Les Jisetsu peuvent controler l'espace. Le temps. Ou la perception du temps.

Il est une technique que j'ai personnellement mise au point, qui n'a aucun intérêt en combat. Il s'agit de revisiter ses propres souvenirs, de pouvoir les revoir avec la même précision, les mêmes détails. Certains sont douloureux, d'autres sont particulièrement jouissifs. Celui-ci... Est un souvenir épique comme je n'ai eu que trop rarement eu l'occasion de vivre. Parfois, je revisite ce souvenir avec un sentiment partagé.

Tout commence dans une taverne minable de Kumo, où le seul avantage du vin était de pouvoir également désinfecter les blessures. Des voyageurs parlaient hauts et forts d'aventures, sans aucun respect pour le Prince que je suis. Je préfère toujours manger en paix, même s'il ne s'agit que d'un vulgaire bouillon. Mais là, l'un d'entre eux qui se dit aventureux commence à parler d'un plateau étrange d'où personne ne revient jamais... Et qu'il est persuadé qu'on peut y trouver un trésor. Comme quoi, le Plébéien de Kumo est avare et naïf. Parce qu'une région n'est pas traversée ne fait pas d'elle pour autant une région qui est riche, mais peut-être simplement des dangers.

Mais l'un d'entre eux raconte qu'une personne a été sur ce plateau et en est revenue vivante, quelques mois auparavant. Pas plus riche. En tout cas, il ne se baladait pas avec des sacs d'or. Un vague description d'un quidam, mais du coup cela m'intéresse plus. Parce que s'il est revenu, c'est qu'il y a un challenge. Peut-être pas nécessairement un trésor, mais il y a quelque chose là-bas qui empêche n'importe qui d'y entrer. Il y a une sorte de test, de sélection. Un examen. Or, je suis déjà noble. Donc en soi, j'ai déjà été élu comme supérieur aux autres. Naturellement, j'ai cette volonté de vouloir le montrer de temps en temps. Ou du moins, j'ai besoin de me le prouver à moi même, je ne ressens pas le besoin de le crier sur tous les toits de plébéiens.

Donc je paie ma note, je prends mes renseignements et je pars à l'aventure. Le plateau est a quelques jours de marche dans les montagnes, mais avec mon entrainement, je n'ai pas vraiment de mal à franchir les obstacles naturels. Kinobiri pour marcher et courir sur les falaises. Je peux voler avec ma maitrise du vent au besoin, mais c'est plus fatiguant. C'est néanmoins avec classe que j'arrive au sommet du plateau. Le parcours était difficile, mais rien qui expliquait que personne n'en revenait. Sauf que là, il y a une forêt. Et dès que j'entre dedans, je frissonne. Quelque chose n'est pas normal. Il y a du surnaturel ici. Tous mes sens sont agités. Sauf que je sais pertinemment que les fantômes cela n'existe pas. Mais le malaise ne me quitte pas. Je vois des arbres bouger, j'en suis persuadé. Et ils ricanent. Dans mon dos. Des rires de plébéiens. Je sors ma rapière et j'embroche là où j'entends des rires... Pour ne traverser qu'un pauvre buisson qui ne m'a rien fait. D'ailleurs, la situation à l'air de faire encore plus rire la forêt. Et tandis que le cauchemard continue, j'entends finalement des voix. Des voix pas vraiment humaines, mais qui viennent de personnes physiques, existantes. Réelles.

Oh ! Chouette ! Un humain. Jouons avec lui, peut-être qu'il sera digne de l'Alliance...

Tu es sur le Pic des Corbeaux, étrangers. Réponds à nos énigmes, prouves toi intelligents et humoristique, et tu pourras requérir nos services. Nous t'aiderons à aller plus loin, plus haut, plus vite...

Mais sache qu'il est rare de survivre... Notre Humour !

Et là ils croassent tous ensemble. Je suppute qu'il s'agit d'un rire. D'abord déstabilisé, j'attends un petit moment. Je comprends qu'il s'agit d'un genjutsu et je le dissipe avec grand mal. D'ailleurs, je ne pense pas le dissiper totalement, mais déjà suffisamment pour pouvoir aperçevoir mes trois interlocuteurs... Ainsi que de nombreux autres. Et tous tout de noir vêtus car il s'agit de corbeaux. Et ça, ce n'est pas une illusion. La raison parait logique, en y réfléchissant. Un endroit hânté ? Non, un endroit Sacré. Un lieu Saint. Et il est de notoriété publique que les royaumes kuchyioses sont ce genre d'endroit, aux frontières du réel et de l'imaginaire. J'attends quelques instants. Je réfléchis. Oui, je suis intéressé. Mais je ne suis pas n'importe qui. Je suis un Prince.

Avant de parler d'alliance, j'aimerais... En savoir plus. Sur vous. Sur votre culture. Votre royaume. Pourrais-avoir une entrevue avec votre Roi ? Mais j'oublie mes bonnes manières. Je suis le prince Samaël, du clan Jisetsu.

Contre toutes attentes, les corbeaux ne ricanent pas dérechef. Non, c'est le silence qui laisse entendre le bruissement du vent dans les feuilles. Il y a des concertations. Je sens que cela n'est pas sensé se passer tout à fait comme ça, d'habitude. Oui, c'est a moi de les déstabiliser. Contre toute attente l'un des premiers corbeaux rigole seul et me répond.

Tiens, en voilà une demande qui est rare. Et ta démarche est aussi sage qu'intéressante. Viens, suis-moi. Attention à ne pas te perdre dans cette forêt, il faut avoir des ailes pour échapper aux illusions qui la parcourent.

Naturellement, je le suis. Les plumes s'agitent un peu autours de moi tandis que le corbeau prend son envol dans la forêt et me montre le chemin. Vers où ? Probablement un palace. Ils ont un semblant de royauté il me semble. J'ai un sourire aux coins de mes lèvres.

Je suis donc mon interlocuteur dans un dédale de clairières avant de, finalement, arriver à un escalier qui descend le long d'un précipice. Un gros précipice. Et j'aperçois sur le côté une vieille plume plus grosse que moi, donc j'en déduis que cette ouverture au ciel est une piste de décollage pour les gros volumes. Probablement le fameux roi. Tandis que nous descendons par des escaliers - preuve quand même qu'il y a parfois des visiteurs - je ne peux qu'admirer le tas de ferraille qui gis contre le mur, derrière des grillages. Tout y brille, mais tout n'est pas de l'or loin de là. Par contre, parfois, j'aperçois une boucle d'oreille qui pourrait bien...

Nous autres corbeaux avons un certain penchant pour ce qui brille. Ce que tu aperçois derrière ces grilles, ce sont des années de ramassages divers sur tous les continents. Tout n'est peut-être pas de la meilleure qualité, ni bien entretenu... Mais c'est si beau ! Même moi j'ai difficile à soustraire mes yeux. Les grilles, c'est pour empêcher nos jeunes de les prendre pour eux-même. Croahahaha !

J'ai un sourire aux coins des lèvres. Mon avis est fait, ce corbeau a beau être vieux, sage... Il n'a aucune classe Royale. Ce n'est pas un Noble. Son comportement l'indique clairement. Dans tout ce tas de ferraille, il n'y a que quelques objets de valeurs sur une centaine de mètres parcourut. Mais je suis un bon invité. Je me dois de me tenir avec civilité en accordance avec mon rang. Apparaitre trop dédaigneux à un officiel peut être mal prit.

En voilà de bien beaux trésors...

Nous descendons encore plus bas, au coeur de la montagne. L'escalier devient couloir et tunnels qui se séparent. Je suis toujours mon visiteur. Les grilles sur les murs sont moins fréquentes. Mais au bout d'un moment, c'est une cage que j'aperçois. Une grosse cage imbriqué dans le mur avec un gros corbeau dedans. Le plus gros que j'ai jamais vu, presque quatre mètres d'envergure. Il dort. Quelques cicatrices traverses ses plumes d'un noir profond.

Et lui, c'est qui ? Il m'a l'air bien vivant pour un trésor...

Petit silence. Le corbeau ne me répond pas de suite. Il est... gêné ? Non. Je crois qu'il a peur. Ce plébéien de corbeau pue la panique jusqu'à ma narines. Il frissonne. En tout cas, il semble d'abord de s'assurer que le dit corbeau dort bel et bien. Il baisse le ton de sa voix et reprend.

Effectivement, c'était un des notres. C'est le Prince Exilé, il a tenté de prendre la place du Roi. Ne t'approche pas de sa cage, sa haine est grande.

Un Prince ? Et bien, ce corbeau a bel et bien l'air d'être digne. Il a une certaine aura autours de lui. Il est majestueux, malgré son emplacement et sa condition. Il n'a l'air en aucun cas pitoyable même derrière des barreaux. Au contraire, il a presque l'air encore plus dangereux. Prendre la place du Roi, c'est un crime. Du moins, si on échoue. Mais je ne comprends pas sa punition. Je demande à mon guide.

Exilé ? Votre dénomination est bien étrange. Un exil où il reste sur ses propres terres ? Vous devez confondre avec un emprisonnement.

Tu ne sais pas de quoi tu parles, Terrien. Pour nous autres oiseaux, le pire des exils est celui du ciel. Et la cage est la seule punition à la hauteur de son crime.

Je ne dis rien de plus. Je trouve que ce corbeau me manque de respect. Même si je ne connais pas leur culture. Ce n'est absolument pas une raison de me traiter de la sorte. Je suis un Prince, que diable ! Mais je réfléchis à ce qu'il me dit. Je pense, tout en mémorisant le chemin emprunté. Nous débouchons tous les deux dans une énorme salle, avec un trône de granit noir en son centre. Et un énorme rouleau de parchemin.

Et nous voici dans le saint des saints, la salle du trône. Le Roi est un vagabond, il revient rarement ici. Techniquement, seul lui ou quelqu'un de sang royal peut modifier le Pacte et y inclure, par exemple, un nouveau nom. Néanmoins... Les cinq sages ont obtenu l'autorisation de signer. Alors que penses-tu de nous, de notre culture ? Es-tu prêt à subir le test ?

Il me regarde avec ses yeux noirs.

Ces yeux qui me répugnent. Il n'a aucune dignité, aucune nobilité. C'est un pleutre. Une bête. Et il pense m'avoir impressionné avec son fourbi, son palais de courants d'air, son trésor de babioles et son trône inoccupé ? Son discours est à la hauteur de son existence. Creux. C'est une perte complet de mon temps d'envisager cette alliance. Mais je me dois de garder les apparences. Je suis un Prince, je me dois d'agir en tant que tel.

Ce que j'en pense ?

Je m'approche de lui et je m'agenouille pour être plus à sa hauteur. Ma main sur le pommeau de mon sabre. Je lui murmure lentement.

C'est que tu feras un beau trophé sur ma cheminée, insipide animal.

Je dégaine ma rapière dans un mouvement fluide et continue. Mes yeux, rouges à la base, se teintent de jaunes et mes pupilles noires se transformes en des arabesques. Il essaie de prendre son envol. Il tente d'esquiver. De fait, il s'extirpe de ma trajectoire dans un premier temps. Hélas, pour lui, je le vois. Je modifie la courbe de ma lame par une torsion du poignet et l'acier se fige par son bec entre-ouvert dans sa boîte cranienne.

Il règne un silence de mort dans la salle. Je donne un coup de botte dans l'ancêtre et sa carcasse ensanglantée disparait de mon arme avant de retomber par terre. Devant le parchemin. Son sang s'écoule dans une mare. Et je me délecte de ce spectacle. Je savoure ce moment grâce à mon doujutsu qui me permet de vivre au ralentit, en quelques sortes.

Puis je me tourne vers mes auditeurs. Le silence disparait dans une cohue de croâssements et d'ailes qui se déploient. Je crois reconnaitre même des insultes dans la langue des humains. On me traite de sot, d'idiot. Je ne sortirai pas d'ici vivant. Je les regarde d'un air narquois tandis que je créé un portail doré devant moi. Je le traverse et je me retrouve dans le couloir.

Aussitôt, je suis poursuivis par une nuée de corbeaux qui se dirigent vers moi. Ils n'ont pas eu du mal à retrouver ma trace. Mais ils sont là où je voulais les mener. J'ai un sourire aux lèvres tandis que j'incante mon seul et unique jutsu de zone. Le tunnel se remplit d'ondes destructices et les corbeaux tombent au sol comme des mouches. C'est un carnage. En entrant dans une zone aussi confinée, ils se sont exposés à mon courroux sans aucune chance de répit. Mais déjà, d'autres sont sur moi. J'esquive, je taille, j'estoque. Ils tombent, se brisent et d'autres les remplacent. L'un arrive à me taillader la jambe. L'autre m'arrache un bout de chair. Mais il ne le gagne pas gratuitement. Une de ses ailes tombe au sol, et j'écrase sa tête avec mes bottes. Ses os craquent.

Quelques minutes de répit. Je repars dans le couloir. Je n'ai plus de temps à perdre pour la suite de mon plan. La hâte est de rigueur.

J'ai gagné un peu de temps sur mes poursuivants, par des savants pièges, des dissimulations et des ninjutsus complexes. Mais tout cela ne peut que me faire gagner du temps. Je dois trouver un moyen de sortir d'ici. Et je pense avoir trouvé mon taxi. J'arrive devant la cage de tout à l'heure.

Celle du Prince Exilé. Le seul allié que je peux trouver en ces lieux. Je lui parle haut et fort, même s'il ne dort plus. Le bruit des corbeaux se répercutent partout sur les paroies naturelles, et il est déjà sortit de sa léthargie.

Prince Exilé, Noble parmi les Corbeaux. Moi, Samaël, Prince parmi les Jisetsu, te demande audience.

Rares sont ceux qui me réveillent. Encore plus rares sont ceux qui voulaient me réveiller. Et aucun n'en sort indemne. En quoi un Fils d'Homme, fusse-t-il Prince, m'intéresserait-il ?

Je dois jouer serrer. Me faire voir sous un beau jour. Le flatter. Attiser sa curiosité. Premièrement, la mort d'un des ancêtres. Oui, c'est un levier parfait pour introduire ma demande. Mais je me dois de me dépêcher. Le temps s'écoule toujours dans la même direction, et même un jisetsu n'y peut rien. Du coup, tôt ou tard, mes assaillant me rattraperont. Et à ce moment là, je serais cuit. Je dois avancer dans mon plan.

Noble créature céleste, en premier cadeau, je t'apporte la nouvelle de la mort d'un de tes gardiens. Il n'avait aucune dignité, et j'estime avoir fait grâce à la terre que de m'en débarasser. Gouverner ne devrait pas être autorisé à la Plèbe, même chez vous. Quant à la raison de ma présence, je viens pour une proposition.

Le corbeau ricane violemment. Oui, s'il avait des lèvres, je suis persuadé qu'il serait en train d'afficher un large sourire. Je n'ai pas vu faux. Il détestait l'ancien et est bien content de sa déconfiture. Parfait. Parfait.

Ha ! Tu as tué une de ces vieilles pies ? J'apprécie ton audace, Prince des Hommes. Mais c'est folie. Tu ne pourras ressortir d'ici vivant. Des ennemis t'attendent en surnombre. La forêt elle-même est constituée de genjutsu. A moins que... Oh, tu es un malin. Tu veux que je te sortes d'ici n'est-ce pas ?

J'ai un sourire aux lèvres. Il me plait, cet exilé. Un être fin. Un être qui voit les raisons derrières les actes. Qui devine les plans derrières les raisons. Un architecte des desseins d'autrui, un danseur de complots et de sournoiseries. Sans doute a-t-il vécu dans un monde sans pitié, où les plus forts survivent. Et les faibles meurt. Jusqu'au moment où il ne restait devant lui plus que le Roi. Oui, il ne m'apparait pas comme quelqu'un voulant détroner son père, mais qui est plus dans l'obligation de s'opposer à lui. Mais il se trompe. Je veux plus. Je suis également un prince. Moi aussi je complote, je fais des plans dans les plans. En l'occurrence, j'ai gros à jouer en ce moment.

Je désire bien plus que celà, Noble Corbeau. Je te propose de devenir mon Vassal. Accepte, et je te libère de l'Exil. Accepte, et tes descendants pourront vivre au pays de la Brume. Accepte, et ta lignée royale - la seule de valeur à mes yeux - se nourrira des cadavres des ennemis de Kiri. La liberté, un domaine, et la promesse d'une opulence contre ta loyauté, et celle de ta Maison.

C'est risqué. Mais jouable. Il est dans sa prison depuis longtemps et personne ne semble vouloir l'en libérer. Seul un externe comme moi le ferait. Et au fond de lui, il a plus d'estime pour sa propre personne que pour la mienne. En outre, le deal n'est pas mauvais. Mais c'est tendu. Il a son orgueil. Il grommèle. Mauvais signe. Je me prépare déjà à prendre la fuite et à faire de mon mieux quand il lâche, soudainement.

Tu as du culot. Mais j'accepte. On signera la paperasse plus tard. Libères moi de ces chaines !

J'ai un sourire, et je lâche un énorme soupire intérieur. Je dégaine ma rapière rapidement, et je l'affute à l'extrême par l'application d'un chakra futon condensé. Une technique basique, bien que plus complexe qu'on n'y croirait, et cela suffit pour pouvoir fendre le fer. Le cadenas tombe au sol. Le volatile s'approche et ouvre la porte de la cage. Elle rouille affreusement. Mais elle bouge. Des croassements se font entendre dans le couloir. Je me retourne brusquement. Et puis je sens un bec dans son dos. Il me pince les vêtements et me jette sur son dos tandis qu'il plonge dans le vide devant lui. Il hurle de plaisir. Il rigole à la sensation de la chute libre et du vent sur ses plumes.

Moi, je suis quand même un peu inquiet.

Je sens... Je sens le vent souffler ! ECOUTEZ MOI FILS DE L'EXIL. L'HEURE EST VENU A LA LIBERATION ! SUIVEZ LE PRINCE DES HOMMES !

Et une tornade noire se lève autour de nous. Le Prince Exilé à fait son retour, et il a ses supportaires. Je vois l'autre clan sous-peser l'idée de passer à l'attaque. Mais ils restent au sol. Un affrontement sans leur Roi leur couterait trop cher. Et cette masse noire s'envole tandis que la nuit tombe. Un peu plus tard, je négocie les termes du contrat. Parce qu'il est Prince, il a le droit de passer un Pacte. C'est pour cela que je l'ai préféré au vieux corbeau sénile et malpoli. Lui, il est Noble. Et il est Libre. Et Reconnaissant.

Et c'est un Vassal.

Aujourd'hui, j'ai mené une conquête, j'ai gagné la moitié d'un peuple.