Jun avait besoin de blé, de beaucoup de blé à vrai dire. Il vagabondait depuis quelques jours d'auberges en auberges, buvant à outrance en attendant un appel ou un quelconque signe de Kyoshi Rei. Le problème, c'est qu'il commençait à manquer d'argent, du blé, du matos, comme vous voulez, mais il n'avait même plus assez pour se payer une chambre pour la nuit. Souffrant d'une moralité trop généreuse pour voler ou tout simplement pour brutaliser un riche du coin, le Kiyokuni s'était résolu à accomplir encore une fois une mission. Il avait l'habitude d'aller dans les grands villages et de regarder les annonces. Grâce à sa physionomie avantageuse, il arrivait généralement à se trouver une mission. Ce jour là, la demande n'était pas présente et il ne restait plus que d'ignobles missions en partenariat avec des kirijins lambdas. En temps normal, Jun aurait foutu le camp en moins de deux, mais il avait besoin d'argent et vite. Une petite mission lui permettrait de tenir deux semaines environ, d'ici là Rei le contacterait surement...

Le médecin avait été chargé d'escorter une cousine éloignée du Daimyo du pays de l'eau jusqu'au palais de ce fameux seigneur. Jun avait un certain dégoût envers les seigneurs depuis sa mission au pays du bois. Ces hommes se souciaient souvent seulement de leur argent et de leur intérêt personnel et ce sans donner la moindre considération aux minorités plus pauvres, une attitude que le vagabond détestait. Mais bon, pour cette fois il tâcherait de respecter la mission et de ne pas y déroger. D'une part ce serait moins compliqué et d'une autre, il pouvait être contacté à tout moment et devrait donc faire vite, très vite. Pour cette mission, on lui avait assigné une partenaire, il ne savait pas son nom, seulement son genre. Le nukenin espérait que la personnalité de la demoiselle ne soit pas trop forte et omniprésente puisque même s'il réussissait à cacher ses défauts d'estime de soi derrière une personnalité en apparence de marbre et des blagues de mauvais goûts, il était un être excessivement sensible.

Il prit donc la route du petit village de Siuzu qui n'était pas trop loin de sa position initiale. Le temps était clément et un soleil ardent surplombait le pays habituellement brumeux et peu accueillant. Malheureusement, la température ne resterait probablement impeccable pendant plus d'une journée... Ce n'était pas la première fois que le médecin s'aventurait au pays de l'eau, mais il n'avait que de vagues souvenirs de son plus gros village, Kiri. Aurait-il à le visiter? Seul l'avenir saurait répondre à cette question.

Après une demi-journée de marche et de course en alternance et même parfois de baignade dans un petit étant bien sympa, l'élégant blondinet arriva à destination et il était comme à son habitude... en retard! Il n'y avait pas grand monde aux portes du village et seule une jeune femme avait l'allure d'une ninja. Ça ne pouvait être qu'elle.

— Salutations, je suis Jun, votre coéquipier... On doit escorter qui déjà? 

Et voilà, première question conne et ce n'était même pas encore commencée. Jun avait de la difficulté avec les femmes, l'acool l'aidait généralement beaucoup dans des situations comme celle-là. Il n'était pas laid du tout, mais ses talents de charmeur étaient à peu près au même niveau que celui d'un enfant de huit ans quand il regarde les courbes de sa gardienne.

Arisu. Ce nom était à la fois élégant et agréable à prononcer. C'était loin de ressembler à Aleya, mais ça commençait par un A, la similitude était présente. Ce genres de petits détailles complexifiaient la personnalité de Jun. Il ne cessait constamment de faire référence à son amour autrefois, d'y penser. Ses pensées étaient tournées vers un doux regard d'azur, des lèvres pulpeuses et un corps admirable. Le médecin se délectait de ces souvenirs qui devenaient peu à peu de plus en plus lointains et aussi de plus en plus douloureux. Il se faisait du mal et en était conscient, mais c'était un mal nécessaire à sa quête de pouvoir.

La partenaire qu'on lui avait attribué pour cette mission était une demoiselle qui semblait avoir la tête sur les épaules. Elle avait déjà pris l'initiative de repérer la demeure du Daimyo avec une carte particulièrement bien illustrée. Pourquoi est-ce qu'elle avait une carte et pas Jun? Sa tendance à partir de manière précipitée en répondant oui à toutes les questions devait avoir menée à cet oubli. Mais bon, se morfondre sur sa situation qui n'était au final vraiment pas si mal que ça n'était pas une bonne technique pour terminer cette mission en vitesse. Atteindre la destination ne pris guère plus de quelques minutes. Le village était calme, les citoyens n'affluaient pas d'un peu partout dans les rues pour vendre différents produits comme dans les grands villages ninjas. Arisu s'avéra être une dame plutôt qu'une jeune fille, elle devait avoir bien plus de quarante an, mais semblait encore en bonne forme.

Le vagabond imita sa compagne et se présenta brièvement à leur protégée. La route était longue jusqu'à Kiri et l'après-midi tirait à sa fin. S'ils voulaient optimiser leur avancée, le groupe devrait voyager pendant une partie de la nuit. La dame avait prit place sur un âne ou plutôt une ânesse à la musculature robuste. L'animal risquait d'être le dernier à flancher sous le poids de la fatigue. L'archipel de Kiri était un endroit qui se définissait en un seul mot : ennuyant. Le paysage n'offrait rien de vraiment palpitant, ce n'était qu'une succession de petits villages et de forêts, de quoi mourir d'ennui... Pour se distraire un peu et mettre de la joie dans le groupe, Jun décida d'entamer la conversation avec sa coéquipière. Et quoi de mieux qu'un sujet plutôt corsé et mal choisie pour commencer le tout. Le Kiyokuni n'était pas l'homme le plus sociable au monde et n'était pas doué pour les relations sérieuses, cela ne jouait pas en sa faveur.

— Dis donc et ne le prends pas pour une insulte, qu'est ce qui t'amène à combattre et à donner ta vie pour Kiri? Après tout, ce n'est pas le pays le plus pacifiste qui soit, non?

C'est à ce moment que Jun réalisa qu'ils n'étaient pas deux, mais bien trois dans le groupe. La troisième était une cousine du Daimyô et donc très certainement une fervente défenseure des idéaux du village. Le médecin venait de foirer, déjà que sa première impression n'avait pas été des plus glorieuse qui soit, la seconde était pitoyable. S'excuser aurait peut-être été un geste bien choisie, mais maintenant que la question était posé, Jun préférait encaisser les foudres de ses partenaires de voyages et entendre la réponse.