Voleur [Mission] [Mochizuki Iori]

Son compère se nomme @Mochizuki Iori. Inconnu au bataillon.

Il n'a pour ainsi dire que peu d'intérêt à son égard.

Le rendez-vous avec son compère a été fixé à la frontière des quartiers commerçants, sur une plateforme offrant une vue panoramique sur la citadelle. Depuis cet étage, Ryöhei prend parfois plaisir à se délecter d'un paysage vertigineux : celui des montagnes de Tsuchi no Kuni. Pour autant, il profite des quelques heures qui lui sont alloués avant la mission pour démarrer celle-ci. Inutile de faire ses emplettes et de perdre son temps. Il veut résoudre l'affaire au plus vite.

Un premier tour des quartiers lui permet de s'imprégner de l'ambiance agité qui règne ici. Boutiques d'armes, fringues, épiceries,... Ses yeux s'attardent cependant sur un magasin générale, un fourre-tout pragmatique. Véritable cave aux trésors lorsque l'on recherche des conneries pour deux ou trois pièces de monnaie. Une véritable cave au trésor gardée farouchement par un fifrelin bipède qui, les bras croisés, toise tout le monde du regard. Ryöhei le fixe en souriant, et aussitôt les deux lascars se cherchent des yeux. Un sourire s'aiguise sur le visage prédateur du rouquin.

Il n'a pour ainsi dire que peu d'intérêt à son égard.

"Qu'est-ce que tu mates comme ça, sale mioche ? Ne me dis pas qu'ils ont confié la garde de la boutique à un bâton de sucette comme toi ?"

"Ils ont confié la garde à un aspirant ninja, monsieur. Veuillez passer votre chemin."

"Et si j'ai pas envie ?"

Ryöhei ne se contente pas de toiser son adversaire. Il avance droit sur lui en retroussant ses manches, comme pour le sommer de se battre. L'aspirant se met alors en position de garde, prêt à en découdre. Le Red Rock se sent prêt à lui flanquer une bonne raclée, quand soudain l'esprit de son second s'éveille. "La mission n'est pas d'écraser ce gamin, Ryö. Ne perdons pas de temps et demande-lui ce qui est arrivé", lui souffle spirituellement son homologue, Hei. "Aussi, méfie-toi des aspirants. Il se pourrait que ce mioche auquel tu fais face soit plus fort que toi..."

En l'occurrence, Ryöhei n'avait pas fait parler ses phalanges depuis un bout de temps. Frapper un gamin ne l'intriguait guère, mais perdre face à lui serait une honte monumentale.

Il se ravisa. Mais à sa manière.

Sa main jaillît à toute vitesse et empoigna la gorge de l'aspirant, l'étranglant modestement pour ne pas l'étouffer. Hei pouvait bien exprimer ses saintes paroles, Ryö n'en avait cure : il ne se soumettrait jamais devant un mioche.

"J'vais pas t'faire de mal, petit. Mais ne t'avise plus de me provoquer."

"Qu'est-ce que vous nous voulez ?"

"J'enquête sur les vols. Ca t'intéresse ? "

Le gamin finît par se montrer plus conciliant, et parla sans ménager sa langue. Il tenta d'éclairer le visiteur du mieux qu'il put, mais ses propos semblèrent souffrirent de cet instant qu'il venait de subir. Probablement n'était-il pas accoutumé à une telle brutalité, du fait de son âge candide. Bienvenue dans le monde ninja, gamin.

Après avoir bavardé quelques minutes avec l'indiqué, il apprit les méthodes espiègles du voleur et quelques bribes de son identité. Rien qui, pour le moins, suffirait à l'arrêter. Il laissa la victime à son poste comme une vulgaire charogne, mécontent de ne pas en avoir tiré davantage. Il lui fallait d'autres témoignages. En se retournant, il vît que le gamin continuait de guetter, tout en massant sa gorge endolorie. Il espérait simplement que ce minable n'irait pas lui faire faux bond en révélant trop vite l'identité de l'enquêteur à d'autres commerçants, car cela signifierait que le voleur, lui aussi, pourrait finir par savoir à quoi s'en tenir.

Il ne faut avoir de pitié pour personne.

Mon apprentissage continuait à l'académie du village. Je suivais plusieurs cours, aussi bien théoriques que pratiques. Cependant, aucun d'eux ne parvinrent à m'aider à manier mon Chakra. Certes, j'avais appris énormément de choses, dont je prenais note évidemment, mais l'essentiel du Shinobi, c'est-à-dire cette énergie bleutée, ne voulait pas pointer le bout de son nez chez moi. Je ne perdais pas espoir, je gardais le sourire et savais que mon moment viendrait. Quand ? Je l'ignore, mais il viendra.

Je me reposais chez moi, révisant mes cours dans ma chambre. Ma mère était en cuisine, elle préparait le dîner lorsque l'on vint toquer à la porte. Pour éviter que ma génitrice ne brûle le repas, je me leva et alla ouvrir. Un ninja se trouvait sur le palier, un parchemin en main qu'il me tendit avant de disparaître aussitôt. Étrange. Je me dirigeais contre la cuisine tout en déroulant le courrier, lisant la première ligne : Ordre de mission. Je me stoppais net, attirant la curiosité de ma mère. J'affichais un énorme sourire avant de crier :

— On m'a assigné une mission !
Ma mère laissa tout en plan et s'approcha pour lire le parchemin avec moi. Une mission de rang C en plus ! Jamais je n'aurais cru réaliser une telle mission alors que je n'étais qu'un aspirant ninja. Néanmoins, je n'allais pas la réaliser seul, un Genin allait m'accompagner ou plutôt me guider. En effet, cette enquête allait plus être un apprentissage pour moi, je ne pensais pas être en mesure de mener à bien une telle mission seul.

Malheureusement, je ne pouvais guère rester manger, le devoir m'appelait. Ma mère comprit et m'annonça me garder au chaud le repas. Elle était contente, mais également soucieuse. Son mari et son beau-père n'étaient pas rentré lors de leur dernière mission, qui était bien plus importante, mais ils avaient tout de même péri. Elle ne put s'empêcher d'y songer, mais je la rassurai.

— Ne t'en fais pas, tout ira bien, ce n'est qu'une enquête.
Je savais que ça pouvait très vite mal tourner. Qui sait, peut-être que le voleur ne se priverait pas de tuer ceux essayant de le coincer. Quoi qu'il en soit, je partis dans ma chambre pour me préparer et retrouver mon coéquipier sur le point de rendez-vous indiqué sur l'ordre de mission.

Je rejoignis aussi vite que possible la plateforme proche du quartier commerçant. Je contemplais Iwa depuis ce point en attendant celui qui se nommais Jinmenju Ryöhei. J'étais à l'heure, mais lui, ne le semblait pas. Avait-il eu un empêchement ou était-il simplement en retard ? Je me posais la question, mais j'allais tout de même l'attendre encore un moment. En attendant, je me contentais de relire mes fameuses notes pour éviter de commettre une bourde lors de la mission.

Soudainement, un homme sortit de l'ombre et s'approcha de moi. L'inconnu avait en main mon ordre de mission qu'il me présentait. Merde! J'avais malencontreusement égaré ma missive... Je rangeais mon petit calepin de notes avant de me gratter l'arrière de la tête, gêné par la situation.

— Jinmenju Ryöhei ?
Demandais-je à voix basse. J'espérais que ce soit lui et pas un inconnu ou encore pire, le voleur...

Il ne faut avoir de pitié pour personne.

Le Red Rock toisa son partenaire de haut en bas. Ou plutôt, de bas en bas, car la tête de son camarade ne dépasserait pas du comptoir s'il l'invitait au bistrot.

Un mioche.

Ryôhei n'avait rien d'une nourricière et pour cause, son tout dernier contact avec un rejeton s'était soldé comme convenu les heures précédentes sur une brimade impertinente et brutale (dont il était très fier au demeurant) et aussi tolérant fut-il, le bicéphale n'admettait pas qu'on lui coltine un bleu dans les pattes. Un courant chaud se déversa dans son sang comme un flot de haine et de rancune qu'il ne sut tarir sur l'instant, et qui l'enveloppa bientôt tout entier, à mesure que ses yeux admettaient la cruelle réalité d'une association des plus perturbantes. Il faudrait jouer la mère louve, ou pire encore, se traîner une larve marsupiale accrochée autour du coup comme un collier pour chien autour de la robuste nuque de l'aîné.

De manière moins imagée, Ryöhei n'aime pas les gosses.

Il ne faut avoir de pitié pour personne.

"Et merde. Putain. C'est avec toi que je dois bosser ? 'Foutre. Non mais ils sont sérieux ? Bon sang quelle connerie. J'aime pas les gosses. Tu fais chier."

Ca, pour des présentations...

Après un long soupir, il tira un paquet de sa poche et alluma sa clope, comme tout vieux briscard qui se respecte. Il regarda un moment l'immensité de son désespoir à travers la petite taille de l'Aspirant. Il transpirait l'innocence au point que les narines de Ryöhei crurent respirer l'odeur d'une église. Ce gamin était pur. Pur et nauséabond. Il fallait faire quelque chose pour lui donner meilleur air. Meilleure gueule. Se faisant une raison, l'aîné voulut se montrer plus chaleureux et lui présenta son paquet de cigarettes.

"Tu fumes, gamin ?"

Tout en tendant sa main avec l'offrande à son extrémité, il enchaîna son discours, contemplant le candide Iori de ses yeux de feu.

"J't'ai pas répondu, sorry. Oui, c'est moi, Ryöhei. J'vais t'prendre sous mon aile et t'apprendre à coincer les voyous. J'ai déjà eu quelques infos d'un indic' à mon compte. Pour la suite, on va aller au bistrot. Les histoires de comptoir, c'est toujours un plus dans ce genre de missions. J'te paierais une bière et on s'fumeras une autre clope. Tu diras rien à ta mère. J'vais faire de toi un homme. Allez, prends-en une et dis-moi comment tu t'appelles."

Il fallait le corrompre. A tout prix. Le Jinmenju ne pouvait pas travailler avec un saint.

Heureusement pour moi, l'homme en face de moi était mon coéquipier. Il ne me l'annonça pas directement, il y a eu plusieurs étapes avant qu'il ne révèle officiellement son identité. Ryô me contempla de bas en haut, me flanquant la chair de poule. Ensuite, il enchaîna une série de gros mots, tout ça parce que j'étais un môme ? Je ne me considérais plus comme tel, mais lui, voyait en moi un enfant. J'étais déçu, je pensais faire plus vieux que ça maintenant que j'avais 14 ans. Soudainement, il me proposa une cigarette, quelle genre d'adulte irresponsable proposerait une clope à un jeune adolescent ? Je secouais la tête pour refuser, mais je craignais le pire au vu de son caractère.

Finalement, il me donna son nom, bien que j'aie deviné sa véritable identité depuis le début. Le Jinmenju avait déjà commencé la mission, était-il venu plus tôt pour tâter le terrain ? Son choix avait porté ses fruits vu qu'il possédait des informations, mais lesquelles ? J'allais le lui demander, mais avant, je devais me présenter à mon tour et refuser sa cigarette, à mes risques et périls.

— Moi c'est Iori, enchanté.
Annonçais-je tout en m'inclinant face à cette homme qui était clairement plus âgé que moi.

— Je ne veux pas vous contrarier, mais fumer va contre mes principes, outre le fait que ma mère le prendrait très mal et me punirait.
L'odeur du tabac allait s'imprégner sur mes habit, mes doigts et dans mon haleine. Ma mère remarquerait tout de suite que j'avais fumé, mais mise à part son avis, je ne voulais pas abîmer mon corps, un héros ne pouvait pas se le permettre.

Maintenant que les présentations aient été faites, nous pouvions prendre le chemin du bistrot pour récupérer d'autres informations sur notre voleur. Je profitais de notre marche pour me mettre à jour sur la mission et savoir ce que mon coéquipier avait appris en mon absence.

— Quelles informations avez-vous obtenu ?
Notre destination n'était pas très loin et en quelques minutes nous l'atteignîmes. Je laissais mon ainé rentrer en premier et je le suivais. Une fois à l'intérieur, je fus choqué par l'ambiance qui régnait en ce lieu. Oui, c'était la première fois que je m'étais les pieds dans un bistrot. Il y avait un brouhaha général, les personnes parlaient fort, rigolaient, criaient, les verres s'entrechoquaient. Un vrai boxon. Nous nous rendîmes au bar où nous passions notre commande, une bière sûrement pour Ryô, mais moi, je commandais un verre d'eau. Le barman me regarda bizarrement, mais en même temps, je n'avais pas l'âge pour de l'alcool et je n'osais pas boire de boisson sucré en dehors des repas.

J'examinais les environs, mais difficile de trouver des indices dans un tel endroit rien qu'en zieutant. Il fallait questioner les personnes présentes et je profitais du retour du Barman pour l'interroger.

— Merci.
Débutais-je lorsqu'il me servit mon verre.

— Je m'excuse, mais avez-vous eu vent des récents vols dans le coin ? Savez-vous qui pourrait être l'auteur de ces actes ?
L'homme éclata de rire avant de s'adresser à mon coéquipier.

— Il est drôle ce petit. C'est votre fils ? Il est un peu jeune pour se confronter à l'Insaisissable.
L'Insaisissable ? Était-ce le surnom de notre voleur ? Le barman semblait connaître l'auteur des faits, mais je manquais de persuasion, il me prenait - lui aussi - pour un gosse. Ryô pouvait sans doute remedier à ça, non ?

Candide.

Ce gamin, Iori, incarnait tout ce qu'il y avait de plus innocent pour un académicien. Un trouble pour son aîné, qui tendait d'ordinaire à régler les choses "à la dure", en tout bon caïd qu'il croyait être. Toutefois, devant cette politesse débordante de vertu et dégoulinante de bonnes mœurs, il dût se soustraire à une réalité inflexible : cet aspirant était incorruptible.

Aussi, alors qu'ils entrèrent dans un bar agonisant sous les déchirures d'un désordre sans scrupules et d'un brouhaha infernal, il laissa le "petit" seul dans la tourmente, ignorant son devoir de mentor en quelque sorte, lui qui écumait les comptoirs depuis une décennie et demi, lui qui connaissait par coeur ces lieux de désoeuvrement et de concupiscence et qui aurait pu, en tout état de cause, permettre au quidam de trouver ses marques. Il fut cependant épaté devant le volontariat de cet intrus juvénile qui n'hésita pas à passer sa propre commande, aussi incongrue fut-elle ici.

Candide.

Aussi, alors qu'il glissait son verre de bière à ses lèvres, il fut à nouveau stupéfait de la témérité de ce jeune Iori qui s'adressa directement au tenancier, affichant vigoureusement son désir de mener une enquête pour le moins engageante.
Ah... les jeunes pousses intrépides. Les gamins dans son genre pourraient vivre et survivre comme du lichen sur de la roche, aussi hostile soit le climat.

Candide. Mais audacieux.

Iori remonta d'un bloc dans l'estime du bicéphale. Avec l'ingéniosité de l'aspirant et l'expérience du prétendu caïd, ils obtiendraient à coup sûr un savant mélange de réussite et d'adaptabilité. En l'occurrence, le gamin avait même devancé son aîné en interrogeant le barmaid avant lui : c'était indiscutablement la meilleure source du village et il avait été très perspicace en l'abordant tout de go.

Mais il ne faut avoir de pitié pour personne.

"C'pas mon fils, tu l'vois bien. Je l'ai pris sous mon aile car c'est le meilleur de sa promotion. De la bonne graine, comme tu peux l'voir. J'te le laisse une seconde, 'vais m'en griller une."

Une manière implicite d'inviter le tenancier à apprendre au quidam l'art de la négoce à travers la corruption. Peut-être le barmaid allait-il réussir là où Ryohei avait échoué ?

Le Roux disparut tandis que le tavernier engagea la conversation de manière plus discrète et directe avec Iori.

"Tu veux des informations, petit, mais les informations, ça se paie. En cash ou en nature. Qu'as-tu à me proposer qui pourrais délier ma langue ? J'ai déjà beaucoup d'argent. Je possède un bar prospère et j'ai toujours quelques coudes posés sur mon comptoir. Il se pourrait même que l'Insaisissable que tu recherches soit passé par là. Mais s'il est venu fantôme, il est reparti fantôme. Je ne m'occupe pas des affaires de mes clients. Je dirais même que je préfère qu'ils achètent mon silence, plutôt que de vendre leur peau au premier venu. Sauf si le jeu en vaut la chandelle, bien sûr..."

Il marqua une pause en remplissant un petit shot avec une liqueur de sa propre confection. Il posa le verre en question juste devant Iori, avant de s'en servir un lui-même, qu'il prit entre ses doigts en tendit en l'air devant le quidam.

"Déjà, commençons par trinquer. Je ne négocie pas avec des dégonflés. Ce verre doit se boire d'une traite, en se regardant dans les yeux, d'homme à homme. Santé !"

Candide. Mais pour combien de temps encore ?

Le meilleur de ma promotion ? Il le pensait vraiment ? Ses paroles me firent chaud au cœur, mais je ne comprenais pas comment il en était arrivé à ce raisonnement. Je n'avais encore rien fait, si ce n'était perdre mon ordre de mission...

Mon coéquipier quitta l'établissement le temps de fumer une cigarette, me laissant ainsi seul dans ce lieu inapproprié pour un jeune de mon âge. En tant que ninja, nous pouvions avoir certain privilège, comme fréquenter des établissements réservé aux adultes, mais moi, je n'étais pas officiellement un Shinobi, je n'avais même pas le bandeau du village. Cependant, personne ne le savait, sauf Ryô.

Le barman s'approcha de moi. Son discours laissa sous-entendre qu'il avait des informations sur notre homme, mais qu'il les lâcherait seulement contre de l'argent ou de la... nature ? Je ne comprenais pas bien le sens de cette rémunération et il semblait ne vouloir que ça, vu qu'il possédait déjà beaucoup trop d'argent à son goût. Je me frottais la machoire pour réfléchir, comme si j'avais de la barbe, mais je n'en avais point, même pas l'ombre d'un poil.

— En nature vous dites... Mmmmh... que vous faudrait-il, un arbre, un morceau de roche, de l'eau du lac ? Je suis prêt à me procurer l'une de ces choses si vous me donner des informations.
Néanmoins, il semblerait que nous devions trinquer pour débuter les négociations. Un verre me fut proposé, le liquide était transparent, de l'eau ? Pourquoi m'en servir alors que j'avais déjà un verre ? Peu importe, c'était peut-être pour la forme, un rituel d'adultes que je ne connaissais pas. Décidément, j'en apprenais des choses ici : payer avec la nature, trinquer avec de petits verres d'eau.

Je levais mon verre tout en le regardant dans les yeux. Sans même sentir l'odeur du breuvage présent dans mon verre, je le portais à mes lèvres et l'ingurgita. Ce que je pensais être de l'eau ne l'était pas, il s'agissait d'alcool ! Le liquide n'eut même pas le temps de caresser ma gorge que je recrachais tout. Je venais d'arroser le tenancier, mais je ne m'en souciais guère, j'étais bien trop occupé à m'envoyer mon verre d'eau pour me rincer la bouche.

— C'est dégueulasse! Pourquoi vous buvez ça ?
M'exclamais-je après avoir fini ma boisson. Quelle allait être la réaction du barman ? En même temps, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui, depuis quand servions-nous de l'alcool - aussi fort - à un jeune adolescent ?

Il ne faut avoir de pitié pour personne.

Ryöhei revint après quelques minutes d'absence, observant d'un oeil curieux et despotique la confrontation entre le candide Iori et l'impitoyable tavernier. Ce dernier affichait un sourire carnassier, fier d'avoir servi une petite rincée au bonhomme, et de l'avoir vu se décomposer en engloutissant son shot comme un vrai dur. Dur qu'il n'était pas encore, puisqu'il s'était jeté sur un verre d'eau pour faire passer la pilule. Du reste, il avait réussi avec sa hardiesse à décrisper les négociations et à instaurer un climat de complicité que le fameux rouquin n'hésita pas à saisir.

"On a finalement réussi à te faire boire, héhéhé. Bravo."

Il tira ensuite un tabouret et se vissa dessus, posant son coude sur le comptoir, et cachant sa bouche avec ses doigts. Ses yeux se plissèrent tandis qu'il observait le barmaid, signe qu'il désirait faire avancer les choses. Le dépucelage alcoolique de Iori n'était qu'un léger contretemps.

Discrètement, il glissa quelques mots par-dessus le bar.

"J'ai des informations à te vendre, camarade, concernant tes détracteurs. Tu te doutes bien que les bruits courent vite au sein de la citadelle. Mais d'abord, je veux en savoir plus sur cet Insaisissable."

L'aubergiste lui rendît un regard noir et soupçonneux. En tant que Jinmenju et shinobi du village, Ryöhei n'ignorait que peu de choses de toutes les magouilles de la citadelle. Des magouilles que les siamois diffusaient librement entre eux, gardant jalousement leur secret, et s'immisçant parfois dans les plus sales affaires, sans se faire pincer.

Sans se faire pincer, car depuis toujours, les Jinmenju profitaient de leur capacité pour s'introduire en douce dans toutes les affaires concernant l'économie souterraine de la communauté, et s'en extirpaient avec tout autant de discrétion, pour ceux qui du reste n'avaient pas peur de se salir les mains.

Le tavernier le toisa un long moment. Puis il délia sa langue, convaincu par le discours de l'apprenti caïd.

"Je vois que l'on ne peut rien cacher aux ripoux. La pire espèce du village."

Il marqua une pause en remplissant un nouveau shot avec la même liqueur qu'Iori s'était péniblement enfilé. Il servit le rouquin sans trinquer, témoignant de sa méfiance. Ryöhei enfila la liqueur d'une traite et observa le responsable.

"Je ne vais pas vendre la peau de mon client aussi facilement. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a une rumeur qui circule et qui annonce un cambriolage au restaurant d'Ikkebukuro. Il vient de refaire toute la décoration de l'intérieur et son nouveau frigo vaut trois fois celui que je me traîne depuis que la citadelle a officiellement ouvert ses portes. Le pauvre croit bien faire en prenant des airs supérieurs avec sa belle fortune, mais il attire surtout la convoitise. Si vous attrapez l'Insaisissable, tant mieux pour vous. Mais si vous le ratez, c'est votre problème : vous me confierez tout de même les informations que nous venons de négocier."

Sans dire un mot de plus, Ryöhei posa une pièce sur la table, réglant les frais de sa boisson. Il empoigna Iori par le dos du col et sortît du bistrot avec lui, convaincu de sa réussite. En sortant du bâtiment, il regarda le candide avec des yeux malicieux.

"Rappelle-moi que quand on aura attrapé le voleur, il faudra inventer quelque chose pour le tavernier. Une fausse enquête sur son compte, une fausse descente, une fausse connerie dans le genre. Le bluff, ça s'alimente, gamin."

C'était décidé, plus jamais je ne boirais de l'alcool, mais surtout, plus jamais je ne porterais un verre à mes lèvres sans savoir ce qui se trouve à l'intérieur. J'avais été naïf sur ce coup, mais comment pouvais-je prévoir qu'un adulte, censé être responsable, allait servir de l'alcool à un jeune adolescent ?

Je me rinçais la bouche avec mon verre d'eau alors que mon partenaire revenait de sa pause cigarette. Il fumait beaucoup à mon goût, ses poumons devaient être déjà bien affecté, à moins qu'il ait commencé de fumer récemment. Voilà une question que je pouvais lui poser une fois notre mission terminée, il serait peu professionnel d'entamer des conversations privées à cet instant.

J'écoutais Ryô discuter avec le tenancier. Il ne m'avait pas dit que le propriétaire de ce bar était connu par les forces de l'ordre pour des histoires louches. En même temps, cela ne m'étonnait pas vu son irresponsabilité. Le rouquin parvint à soutirer des informations très utiles à notre barman, nous avions une adresse, mais pas la date et l'heure du prochain délit.

Je posais une pièce à mon tour sur le bar, une de valeur inférieur à celle du Jinmenju, je n'avais bu qu'un verre d'eau.

— Au revoir Monsieur, à bientôt.
Saluais-je tout en m'inclinant légèrement avant de suivre mon partenaire hors de l'établissement. Le Genin annonça aussitôt sa fourberie, il avait menti pour récupérer des indices.

— Ce n'était pas vrai ? J'étais persuadé que votre histoire était réelle. Vous faites un sacré bon acteur!
Déclarais-je admirant la facilité avec laquelle Ryô avait menti. Je sortais mon calepin pour noter ce rappel, je ne devais pas oublier de le lui rappeler.

— C'est noté, on peut y aller.
Lui annonçais-je tout en souriant. Nous emboitâmes le pas en direction du restaurant cité par le barman. L'établissement était grand, neuf et luxueux. Une cible convoitée par les voleurs. Je scrutais les environs, il y avait énormément de foule. Si j'étais un voleur, comme m'y prendrais-je ? Certainement pas en utilisant la rue principale, peut-être que le restaurant possédait une sortie de secours donnant sur une rue annexe à l'abri des regards et peu fréquentée.

— Je fais le tour du bâtiment pour voir s'il y a d'autres entrées possibles.
J'entreprenais seul cette examination, Ryô pouvait rentrer et aller voir le frigo, sa taille, son poids, pour comprendre quel moyen fallait-il posséder pour s'en emparer et le voler. Ou bien, il pouvait prendre de la hauteur et rester vigilent sur les mouvements de la foule.

Comme je le pensais, une sortie était présente derrière le bâtiment. Elle donnait accès à la cuisine et deux cuistots étaient en train de fumer. Soudainement, alors que je m'approchais d'eux, une ombre vint se placer dans leur dos et aussi vite, ils tombèrent. Un regard noir vint se poser sur moi, j'étais tétanisé.

— RRRYYYYÔôô...
Ma voix s'estompa dans la ruelle, je venais de perdre connaissance. Sans m'en rendre compte, l'inconnu venait de me mettre hors-jeu, j'étais à la merci du voleur.

Un cri. Le rouquin se crispa aussitôt, devant cet immense frigo capable d'entreposer une bonne centaine de bouteilles. Il observa le chef du restaurant, Ikkebukuro, qui le surveillait de près après avoir permis aux enquêteurs d'examiner sa cuisine, conscient des risques encourues depuis qu'il avait été averti qu'il attirait la convoitise.

Un cri. Le rouquin ne pouvait ignorer cet appel à l'aide. Iori était du genre téméraire, et cette détresse n'était certainement pas due à une phobie passagère ou n'importe quoi d'anecdotique et banal. Cet aspirant n'était pas du genre à s'alarmer pour des broutilles, du moins selon l'avis du bicéphale. Du reste, ce n'est encore qu'un enfant.

Un cri. Le rouquin décide de réagir et se sauve, ses deux mains fouillant sa sacoche pour en tirer deux kunais, un pour chaque couturière. Ainsi équipé, il met tout juste quelques secondes pour arriver sur le lieu d'alerte.

Un cri. Le rouquin ne remarque cependant que trois carcasses assommées, la troisième étant coiffée d'une touffe aux reflets d'émeraude. Le petit Iori se repose tranquillement, proche des deux cuistots, tranquilles comme des plumes sur une flaque d'eau.

Un cri. Mais rien à l'horizon.

Conscient qu'il était arrivé trop tard, Ryöhei décida de faire la meilleure chose qu'il avait à faire. D'un coup de botte, il remua la carcasse paresseuse du jeune aspirant. Il lui fallût plusieurs coups de sabots pour sentir que le petit ouvrait les yeux. Spontanément, il se pencha sur lui et lui fila une bonne gifle, imposant une présence presque patriarcale, ce qu'il pouvait se permettre du haut de son trentenaire.

"Réveille-toi l'affreux ! T'as laissé filer notre gibier ! Je ne serais pas bien fier à ta place !"

Il l'attrapa ensuite par la main pour l'aider à se relever, ce qui pouvait sembler anodin à première vue. Anodin, pas tant pourtant, car pour éviter que ce genre de problèmes ne se reproduise, il profita de ce contact pour s'introduire dans son organisme, avec une discrétion absolue, laissant Hei aux commandes du corps principal. Iori serait probablement étonné, plus tard, de découvrir qu'il hébergeait Ryö, mais cette précaution semblait fondamentale à présent.

"Rassure-toi, s'il est encore dans le coin, il n'est pas passé à l'acte. Nous avons peu de temps. J'ai demandé au chef de débrancher son frigo. On va te planquer dedans. Lorsque l'Insaissible s'emparera du butin, il n'aura probablement pas le temps de vérifier ta présence. Il t'emmènera peut-être à son refuge. S'il a plus de temps que prévu et qu'il ouvre la porte, je compte sur toi pour débouler sur lui comme un lion. Reçu ?"

Expliqua Hei, assumant ses nouvelles responsabilités. Il tira ensuite sur le poignet de l'aspirant pour l'emmener de force. Il fallait agir avant l'adversaire.

Je sentais mon corps bouger, mais je n'étais pas maître de celui-ci. Ses mouvements étaient de plus en plus amples et la douleur s'invita à cette danse dont je ne comprenais pas l'origine. Je reprenais lentement conscience, mais le contact, fort et sec, de cette main contre ma joue me réveilla immédiatement et je criais.

Maman!
Non. Ce n'était pas ma mère. J'avais la face de Ryô à quelques centimètres de moi. La honte, je venais d'appeler ma mère en pleine mission et ce, devant mon partenaire. Décidément, cette mission ne restera pas dans les annales pour ma part. Par contre, je pense que le Jinmenju s'en souviendra toute sa vie. Avait-il déjà eu à faire à un gosse tel que moi lors d'une mission ? Peut-être que oui, d'où le choix du Tsuchikage pour qu'il m'assiste. Cependant, j'y croyais peu, à mon avis, jamais il n'avait eu un partenaire aussi lamentable que moi, mais j'étais là pour apprendre, non ?

Le Genin m'aida à me relever et j'acceptais sa main. Je prenais appuie sur mes jambes et me laissais tracter par Ryô. Une fois sur pied, je me dépoussiérais les habits alors que mon partenaire m'expliqua la suite des évènements. Me cacher dedans ? Pourquoi pas, mais il n'avait pas intérêt à le perdre de vue, je ne voulais pas me retrouver nez-à-nez avec l'Insaisissable une fois qu'il aura ouvert le frigo. Je pouvais le surprendre et lui sauter dessus, comme me l'ordonnait le Jinmenju, mais après ça ? Le voleur semblait très habile, il nous avait mis au tapis en l'espace d'un instant. Il était évident que seul, je ne faisais pas le poids.

Soudainement, le rouquin me tira par le poignée pour que je le suive. Nous entrâmes dans la cuisine, le chef était toujours présent et lui frigo aussi, bien que ce dernier soit débranché, mais cela allait mettre la puce à l'oreille au voleur, non ?

Si le voleur veut prendre le frigo, il devra le débrancher et s'il voit que la prise a déjà été retirée, il se posera des questions, vous ne pensez pas ? Bien sûr, je ne vais pas me mettre là-dedans alors qu'il fonctionne, mais nous pouvons tout simplement rebrancher la prise et couper le courant de la pièce en désactivant le disjoncteur ?
Je n'étais pas un bon combattant, mais je pouvais aider autrement, de part mes idées, comme je venais de le faire. Le chef de l'établissement s'exécuta et Ryô m'aida à rentrer dans le frigo. Au préalable, nous avions enlever les étagères et autres compartiments qui pouvaient me déranger. Je n'étais pas dans une position très confortable, mais ça pouvait être pire. Mon aîné referma la porte et je me retrouvais dans le noir total. J'entendais faiblement les voix à l'extérieur, mais après, plus rien, ils étaient partis.

Les minutes passèrent, je perdais peu à peu la notion du temps, mais je patientais quand soudainement, j'entendis du grabuge dans la cuisine. Le frigo bougea et on le bascula. Je priais pour que la porte ne s'ouvre pas, mais on l'avait penché dans l'autre sens pour justement éviter qu'il s'ouvre. Heureusement pour moi. Je ne savais pas quelle manière ils avaient utilisé pour soulever, transporter cet objet, mais je sentais que je me déplaçais. Je dois avouer que ça me donnait presque la gerbe, mais je serrais les dents, jusqu'à que le convoi s'arrête. Combien de temps avais-je voyagé ? Aucune idée, mais pas très longtemps d'après moi.

Ryô avait pu suivre le voleur ou les voleurs ? J'en avais vu qu'un seul, mais peut-être qu'ils étaient plusieurs, qui sait. Le frigo fut posé à terre, le choc fut plutôt violent. La porte s'ouvrit légèrement, j'étais prêt à sauter sur cet homme. Je prenais appuie aux différentes parois pour mieux me propulser et vraiment le surprendre.

"J'aurais dû m'en douter".

Les deux Insaisissables étaient là, souriants, fier d'avoir attrapé le butin. Ils avaient conduit le binôme "Ryiori" dans leur propre planque, une sorte de cave souterraine jonchée de trésors. Des biens qu'ils avaient certainement tous les deux dérobés auparavant, et qui complétaient leur collection clandestine. Cette cave dégageait une odeur de parfums mélangés, rappelant à quel point l'hypothèse du Jinmenju était juste. Ca lui arrivait également, les parfums mélangés.

Quand ils ouvrirent la porte du frigo, ils n'eurent pas le temps de réagir face à la spontanéité du petit Iori. Il se jeta sur eux comme un fauve, et ne laissa aucune chance au premier visiteur.

Contact.

C'est tout ce qui alerta Ryö. Il ne prit pas le temps de savoir ce qui venait réellement de se passer, mais force fut de constater que le premier Insaisissable fut projeté en arrière, avec dans son corps un nouvel hôte. La réception fut toutefois assez équilibrée, et Ryo ne souffrît de rien.

Il habitait l'Insaisissable.

Et c'est là qu'il comprît définitivement. Il comprît comment l'Insaisissable s'était octroyé son nom. Il comprît comment il oeuvrait, comment il s'introduisait dans les lieux de ses divers cambriolages sans être vu ni entendu. Il comprît la méthode.

Il aurait pu faire la même.

Il sortît sa tête de l'Insaisissable pour exclamer son premier propos. Bien sûr qu'il s'en était douté, mais la conclusion lui semblait trop évidente. Trop évidente pour lui. Et pourtant, c'était bien le cas.

Le voleur était de son propre clan.

Il attrapa une étoile ninja qu'il lança vers le second Insaisissable pour le distraire avec sa première main, tandis que la deuxième empoigna un kunai qu'il directement sous la gorge du voleur habité. Il tint en joue ce premier modèle, qui tenta de bloquer sa poigne en l'attrapant avec ses deux bras. Mais Ryö avait déjà plus ou moins prit l'ascendant sur la situation, puisqu'il tira un nouveau kunai pour le glisser lui aussi sous la gorge de l'hôte. Il fut ainsi doublement pris en otage, incapable certainement de pouvoir arrêter l'intrus.

Le siamois était pris au piège. Ryö ne tarda pas à le menacer.

"Notre mission ne précise pas si nous devons arrêter le voleur mort ou vif. Je vous conseille de vous rendre tous les deux. Un Jinmenju ne peut rien contre un autre Jinmenju."

C'est alors que le second, qui avait agilement esquivé l'étoile ninja, laissa tomber une bombe fumigène. Cette dernière plongea la pièce dans un brouillard qui leur ôta toute visibilité. Que comptait-il faire ?

Tout alla très vite. Lorsque le frigo s'ouvrit, je sautai sur ma cible. Malheureusement pour moi, je ne fis que le basculer, il ne tomba pas. Par contre moi, je me retrouvais au sol, sur le cul. J'examinais rapidement la pièce, nous étions dans une cave remplie d'objets de valeur. L'insaisissable n'était pas seul, il y avait une autre personne avec lui, un complice. Je continuais de regarder autour de moi à la recherche de Ryô, mais mon partenaire n'était pas présent. J'étais seul avec les deux hors-la-loi. En gros, j'étais dans un sacré pétrin et il se pouvait que ma première mission soit un échec, voir que j'y trouve même la mort.

Cependant, contre toute attente, l'Insaisissable se retourna contre son partenaire et l'attaqua à l'aide de Shurikens. Je restais à terre, cherchant à comprendre ce qui se passait, mais aucune raison valable ne me vint à l'esprit. Soudainement, le voleur sortit un kunai qu'il plaça sous sa gorge, il voulait se suicider ? Incroyable. L'homme prit la parole et je compris que mon partenaire était l'auteur de ses paroles. Ces dernières ne mirent la puce à l'oreille : Jinmenju. J'eus le déclic.

Nous avions étudié les différents clans de notre continent, un thème que je trouvais passionnant. J'avais poussé mes recherches sur chaque famille et je pouvais comprendre désormais la situation. Ryô s'était invita dans mon corps lors de notre contact dans la ruelle et il venait de changer d'hôte lorsque j'ai sauté sur le voleur. Si seulement j'avais directement fait le lien avec ce fameux clan, nous aurions pu mettre un plan en place, mais il avait déjà tout prévu.

Je sortais une corde de mon sac, mais l'autre homme ne se rendit pas et lança un fumigène. Je devais agir et vite. Je rejoignais l'homme dans lequel Ryô était et profitait que ce dernier ait un Kunai sous la gorge pour le ligoter. Je prenais la peine de bâillonner pour éviter qu'il ne parle avec son compère. Nous en tenions un, mais la fumée s'était propagé et nous ne pouvions plus rien voir. Je doutais fortement que notre adversaire prenne la fuite, laissant son compagnon et tout ce butin ici.

Il va arriver, comme je viens de ligoter cet homme, je vais le pousser sur son partenaire et tu changeras de corps à nouveau. Tu lui placera un Kunai sous la gorge et je m'occupera de le ligoter à son tour.
Le nuage commençait à se dissiper, notre cible allait surgir d'un moment à l'autre. J'étais derrière Ryô, les mains contre "son" dos, prêt à le pousser. Soudainement, je sentis une présence derrière moi, mais c'était trop tard. Ils ne se faisaient pas appeler les Insaisissables pour rien. Je tentai réagir rapidement, de pivoter et pousser le corps de son partenaire sur lui pour qu'il y ait contact. J'y parvins, mais l'adversaire fut vif et me tailla le bras à l'aide d'un Kunai. Instinctivement, je plaçais ma main sur la blessure pour la compresser. Je restais en retrait, voyant de voir comment la situation avait évolué, maintenant que la fumée avait disparu.

Contact.

Iori les ligota tous les deux en les saucissonnant, de sorte que le premier Insaisissable ne pourrait certainement plus se mouvoir. L'aspirant fit cela avec une main habile et faste, si bien qu'en l'espace de quelques fractions de secondes il sut finir sa tâche ; mais aussitôt les hostilités s'engagèrent et, alors même que Ryö tentait maladroitement de lancer un senbon en se retournant (qui n'atteignît pas sa cible), Iori vît son bras déchiré par la pointe du même type de projectile, un peu plus volumineux cependant. Pour autant, il se sacrifia en faisant choir le corps habité contre celui du deuxième Insaisissable, avec tout ce que cela voulait dire : une nouvelle assimilation.

Mais Ryö n'eut pas l'honneur d'habiter le second hôte.

Ce dernier, au contact de son frère, s'immisça lui aussi dans le corps conquis, si bien qu'ils furent trois habitants dans le même hôte. Assurément, la guerre fut déclarée, car avec deux parasites occupant le même territoire, il fallait bien que querelle se fasse.

Ryö tenta immédiatement d'étrangler la tête du premier Insaisissable. Il déploya ses doigts autour de la gorge centrale pour menacer le Jinmenju, mais une main sortît tout de go pour l'en empêcher. Une autre main, munie d'un kunai qu'elle tenait déjà auparavant, dont la pointe se dégorgeait encore du sang du jeune Iori, sortît du dos de l'hôte principal et se précipita vers le visage de l'intrus, qui dépassait de l'épaule droite. Ryö n'hésita pas une seconde et sortît jusqu'à moitié son corps. Au lieu du visage, le kunai se planta dans son bras. En l'absence de douleur, il aurait ri en songeant qu'il venait d'être blessé au même titre et de la même façon que son compère. Mais en l'occurrence, la sensation de la lame glacée lui mordant la chair lui fit pousser un cri de rage, et il attrapa le membre porteur par-dessous avec un bras tremblant, moins fort qu'il ne l'aurait été sans blessure.

L'adrénaline monta en lui comme un coup de fouet.

Dans leur posture finale, les trois Jinmenju incarnèrent une sorte de forme incohérente et monstrueuse manifestant la dualité des corps, la querelle de l'emprise. Les dents serrés, Ryö tenait en sa main droite la gorge de l'hôte principal, et en sa main gauche il gardait en haleine le bras du second. Le deuxième invité de l'hôte, lui, tentait de délier la poigne de l'intrus de sa première main ; de sa deuxième, il continuait de remuer son kunai dans la chair du parasite.

Il décida, somme toute, de sortir une jambe du dos de l'hôte principal pour tenter de déloger le second parasite d'un front kick, mais son coup de pied s'arrêta là où celui-ci empoigna son arme de plus belle, l'enfonçant encore un peu plus, pour lui arracher un nouveau cri de douleur.

Cette bataille n'irait pas beaucoup plus loin. Il incombait à Iori de finir le travail.

"Iori ! Je compte sur toi pour m'amener un paquet de clopes, un pack de bières et des boîtes de chocolat ! On se revoit tantôt !"

Sur ces mots, il défît sa prise au niveau de la gorge de l'hôte principal et se dégagea de la main de son agresseur ; il replongea son corps dans le voleur ligoté jusqu'à ce que seule sa tête dépasse, le kunai étant derechef relâché par l'assaillant qui ne désirait guère voir son frère blessé par sa propre attaque. Mais ce ne fut pas tout. Ryöhei sortît sa main pour fouiller dans la sacoche de l'hôte, et il y trouva ce qu'il recherchait.

Il activa le parchemin explosif.

La suite, il ne la connût pas.

Pour une raison bien mystérieuse, mon plan ne fonctionna pas. Ryô n'était pas parvenu à intégrer le corps de l'autre adversaire. Le deuxième adversaire s'immisça à son tour dans le corps et des membres vinrent s'ajouter à ce corps tout comme les têtes. Un spectacle horrifiant pour un jeune comme moi, si bien que mon expression changea totalement, laissant place à la peur et au dégoût.

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Les mains devant ma bouche, je regardais cette scène en cherchant de comprendre ce qui se passait et qu'arrivait à mon partenaire. Le monstre qui se tenait devant moi était tout droit sortie du pire film d'horreur. Les coups pleuvaient dans tous les sens, les armes sortaient de nul-part, impossible de suivre et de comprendre à qui appartenait le bras ou la jambe.

Soudainement, la voix de mon compagnon retentit dans la cave. Son discours ne me plaisait pas, il sonnait comme un adieux, mais où comptait-il partir ? Je vis alors Ryô sortir un parchemin explosif de la poche du corps qu'il abritait. Je venais de comprendre, il voulait se faire sauter avec les adversaires. Je fus tétaniser face à cette idée alors que le parchemin commença à brûler. L'explosion allait englober une bonne partie de la pièce, mais moi pas.

L'explosion eut lieu. Les flammes et la fumée s'emparèrent du sous-sol. La détonation allait sans doute attirer du monde, notamment d'autres ninjas du village et c'était tant mieux. J'ouvrais la porte pour faire évacuer le nuage noir et attendit de voir quelque chose pour mettre un terme à cette mission. La fumée se dissipa, me laissant entrevoir deux corps inertes au sol.

Je me rapprochais des deux corps en courant. L'un d'eux était déjà ligoté, l'autre pas, mais ce n'était qu'une question de temps. Tout comme la venue de ninjas rodant dans les parages.

Que se passe-t-il ici !?
Lança un des Shinobis arrivé sur le lieu de l'explosion.

Nous venons de capturer l'Insaisissable, mais mon partenaire, un Jinmenju, se trouve dans son corps, il faut l'emmener à l'hôpital!
Annonçais-je la voix tremblante et les larmes aux yeux. Je ne voulais pas perdre mon ami, il s'était sacrifié pour moi, pour le bien de la mission. C'était un grand homme. Avec l'aide des autres Iwajins, nous avons emprisonné le corps inhabité et placé au soin intensif l'autre, celui habité par les deux Insaisissables et Ryô. Malheureusement, je ne pouvais guère rester proche de mon ami, je devais retrouver son corps et expliquer la situation l'autre entité qui l'abritait.

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