Il marchait depuis un bon moment maintenant regardant fixement la paume de sa main, son visage était anormalement neutre pour quelqu'un qui en peu de temps s'était surpris lui même quelques instants plus tôt. Cependant, il était plus concentré sur une petite gouttelette de sang paresseuse qui se refusait à sortir, même lorsqu'il s'agissait de tâches banales comme vérifier une forêt il n'était tout simplement pas capable de sortir indemne. Mais comme il le lisait si souvent, l'important c'est l'intention. Il avait réussit à être utile pour une fois, et il avait même trouvé ça amusant. Ce qui le surprenait le plus, c'est qu'après coup, il trouvait ses péripéties amusantes, mais il était certain qu'en situation de danger il aurait hésité beaucoup plus. Et d'ailleurs maintenant qu'il y pensait, c'était des femmes qui avaient agis en premier, en pensant à cela, il baissa la tête et soupira fort, si même les femme se mettaient à être courageuse, il resterait encore le bon vieux Tennaze pendant longtemps. Mais un nouvel élan chevaleresque le prit, il serra la main et leva le regard tentant d'adopter l'attitude la plus respectable possible, chose qu'il regretta aussitôt: il venait de se faire mal à sa main égratigné. Il était tout de même content, il avait aidé alors que Konoha était sous tension, il avait fait sa bonne action du mois, ou plutôt de l'année.

Ses pas le menèrent dans le quartier où se trouvait le grand hopital du village, il ne connaissait pas forcément bien ce quartier, il y avait peu commerces, et pour lui d'ailleurs sa plus grande aventure consistait à se chercher des vivres. Il n'irait sans doute pas là pour une simple égratignure, mais il se plut à penser que s'il avait encore son apparence de gamin, il y serait bien partit, juste pour dire à tout le monde que lui le Tennaze avait aider le village, il aurait bien évidemment modifié certains passage pour se glorifier un peu plus. Mais dans cet esprit enfantin, qu'il eut soudainement envie de friandises, il tira l'une de ses dernières sucettes coloré et transparente. Et alors qu'il levait la sucette vers le soleil afin d'en observer les reflets, il en oublia par là même les principes de base lorsqu'on marche: regarder devant soit. Il bouscula une personne, c'était assez doux, une femme? Et étonnamment, ce fut lui qui fut repoussé en arrière avant de retomber sur le dos, la sucette juste entre ses deux yeux. Il avait cependant l'habitude des chutes, et se releva étonnement rapidement pour le ninja paresseux qu'il était, le visage rouge, il espérait ne pas avoir été trop indélicat.

Il joignait déjà les paumes de ses mains en baissant la tête pour s'excuser lorsque apeurés en voyant le visage de celle qu'il venait de bousculer il manquait à nouveau de trébucher. Il se calma rapidement, il avait été assez maladroit pour la journée. C'était cette femme qui avait parlé à l'ambassadeur de Suna comme si il n'était qu'un gamin qui devait être corrigé. Que lui ferait-elle donc à lui, qui osait la dérangé? Elle qui s'entretenait directement avec l'Hokage? Sa naïveté et sa peure lui faisait posé de telles questions sans queue ni tête, il ne retrouva son calme qu'après s'être rendue compte qu'ils étaient tout deux ninjas. Et puis il sentait monter en lui un brin d'admiration envers la femme.

"Je suis vraiment désolé, je n'ai pas pu me rendre utile tout à l'heure et maintenant je vous dérange. Je m'appelle Tenkuu, appelez moi Ten' s'il vous plaît"

Oui après tout il n'avait fait que se balader dans une forêt, toute sa belle vantardise s'était envolé; il soupira, se demandant ce qui pourrait bien arriver, bien malgré lui, ses yeux pétillaient en regardant le visage de son interlocutrice, il était comme un enfant à qui l'on montrait ce qu'on devient avec de l'endurance et du courage.

Sortant de l’Hôpital, Maïka partit directement, étrangement pressée. Etrangement ? Peut-être pas après tout mais peut-être que si. Avait-elle senti les questions que je voulais lui poser sur elle et sur Onpu ? Mais maintenant qu’elle était partie, pas moyen d’en apprendre plus et de creuser la question. Quel dommage, j’avais pourtant un bon nombre de sous-entendus en réserve histoire de l’asticoter un peu. Souriant légèrement, la réponse de la jeune fille aux cheveux roses m’avait mise de bonne humeur. Tant mieux après tout ce qu’il s’était passé. Au moins le pire était derrière nous, il ne restait plus qu’à moi d’attendre patiemment, tout en faisant quelques petits préparatifs si une fois l’examen Chunin fini et les possibles arrangements de ce Suguato bouclés je devais prendre le chemin pour Kiri. Cette histoire des Masques Blancs était dérangeante et il fallait qu’elle soit réglée au plus vite. Mais mieux valait ne pas se précipiter.

Décidant rapidement de rejoindre le quartier des Aburame, j’avais promis à un tout jeune fils d’une amie de mon clan de l’aider à peaufiner son style de combat. Onpu et Iji se reposant, et Maïka disparaissant je pouvais vaquer à nouveau à mes occupations ‘‘normales’’ de Jonin de la Feuille. Mon appartenance à la Racine n’était pas censée être connu, et j’avais suffisamment attiré l’attention sur moi aujourd’hui. Cependant comment ne pas agir normalement alors que le Myakudou avait été réduit à une simple monnaie d’échange ? Le rendez-vous avait été fixé en fin de journée, après l’apprentissage de matières plus théoriques du petit. J’avais encore le temps même si on était déjà vers la fin de l’après-midi. Une journée épuisante et j’étais pressée qu’elle se termine. Cependant je savais que celle qui étaient à venir seraient sûrement plus prenantes.

Quelqu’un me bousculant brutalement, je me tournais vers lui vivement, pas énervée mais plutôt surprise d’être ainsi dérangée. Etais-je si invisible aux yeux des gens ? Je savais que je n’avais pas une apparence qui détonnait mais tout de même. M’apercevant que celui qui m’avait percuté été le jeune garçon qui avait proposé son aide aux remparts et que Maïka avait emmené avec elle, je le vis se relever tout penaud. Un léger sourire s’affichant sur mon visage alors qu’il se présentait, s’excusant de m’avoir dérangé et se dévalorisant de n’avoir pas été soi-disant utile aux remparts.

« Et bien Tenkuu, curieuse façon que nos chemins se recroisent ainsi … »

M’autorisant un petit rire léger alors que je détachais la sucette qu’il semblait avoir oublié sur son front qui s’y était collé sûrement alors qu’il était tombé, je la lui tendis. Il n’avait pas l’air bien méchant, voir même presque attendrissant, sûrement son côté hésitant et tête en l’air. A mon époque les enfants n’avaient jamais eu l’occasion de véritablement grandir en toute insouciance, plus d’un avait été privé de son enfance, et maintenant Konoha la leur rendait. Une raison de protéger le village qui en valait la peine. Il aurait tout le temps de grandir et de devenir un puissant et véritable ninja.

« … Je pourrais même me demander si elle relève ou non du hasard… Ne t’avais-je pas proposé qu’on pourrait reparler de la question que tu m’avais posée plus tard ? Mais laisses-moi d’abord me présenter. Miko Aburame, enchantée. Accepterais-tu de faire un petit bout de chemin avec moi ? Ou tu te rendais peut-être à l’Hôpital ?»

Attendant sa réponse, mi-moqueuse mi-sérieuse, je ne m’étais pas attendue à recroiser ce Genin de sitôt. Hasard ou non la question m’importait peu, je lui avais proposé de remettre à plus tard ma réponse à son questionnement, et même si je m’étais pas attendu à devoir le faire aujourd’hui, j’avais pensé chacun de mes mots là-bas. Libre à lui d’accepter ou non, après tout il avait pu poser cette question à brule pourpoint et ne pas s’être véritablement attendu à une réponse.

Le voir gober sa sucette comme content de la retrouver et à la fois gêné de s’être humilié de la sorte, je trouvais ses airs enfantins attendrissants. Aussi quand il accepta ma proposition de faire un bout de chemin je m’en vis ravie. J’étais fatiguée certes et je m’étais suffisamment imposée pour la journée, cependant relâcher toute cette tension et redevenir moi-même loin des perpétuels soucis d’être Jonin et d’être sous les ordres d’Onpu ne pouvait que me faire plaisir un tantinet. Il fallait savoir relâcher la pression. Sentant qu’il avait quelque chose sur le cœur, j’attendis qu’il trouve enfin les mots. Trop timide ? Je pouvais comprendre même si je ne l’avais jamais été réellement. Mon problème avait toujours été tout autre. S’exprimer devant autrui n’était pas forcément toujours facile.

Maïka-Senpaï ? Bien sûr, ils avaient dû se parler alors qu’ils vérifiaient la forêt environnante. En espérant qu’elle n’avait pas été trop crue comme à son accoutumée. Elle était gentille mais souvent trop franche et trop direct. J’avoue que j’avais eu du mal la première fois, mais à force de la fréquenter j’en étais venue à véritablement l’apprécier. Comme quoi…

« Pourquoi ne serais-tu pas normal ? Car tu te poses des questions ? … Si tu veux mon opinion oui tu n’es pas normal. Pas normal de te soucier de ce que pour quoi tu voudrais véritablement te battre, ce que tu chéris. Il faut du temps pour s’émanciper des idées préconçues de notre famille, de notre village. La plupart des shinobis sont embrigadés par les plus hautes instances une fois qu’ils sont soumis à une autorité et se limitent à ressasser qu’ils donneraient leur vie pour Konoha ou un autre village sans pour autant comprendre pleinement la portée de leur acte. Tu ne te rends peut-être pas encore compte que toi aussi tu as quelque chose qui t’es cher à tes yeux, mais tu as encore largement le temps de t’en soucier, ou bien de le découvrir. »

Marquant une pause, je le regardais tranquillement à mesure que nous avancions. Je ne savais pas réellement si mes paroles l’aideraient ou concordaient avec celles de Maïka, mais une chose était sûre, le sujet dont je croyais qu’il voudrait parler avait plutôt dévié… La jeune femme aux cheveux roses avait la langue bien pendue.

« Cependant ce n’est pas en attendant que les choses se passent que tu auras la réponse à ta question, et une fois que tu auras trouvé, fais en sorte de la préserver coûte que coûte. Je suis passée par là il y a longtemps, et je regrette encore d’avoir pris pour acquis ce qui au final ne l’était pas. Les choses qui valent vraiment la peine d’être défendues doivent s’assurer de l’être si tu ne veux pas les perdre. Et je ne parle pas seulement de prendre les armes.»

J’aurais pu continuer longtemps mais j’étais curieuse de voir à quoi mes paroles feraient réfléchir le gamin. Peut-être n’auraient-elles aucune incidence et qu’il ne voudrait pas creuser la question après tout, je n’avais jamais été très intéressante, et n’avais pas la fougue de ma camarade de la Racine pour entretenir un débat animé.

L’écoutant continuer sur sa lancée, je l’entendais faiblement ressasser qu’il n’avait rien à protéger. Avait-il penser à lui, à sa famille, à ses amis ? Il était encore jeune pour se fixer un but, et à cet âge on choisissait un but à la hauteur de nos espoirs, ou parfois plus si on souhaitait rêver. Entre le désir de devenir Hokage pour une quelconque forme de reconnaissance grandiose et le désir de protéger ses proches, les choix des jeunes garçons de cet âge étaient plutôt limités. Tenkuu avait besoin d’être guidé, non pas vers la lumière ou toute autre ineptie du même genre, mais vers une plus grande confiance en lui. Il devait se connaître lui-même avant de pouvoir espérer un jour être un bon shinobi et défendre des valeurs qu’il trouverait appropriées. Peut-être tournerait-il mal, finissant comme bandit de grands chemins, mais servir sous une bannière à laquelle on n’aspirait pas était plus vicieux et plus néfaste que de défendre des valeurs douteuses en lesquelles au moins on croyait.

Souriant d’un petit sourire mi-figue, mi-raisin alors que le garçon qui m’accompagnait rabâchait l’une des métaphores couramment utilisée par les prêtres du Renard et tout vieux radoteur du pays du feu qui se respecte, je l’écoutais reformuler enfin la question qu’il m’avait posé sur les remparts. Faisant rapidement un inventaire des métaphores que je connaissais reprenant les thématiques principales de l’arbre et du feu, je réfléchissais à une réponse, ne souhaitant pas tourner seulement sa demande en ridicule. Sa question était toutefois juste, cependant elle n’était peut-être pas tout à fait ciblée.

« Comme tu as déjà dû l’entendre, une étincelle est suffisante pour embraser les branches du grand arbre qu’est Konoha. Le problème n’était pas tant de vouloir sauver Onpu Myakudou retenu prisonnier, mais de satisfaire aux exigences de cet inconnu. Onpu est un ninja dont les capacités n’ont depuis longtemps plus besoin d’être prouvées, il connaissait les risques de sa mission et s’être fait capturer en a été l’échec. »

Marquant une pause je savais que j’étais de mauvaise foi. Onpu avait certes failli à son devoir sur ce coup là, cependant d’après le Sarutobi c’était pour lui, les Sabakyos et sa jeune apprentie qu’il avait agi de la sorte, assurant la réussite de sa mission première bien qu’il manquait à des devoirs cachés aux yeux des autres villageois.On’ avait misé gros en faisant confiance à l’inconnu mais au final on ne pouvait non plus parler d’échec.

«A partir du moment où un shinobi voue sa vie à défendre et protéger un village, le pénaliser de la sorte par un tel échange va à l’encontre de ce pour quoi il se bat. Ne t’es-tu pas demandé pourquoi cet homme au masque blanc avait voulu se voir remettre un prisonnier notoire de Konoha dont les agissements ont nui au village alors qu’il venait tout juste de voir le jour ? Sais-tu d’où vient sa requête ? Non. Tout comme chacun d’entre nous dans ce village. La peur de l’inconnu. Tout comme tu as peur de ne pas savoir ce pour quoi il est juste de se battre, j’ai à présent peur que cette journée n’ai de plus amples répercussions sur notre avenir à tous… Cependant ne te détrompes je suis contente qu’Onpu nous ait été remis sain et sauf, cependant être Shinobi c’est faire des choix. Pas toujours évidents, mais nécessaires, nécessaires à accomplir notre objectif personnel.»

Nouvelle pause, je m’arrêtais, sortant ma main de la poche de mon manteau, je pointais délicatement mon doigt vers lui, arrêtée à mi-hauteur de son visage non loin de ce dernier, mon ton nettement plus adouci.

« Tu dis n’en avoir aucun pour le moment ? N’avoir personne a protégé ? Pense d’abord à toi le temps de trouver quelque chose de plus grand, ce n’est que comme ça que tu pourras aspirer à penser aux autres.»