Ordre de Mission:

Des vacances ! Enfin de vraies vacances ! Avec des plages, du soleil, et une île merveilleuse. Ça, si c’est pas une bonne nouvelle ! Quoi, comment ça y a une embrouille ? La chasse à l’homme ? Taper des gens ? Faire sombrer une organisation criminelle ? Tuer des méchants ? Bof, c’est pas ça qui va faire peur à Yuka. Certainement pas. Au contraire, faire des petites magouilles, c’est un peu son quotidien. Il n’empêche que ça reste intéressant, dans le sens où, entre deux baignades, la violence peut éclater d’un seul coup. Et ça, ça n’a pas de prix. C’est une chose excellente, et Yuka ne dira jamais non à une partie de chasse. Jamais. Surtout que, sur le papier, est noté le nom de Shinichi. C’est donc une mission en duo avec ce cher Lutin, qui se dit noble alors qu’il n’a rien pour l’être. Ou pas assez. Mais ça reste quelqu’un que la kunoichi apprécie beaucoup, et se dire qu’elle va faire une fête démente, avec des giclées de sang sur les murs. Ce sera sexy ! La discrétion ? Bah. Suffit de les choper dans une usine et hop, en voiture Ginette !

C’est plongée dans une folle euphorie que Yuka s’est élancée à l’entrée du village. Elle a chopé deux-trois vêtements d’été, de quoi traîner sur la plage, et d’autres conneries, qu’elle a soigneusement entassées dans un petit sac. Petit bisou sur le nez de Yoru, et hop-là, plus de petite fille. Juste une demoiselle sautillante qui s’enthousiasme à l’idée de taper du gros sur une plage. Non mais une île paradisiaque, quoi ! Les connards ont bien choisi leur place. M’enfin, ce n’est pas si grave que ça, au final. Ils restent sur le fil, et vont bientôt recevoir de grosses caillasses. Pouf, en plein dans le mille. Et ils ne les verront pas venir. La kunoichi a déjà plein d’idées pour les mettre à mal, et est quasiment certaine que cette petite fête improvisée sera des plus drôles, et des plus mémorables.

Mais d’abord …
Au loin, une silhouette. Cette même silhouette qu’elle connaît si bien, qu’elle a vu plusieurs fois dans plusieurs situations différentes. Ce type, avec lequel elle a déjà bien déconné, et qui revient une fois encore. Un grand sourire naît sur ses lèvres.

5, 4, 3, 2, 1 …

— SHINICHIEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEETTE !!

Projectile en approche !
Yuka se jette sur lui et le serre fort contre elle, comme une grosse gamine. Tous les passants se tournent et posent sur eux des yeux médusés. Ils sont complètement abasourdis par ce qu’ils viennent de voir. Leur ancien Mizukage qui se fait ainsi sauter dessus par une demoiselle, et qui a un surnom véritablement ridicule. Ils ne savent quoi penser. Que dire, à propos de cet homme qui vient de perdre toute crédibilité ? Rien. Il n’y a rien à dire. Alors ils repartent tous à leurs habitudes, et tentent d’oublier à jamais cette scène des plus traumatisantes. Yuka le relâche, et lui lance un regard amusé, plein de malice.

— On va en VACANCES ! Et en plus on va taper du gros ! C’est pas trop bien ça ?!

Enjouée. Peut-être même trop, au point qu’elle en oublie le danger qui se cache derrière le tout. Yuka se rit de la peur. Rien ne l’arrête, plus rien ne l’arrête. C’est un peu le genre de folle masochiste qui se jette à corps perdu dans un bain de sang, en sachant qu’elle peut y perdre la tête, mais n’en a que faire. Aucune peur, juste un besoin insatiable de violence.

— Allez viens ! En route !!

Et c’est parti. Une bonne petite route jusqu’au port, pour rejoindre la fameuse île en question. Direction : Sea, Fun and Blood !

Un cadavre. Voici ce à quoi ressemble Shinichi. Un véritable cadavre. Sa forme olympique n’est plus, et son teint est terriblement blafard. C’est pas de chance pour lui, ça. Surtout qu’une île des plus paradisiaques les attend ! Yuka est terriblement enjouée à l’idée d’arriver là-bas, tellement que le temps semble s’être figé. C’est long et lent, et le bateau n’avance pas assez vite. Si elle le pouvait, elle prendrait la place du conducteur pour aller encore plus vite, et arriver dans les heures qui suivent ! En attendant, il faut réfléchir, réfléchir, toujours réfléchir. Sauter partout, c’est bien, mais concocter un plan pour tout ça est beaucoup mieux.

Sauf que Shinichi décide de s’exiler dans sa chambre. Elle ne peut pas lui en tenir vigueur, il a l’air tellement mort. Tellement crevé, tellement … Oh, il y a tant de mots qui lui viennent. Yuka hoche la tête et le laisse partir. Quelques heures passent, tandis que la brune s’est installée comme une larve sur un transat, en plein soleil, à griller, véritable écrevisse. Elle a glandé pendant tout ce temps, sans réfléchir à rien, trop travaillée par tout ce que ces « vacances » impliquaient. Il y a beaucoup trop à faire, là-bas ! Taper du méchant, c’est bien, mais faire que ça alors qu’ils proposent des vacances, merde, quoi ! Grrrh.

Au bout du couloir déboule un Lutin dépouillé de toute sa noblesse, avec une tête à faire peur à n’importe quel médecin existant. La kunoichi va à sa rencontre, beaucoup plus calmement cette fois. Elle ne peut pas le laisser comme ça, alors aux grands maux, les grands remèdes ! Yuka se saisit de sa main et l’entraîne sur le transat où elle se trouvait.

— Tu restes là. Si tu bouges, je fais de ton côté noble un délicieux souvenir.

Ça, c’est fait. Sur ces doux mots d’amour, la Sabreuse s’en va chercher une bassine d’eau, une bassine vide, un gant, de l’eau et de quoi calmer les douleurs. La pauvre bébête à cheveux bleus est toute fatiguée. Le troll est complètement vide, il n’y a plus rien dans les batteries. Alors il faut s’affairer ! Jouer au médecin de basse catégorie et s’en occuper au mieux. Quoique. Il est tellement patraque que les capacités de Yuka atteindront vite leur maximum. Mais ça suffira amplement. La kunoichi revient rapidement voir l’ancien Mizukage, lui montrant chaque instrument.

— La bassine vide pour vomir, la bouteille d’eau pour les médicaments qui calmeront nausées et douleurs, la bassine pour faire passer la fièvre.

Médecin ? Presque, presque. Infirmière collerait mieux au rôle, finalement. Yuka chope alors le gant, le plonge dans la bassine d’eau, essore, et lui pose sur le front. Elle prend un transat et s’assoit à côté, histoire de le surveiller. Si elle avait su que ça commencerait comme ça ! Surtout que ce n’était pas écrit dans le scénario ! Ça fout tout en l’air, rah. Quelle belle connerie. Quelle poisse ! Mais il reste plusieurs questions à poser.

— Sérieusement. T’as fait un raid dans les bars du village hier ou quoi ? Faut le faire pour être aussi mal !

Eh bien ouais. En tous les cas, ce n’est pas maintenant qu’ils vont réfléchir à un plan. Au pire, ils fonceront dans le tas, c’est tout aussi bien ! Quoique. Ils sont pas beaux et méchants, les malfaiteurs, cette fois-ci.

— Comment j’fais, si monsieur Shinichi devient tout mort alors qu’on s’apprête à zigouiller des vilains ?! On n’a même pas d’plan en plus. Tu choisis bien tes moments, toi !

Elle prend le gant, et lui étale doucement sur le visage, pour le rafraîchir. Ah, ça, oui. Il a bien choisi son moment, le faux-noble.

« Aujourd’hui, je suis une pute. »
Toute cette histoire se résume à cette seule et unique phrase. Petite, courte, faisant état d’une réalité temporaire. Shinichi a décidé ça comme ça. Après s’être barré comme un lâche dans sa piaule pendant que Yuka s’affairait à le soigner, il a fini par revenir, pris d’une soudaine illumination. Une fois arrivés au port, il s’est henge en femme, ou du moins, en demoiselle. Une jolie jeune fille aux cheveux longs. Un grand sourire naît sur les lèvres de la kunoichi. Ces deux bouts de femme, aux poitrines plates et au corps trop juvénile, finiront par n’attirer personne. Mais il faut savoir se servir de ses atouts !

Alors, la Mitsuharu, qui est envoyée sur le terrain, décide de faire au mieux pour ne pas faire foirer la mission. Ce serait un comble pour elle, qui est l’unique véritable femme du groupe. Cependant, si Shinichi n’a aucune dignité et n’hésite pas à se transformer en vraie pute, Yuka reste fidèle et porteuse d’un certain honneur. Une demoiselle, certes, mais une demoiselle en couple ! Et ces hommes ne méritent pas de voir la vraie sabreuse à l’œuvre. De ce fait, une fois arrivée dehors, la brune crée une réplique d’elle-même et l’envoie sur le terrain. Liée à elle par une petite oreillette trouvée dans le magasin le plus miteux du coin, la Mitsuharu se donne la possibilité de superviser chacun de ses faits et gestes à distance, sans avoir à bouger le petit doigt.

Cependant, une question intervient alors : Comment attirer des clients dans un bordel ? Comment rendre ce dernier connu, et faire en sorte que les gens y viennent avec un très grand intérêt ? Tortiller des fesses ne suffit pas, au contraire. La kunoichi creuse encore et encore dans sa tête, à la recherche d’une véritable réponse à sa question. Elle s’interroge, imagine des stratagèmes, jusqu’à trouver LA raison qui tue. Cette excellente raison qui les motivera tous. Un grand sourire naît sur ses lèvres, et elle transmet l’idée à son double.

— Ok, maintenant, tu les chopes, tu indiques l’adresse, et tu dis que c’est un SPA qui vient à peine d’ouvrir. Les premiers massages sont gratuits, et les femmes qui les font sont particulièrement chaudes.

Le clone hoche la tête et se met en route. Un mensonge, hein ? Mais qui n’a jamais menti, surtout dans ce genre de situations ? Quand les réseaux semblent pourris jusqu’à l’os, généralement, ce qui sauve, ce sont les mensonges. Et puis, finalement, ce n’en est pas vraiment un, c’est surtout une petite modification de la réalité. Toute petite. Et dans le cas où ça ne met en jeu la vie de personne … Hum … Bon, d’accord. Mais ils finiraient protégés au final ! Protégés, et leurs vacances se verraient sauvées. Préservées. Sinon, bye-bye l’île paradisiaque. Et ça, personne ne le veut. Les cauchemars ne sont pas censés atteindre la réalité, alors autant les en empêcher le plus vite possible.

Yuka laisse son double faire, et cette dernière semble se débrouiller avec une habileté déconcertante. Il y a même certains hommes qui sont directement aguichés, et qui échangent parfois une caresse ou deux. C’est dégoûtant, mais elle n’a pas le choix. Et ce ne sont pas ses fesses qui sont touchées, mais celle d’une copie, ce qui, en soi, n’est pas si dramatique.

Au bout de sa tournée, la kunoichi semble avoir amené un grand nombre de clients dans le bordel. Ils sont tous là, à atteindre le massage promis. Sauf que … Tous ces gens finiront bâillonnés au fin fond de la cave. Ils n’auront pas leur mot à dire, et seront condamnés à attendre que tout soit fini. Ils se sentiront mieux, et seront protégés. Et puis. De toutes façons, ils ne sont que le cadet des soucis de nos deux prostituées – cette appellation déplaît fortement à Yuka, qui prie silencieusement pour que ça passe rapidement. Un beau jeune homme finit par pousser la porte. Il est parfait. Trop parfait pour être réel. La Mitsuharu s’en approche avec beaucoup de grâce, sublimée par une démarche de déesse. Un grand sourire naît sur ses lèvres. Elle s’approche et dépose sa main sur son torse.

— Bonjour, je peux vous aider … ? ~

Ses lèvres s’arquent en un ris carnassier qui devient rapidement méchant. Il chope Yuka à la gorge et la soulève, la maintenant en l’air.

— Alors comme ça, vous venez nous concurrencer ? Personne ne nous gêne. Nous sommes les maîtres vous les sous-merdes.

Yuka lui assène un coup de pied magistral dans les côtes. Il la relâche instantanément et titube. Erreur fatale. Dans l’ombre, plusieurs bonhommes déboulent et se précipitent sur les deux péripatéticiennes. Quel dommage, les têtes vont tomber, très très vite. Quelques minutes s’écoulent et le noir complet finit par les recouvrir.

Rideau. Silence. Pas un rat.
La kunoichi ouvre les yeux, et remarque un bâillon sur sa bouche, ainsi que des liens dans son dos. Immobilisée, et contrainte au mutisme. Elle tourne la tête, et constate que sa – ou son – partenaire se trouve tout près. Déjà un bon point. Puis, la brune se précipite dans quelque chose de très glauque : la vision des cellules alentour. D’autres personnes se trouvent là, victimes du même ravisseur. Il doit bien y avoir un grand manitou derrière toute cette manipulation …

Pour l’heure, il faut trouver un moyen de partir d’ici, et ça ne va pas être chose facile.
Quoique. Dans le fond, des bruits de pas retentissent, ils s’approchent. De plus en plus près. Jusqu’à ouvrir la cage des deux demoiselles – enfin, de la demoiselle et demie – pour les traîner de force dans une autre pièce. Le déplacement est rude, douloureux. Traînée par les cheveux, elles sont déposées sur des chaises, les mains nouées, mais le bâillon enlevé. Ce qui les attend ? Leur pire cauchemar.

Clac ! Clac !
Les fouets contre la peau, les grimaces de douleur. Aucun hurlement, aucune plainte. Juste les dents serrées qui empêchent tous les sons de passer. Ces sales enfoirés ont abîmé leur peau, leurs vêtements, tout ça. Toutes ces choses qui resteront encore et encore sur leur épiderme, laissant de magnifiques cicatrices bien douloureuses, bien dégueulasses. Tellement, tellement agréable. S’il y a bien une chose qui dégoûte Yuka, c’est ça. Être prise pour une conne. Surtout qu’ils se sentent forts, les enfoirés, avec leurs marchés à deux balles. Comme s’ils allaient leur donner toute la maille et, en plus de ça, fermer leur clapet comme de gentils toutous bien mignons. Et la marmotte ? Yuka serre un peu plus les dents, et ne laisse rien passer. Couverte d’ecchymoses naissantes, elle se contente de fermer les yeux et d’attendre que le calvaire passe. Une fois l’orage de coups terminé, il ne se passera plus rien, et les deux protagonistes rentreront gentiment au bordel, à l’affût pour zigouiller ces enfoirés.

Qu’ils manipulent tout un monde, d’accord. Qu’ils soient proxénètes et ne pensent qu’à l’argent, doublement d’accord. Qu’ils abîment le corps de Yuka ? Ça, pas d’accord du tout. Qui abîme le corps de Yuka est roué de coups jusqu’à atteindre dix fois la douleur ressentie. Pour les marques ? Elles seront indélébiles. Inscrites à jamais sur leur peau, comme les marques faites au fer rouge. Ah, ces bâtards vont payer. Et pour payer, ils vont bien payer. La kunoichi soupire, et attend que le shinobi sorte de la douche pour y aller à son tour. Elle se laisse tomber contre la paroi, avant de se rentre compte que les plaies sont encore vives, et presque plus douloureuses que la veille. Rapidement, la demoiselle se lave, enlève toutes les marques de sang et se prépare pour la suite. Une journée de merde en perspective. La soirée, par contre … Mmh, quelle belle soirée.

Yuka se ramène alors vers Shinichi, toute propre et bien coiffée, comme si rien n’avait eu lieu. Un air extrêmement sérieux sur le visage, elle finit par lâcher.

— Ce soir, embuscade. On attend d’être là-bas, on leur donne le tout, et on les défonce. Après ça on libère tous les autres et on se casse. Tantouze ou pas tantouze, rien à foutre, t’es avec moi sur le coup, on bute tout le monde. Pas de reste. Tous morts, sinon rien. Pas d’plan. On tape dans le tas dès qu’on a posé l’argent.

Sur ces mots tendres et amicaux, la brune s’en va ouvrir le bordel, plaquant sur ses lèvres un rictus transpirant le bonheur. Ah, quelle merde, quelle merde.

***

Les bourreaux ramènent leur graisse au bordel de Yuka et Shinichette, et décident de les embarquer à nouveau, pour éviter que la merde leur tombe sur le coin de la figure. Ce ne sera pas bon pour eux. Ils ne parviendront à rien. Ils ne les vaincront pas. Ils finiront six pieds sous terre avant qu’ils ne comprennent ce qui leur arrive. Yuka ne sourit pas, et conserve un air grave jusqu’à pénétrer de nouveau dans le bâtiment. Face à eux se dresse une bâtisse gigantesque, cachée par un très grand nombre d’arbres. Ils pénètrent tous ensemble, Shinichette et la Mitsuharu étant entourés de partout. Deux hommes devant pour les mener, deux derrière pour les surveiller. Suffira ? Suffira pas ?

Une fois arrivés à bon port, la porte est fermée à double-tour derrière eux. Un moyen comme un autre de se protéger. Sauf que là, les plus violents sont tous présents. Les autres ne sont sûrement que des sous-fifres. L’un des balourds vient choper le visage de Yuka et lui tire une grimace des plus désagréable à regarder.

— Alors ma jolie, tu me ramènes beaucoup de blé ce soir ? Montre-moi …

Sa main descend jusqu’à sa poitrine, avant de s’apercevoir que l’apparence de planche à pain de Yuka n’est pas une illusion d’optique, mais bien une réalité. Haha, dommage, hein ? Il peste dans son coin, et part voir Shinichette. La brune pose brutalement le sac sur la table, pour attirer son attention. Pendant qu’il compte, elle regarde la scène. Quatre contre deux. Comment les avoir ? Excellente question. Oh, oui, excellente question. Yuka ne sait pas vraiment comment faire, à froid. Elle réfléchit. Mais le temps passe, alors il faut réfléchir vite.

Elle échange un regard inquiet avec le shinobi à ses côtés. Comment faire, maintenant ? Ils vont encore leur filer entre les pattes comme des salopards, s’ils ne s’activent pas …

Une salle étroite, six personnes. Toutes autour d’une seule et même table. Plusieurs objectifs, rassemblés par le plus futile de tous les biens : l’argent. Si certains s’en servent pour annexer le monde et en faire leur terrain, d’autres l’utilisent à des fins plus … décentes. Ou presque. Si ici, Yuka et Shinichette – sexy Shinichette – prennent l’argent comme « otage » dans un but plus ou moins honorables, ce qu’ils s’apprêtent à faire est loin de suivre la morale. Après tout, si on écoute l’éthique habituelle, personne n’est censé tuer son semblable. Mais cela s’applique-t-il à des shinobis ? Là est la véritable question. Est-ce condamnable que d’arracher la tête d’une homme lorsqu’il le mérite ? Pour Yuka, ça ne l’est pas. À l’inverse. Les criminels méritent le bûcher. Surtout ceux-là. En plus de profiter des corps souillés de ces femmes, ils s’en foutent plein les poches et continuent de rendre ce monde encore plus laid. Ce n’est pas un crime en soi, mais laminer les autres parce qu’ils sont les « maîtres » de ces lieux, là, par contre … Ahah, maîtres de que dalle. Heureusement, la Mitsuharu et son acolyte Kitase se trouvent ici pour réduire à néant ce rêve, et les transporter dans le plus merveilleux des cauchemars. Ils ne s’y attendront pas, ne comprendront pas, mais ils s’y retrouveront. Héhé … Et cela commence maintenant.

Dix épées apparaissent, sorties de nulle part, gravitant juste au-dessus des têtes de leurs adversaires. Ils reculent, surpris, et effectuent un jeu de regards comique au possible. Ils ont peur, ces tantouzes. La plus grande peur de leur vie. La surprise monte en eux, ils tremblent. Cependant, ils ne sont pas là pour ramper comme des mauviettes. Yuka leur adresse le sourire le plus sadique que ses lèvres n’aient jamais porté. Elle pose une petite main malicieuse sur Suishô, tapotant le manche, narquoise. Ils la fixent tous, et semblent encore plus désemparés face au petit tour de passe-passe de Shinichi. Oh, une femme qui devient homme ! Ça fait quoi de peloter un travelot, hein ? Gros coup dans l’ego, ça. Pauvres petits. L’un d’eux lance un regard un peu paniqué à son acolyte. Sûrement la plus jeune recrue, et celle qui tient le plus à sa misérable vie. Mourra-t-il le premier ? Oh, pourquoi pas. ~ Quoique. Non. Celui qui lâchera prise le premier n’est autre que celui sous les quatre épées. La kunoichi sourit. L’un d’entre eux esquisse un mouvement, et la brune lui balance une salve de shurikens, visant le bassin.

— Non non non. ~ On joue à Un, deux, trois, SOLEIL. J’suppose que vous connaissez pas … Vous avez des passe-temps trop différents des nôtres.

Yuka daigne enfin bouger son popotin. Lentement, elle passe près de chacun des hommes, Suishô dans la main, au cas où l’un d’eux s’amuserait à tenter une offensive. Pendant qu’elle marche, elle s’exprime, expliquant lentement, calmement, en quoi consiste ce super jeu.

— La règle la plus intéressante est … Que vous ne devez pas bouger. Techniquement, si vous le faîtes, vous devez retourner à la case départ, mais là … Ce sera la case mort. Nous en sommes à Soleil. De ce fait, si vous bougez, votre tête tombe. Ou l’épée. C’est au choix.

Ils tremblent, mais ne se laissent pas faire pour autant. L’un d’eux remue doucement, avant de s’élancer sur Yuka. La brune, captant le mouvement à cause de sa lenteur, le renvoie à l’envoyeur. Il se retrouve à nouveau sous ses petites amies les épées. Tilititi. C’est rigolo. ♪

— Et tu crois qu’on se laissera faire, grognasse ? Dîtes-nous c’que vous voulez plutôt que de faire les malign… euh, les malins.

Yuka hausse les épaules. Bon. Histoire de ne pas rendre le monsieur trop ronchon, elle esquisse un mouvement de bras et pose son épée juste sur son menton, menaçante. Ses prunelles andrinoples rejoignent les émeraudes du type, et s’y posent, brûlantes de haine.

— Au départ, nous voulions que l’arrêt de vos conneries, en fait … Mais … Les choses ont changé, maintenant, on veut …

Elle lui plante Suishô dans la peau, et la transperce. Une giclée de sang vient tacher son visage. Rieuse, elle l’accueille sans rien dire, continuant son carnage. Les autres gars se jettent instantanément sur la meurtrière, prêts à lui faire la peau. D’une certaine manière, Yuka le mérite. L’éthique shinobi veut que les criminels soient châtiés. En le tuant, Yuka devient une criminelle. Mais … Qui de tous ces gens l’est le plus ? Peut-être que la chance tourne du côté du plus « pur » de tous, non ?

Dès lors, les dés sont jetés. Lorsqu’ils annonceront le résultat, des têtes tomberont. Alors, petit dé, deux, ou trois ? Combien de morts cette fois-ci ?

Paraît que le ridicule ne tue pas. Mais des fois, il amoche salement. Il laisse de belles stigmates sur la peau, comme marquées au fer rouge, qui indiquent que telle ou telle personne a fini par se chier sur la place publique. Yuka a ces quelques traces sur la peau. Surtout maintenant, à vrai dire. Après avoir fait la prostituée pour le bien d’une mission, elle a reçu des coups de fouet pendant une bonne demie-heure, mais même après ça, ses péripéties ne se sont pas terminées ! Eh non ! Parce qu’après la tatane donnée aux sous-fifres, la brune devient une véritable otage, retenue par … Shinichi. Si ça, ce n’est pas une preuve de ridicule, la kunoichi ne sait pas ce que c’est. Non mais. Sincèrement. Un lutin gamin, qui se fait lui-même passer pour une pute, qui finalement la maintient ? Quelle énorme blague ! M’enfin. Heureusement qu’ils sont alliés. Autrement, la patate, il l’aurait mangée depuis déjà bien longtemps. Yuka soupire. De toutes les façons, elle n’a pas vraiment le choix. Mission oblige. Secret, discrétion et professionnalisme sont censés être de rigueur. Même si là, ils ne le sont plus vraiment.

Shinichi pousse une porte et dévoile un véritable arsenal. Youhou. Une tonne d’armes partout, qui vont être bonnes à détruire ! Un carnage sur le fer, y a que ça de vrai. Comment se défouler sans entendre de cris ou de plaintes, seulement le bruit des matériaux qui s’entrechoquent avant de rompre totalement, pour finir en morceaux. C’est drôle, c’est sûr. Des notes explosives volent, disparaissent, renaissent de leurs cendres, à présent réduites à l’état de simples banderoles. Des décorations de Noël, ils vont bien chialer quand ils s’en rendront compte. La rage se lira sur leurs visages, tout comme le désarroi. Héhéhé. Rien que d’y penser, Yuka en sourit de sadisme. Le reste des armes finit bien planqué, et voilà. Un problème de moins.

Seulement, quand un problème n’est plus, un autre survient aussitôt. Yuka et Shinichi reprennent la comédie, avant d’atteindre une pièce pleine de sbires. De là, ni une, ni deux, ils font un beau carnage. Plus personne pour les emmerder, au moins, le soucis est réglé ! Ils sont anéantis, à gésir face contre terre, en attendant que Dame Réalité revienne les chercher. Pas de chance, elle ne déboulera pas avant un moment. D’autres sbires, par contre, ne tarderons pas à débouler … L’alarme retentit, au loin. Ce son crissant, terriblement désagréable pour les oreilles, résonne dans tout le bâtiment. Alors quoi ? Ils ont vu les pauvres hommes de la salle initiale ? Les armes de la deuxième ? Hinhin. Ça s’annonce bien. À la base, il fallait seulement démanteler le réseau ! Là, ça part totalement en cacahuète !

Yuka chope Shinichi par la main et court ! Plus le temps de jouer la comédie, la réalité attend. La guéguerre contre des mecs insupportables, qui n’ont goût que pour l’argent. Ce monde est peuplé de déchets amoncelés en un même tas de merde gigantesque. Le but des deux shinobis est donc de réduire la taille de cette montagne. Ce sera peut-être plus difficile qu’au départ, mais ils y parviendront.

La brune pousse la première porte qui passe et pénètre dans une nouvelle salle. De petits rires les accueillent alors. Les prunelles écarquillées, Yuka se tourne vers deux hommes. L’un d’eux est aussi fin que son auriculaire, et l’autre ressemble à une armoire à glace. Un contraste qui les oppose, mais semble aussi les allier. Elle penche la tête et arque un sourcil. Le plus petit des deux applaudit, mesquin. Oh, oui, ça l’amuse tout ça. Il se rit de ses victimes, qui ont plongé la tête la première dans son piège. Un bond abrupt, qui ne s’arrête que lorsqu’ils ont atterri les deux pieds dans la lave. Génial. Là, étrangement, la sabreuse sait qu’au retour, ses mains prendront très cher parce qu’elle a « merdé ». Enfin, peut-être pas tant que ça.

Ses prunelles incarnates se posent sur les deux contraires, les détaillant un à un. Le premier sort un objet métallique qu’il fout autour de son poing. Ohoh. Ça sent bien bon tout ça. Mais Yuka préfère le petit tout fin à côté. Il a l’air encore plus drôle que son comparse. Un illusionniste ? Non, même pas. Le silence revient peu à peu, et est détruit directement, lorsque la crevette ouvre la bouche. Un son immonde retentit, si fort qu’il en brise les fenêtres. Par réflexe, la kunoichi pose ses mains sur ses oreilles. La torture se prolonge, tellement qu’elle en perd pieds. Recroquevillée, tétanisée, la brune tremble doucement. Il continue encore un instant, avant de se mettre à rire.

À côté de lui, les sbires sont du pipi de chat. Il est surpuissant. Pour le vaincre, il faudra le faire taire. Yuka ôte ses mains de ses oreilles, se relève et constate que sa vision est altérée. Prise de tournis, elle tente de se ressaisir. La suite des choses s’annonce compliquée, mais pas impossible. Elle attrape son sabre et se met en position. Avec son autre main, la kunoichi balance une salve de petites aiguilles électriques en direction de ses deux adversaires. À vue de nez, ils en ont reçu quelques unes. Le bras du lourdaud semble plus difficile à manier, d’un seul coup. Mais l’est-il vraiment ? Yuka se concentre pour ressentir les émanations de chakra environnantes et déterminer leur puissance. Sauf qu’elle rencontre quelque chose de particulièrement chiant dans sa reconnaissance. Le flux de chakra alentour démontre clairement qu’il ne s’agit pas de la réalité mais bien … d’une illusion ! Finalement, la kunoichi voyait juste ! Ni une ni deux, la brune chope un kunai et se le plante dans la jambe. La douleur est telle que son réveil se fait, brutal mais complet. Une jambe en moins, ou presque, mais ça ne la gênera pas.

— J’me fais la crevette !

Et vlan, elle se jette sur lui. Le petit titube, recule, et tombe. Son corps fait un très grand boom, contrairement à ce que sa silhouette montre. Yuka arque à nouveau un sourcil, et, en le regardant avec plus d’attention, se rend compte que son corps n’est pas spécialement « normal ». Comment ça ? Eh bien. Soit ses membres sont plus solides, soit ses os sont plus durs, soit il est fait d’acier. Cependant, cela n’agit que sur certaines parties de son enveloppe somatique. Difficile à saisir … Mais pas impossible ! La kunoichi lui cale un grand coup de poing dans la mâchoire, presque sûre de la lui avoir cassée sous le choc. Il gémit, cligne des yeux, et tombe dans les pommes. Yuka se redresse et pose sa jambe amochée sur son torse.

Maintenant faut taper le balourd avant de finir le schtroumpf.