Ma concentration me faisait horriblement défaut ces temps-ci. Voilà que quelques jours que j’ai repris une activité normale, et que je m’étais remis de ces derniers évènements qui m’avaient complètement détruits. Il ne restait plus grand-chose de mon équipe, ou plutôt grand monde. Après la mort de Nai et le prétendu suicide de Sazena, j’ai connu une période assez difficile. S’en remettre n’a pas été si facile que ça. Après tout, j’ai été très proche de mes deux élèves, d’où le fait que leur disparition m’a pas mal fait souffrir. Je m’étais ressaisi cependant, bien que ce ne fût pas encore complètement du passé.

Pour vous donner un exemple, j’étais en plein entraînement à ce moment-là. Les résultats étaient loin d’être grandioses. Comme je l’ai dit, je n’étais pas du tout concentré sur ce que je faisais, et cela se faisait ressentir sur le résultat de cet entraînement. C’est dommage. Surtout que, pour une fois, le terrain d’entraînement que j’occupais était vide, rien que pour moi. Ce n’était pas les conditions qui étaient mauvaises, mais bien moi. Il fallait que je me reprenne une bonne fois pour toute, me donner une nouvelle motivation d’avancer, parce que là… Ca ne pouvait plus durer. Je suis bien conscient que leur mort m’ait terriblement affecté, mais il fallait que je tourne la page, définitivement. Après tout, ça faisait plus d’un mois déjà…


- Tu fous quoi ?


Levant mon unique globe oculaire vers le haut, je pus apercevoir quelques pattes dépasser de ma tignasse. C’est vrai, je l’avais complètement oublié celui-là. Histoire de me tenir un peu compagnie, et pour me booster un peu, j’avais fait appel à Obake, ma petite araignée. Il s’était confortablement installé dans mes cheveux, comme à son habitude, en espérant avoir des sensations fortes pendant que je bougeais dans tous les sens pour m’entraîner. Malheureusement pour lui, j’étais plus à l’arrêt qu’autre chose.


- Désolé, Obake. J’vais faire un effort.


J’eus un sourire.  Je vais éviter de penser à tout ça durant le temps de cet entraînement. S’il voulait des sensations fortes il allait en avoir. D’autant plus qu’il fallait que je renforce mon Taïjutsu. Avec ça, je pense qu’il va être ravi. C’est parti.

Jouant sur la vitesse, et sur la rapidité de mes différentes techniques, j’essayais de devenir de plus en plus rapide. Dans un combat au corps-à-corps, ce n’est pas spécialement le plus puissant qui prend l’avantage, mais bien le plus rapide. Entre autre, plus je devenais véloce et plus je prendrai l’avantage en combat. C’est ainsi que je voyais la chose.

La bestiole sur ma tête se stabilisa au dessus de mes cheveux, tentant tant bien que mal d’y rester accrocher. Il s’amusait bien. Moi pas trop, ce n’était pas le but premier de ma venue ici.

Un terrain vague, ponctuellement broussailleux. Le gamin zombie n'aurait pas pu trouver mieux... même si pour le commencement, il m'est plutôt difficile de rester cachée dans le creux de ce menhir géant... tout se passera bien tant qu'il ne passera pas devant.

Il a comme une araignée dans les cheveux... De plus en plus glauque, celui-là. Il est bien plus grand que le jour où je l'ai recousu dans la forêt. D'aucuns assurent qu'il a également beaucoup gagné en maturité, comme ce très cher Onpu. Quant à Miko, elle s'est vraisemblablement chargée de jauger ses capacités de combat pendant une mission, pour voir s'il est vraiment aussi prodigieux qu'on le raconte.
On' pour la maturité, Miko pour la force. Et moi ? Je dois simplement vérifier qu'il a le mental pour entrer dans l'unité spéciale. Quand ça sera fait, Iji n'aura plus qu'à lui faire un petit lavage de cervrau, et ça sera fini, ahaha. Remarque, je blague mais j'en ai peut-être reçu un quand je suis entrée. Par définition, ça laisse pas de traces, alors bon..
Ce qui est sûr, c'est que je me ferai ma propre idée de sa force et sa maturité avant de l'intégrer. J'ai confiance en On' et Miko, mais en me chargeant responsable de son intégration, j'estime qu'ils me laissent un droit de veto. Je n'espère pas avoir à l'utiliser, mais bon.

Le môme met le turbo. Fini de rire. Buffle, dragon, tigre, singe et oiseau : un clone aqueux de moi-même s'extrait du sol, et se rend visible en barrant la route droite du gosse, stoïque, bras croisés.

- Halte là.

Quant à moi, je reste cachée et prépare mon chakra, j'en aurai grand besoin pour ce qui va suivre. Rien ne m'empêche de tenter un petit regard furtif sur le terrain de temps en temps.

Oups, il va vraiment vite en fait, le petitou... pas sûr qu'il n'arrive à s'arrêter avant de défoncer mon clone. Bha, ça fait déjà un premier test ! Aller vite, c'est bien, maîtriser sa vitesse pour ne pas foncer dans les gens ou le décor, c'est mieux.

Autant ne pas perdre de temps, et commencer de suite les mudras. Il y en a beaucoup pour cette technique-là, je n'ai pas intérêt à me tromper. Par quoi ça commence, déjà... ah oui. Chèvre, Singe, re-Chèvre, et après ça va tout seul.
Le pauvre, j'aimerais quand même pas être à sa place.

L’entraînement battait de son plein. Petit à petit, j’étais plus apte à m’entraîner convenablement, à me motiver, au plus grand plaisir d’Obake. Surtout lorsque je me déplaçais avec vitesse, et qu’il devait rester accroché pour ne pas tomber. Lui qui adore les sensations fortes, il était servi pour le coup. Il ne m’en redemandera pas avant longtemps… Enfin, j’espère ! Parce que je n’ai pas que ça à faire. C’est bien beau de s’entraîner, mais au fur et à mesure, ça va plus devenir une attraction pour araignées qu’autre chose. Je valais mieux que ça quand même. Non ? Enfin. Pour l’instant, il fallait que je reste concentré sur ce que je faisais, histoire que cela me soit plus bénéfique. La concentration, ce qui me faisait le plus défaut depuis quelques temps. Je tendais à y remédier dans des journées comme celle-ci. Il fallait que cela continue. Rien ne pourra me perturber. J’allais demeurer inébranlable. Ou presque.

Devant moi, une entité se forma rapidement devant moi, en sortant du sol. Comme si quelque chose venait d’être créé, tout d’un coup.  Je pus rapidement discerner les traits de ce qui semblait être un clone, ou alors une quelconque technique de téléportation. Je connais cette personne, bien entendu. C’était Maïka, la femme aux cheveux roses dont est amoureux On’. Oui je le sais, j’en suis même sûr ! Le problème, c’est que… Elle s’était placée juste devant moi alors que j’étais en pleine course… Si je continue ainsi, je vais lui rentrer dedans, et ça va faire mal. Clone, ou pas. Une idée, vite.

Je l’ai. Mon chakra se concentra dans mon corps, afin d’augmenter ma circulation sanguine, ce qui me permit d’accroître la rapidité de mes mouvements, me permettant ainsi d’esquiver aisément l’obstacle sorti de nulle part. Une technique basée sur des mouvements d’esquive. Je n’aurais jamais pensé l’utiliser pour que quelqu’un puisse m’esquiver… Normalement, ce n’est pas ça le concept. Dans un sens, je l’ai esquivée aussi… Enfin bref. Me servant de cette technique-là, je fis un mouvement latéral pour l’esquiver, tout en sortant un kunai. Après l’avoir esquivé, j’en profitais pour la contourner de manière à me retrouver dans son dos, et mettre la pointe de l’arme en sa direction. La lame effleurait presque son dos, mais ne la touchait en aucun cas. Elle s’était occupé de mes blessures l’autre jour, lors de la guerre, ce n’était pas pour lui planter un kunai dans le dos.


- Wahoooooouuuuu ça c’est de la sensation forte !


Je l’avais oublié celui-là… C’est sûr que cet imprévu à dû énormément lui plaire, avec des mouvements totalement improvisés… Ne prêtant pas attention à l’invocation dans les cheveux, je m’adressai à la Jônin aux cheveux roses, ou à sa copie. Rien de bien sûr, bien que ça me semblait plus logique.


- Maïka ? Qu’est-ce que tu fais ici ?


Toujours la pointe vers le dos, je tournai ma tête afin de scruter les alentours. Il n’y avait personne. Du moins, personne qui était repérable pour moi. J’étais bien loin de pouvoir prétendre être un expert en repérage. Au contraire même ! La vraie Maïka ne me semblait pas être dans les alentours, avec une marge d’erreur d’au moins cinquante pourcents. Ce qui est pas mal… Après tout, la Maïka qui était devant moi était peut-être la vraie. Mais qu’est-ce qu’elle ferait ici ? Et pourquoi apparaître comme ça, devant moi ? Je ne la connaissais pas plus que ça, mais j’imagine bien qu’elle a une raison d’agir ainsi. Elle est peut-être enfin venue m’avouer qu’il y a bien quelque chose entre On’ et elle ! Raconte-moi tout, je veux tout savoir.

Rangeant mon kunai, j’étais prêt à écouter tout ce qu’elle allait me dire. Si c’est ça qu’elle veut me dire, ça m’intéresse !

Ciel, une araignée qui parle. Je commence à comprendre pourquoi Onpu s'entend bien avec lui, ils doivent se comprendre entre invocateurs de bestioles velues et repoussantes.

En tout cas, ça c'est du créneau ! Belle manœuvre, ça n'avait pas l'air gagné pourtant. Une petite fusée capable de contrôler sa trajectoire est un véritable fléau... Il n'y a qu'une chose que je ne comprends pas : pourquoi tant de méfiance ?
Ma réplique se tourne. Elle remarque le kunai, s'apprête à lui demander de le ranger ; heureusement il s'exécute avant qu'elle n'aie le temps de le faire.
Alors, sans un sourire, elle lui répond simplement :

- Rien de bien méchant.

Ha. Ma technique est prête. Elle n'aura même pas besoin de lui faire la conversation pour le retenir.
Sans sortir de ma cachette, je garde le signe de la chèvre entre les mains. L'enfer commence pour Aku.

Ce genjutsu est redoutable en ce qu'il fait remonter naturellement les angoisses de la cible. Je n'ai jamais été très imaginative, et j'ai toujours manqué d'inspiration pour les illusions ; c'était plus facile pour moi de remonter directement à la source des émotions, et de passer directement par le cerveau de mon adversaire pour rééquilibrer les proportions de différentes hormones dans son organisme. C'est ma vision du genjutsu manipulatoire, mais ça fait des ravages sur les ennemis. J'attends de voir ce que ça fait sur un môme.

Pendant que je fais remonter mon chakra de façon invisible jusqu'à sa tête, je laisse mon double faire la figuration. En réalité, le genjutsu ne fait que conditionner le mental de mon adversaire, il suffit d'un élément déclencheur pour en déployer les effets. Ce déclencheur, ça sera Maïka la moite. D'un air grave, elle reprend.

- Je suis venu te parler Aku. Te parler de ton avenir en tant que shinobi. Je veux dire, en tant que grand shinobi, que leader.

Une personne normale aurait peut-être pu se douter que cela pouvait annoncer autant une bonne qu'une mauvaise nouvelle. Mais pris dans ma technique, Aku doit être en train de dramatiser. S'il réagit de la même façon que mes précédentes cibles, le décor s'assombrira soudain, et il commencera même à anticiper les réactions de son interlocutrice.

Celle-ci laisse planer un pesant silence, pour lui laisser le temps de gamberger. Le délire a du prendre des dimensions vertigineuses désormais.
La prochaine phrase de mon clone va lui faire l'effet d'une foudre s'abattant sur sa petite tête. Il s'agit de faire durer l'attente encore quelques secondes. Encore un peu.

- Tu n'as aucune chance.

Ton d'enterrement. Phrase libre d'interprétation. Mon petit sujet d'expérience va s'en prendre plein la figure, ou plus exactement il va s'en mettre plein la tronche lui-même. En réduisant sa self-estime à l'état de traces, je vais maintenant voir ce qu'il vaut vraiment. Si toutefois il n'est pas effrayé par sa propre araignée...

Oh diable, l'araignée. Je l'avais oubliée, celle-là.

Rien de bien méchant ? Qu’est-ce qu’elle entendait par là ? Boarf peut-être rien de bien grave. Après tout, je ne vois pas pourquoi elle me voudrait du mal. Je me fais peut-être un peu trop de film. Elle voulait peut-être me dire, ou me demander quelque chose, je ne sais pas moi. On va bien voir. Seulement, peu après qu’elle ait dit cette phrase, une sensation étrange me parcourut. Une certaine tension semblait monter, comme si j’appréhendais ce qu’elle allait me dire. Je ne comprenais pas vraiment cette sensation… Une sorte d’angoisse qui émergeait.


- Je suis venu te parler Aku. Te parler de ton avenir en tant que shinobi. Je veux dire, en tant que grand shinobi, que leader.


Q-Quoi ? Qu’est-ce qu’elle raconte… ? Qu’est-ce qui m’arrive ? Quel est ce mauvais pressentiment qui m’habite ? C’est de pire en pire. Je ne vois pas pourquoi je réagis ainsi… Mon avenir ? En tant que grand shinobi ? Un leader ? Qu’est-ce qu’elle me veut… ? Pas du bien. Non. Elle me reproche un truc. Pourquoi… ? Mes bras, mes jambes… Tout se mit à trembler légèrement. Les tremblements deviennent de plus en plus importants, au fil des secondes qui passaient. Et chaque seconde est aussi longue qu’une bonne heure. Le temps s’est comme arrêté, alors que la panique m’assaille. Ce n’est pas normal. Pourquoi ? Pourquoi est-ce que ça m’arrive ? Ne me suis-je pas encore remis de cette fragilité psychologique de ces dernières semaines ? Possible…

C’est peut-être ça le problème. J’ai accumulé erreurs sur erreurs, en tant que senseï, et donc en tant que shinobi. Elle m’en veut. Elle me veut du mal, me sanctionner. Je le sens. J’en suis même sûr. Je sens également que ma respiration devient de plus en plus forte, saccadée. Je transpire même. C’est ensuite un goût de sang que j’ai senti, dans ma bouche. Je suis en train de me mordre la lèvre, tellement que toute cette tension me tombe dessus. Pourquoi elle se tait d’ailleurs, hein ?! Peut-être qu’elle a vu l’état dans lequel je suis. Ca l’amuse. Elle rit intérieurement de moi, de ma fragilité. J’enrage. Il faut qu’elle déballe son sac, ça ne peut plus durer…


- Tu n'as aucune chance.


En entendant ces mots, je me suis effondré. Genoux et coudes plaqués au sol, mains dans les cheveux. Des cris de douleurs, bien que psychologiques, et des gémissements s’échappent de ma bouche, et s’enchaînent. Une véritable torture, dont je n’en comprenais pas l’origine. Pourquoi… ? Pourquoi est-ce que je me retrouve dans un tel état ? N’avais-je vraiment aucune chance de devenir un illustre shinobi ? Elle a peut-être raison, avec toutes les erreurs que j’ai commises…


- Eh Aku ! Att… GAAAAH !


Cette araignée… Obake. Elle me veut sûrement du mal aussi. C’est d’un geste vif de la main droite que je l’ai éjectée du dessus de ma tête. Comment faire… ? Il faut que je me calme, mais ça devient de pire en pire à chaque seconde qui passe… ! Et puis, si je ne fais rien… Maïka va me faire du mal. J’en suis sûr. Elle n’est pas seulement venue pour me dire ça… Elle veut peut-être en finir avec moi ? Oui, c’est tout à fait logique. Elle veut me tuer, me faire payer. J’ignore pourquoi, mais elle a sûrement ses raisons. Quelques cheveux tombèrent de ma tête, à force de tirer dessus. Ca ne pouvait plus durer. Il fallait en finir. Et il n’y a qu’une solution : la tuer. Voilà que mes pulsions reprennent de plus belle. Néanmoins, c’est la seule solution. Si je le fais pas, cette angoisse terrifiante ne partira jamais. Mieux encore. Si je ne fais rien, elle va me tuer, m’emprisonner… Ma fragilité était telle que j’étais à sa merci. Il ne fallait pas que je me laisse faire. Elle allait mourir ici-même.

Ma main tremblante saisit de nouveau un kunai. Sûrement le même, je n’y ai pas tellement fait attention. Je vais en finir avec elle, et ça sera réglé. Tous ceux qui m’en voudront finiront également ainsi… Le sang allait couler.

Des pensées me vinrent en tête ensuite. Les personnes que j’ai tuées, il y en avait, malheureusement… Je ne peux pas agrandir davantage cette liste. Je deviens complètement fou. Il ne faut pas... Je dois arrêter ça, avant que ça aille trop loin… Sous la pression, des larmes coulèrent même. Ca ne peut plus durer, et il n’y aura plus aucune autre victime… Il faut que je me guérisse de ce mal. Il faut que je me réveille.


- Gnnhh…


La lame du kunai s’est plantée dans la chair… Mais pas dans celle de Maïka. La lame avait transpercée ma main gauche, à défaut d’être en mesure de me réveiller d’une autre façon. J’étouffais un cri de douleur, avant de ravaler ma salive. Haletant, transpirant, j’étais très fatigué. Et je ne suis pas encore sorti d'affaire...


- Non… Ce n’est pas vrai. Ce n’est pas vrai… Pas vrai… J’ai mes chances… !

La télépathie pourrait me permettre de forer dans son esprit et de voir la façon dont les idées s'y enchaînent, mais je me suis jurée de garder cette botte secrète pour les cas de force majeure. En l'occurrence, ma cible est si petite et si frêle, qu'il lui est impossible de contenir ses émotions. Elles ressortent fatalement à travers la totalité de son être, de son visage, de ses gestes. Un simple déséquilibre orchestré par quelque flux de chakra, et on se perd dans sa propre tête.

Alors on frémit, on s'effondre sous la fièvre. On doute, on remet en question jusqu'à sa propre existence. On a l'impression que le monde entier, le plus insignifiant morceau de bois, le moindre murmure du vent est une moquerie, une agression, comme après plusieurs jours sans sommeil. On va jusqu'à couper les ponts avec ses amis, sa famille, ses repères. On se débarrasse volontairement de tout ce qui faisait de nous une personne sensée, stable, équilibrée. On entrevoit la vengeance, l'entretien du cycle vicieux comme la seule porte de sortie viable, comme une porte ouverte au bout d'un profond tunnel. On court, on court, droit dans la mauvaise direction, droit le long de la mauvaise pente. On fuit la vie telle qu'on l'a connue, tel que l'on a appris à la supporter pendant nos quelques ridicules années d'existence.

J'ai beau dire, ce ne sont pas les bouquins de biologie qui m'ont inspiré cette technique. On ne sort pas un concept de genjutsu aussi précis de sa tête sans l'avoir subi au préalable, d'une façon ou d'une autre.


Une lame s'élève, et se loge dans la chair du môme. Serait-il plus avisé que je ne l'ai été à sa place ? Aurait-il perçu sa propre mort comme la façon la plus efficace de rompre le cauchemar ? Si oui, c'est peut-être un adepte du tao de la vertu, mais certainement pas de celui de la survie. Or, qui voudrait d'une unité incapable de lutter pour sa propre survie ? Qui engagerait quelqu'un pour veiller sur son village dans l'ombre, alors qu'il n'est même pas fichu de veiller sur lui-même à la chaude lumière du jour ?

Il parle.
Ha. J'ai médit. La canaille a de la combativité à revendre. Il m'en voit surprise et ravie ! Mais qu'en est-il de son endurance ? Mon genjutsu ne sera pas plus violent, mais il ne fait que commencer.

Un signal télépathique à ma réplique aqueuse, elle doit continuer la danse. Toujours cachée, je l'entends reprendre.

- Calomnies.

Le garçon est à genoux, un kunai planté en lui. Et pourtant, je n'ai pas d'autre choix que de l'obliger à encaisser un violent coup de pied au visage de la part mon clone, l'envoyant valser et rouler quelques mètres plus loin.

- L'arbre est grand, il compte sur l'ensemble de ses feuilles robustes pour le protéger du monde. Regarde-toi, vermisseau ! Tu rampes, comme une larve. Tu n'as aucun allié, personne pour t'aider. Tu n'es même pas d'ici ! Tu es seul depuis le début, et je veillerai à ce que tu le restes.
Car l'arbre n'a pas besoin de toi. Il n'a jamais eu besoin de toi. Tant que tu continueras à croire que tu y possèdes une place, tu y prolongeras ton rôle de feuille morte, vidée de toute sa substance, aussi sèche, creuse et inutile que tes précieux zombies.

Deuxième et dernier round pour le gamin zombie. Grâce à ces paroles et à l'appui de mon genjutsu, mon clone représente à présent tout ce dont le gosse doit se débarrasser, le Minotaure du labyrinthe dans lequel je l'ai perdu depuis quelques minutes déjà. Tant qu'il en restera une goutte, Aku sera non admissible à la Racine de l'Arbre.

J’ai l’impression d’émerger. La douleur m’a rappelé à l’ordre, mais ce n’était pas suffisant. Toute cette angoisse repartit de plus belle.

Je sens mon état se dégrader une nouvelle fois. C’en est trop. Il faut que je parvienne à m’en défaire… Pourquoi elle me faisait subir tout ça ? Comment réussir à se sortir d’un tel état alors qu’on ne sait même plus si on peut faire confiance à la seule personne qui était à tes côtés. L’araignée est dans les vapes, plus loin sur le terrain. Il ne reste plus que nous deux. Même si j’ai conscience que c’est sûrement une illusion, il m’est impossible de m’en défaire. Tous ces sentiments, c’est bien les miens. Comme s’ils émergent tous d’un coup. J’aurais bien fait de m’en passer.

En tout cas, pour une raison que j’ignore, elle me veut du mal. Elle me l’a bien fait comprendre. Après ce qu’elle m’a fait subir psychologiquement, voilà qu’elle en venait au coup. Un bon coup de pied au village m’a percuté le village, pour m’envoyer valser plus loin, après qu’elle eut repris la parole. Un simple mot ne m’avait pas du tout laissé indifférent, au contraire. Il m’est impossible de gérer correctement mes émotions tant que je suis dans cet état. Il faut qu’on en finisse… Mais comment ? Je suis actuellement étalé sur le sol du terrain suite à ce violent coup tremblant, et totalement paniqué… Elle veut ma mort, pour une raison que je ne connais toujours pas… Si ça continue, elle va me tuer. Me tuer. Tuer. Mourir. Non…

Suite à ça, elle s’est mise à employer des mots durs, des phrases marquantes, et horribles à dire. Surtout lorsqu’on est dans un tel état de démence. Comme si mes démons intérieurs s’étaient réveillés. Seulement, dans ce cas, c’est plus des faiblesses psychologiques qui sont dévoilées au grand jour. Ces mêmes paroles, sans cette illusion, auraient également eu un effet. Bien moindre, bien sûr. Là, il m’est devenu impossible, de rester calme, de me contenir. Elle a affirmé que j’étais seul depuis le début, et que je n’avais pas ma place au sein du village, car personne n’a besoin de moi. Est-ce vrai ? Peut-être bien que oui… Peut-être que personne n’accorde la moindre importance en ma personne, pas même le village d’un point de vue général. Je n’y ai pas ma place. Elle a peut-être raison… Je ne sais plus quoi penser, si c’est moi ou l’illusion qui dicte ses pensées… Je suis totalement perdu. Entièrement désemparé.

Face contre sol, j’ai été dans l’incapacité de dire quoique ce soit pendant quelques secondes. Pour moi, une éternité semblait être passée. Tant bien que mal, j’essayais de me raccrocher à des souvenirs qui pourraient m’ôter ces doutes de ma tête… J’ai l’impression de ne pas être seul. J’en suis même convaincu. Mais elle, si elle le dit… C’est que c’est peut-être vrai. Mais pourquoi penser ça de moi ? Pourquoi vouloir me faire subir tout ça ? Il doit bien y avoir une explication pour que je sois haï à ce point par elle, et rejeté par tous les autres, alors que je n’en ai même pas pris conscience…
…Conscience…
Non, je ne m’en suis jamais rendu compte. Tout simplement car il n’y avait pas à prendre conscience de quoi que ce soit.


- Tu mens… !


Forçant sur tous mes membres, je me relevai, bien qu’affaibli. Mentalement, il m’était dur de tenir debout, dans cet état psychique apocalyptique. C’est le moins que l’on puisse dire… Il me fallait aussi retirer le kunai planté dans ma main, qui n’avait pas complètement traversé ma main. Tant mieux. Il allait y avoir une sacrée entaille par contre. J’aurais peut-être du y réfléchir à deux fois. Mais dans un sens, ça a contribué à ce que je reprenne peu à peu mes esprits… Mais c’est franchement pas encore ça.


- Je ne sais pas pourquoi tu me dis tout ça, mais… Je sais que je ne suis pas seul, et que je ne l’ai jamais été ! Ici, j’ai des personnes qui me sont chères, et je sais que je compte pour eux aussi. C’est grâce à eux et pour eux que j’en suis là aujourd’hui… Tu ne me feras pas croire l’inverse. Tout simplement car je suis persuadé de ce que j’avance !


J’étais furieux. Je voulais en finir, lui faire ravaler ses paroles. Clone ou pas, ça m’était complètement égal maintenant. Sortant un parchemin, je l’ouvris tout en prenant la parole.


- Et je vais te montrer que j’ai tout à fait ma place ici !


Mon colosse de chair et d’os sortit du parchemin, une fois invoqué. Immédiatement, je l’envoyai droit vers Maïka, tout en augmentant drastiquement sa propre vitesse. Il y avait tout de même une bonne distance entre nous, suite à ce bon coup de pied en pleine face. Il fallait que je fasse très attention néanmoins… Affaibli de la sorte avec ce qu’il vient de se passer, j’étais loin d’être au top de la forme. Combattre avec mes cadavres était, pour le moment, la meilleure solution.

Ah! Que de pugnacité. J'en ai des frissons.

Ce garçon n'a aucune espèce d'éloquence, son discours respire la futilité. Ça ne dérangerait certainement pas Onpu, ni Miko d'ailleurs. Manque de bol, Aku est tombé sur moi. Heureusement, son élan de combativité remonte le niveau. Même s'il ne fait que nier mes paroles, il a au moins le mérite de ne pas plier le genou en les entendant. Surprenant. Mon clone a sans doute trop parlé, ça doit être incompatible avec l'efficacité du genjutsu. Peut-être que si elle avait gardé le silence et qu'elle s'était contentée de le frapper, il n'aurait pas supporté.

Peu importe. Ce môme a de la ressource... de la ressource répugnante, mais de la ressource tout de même. Ah, l'élégance des nécromanciens, et leur goût pour les colonnes de chair et d'os ! L'avantage quand on possède ce genre de don, c'est que l'entraînement n'est pas l'unique moyen de progresser : la puissance de frappe dépend des trouvailles que l'on fait. Je me demande bien où et comment il a pu dégoter une horreur pareille ! En creusant quelque part, sans doute.

Mon clone est en danger. Je n'ai jamais rien pané au fuinjutsu, mais je pense ne pas me tromper en supputant que la marque qu'il vient d'activer dans le dos du colosse a pour but de le rendre encore plus... moche ?
Ah non, véloce.
Voyez comme il déambule gracieusement, s'aidant même de ses bras pour se propulser à travers le terrain. Ce n'est pas une invocation, il n'a donc pas une autonomie complète : voilà pourquoi il semble tanguer un peu, à la façon d'un poivrot sur le pavé. Aku n'a pas recouvré toute sa tête, son moral est en lambeaux. Il a retrouvé les bords du puzzle, mais ça ne le sauverait pas si je décidais de l'attaquer par derrière... restons clément. Après tout, s'il continue ainsi, je serai officiellement sa collègue d'ici quelques minutes.

Ma réplique est d'eau, pas de pilule de vitesse pour elle ! Elle ne peut que compter sur la précision approximative du mort-vivant pour assurer sa survie. Elle esquive, bondit acrobatiquement au dessus de la monstruosité de chair alors qu'elle était sur le point de se faire faucher par son bras poisseux. Réceptionnant sa chute de l'autre côté, elle enchaîne une douzaine de mudras à une vitesse vertigineuse ; c'est un dragon aqueux qui sort du sol. Il s'enroule autour du colosse à la façon d'un boa, mais rien n'y fait : le zombie est si énervé, si robuste qu'il décapite le dragon d'un mouvement du pied.

Maïka la moite n'a plus beaucoup de chakra, cette attaque l'a affaiblie. Mais elle a occupé le zombie qui se trouve désormais derrière elle. Plus aucun obstacle ne se dresse entre elle et Aku. Elle lui fonce dessus, alors que son corps commence à goutter. Ses yeux blanchissent, comme voilés par le vice qui l'habite. Pendant sa course, son bras se métamorphose en faux aqueuse.

Dans un dernier élan meurtrier, elle bondit sur Aku, elle veut le décapiter.

- Disparais, feuille fanée !!

On ne lâche pas le genjutsu. On ne lâche rien, jusqu'à la dernière seconde...