A la fin, il ne reste plus personne... [Pv Ichiro]

Blessée...

Tu l'étais... Tu avais perdu un mentor et un ami dans ce combat... Ta blessure provenait davantage de tes souvenirs que des cris de ton corps. Ton épaule avait été largement amochée, mais tu pouvais en guérir facilement avec le temps et un peu de volonté... Par contre, l'idée d'avoir abandonné Ichiro aux mains des ennemis te faisaient encore du tord. Avec le recul et même sur le moment, tu savais que cela était la meilleur chose à faire. Il s'était sacrifié pour vous, avait donné toute sa raison pour s'engager dans un acte désespéré en ne pensant qu'à vous et au bonheur de sa fille...

Tu savais que ses derniers instants avaient été tourné envers sa fille. Et tu ne pouvais pas la laisser souffrir seule de la perte d'un être cher. Tu espérais que celle-ci soit temporaire, qu'Ichiro revienne bien vite, mais vous étiez en temps de guerre... Même si les tensions allaient s'apaiser, tout n'était pas aussi simple que ce qu'on voulait. Tu t'étais portée garante de transmettre le message à Nozomi. Tu l'avais aperçu parfois, à la Mésange Bleutée, sans pour autant échanger de trop grandes discutions...

Tu pouvais encore te souvenir du visage d'Ichiro en ces instants de bonheur... Il avait trouvé ce qu'il avait toujours voulu pour le perdre bien trop vite... Tsuko quant à lui n'était pas là, son état était de loin plus meurtri que le tiens. Il devait se reposer et tu ne pouvais pas laisser la charge d'une pareille responsabilité encore crouler sur ses épaules. Tu commençais à peine à te roder avec ton équipe, et voilà que celle-ci s'était effritée bien vite.

Arrivant devant chez Ichiro, tu toquas à la porte quelques fois. Elle ne devait pas être à l'académie aujourd'hui, c'était le moment opportun pour lui expliquer tout ça. Elle était jeune, et tu n'étais pas douée pour faire preuve de douceur dans tes mots. Cette épreuve allait être sensiblement plus compliquée pour toi que le combat qui avait précédé.

- Nozomi ? C'est Yu. Une coéquipière de ton père, tu te souviens ?

Tu pouvais entendre de l'activité à l'intérieur, elle était présente. Il fallait seulement qu'elle t'ouvre la porte...

La petite fille faisait tourner un kunai sur la table, la pointe enfoncée dans le bois. Le sillon qu'elle commençait à creuser risquait de peu à peu rendre le meuble inutilisable, mais cela elle n'en était plus vraiment consciente à cet instant. Son regard divaguait sur le côté, ses yeux bleus ne sourcillant même pas, tandis que ses petits doigts continuaient à faire tourner la petite lame d'entraînement dans le bois. Elle était allée au port, pour retrouver son père. Elle avait eu l'espoir de le voir arriver sur le quai, avec tous les autres retours de la première vague ce matin-là, mais en pure perte. De la déception était alors née l'appréhension, la même qu'elle avait ressenti lorsqu'il était parti il y a de ça plusieurs semaines déjà. Et de cette appréhension, à son tour, naquit un pressentiment qui s'était accroché à elle et ne l'avait plus quitté depuis. Où était-il ? Comment allait-il ? Que ferait-elle, si il ne revenait pas ? Nozomi avait beau être encore bien jeune, elle savait ce que risquait son père. Elle connaissait les risques du métier de shinobi, métier qu'elle apprenait elle-même avec assiduité. Elle aussi, un jour, devrait prendre des risques, mais en attendant... En attendant, elle doutait de pouvoir ne serait-ce que tenir jusqu'au lendemain, si son père ne reparaissait pas vite.

Perdue dans ses pensées, la petite fille sursauta lorsque quelqu'un toqua à la porte. Le Prof, encore ? Il ne devait pourtant pas passer avant le début de soirée, pour s'assurer que tout allait bien... Laissant tomber le kunai sur la table dans le mouvement, la blondinette eut un espoir fugace, mais se ravisa. Si cela avait été son père de l'autre côté de la porte, alors celui-ci serait simplement entré en trombe, trop ravi de pouvoir lui annoncer son retour. La voix, familière malgré tout, finit de balayer cette illusion. Yu... C'était Yu ! La Kosobayui n'avait guère besoin de rappeler à Nozomi qui elle était : elle avait une bonne mémoire, et s'était fait un plaisir de se remémorer chaque détail qui composait la vie actuelle de son père. C'était important pour elle, de pouvoir le visualiser en tout temps et en tout lieu dans ce qu'il faisait et avec qui il était, une façon de rester avec lui même lorsqu'il était loin, bien trop souvent à son goût. Se hâtant, la petite fille contourna la table et alla débloquer le verrou en ouvrant grande la porte, assez pour que la coéquipière d'Ichirô puisse entrer si elle le voulait.

« Yu-chan... ! Tu es... tu es revenue, toi ? Toi et papa deviez pas partir ensembles ? Il est là, il est rentré, c'est ça ?! Tu... Tu veux boire un truc ? Y a du thééé, de l'eauu et euuh... j'ai du jus de pommes aussi, j'peux partager.. »

Sérieuse...

Tu tentais d'afficher un visage moins impossible, moins froid à l'égard de la jeune fille. Il était naturel pour toi d'être ainsi, mais il ne fallait pas que tu brusques trop rapidement Nozomi. Tu ne savais pas vraiment comment tu allais t'y prendre alors que tu entrais dans sa maison. Celle-ci était chaleureuse avec toi, elle te proposait un bon nombre de boisson mais tu n'étais pas vraiment là pour boire. Néanmoins, pour essayer de rendre l'ambiance moins tendue qu'elle n'était dans ta tête, tu acceptas de bon cœur.

- Un verre d'eau, cela m'ira merci.

Tu te posais alors sur le canapé du salon. Tu réfléchissais encore murement à tout ce qui allait se passer. La guerre n'avait été qu'une étape dans cette tragique aventure. Et tu avais l'impression que ce qui se profilait allait être bien plus douloureux qu'une barre de métal te transperçant l'épaule. Pendant que la jeune fille était partie dans la cuisine, tu contemplais l'intérieur de la maison des Gembei. Tu n'étais jamais venue aussi longtemps chez lui, il t'était arrivée d'y entrer parfois en le raccompagnant ou en allant le chercher lors de quelques missions. Mais jamais tu n'avais pensé y rester autant de temps et encore moins pour porter ce genre de nouvelle.

Nozomi revint alors avec un verre d'eau. Elle avait la douceur et la gentillesse de son père, c'était certains. Maintenant, il ne fallait pas qu'elle change à la suite de ce qu'elle allait devoir traverser. Respirant un bon coup avant de porter l'eau à ta bouche, tu marquas un petit silence avant d'y aller.

- Nozomi. J'ai quelque chose d'important à te dire.

Tu marquais un temps de pause pour capter son attention, tes yeux fixant les siens, tu commenças alors à raconter tout ce que tu avais à dire.

- Ton père... On a été prit à dépourvu. On a dû combattre contre des ennemis puissants et nous n'étions pas suffisamment prêt.

Tu t'en doutais, elle devait certainement s'imaginer la scène autant que toi tu te la remémorais. Elle ne disait rien, restait suspendue à ta bouche comme si elle savait l'inévitable vérité que tu allais lui conter.

- Tsuko a été très blessée. Moi aussi. Finalement ton père a comprit que nous ne gagnerions pas et s'est sacrifié pour nous permettre de fuir.

Tu restais calme, tes émotions n'arrivaient pas à embrumer ta tête, mais cela ne devait pas être le cas de la jeune fille. Tu portas alors quelques précisions encore révélatrices d'espoir.

- Mais il n'est pas tombé au combat. Il a été capturé par l'ennemi. Il est encore vivant et je te promet de trouver un moyen de te le ramener.

Yu, sans trahir la moindre émotion, accepta sobrement l'offre de la jeune Nozomi en lui demandant un verre d'eau. Hochant vivement la tête tandis qu'elle laissait la Kosobayui s'installer, la petite fille se rua dans le coin cuisine de l'appartement pour servir le verre en question, tâchant de faire taire pour le moment son insatiable et compréhensible curiosité sur le sujet de son père. La vérité était que, en son for intérieur, une peur panique était en train de monter, une peur qu'elle essayait de refréner autant qu'elle le pouvait, mais qui se trahissait dans ses gestes. Elle renversa en effet de l'eau en déplaçant le verre plein jusqu'à Yu et, après s'être assise en face d'elle, les yeux déjà écarquillés d'impatience, elle commença à fixer Yu sans sourciller. Les premiers mots de la coéquipière d'Ichirô vinrent alors sonner le glas de l'espoir qui pouvait rester dans le cœur de la petite fille.

Quelque chose d'important. Cette expression, elle la connaissait bien. Elle était employée systématiquement par quelqu'un qui voulait annoncer ou aborder un sujet grave et désagréable. Comme si tout ce qui existait de sérieux en ce monde ne pouvait être que de cet acabit, comme si rien de ce qui était important ne pouvait rimer avec bonheur et paix. Nozomi déglutit péniblement, l'humidité montant déjà dans ses yeux. Puis vinrent les explications, douloureuses, réalistes, affreuses. Nozomi renifla fortement, ses yeux toujours braqués, grand ouverts, sur la Kosobayui. Ses mains, sur ses genoux, se serrèrent à lui en faire saigner des paumes, et les premières larmes commencèrent à couler en silence. La mâchoire de la petite semblait trembler de façon imperceptible. Seule la conclusion donnée par Yu à ce fait de guerre anodin et monstrueux à la fois permit à Nozomi de tenir. Du moins, au fond d'elle-même. Car à l'extérieur...

Elle se releva d'un bond, l'air soudain furieuse, comme si le chagrin trouvait là son déversoir parfait.

« POURQUOII !!? Pourquoi vous avez laissé mon Papaaaa !! Où est-ce qu'il est, hein ? Vous le savez au moins ??! Je veux savoir où il est !! Pourquoi il a du rester !!? POURQUOII !? »

Dans un accès de violence qu'elle-même ne se connaissait pas, la petite fille transformée en boule de nerfs à vif empoigna le kunai qu'elle avait mis de côté plus tôt et attaqua plusieurs fois l'un des piliers en bois qui faisait la démarcation entre le salon et la cuisine. Criant et exultant sa colère à chaque coup, elle entama fortement le bois et en fit jaillir des échardes, jusqu'à finalement s'en planter une sur le côté de la main. Elle s'arrêta, collant son front contre le pilier en relâchant progressivement le kunai qui y était planté. De ses yeux coulèrent davantage de larmes, plus chaudes et lourdes que les précédentes.

« ...Je suis désolée.... Yu-chan.... Je veux pas.... je veux pas être toute seule. Je veux pas qu'il soit seul... Je veux.... »

Une petite pause se fit, tandis que le regard de Nozomi semblait se redresser légèrement, son front quittant la surface de bois abîmée. Un regard toujours en colère.

« Je veux maman. »

Silencieuse...

Tes mots avaient été teintés d'espoir à la fin... Mais le bilan était clairement sombre pour la jeune fille et même pour toi. Tu pouvais être forte, tenir sans te laisser submerger pas des émotions néfastes. Mais c'était un talent propre à toi même que peu de gens pouvaient prétendre posséder. Et Nozomi, dans tout son jeune âge ne pouvait absorber autant de malheur d'un coup. Tu aurais du peut être tenter de la préparer petit à petit, de cracher le morceau moins brutalement. Mais elle devait savoir, tu l'avais vu dans ses yeux dès le départ, elle n'attendait que ça, que tu lui dises.

D'ailleurs, elle avait réagit dans un cocktail assez explosif. Partagée entre la colère et la tristesse, elle ne pouvait s'en prendre qu'à un des piliers en bois qui lui faisait face. Il fallait qu'elle déchaine sa fureur, tu la laissais faire tant qu'elle n'allait pas jusqu'à se blesser. Si toi tu pouvais évacuer ta colère dans le plus grand des calmes, une personne normal avait besoin de décompresser de la sorte. Et tu étais là, là pour veiller sur elle, pour qu'elle ne dérape pas dans un excès de peine.

Te levant alors du canapé pour t'approcher vers elle. Tu marquas un temps de pause lorsque tu lui faisais face, son visage sanglotant. Tu la regardais dans les yeux, d'un air impassible. T'abaissant alors, tu vins la prendre dans tes bras comme pour lui rappeler qu'elle n'était pas seule. Qu'à travers cette étreinte que tu n'avais pas l'habitude de faire, tu partageais tout l'amour qu'Ichiro pouvait éprouver pour elle. Tu ne la connaissais peut être pas tant que ça, mais tu savais à quel point Ichiro l'aimait. Elle avait besoin d'une personne sur qui compter, sur qui s'appuyer. Tu devais bien ça ce vieil homme.

- Tu n'es pas seule Nozomi. Je suis là.

Ta parole pouvait être froide, désarticulée de toute émotion. Mais pourtant, on pouvait percevoir cette nuance qui se voulait chaleureuse voir maternelle. Il n'y avait qu'une décennie qui vous partagez tout au plus, mais tu pouvais te permettre de jouer ce rôle de grande sœur. La regardant alors dans les yeux de nouveaux, tu t'engageas dans des promesses que tu comptais bien tenir.

- Ton père est un héro, je vais tout faire pour te le ramener, tu comprends ? En attendant, tu peux compter sur moi.

Tu portais ta main sur son visage pour effacer les larmes qui coulaient sur celui-ci. Tu savais que sa peine ne pouvait être effacée de la sorte, mais tu voulais simplement lui rendre une clairvoyance perdue par la nouvelle annoncée. Lui fournir un nouveau pied à terre temporaire avant qu'elle ne retrouve son père.

Plongée dans son chagrin, Nozomi ne remarqua pas immédiatement que des bras venaient de l'enserrer tendrement. Elle ne fit pas même le rapprochement tout de suite entre ces bras, fins et musculeux, et la présence de Yu qu'elle en était venue à presque oublier. Toutes ses pensées étaient comme drainées vers son père, vers l'endroit où il pouvait se trouver, l'état dans lequel il était,.. Toutes ces inconnues, en plus de l'emplir d'une sourde panique, avaient éveillé en elle une colère bien vivace, qui eut peine à être modérée par l'approche de la Kosobayui. Cette dernière faisait ce qu'elle pensait le plus utile, le plus sincère, et quelque part dans son esprit Nozomi lui en était reconnaissante, mais en dépit des mots de la jeune femme à son égard, elle ne pouvait pas se laisser simplement aller à déverser ses sentiments vers Yu. Pas encore, du moins. Car si elle la considérait bien volontiers comme une amie, autant que pouvait l'être une coéquipière de son père, leur relation n'était pas encore assez ancienne et vivace pour que ce soutien prenne toute sa valeur.

Malgré tout, il en avait, et pas qu'un peu. Nozomi se détendit et laissa aller ses bras menus à peine musclés par l'entraînement contre les épaules de la shinobi en titre. Remettant quelques centimètres de distance, cet air toujours neutre sur le visage, Yu ajouta quelques mots pour tâcher de réconforter la fille de son coéquipier. A l'en croire, elle allait tout faire, tout risquer, pour ramener Ichirô parmi eux au village, et en cet instant, en dépit de tout son pragmatisme forgé par des années de disette et un passé sombre et nébuleux, Nozomi eut envie de la croire sur parole. Reniflant ostensiblement en refoulant les larmes qui voulaient encore affluer davantage, elle s'essuya les joues, une panique toujours tangible dans le moindre de ses gestes.

« Tu...Tu- Tu me le promets, Yu-chan ? Tu feras tout, hein ?... Mon papa... je sais que je peux pas le garder que pour moi, plus maintenant. Il aide les gens, ici... mais il est parti aider des gens trop loin de chez nous, beaucoup trop loin... C'est pas... un héros... c'est juste... quelqu'un qui s'intéresse aux gens. »

D'elle-même, après un instant, Nozomi se retira lentement de l'étreinte de la Kosobayui et reprit en main le kunai planté dans le pilier. Elle le posa sur le comptoir de la cuisine, les yeux toujours remplis d'humidité.

« Yu-chan... J'voudrais... j'voudrais devenir plus forte. Aussi forte que toi, ou que papa. J'veux t'aider à le ramener. J'veux plus rester là.... et continuer à subir. Encore. »

Perplexe...

Tu n'avais pas franchement de mot pour lui répondre. Ta réflexion était bien inutile dans une pareille circonstance. Cela dit, elle était intelligente et forte d'une certaine manière. Tu n'avais pas besoin de lui apporter des réponses puisqu'elle s'en façonnait elle même. Ses craintes, elle tentait de trouver un moyen de s'en débarrasser seule. Elle voulait son père, quelque chose que tu ne pouvais pas encore lui accorder. Même toi de ton coté, tu étais engagée à faire une chose que tu ne savais pas de ton ressort. Il y avait trop de chose à prévoir, les négociations, les véritables conséquences de la guerre. Un paquet de chose qui échappait à ton contrôle et que tu allais devoir remédier.

Celle-ci prenant alors de la distance avec toi, elle reprit le Kunai avant de le poser sur la table. Emplie d'une motivation forte engendrée par une émotion intense, elle t'implorait presque directement de la rendre plus forte. De lui permettre de se protéger elle ainsi que sa famille. De faire d'elle une personne capable d'alléger le fardeau de son père... Tu ne savais pas vraiment quelle position prendre sur ce sujet.

Tu n'étais pas animée par les émotions mais par la raison. Tu savais pertinemment que son père s'était engagé pour préserver sa fille d'une vie de guerre, de périple et de douleur. Tu savais qu'il avait sacrifié ses propres aspirations pour permettre de construire un avenir radieux pour sa fille. L'entrainer, lui permettre de s'élever au même niveau que son père ou toi... C'était un peu trahir la confiance d'Ichiro.

D'un autre coté, cette fille allait rester profondément malheureuse si elle ne pouvait accomplir ses propres solutions. Elle était emplie d'une telle motivation que tu doutais fortement qu'elle s'en débarrasse un jour. Plus que la sécurité de sa fille, Ichiro voulait désespérément son bonheur. Et celui-ci passé par le fait de remplir sa volonté. Mais que pouvais-tu faire de ton coté ? Tu étais incapable de la rendre forte puisque tu étais toi aussi incroyablement faible...

- Continue à t'entrainer alors, à apprendre à l'académie. Quand tu seras prête mentalement comme physique, je ferais de toi une personne forte.

Tu la regardais avec un visage impassible presque froid. Cela trahissait à quel point tu prenais ses dires au sérieux. Elle avait encore beaucoup à apprendre vis à vis des bases et même de la vie. Cela te laissait encore du temps pour être suffisamment forte afin d'un jour accomplir sa demande. Tu n'avais jamais été aussi mise au pied du mur qu'en cet instant. Mais tu allais le franchir, il ne faisait aucun doute.

- Garde cette motivation, cette volonté de protéger tes proches. Mais ne te laisse pas envahir par elle Nozomi. Il faut que tes émotions te permettent d'avancer, pas de reculer.

Encore une fois, ce ton impassible. Un observateur extérieur pourrait penser que tu étais incroyablement dur avec elle. Mais à ses yeux, tu savais qu'elle comprenait tes intentions envers elle.

- Si tu veux être seule pour digérer tout ça, je comprendrais.

Il était dur pour Nozomi de demander de l'aide, même si la requête était adressée à l'une de ses « amies », ou du moins une bonne connaissance qu'elle savait de son côté. Pendant longtemps, elle avait vu son père apporter de l'aide aux autres habitants d'Awaji, mais elle l'avait aussi vu accepter l'aide de ces mêmes habitants, qui piochaient parfois dans leurs maigres réserves pour rémunérer plus que de raison les prestations de soin prodiguées par son père. De la charité déguisée, parfois compensée le mois suivant lorsqu'une intervention plus lourde se faisait nécessaire, mais d'autres fois simplement de la charité. Ce n'était toutefois pas ce qu'elle voulait demander à Yu, en cet instant. Ce qu'elle voulait, avant tout, c'était pouvoir entrer de plein pied dans ce monde hostile pour y jouer sa part. Elle était encore faible, évidemment, et il lui faudrait travailler bien des aspects du Taijutsu et du Ninjutsu pour pouvoir prétendre avoir les bases indispensables pour un Genin, mais aussi jeune qu'elle pouvait être, Nozomi savait que c'était surtout en s'immergeant dans un milieu plus froid et austère qu'elle s'améliorerait plus vite. Elle l'avait constaté, avec son père, qui n'avait jamais autant progressé dans ses expérimentations et son savoir faire que durant les pires années de disette qu'ils avaient du affronter.

Assidûment, Nozomi écouta la réponse de la Kosobayui, qui s'avéra négative au final. Elle ne put cacher sa déception et baissa les yeux vers le sol, mais garda avec elle ce bout de conseil que lui donnait la coéquipière de son père. Ne pas se laisser dévorer par son envie d'aider les autres... Comme le faisait son père, était-ce là ce qu'elle sous-entendait ? C'était toutefois précisément son père Ichirô avant tout qu'elle voulait aider, qu'elle voulait récupérer, et personne d'autre. Et ne pas se laisser submerger par sa perte allait lui demander toutes ses forces, des forces qu'elle préférerait tourner toutes entières vers un entraînement plus rude, plus efficace, loin des carcans qu'elle commençait à entrevoir à l'Académie. Et en cet instant, Yu représentait l'accès le plus facile, le plus direct, vers ce genre d'entraînement. Elle avait le pragmatisme pour, la stature, Nozomi en était persuadée, mais persuader la Kosobayui, justement, n'était peut-être pas en son pouvoir.

« Et quand est-ce que je serai prête, hein ? Comment tu peux savoir Yu-chan, si je suis assez forte ou non ?! J-je... Je suis... »

Elle marqua une pause, réalisant qu'elle-même n'avait pas encore assez confiance en ses capacités pour vraiment espérer pouvoir s'entraîner sérieusement avec Yu. Elle s'essuya le menton avec le revers de sa manche, le regard perdu sur le côté.

« Ça ira, Yu-chan. Tu peux me laisser... j'ai des devoirs. »

Elle renifla, luttant pour ne pas repartir en sanglots, et se tourna vers la fenêtre d'où émanait une pâle lumière naturelle qui éclairait à peine la pièce, tournant le dos à Yu.

Incapable...

Tu ne pouvais pas faire grand chose en cet instant. Tu lui avais donné ta réponse, et celle-ci était inébranlable. Tu connaissais la situation, tu l'avais bien jugé. Faire quoi que ce soit d'autre aurait causé des conséquences malencontreuses voir désastreuses. Elle était sous le choc, tu pouvais le comprendre, mais tu n'avais aucune raison de la prendre en pitié, encore moins à cet instant précis.

Elle semblait déçue de ta réponse, bien entendu qu'elle l'était. Tu jouais la voix d'une raison bien trop douloureuse à entendre pour le moment. Elle n'avait pas le recul nécessaire, toi oui. T'invitant alors à partir, elle te tourna le dos ne te laissant que sa mine dépitée pour seule réponse. Rejoignant la sortie, tu pris une grande bouffée d'air une fois la maison quittée. Tu pouvais sentir ce torrent d'émotion bouillonner en toi sans pour autant qu'il ne te grappille ne serait-ce qu'une part de ta réflexion.

Tu n'étais pas insensible. Simplement solide, d'une pierre que l'on ne pouvait pas briser.

Quittant les lieux, tu restais néanmoins perplexe quant à ta promesse. Tu n'avais pas la force nécessaire pour l'entrainer où pour faire d'elle une personne resplendissante. Elle était jeune, pour dévoiler son plein potentiel, elle allait devoir avoir un sensei capable d'appréhender ses capacités. Tu n'en avais jamais eu un, tu ne savais pas non comment t'y prendre pour enseigner.

Il fallait que toi aussi tu grandisses, que tu te forges une expérience plus solide et que tu développes tes propres talents. Sans quoi, tu n'allais jamais pouvoir rendre honneur à Ichiro et à sa fille. Et pour cela, tu avais plusieurs plans d'actions que tu tentais de filtrer à travers ta raison. Il ne fallait pas que tu fasses les mêmes erreurs qu'auraient pu faire Nozomi.

T’arrêtant en plein milieu de la rue, tu repris une autre respiration afin de ne pas suffoquer face à tes propres réflexions. Quelques secondes après, ton visage s'emmura de nouveau dans cette expression des plus inamovibles. Tu savais quoi faire, tu étais en pleine possession de tes moyens... Il ne te restait plus qu'à agir.

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A la fin, il ne reste plus personne... [Pv Ichiro]

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