Pièces sonnantes et trébuchantes.

Le Caïd se savait fort malvenu en ces terres. Fort heureusement pour lui, il profitait d'un don que seuls les Jinmenjus avaient l'honneur de posséder : l'assimilation à la chair. Un cadeau providentiel pour le genre d'homme qu'était Ryöhei. Un cadeau venu du ciel.

Impitoyable.

Il s'infiltra dans l'édifice comme un poisson dans l'eau, après s'être introduit dans le corps d'un client régulier du nom de Koukai. Un grand homme barbu et aux épaules presque aussi larges que la porte d'entrée, mais d'une bonté dégoulinante qui contaminait tout son entourage. Pour le Jinmenju, du reste, ce n'était qu'un hôte comme les autres. La coquille vide que représentait son hôte ne l'empêchait pas, au demeurant, de jeter un oeil au dehors quand l'opportunité s'offrait à lui, afin d'étudier les lieux avec le plus de précision possible. Il observa les galeries comme un enfant émerveillé devant un conte, de sorte qu'il comprît très vite l'organisation méthodique du tenancier. Tout était géré de la façon la plus pertinente possible, de sorte à pouvoir économiser un maximum d'espace, afin de pouvoir proposer un éventail plus large de produits. Les étagères étaient véritablement jonchées de produits, aussi Ryö (la partie assimilée de Ryöhei) souligna-t-il la qualité du travail.

Pièces sonnantes et trébuchantes.

Seulement, aussi compétent soit le commerçant, il n'en demeurait pas moins qu'il avait refusé d'obtempérer face aux menaces lancées par celui qui prétendait devenir une sorte de yakusa en puissance. L'échange était certes resté cordial mais une animosité bestiale avait envahi l'atmosphère, sitôt que les deux interlocuteurs s'étaient tenus tête, le commerçant étant soutenu par sa chienne de garde, une samouraï qui semblait assez sûre d'elle pour pouvoir écarter Ryöhei de son chemin.

Mais ce fut pour eux une grave erreur de sous-estimer les menaces proférés tacitement à leur encontre.

Ryö ne pouvait pas en rester là. Il avait établi un plan afin de pouvoir mettre le feu à l'établissement, avec autant de finesse et de discrétion que cela lui était permis à travers l'un des clients les plus fidèles de Chez Gendo.

Son plan était en marche et ne souffrirait aucune sorte de concurrence ou d'échec.