Je devais rencontrer On’. J’avais évité de le rejoindre sauf la journée de notre départ. Tout le long du voyage, je m’étais contenté de rester silencieux et de ne pas trop lui parler. Il avait pu assister à cette rencontre parce qu’il me l’avait demandé. Kenji devait le voir comme mon second, mais j’étais surtout inquiet à propos de sa réaction. Avec l’enlèvement par les Masques Blancs, cet acte étrange me semblait être de mauvais augures. Je préférais avancer avec les quelques ANBU et autres hommes qui s’étaient mélangé au transport des visiteurs à travers le Désert, aidé en grande partie par Suna. Leur rôle avait surtout de s’assurer qu’il n’y ai pas de coup fourré. La chaleur les avait épuisé et de nombreux parmi eux avançaient le pas plus léger à l’idée de retourner à leur foyer.

Arrivé à Konoha, je fis la chose la plus importante. Je pris une douche. Si la plupart du temps je ne me préoccupais pas de ce genre de chose, la sueur du voyage et la frénésie de l’évènement avait eu raison de moi, peut-être plus que pour les participants qui avaient eu droit à quelques privilèges. J’avais fait envoyé par On’ un message, le petit insecte avec le parchemin sans sceau officielle devait le déposer dans son appartement, à un endroit visible, avant de revenir rapidement. L’objectif était d’être discret, voilà pourquoi je n’avais pas utiliser les voies officielles. En sortant de la douche, je passais devant un miroir. C’était Nyuuwa qui avait insisté pour le laisser là. Je passais ma main pour chasser la bué, me reculant pour voir mieux, provoquant ce balancement un peu involontaire. Konoha n’avait pas été une rédemption, ce Village Caché avait été une confirmation. Je passais un instant mon doigt sur mes cicatrices autour de ma bouche, avant de secouer la tête.

Je devais me préparer, du moins, m’habiller. Je mis rapidement mes pantalons et une chemise, sans prendre le temps de faire autre chose. Je m’approchais du comptoir pour tasser le plus gros des objets qui me nuisaient. Certains tombèrent à terre. Je me retournais vers la table couverte de livres ouverts. Je me mis à les empiler précautionneusement, mais sans ordre. Il y avait le bout de la table, je tirais deux chaises. Cette maison était belle à mon arrivée, maintenant, elle était un foutoir. Avec un peu d’insalubrité, on aurait pu croire une de ces pîqueries improvisées des grandes villes, sauf peut-être que la drogue ici était en petite quantité et emballée. Vu ce genre de lieu, où la consommation était immédiate, seul le dernier adjectif faisait la différence. Je retroussais mes manches en mettant la théière, contenant un peu d’alcool, J’avais essayé de recréer la recette des premières gouttes d’alcool d’On, sur les toits des Hokage.

Quand on cogna à ma porte, je me contentai d’approcher et de l’ouvrir. La journée était bien avancée et la nuit commençait. Je souriais en coin avec un mouvement de recul, avant de passer rapidement ma langue sur mes lèvres. Je ne dis rien, laissant la porte ouverte avant de me diriger vers la cuisine pour vérifier la chaleur de la théière.

- « Assis-toi. Il faut qu’on parle. Il y a beaucoup de choses qui se passent, il faut en discuter, je crois… Tu ne crois pas ? »

Je me tournais vers lui avec un sourire rendu bête par l’exagération des cicatrices. J’approchais deux verres de la table et les déposais en tassant un peu plus la pile. Puis, je versais un peu de l’alcool chaude dans son verre avant de faire la même chose. Je n’allais pas jouer la carte du « ce que j’ai l’air » chez nous, certainement pas pour quelques verres.

Quand On’ entra, il jeta un rapide coup d’œil autour. En l’entendant me répondre, j’éprouvais un élan de déception. Je ne sais pas ce que j’avais espéré, mais ce n’était pas venu. Mon sourire disparu. Je pris une profonde inspiration, restant silencieux, le fixant. Je soupirais en approchant mon verre de mes lèvres et y but bien plus qu’une gorgée. La chaleur du liquide, sans être bouillant, était désagréable et je pris conscience que j’aurais probablement la langue engourdis quelques heures après. Néanmoins, l’alcool forte chassa tout cela en descendant dans ma gorge et en faisant se serrer mes vaisseaux sanguins en répandant cette impression de chaleur, bien trop diffuse que la normale.

- « Commençons par Suna… Je t’y ai amené parce que tu me l’as demandé. Ton… « ennui » ne me dérange pas trop en soit. Mon problème, c’est que j’ignore exactement ce que les Masques Blancs t’ont fait… Alors, je dois comprendre. »

Je levais mon verre vers lui, comme pour porter un toast. Qu’il se joigne au petit geste ou pas, je portais mon verre à mes lèvres et avala encore une grosse gorgée. Un nouveau tiers du petit verre fut avalé. J’observais un nouveau silence en examinant son visage. Des yeux, je cherchais une marque de la petite cicatrice que Kaya lui avait faite. De tous mes élèves, elle était la plus imprévisible en termes de violence, mais, pour tout le reste, elle n’avait eu que cette réponse. Ça et l’orgueil.

- « Je ne doute pas de toi, On’. J’ignore seulement ce qu’ils ont pu mettre sur toi pour t’utiliser. À moins de m’expliquer ce qui s’est passé, je devrais mettre ça sur le compte des Masques Blancs et te… décontaminer. »

J’insistais sur ce dernier mot en portant ma main à ma bouche et en imitant une toux. Il allait me falloir une histoire crédible pour que je le crois. Néanmoins, j’ignorais l’impact que j’avais eu sur la vie de On’. J’espérais seulement qu’il comprenait quelque chose aux peu d’enseignements que je lui avais transmis. Sans Nyuuwa, il était peut-être un des seuls à pouvoir discerner ce qui se passait dans ma tête de moribond. Les choses avaient changés, mais je me souvenais encore de notre première discussion lors du discours de Nikkou, de Kaya dans sa boutique, de notre échange sur les têtes, de la scène révoltante pour Onpu lors de la mission de Kawa, mais aussi de sa présence face à Skinnero. À cette dernière pensée, je me tournais à moitié et fouillait la pile avant de sortir un livre, peu épais et de le déposer sur la table devant moi. Je mis ma main gauche dessus pour camoufler le titre, attendant le moment opportun pour lui montrer.

Je l’écoutais patiemment. On’ avait été, quand je l’ai connu, un enfant, mentalement du moins. Il était naïf et impressionnable. C’était le genre d’homme qui ne prenait aucun risque, car il doutait de ses capacités. Non pas que je désapprouve le doute, mais il faut avoir cette névrose qui nous pousse à vérifier ces doutes. Lui, c’était de la peur. Il avait cependant évolué en un homme capable de beaucoup, moins bloqué par ses craintes, qui, parfois, faisait même fit de ses propres intérêts, disons, vitaux. Sa capture lors de la conquête d’Ame no Kuni en avait été la preuve. Quand un homme peut avoir autant de convictions ou de « compartiments », très peu de choses l’effraie. La question de Kenji sembla le troubler. Je me contentais de poser mon coude sur la table, puis ma joue dans ma main, la tête de côté en l’écoutant. Quand il s’accouda, je compris que nous en venions à la fin. Je souris en coin.

- « Je me demande encore la nature de ta névrose. »

Je souris en coin, avant de rire un peu. Je me redressais et fis tourner le verre sur la table, par petit coup, en l’observant quelques secondes. Je me mis à secouer lentement la tête, réfléchissant visiblement à la question, avant de retirer la main du livre. Je le fis glisser lentement vers lui en tapotant le nom de l’auteur, juste en dessous du titre, du bout du doigt. Substance et interrogation par Skinnero.

- « C’était un ami à Ame no Kuni qui est mort. C’était un génie à Kawa no Kuni. Ce type aimait le contrôle. Ne m’insulte pas. Si tu veux refaire l’expérience, je voudrais être aux premières loges. Cependant, je ne te forcerai pas. Tant qu’à savoir si tu es sûr… Il n’y a rien de plus à faire, sauf prendre le risque pour vérifier. En plus, ton histoire me satisfait. Mais j’ai une question ? Ta confiance en Kenji au sujet de Makka, elle vient de là ? C’était une première quand même, non? »

Je souriais en coin. Je savais que la situation ne l’amusait probablement, mais il faisait partie des rares hommes de Konoha qui avait ma confiance. Il me rappelait aussi Nyuuwa. Je terminais mon verre en me rendant compte que le mettre à la tête de la Racine avait comme conséquence de mettre un certain secret entre nous. Je me versais un autre verre en fronçant les sourcils, un instant, me demandant si je ne l’avais pas fait par un délire inconscient. Les méandres de l’esprit… Une chose dont il faut savoir ricaner et j’en laissais un s’échapper, peut-être plus sincère et amer que voulu. Je regardais mon verre, la tiédeur du liquide entre mes doigts.

- « Avant de continuer à s’imbiber et discuter moins sérieusement, dans la mesure où je puis être sérieux sur quelque chose, je veux te parler de Makka, Suna, des Masques Blancs et des autres Villages. Tu es libre de faire ce que tu veux avec tes confrères, mais je vais te dire ce conseil : ne vous concentrez pas dessus, Konoha peut agir officiellement, mais discrètement. »

Je poussais un peu le verre pour l’éloigner de moi. Je regardais son visage un instant avant de m’adosser lentement. La pile de livres entassée à la va vite sur un coin de la table glissa lentement en faisant du bruit. Je me tournais vers elle alors que les livres chutaient au bas de la table, sans vraiment m’en préoccuper. Après quelques secondes après ce mouvement, je me retournais vers On’.

- « Kenji est un homme que je respecte, malgré notre situation. Je pense que nous ne jouerons pas un rôle secondaire. Je ne sais pas s’il a pensé à ce qui va se passer si Makka tombe ou pas. Kumo et Kiri sont dangereux si nous nous allions, le territoire de Makka presque dans le leur. C’est peut-être là que Konoha ne sera plus secondaire : il va falloir s’assurer de ne pas trop souffrir de trahisons hypothétiques, mais aussi veiller à ce que Suna puisse retourner chez eux. Ils ne seront plus nos maîtres, mais bien des alliés utiles si Kumo ou Kiri nous déclarent la guerre en pensant profiter de nos blessures. Il faut connaître leur situation en priorité et Konoha ne peut le faire officiellement. Tant qu’au Conseil : les choses suivent leur cours, les Konohajins me donnent raison. »

Je le fixais un instant, tendant la main vers l’alcool pour en prendre une gorgée plus petite, regardant par-dessus l’objet On’, me préparant déjà à avoir son opinion sur la situation.

Je le regardais en souriant en coin. Je hochais silencieusement la tête en redéposant le verre sur le bois, égratigné, avec parfois quelques marques qui ne pouvaient qu’être volontaires. La promesse de me tenir au courant me fit pincer les lèvres. J’ignorais si je pouvais vraiment me fier à lui. De ce que je savais de lui, j’osais espérer que je ne me trompais pas. Mais il n’est pas impossible pour moi de faire des erreurs. La Racine était libre de faire ce qu’elle voulait, pour le moment, On’, était un ami et il avait confiance en moi, mais je doutais que ce serait toujours le cas. Pourtant, pour le moment, j’osais croire que nous étions amis. Et, même, s’il devait s’avérer qu’à travers la Racine il allait à mon encontre, je ne pouvais pas lui en vouloir. Ça fait partie du jeu et il ne fallait pas s’en tenir rigueur.

- « J’ignore ce que tu as vu, mais, si tu me le permets, ne te laisse pas impressionner. Si ça ne met pas ta vie en danger, ne te laisse pas paralyser. Le concept d’inimaginable est humain, c’est simplement un manque d’inspiration pour ceux qui n’y avait jamais pensé. Le reste est de la poudre aux yeux, c’est émotionnel. »

En disant cela, je me contentais de sourire en coin. Je fis une légère moue avant de lui faire un clin d’œil. Je portais de nouveau le verre à ma bouche, les derniers verres faisant sentir leur doux effet, sans aller plus loin. Un léger picotement sur le bout des doigts si je me concentrais. Je levais un peu ma main posé sur la table, l’examinant en la retournant, rappelant l’attitude des hommes qui observent leurs ongles, sans les doigts repliés. Je poussais un soupir avant de reposer ma main contre la table, relevant mon regard vers lui. Après une brève description de la femme de Tetsu, je me tus subitement, pris une longue lapée.

- « Amaterasu ? Elle est à Tetsu no Kuni… Tu sais que je l’ai connu avant de devenir Hokage ? C’était une amie… Enfin, une « amie » est un bien large mot, disons simplement qu’elle me rendait curieuse. Si ça peut t’aider, je cherche à la voir personnellement… Alors, si tu veux l’espionner, vas-y, mais je ne veux pas savoir. Je vais y aller de mon côté. »

Je lui fis un sourire en coin. Amaterasu, Fuujin, plusieurs noms, mais la même femme. D’abord une adolescente et son jumeau, ensuite une solitaire plus mature et seule, au service de Suna. Une question qui me restait en travers de la gorge. Je savais que la mort de Misory n’était pas passé inaperçu, beaucoup le savait et lui en voulait. Moi, j’avais vu une femme qui était naïve par choix passé au meurtre. Au côté de Suna… Des détails qui me dérangeait, mais aussi une source d’informations. Je continuais à fixer On’ avant de sourire largement.

- « J’ai toujours eu un faible pour les femmes trop jeunes. Tant qu’à Kumo, bientôt, je pourrai me faire un avis sur eux, je vais rencontrer le Raïkage. Il ne faut pas faire l’erreur de les ignorer en se laissant aveugler par Kiri. Mais il faut trouver pourquoi Tetsu no Kuni les a inquiété, s’ils ont voulu signer pour avoir un accès au fer, c’est qu’ils ont besoin d’une production massive. Je doute que les Samouraïs les intéressent vraiment, si oui, il faut savoir pourquoi. À moins que ce soit une manœuvre pour montrer leur force. »

Je lui fis un sourire en terminant le verre. Je tendis la main vers la théière, la soulevant et la faisant tourner un peu pour voir comment il en restait. Je tendis ma main vers son verre en haussant les sourcils, dans une question silencieuse.

J’écoutais On’. Il obéissait. Enfin, parler d’obéissance n’était pas tout à fait le terme approprié. Je pensais surtout que la situation l’arrangeait. Je plissais un instant les yeux, sourire en coin, me demandant s’il allait m’utiliser pour obtenir des informations supplémentaires. Je me contentais de rire doucement, les effets de l’alcool étourdissant légèrement mon esprit. Ça n’avait rien de l’abrutissement, mais bien tout de ce dérèglement qui provoque une étrange fascination et demande une concentration pour les mouvements qui normalement se font naturellement. C’était un état qui n’était pas si étrangère à celle que j’ai habituellement. Il termina alors rapidement son verre, le déposant sur la table. Je me contentais de remplir le mien.

- « J’ai ajouté des essences de pétale de cerisier pour donner un goût moins… stérile. »

Je poussais délicatement la théière vers lui. Il se remplirait bien seul. Nous avions épuisé le sujet des discussions importantes. Probablement à cause de l’alcool, j’espérais qu’il reste un peu, mais, contrairement à l’amitié que je lui vouais, la sienne n’était rien de chaleureux. C’était, pathétiquement, un désir de rapprochement qui ne trouvait pas répercussion chez On’. La situation fit se peindre une expression hilare sur mon visage. Je chassais rapidement ma pseudo-nostalgie en agitant devant moi ma main, paume face à lui.

- « J’ai fait des choses étranges dans ma vie, On’. J’étais un homme ennuyeux, sans famille, si on peut dire. Surtout ennuyé. Rien ne m’apportait ce sentiment d’occupation, que certains appellent bonheur, pour chasser l’ennuie. Ma névrose, c’est les laboratoires, la chimie, l’examen, j’y trouvais un intérêt qui chassait l’ennui. Kawa no Kuni ne m’a servi qu’à faire perdurer ma névrose en la rendant utile. Quand des ennemis sont entrés dans le laboratoire, j’ai tiré sur les tuyaux des citernes, par patriotisme, par hargne d’avoir été pris, mais aussi, je me le demande, si ce n’était pas par amusement. »

Je fixais mon interlocuteur, une seconde de plus, un sourire trop large et en coin, mais une expression amer, triste, probablement. Fronçant les sourcils en essayant de me souvenir de ce que j’avais éprouvé. Puis, je baissais la tête, observant mon verre, presque honteux d’avoir laissé ces mots franchir mes lèvres. Je ris un peu, probablement trop.

- « Quand je me suis réveillé, mon jolie faciès avait été raccommodé comme les médecins pouvaient, les produits chimiques ayant attaqués mon épiderme, entre autre. Mes nerfs sont devenus engourdis et toutes sensations est un savoir plutôt qu’une émotion. Heureusement que j’avais une névrose peu émotive, non ? Quand j’ai vu Nyuuwa après des années, je cherchais un peu de compagnie pour la nuit. Elle était jolie, demandait un bon tarif… J’ai remarqué juste avant de… hum hum… commencer, une tâche de naissance. La même que j’avais vu sur un bébé d’une famille amie de la nôtre quand j’étais enfant. Je l’ai alors arraché à sa vie, en bien ou en mal, je ne sais pas, mais j’espérais avoir ce sentiment, cette sensation, ce « bonheur » revenu du passé par sa présence. Elle est partie maintenant, mais il me reste… ça. »

Je m’adossais lentement sur le dossier et écartais les bras, sourire en coin. Je désignais la maison, On’, peut-être Konoha tout entier en ce moment. Je fronçais les sourcils en sentant un picotement étrange sur mon œil. Je réalisais que j’avais les larmes aux yeux. Je me contentais de chasser cette vague preuve d’émotivité en clignant rapidement. Je me contentais de rire avant d’engloutir le verre. Je me contentais de me lever, le regardant, lui encore assis, signe que si mes élucubrations teintées d’alcool ne l’intéressait pas, il pouvait partir. Je lui fis même un geste vers la porte, une offre, plus qu’un ordre.