— 5 ans auparavant : Yuka a donc 12 ans, et les conflits familiaux ne sont pas encore « notables ».

Ploc, ploc, ploc …
Un pays barbant. Une pluie constante, déprimante, fatigante. Pauvre gamine enfermée, regardait le temps passer. Ennuyée, lassée, à simplement fixer l’extérieur, Yuka restait assise devant sa tasse de chocolat chaud sans rien dire. Dans la maisonnette, ses parents ainsi que Kyurei, son grand frère. À force de rester cloîtrée à faire toujours les mêmes jeux avec lui, la petite brune avait atteint saturation. Désormais, quand il lui proposait de jouer au chat et à la souris, ou même à autre chose, elle lui adressait un sourire attristé, secouant la tête sans rien ajouter de plus. Maintes fois, l’aîné tenta de la raisonner, de lui redonner le sourire. Toutes ses tentatives se soldaient par de cuisants échecs. L’enfant ne réagissait pas le moins du monde, bien à l’inverse : son faciès démontrait avec facilité à quel point il lui semblait idiot, ridicule. Une sorte de poignard lui transperçait le cœur chaque fois que sa sœur lui adressait un tel regard. Ayant alors le cafard, le petit homme repartait vers ses parents, à les écouter parler, en cherchant une nouvelle activité.

Yuka, exaspérée, se leva de son siège et s’en alla vers sa chambre. De l’air. Son corps et son esprit ne réclamait que cela. Juste une petite dose d’oxygène, avec ou sans pluie, peu lui importait. Respirer, se reprendre. Courir un coup et revenir. Ou alors s’enfuir. S’enfuir, retourner à Kiri. Au moins, même s’il y avait toujours la brume, dans ce village, il n’y pleuvait pas en permanence. Ame no Kuni lui paraissait tellement invivable …
Enfilant un petit manteau imperméable avant de quitter sa chambre, la demoiselle finit par passer devant ses parents qui, dans un premier temps, haussèrent les épaules. Elle se mettrait sur le pallier, rien de plus, comme à son habitude. Pourtant, lorsque la petite fille se trouva sur le pas de la porte, d’un seul coup, sa prétendue inaction se transforma en une course extrêmement rapide. Yuka partit, sans savoir précisément où, à la recherche d’oxygène. Elle partit, sans rien dire, ne faisant que courir.

« Kyurei ! Rattrape-la, vite ! Nous allons nous séparer pour la retrouver, cela ira plus vite. »

Le gamin hocha la tête, avant d’enfiler ses chaussures et partir à la recherche de sa cadette. Cette sorte de disparition l’affectait : Perdre sa sœur restait bien la dernière chose qu’il désirait. Il savait ce qui les attendait, tous les deux, mais préférait, pour le moment, la préserver. Et quand bien même une certaine course les opposait, ils restaient liés par le sang, mais surtout par l’esprit, très fusionnels. Il pressa le pas, commençant par ratisser les zones boueuses, vérifiant les traces de pas.

***

Yuka courait, à en perdre haleine, sans savoir où elle allait. Rapidement, la gamine s’était retrouvée dans un endroit d’autant plus inconnu ; cependant, au lieu de s’arrêter, comme l’auraient fait de nombreux enfants, pour être retrouvés, elle continua. Pas question de retourner dans ce cloître. Un besoin d’air oppressant la dirigeait, la traînant sur des sentiers tous similaires, qui semblaient ne mener nulle part.

La brunette s’arrêta un instant, balayant les alentours d’un regard. Personne. Pas un rat, ni même un chat se baladant par-là. La pluie, peut-être. Oui, certainement. La présence de la bruine qui, d’ailleurs, peu à peu, s’intensifiait, devait repousser les animaux. Yuka haussa les épaules : il lui suffisait de faire demi-tour, non ?

Alors elle fit demi-tour.
Au bout d’une bonne dizaine de minutes, l’enfant finit par comprendre qu’elle tournait en rond et ne retrouvait pas son chemin. Perdue, en plein milieu de la nature, livrée à elle-même. Confrontée à une faune et une flore inconnues, où tout lui semblait aussi nocif que bénéfique. Après avoir tourné un long moment, la gamine décida de courir de nouveau, à la recherche d’un autre moyen de s’extirper de tout cela.

Son trouble et sa maladresse la menèrent au mauvais endroit … Au mauvais moment. Sa course se finit droit contre un inconnu. Elle le percuta violemment, avant de tomber sur les fesses, légèrement sonnée. Doucement, Yuka releva la tête. Juste là, un adolescent, certainement plus âgé qu’elle. Un adolescent plutôt mignon, aux cheveux bleus. Assez original, en somme.

« P…Pardon, pardon … Je suis désolée … »

Elle cafouilla, baissant la tête avec extrêmement de gêne.
Quelqu’un d’inconnu, de percuté … Tout ça sous la pluie …
Quelle belle journée.