Allongée sur le ventre sur son lit prévu pour une personne, les pieds là où devraient se trouver normalement sa tête, son coussin serré dans ses bras sur lequel se reposait ou plutôt s’aplatissait sa généreuse poitrine qu’elle avait décidé de ne plus camoufler sous des mètres de bandage, le menton reposé sur le bout du coussin, elle semblait être perdue dans une profonde réflexion. À quoi donc pouvait-elle bien réfléchir ? Pas à une chose bien importante à vrai dire. Elle cherchait juste quoi faire pour tuer le temps qu’elle commençait à trouver bien long. Aujourd’hui elle était de repos, jour qu’elle commençait sérieusement à détester surtout lorsqu’il faisait mauvais comme aujourd’hui. Si elle appréciait traîner au lit le matin, une fois sortie de celui-ci elle aimait être occupée mais ayant déjà rangé son petit appartement, elle ne savait plus quoi faire. Durant les beaux jours, elle était dehors à cette heure-ci mais l’été avait laissé sa place à l’automne qui lui n’avait pas oublié d’amener son temps pluvieux et venteux avec lui, empêchant ainsi ceux qui n’étaient pas obligés de pointer le bout de leur nez dehors; à moins de souhaiter attraper un bon rhume. Chose dont elle n’était pas très friande.

Les minutes continuèrent de défiler à une lenteur pas croyable pour la binoclarde et celles-ci allaient former une heure d’ennui en plus que celle qui s’était déjà coulée lorsqu’elle décida enfin de faire quelque chose. Elle abandonna sa place confortable sur le lit pour se diriger vers l’unique fenêtre de son petit appartement perché au plus haut niveau d’un vieux bâtiment mais pas le plus délabré du village. Elle regarda un moment dehors, surveillant le mouvement des arbres qui se trouvaient non loin en bas pour évaluer la violence du vent. Puis voyant que les branches et feuillages ne se faisaient pas trop malmenés, elle ouvrit la fenêtre mais vu la hauteur d’où elle était perchée, un coup de vent vint la surprendre, faisant danser ses boucles brunes. La surprise passée, elle leva la tête pour examiner le ciel. Ce dernier était encore bien sombre mais la pluie était assez fine. Elle referma la fenêtre puis des pas décidés, elle se dirigea vers la sortie. Elle attrapa le parapluie qui trainait à l’entrée avant de se glisser dehors une fois ses chaussures mises. Habillée d’une simple chemise blanche à manches longues et d’une jupe plissée noire tombant jusqu’à mi-cuisse, elle affronta le vent assez glaciel en cette saison, à l’abri de la pluie sous son parapluie noir dénué de toute extravagance. Elle emprunta le chemin habituel pour se rendre à son arbre qui lui manquait étrangement. Les rues bien dégagées à cause du mauvais temps lui a permis d’atteindre son lieu de destination en moins de temps que d’habitude. Elle se trouvait à présent au pied d’une pente recouverte d’une herbe jaunissante. Tout en haut mais pas tout à fait au sommet, se trouvait un arbre majestueux qui avait poussé bien droit là où tout être humain aurait tenu penché sauf en défiant la loi de l’apesanteur. Il avait perdu une grande partie de son feuillage qui avait jauni mais la Natsumi le trouvait toujours aussi majestueux. Elle resta ainsi à l’admirer alors que le vent jouait avec ses cheveux et sa jupe qui dévoilait de temps à autre son sous-vêtement; chose dont elle ne semblait pas se soucier …

Perdue dans la contemplation de l’arbre qui était devenu son unique et fidèle compagnon depuis son arrivée dans le village de Kumo voilà presque un an, elle ne remarqua même les regards plus ou moins indiscrets et plus ou moins intéressés sur sa petite culotte que le vent s’amusait à exhiber au gré de son humeur. Elle n’était pas assez bête pour ne pas savoir qu’avec un temps aussi venteux, un tel risque était possible lorsqu’on revêtait d’une jupe aussi courte et légère que la sienne mais elle s’en fichait tout simplement de se donner un spectacle même si la situation aurait embarrassé plus d’une. Son rôle d’exhibitionniste ne la dérangeait aucunement. Sentiment que ne semblait pas partager un des passants qui au lieu de faire comme les autres, c’est-à-dire regarder puis continuer leur chemin ou bien détourner tout simplement le regard, celui-ci se positionna à côté de la jeune femme et lui fit comprendre gentiment qu’elle devrait faire attention à sa jupe.

Ramenée de force dans la réalité, la Natsumi cessa d’admirer son arbre pour reporter son regard sur l’importun. Une personne digne de ce nom aurait remercié le gentleman pour sa bonne intention mais les prunelles sanguines qui s’étaient posées sur lui ne reflétaient aucune lueur de reconnaissance; celles-ci continuaient d’arborer son éternelle expression de froideur presque dédaigneuse.

La binoclarde fronça légèrement les sourcils lorsque l’homme lui demanda son identité avant de se présenter sans qu’elle lui ait sollicité. Pour les dignes communs des mortels, il était tout à fait naturel de souhaiter savoir l’identité de leur interlocuteur comme celui de se présenter à ce dernier mais au fil des années, la binoclarde avait associé cette forme de politesse à de l’intérêt. Pour elle qui ne cherchait jamais à récolter la moindre donnée sur une personne si elle n’y voyait là un intérêt quelconque, une personne qui souhaitait récolter la moindre information, même si celle-ci se résumait à son simple nom, cherchait forcément à lui soutirer quelque chose. Cette dernière pourrait se présenter sous la forme d’une simple reconnaissance innocente mais qui là encore n’était pas une chose qu’elle cherchait à avoir naturellement chez ses semblables. Attitude qui la poussait dans l’isolement mais dans lequel elle ne semblait pas souhaiter s’extirper. Ce fut donc fidèle à elle-même qu’elle répondit au dénommé Hasaki qui la fixait, un grand sourire aux lèvres.

- Faites donc de même Monsieur Hasaki et si le spectacle ne vous plaît, vous n’avez qu’à laisser les autres en profiter ! Le ton était plat, de celui-ci ne filtrait aucune émotion particulière bien que les paroles semblaient plutôt rudes. Sinon, je me nomme Natsumi Mairu et je vis également dans ce village ! Poursuivit-elle sur le même ton.