« Je n'aime pas les shinobis »

Je venais d’accomplir une mission de rang C, idéale pour mon rang de Genin. En effet, pour mon grade, on n’attribuait que très rarement des missions de rang supérieur. J’avais du rattraper un voleur pour lui reprendre son butin, soit quelques bijoux de grande valeur, qu’il avait dérobé à une vieille femme de Kiri. C’était lâche de faire ça, mais ce qui était aussi désolant c’était que le coupable avait réussi à quitter le village sans réelle difficulté. Quoi qu’il en soit, après un combat relativement simple, j’avais réussi à reprendre les biens voulus à l’homme qui était finalement tombé au fond d’une rivière. Il était très probable qu’il en est réchappé mais sûrement pas indemne.

J’étais donc en route pour Kiri, mais la peuplade qui s’était rendue dans une auberge m’intrigua et me rappela qu’un petit rafraichissement ne me ferait pas de mal. Il fallait bien célébrer la réussite de cette mission non ? Quoi qu’il en soit, je rentrai à l’intérieur de l’établissement. Une vingtaine de personnes, dont beaucoup me regardèrent d’un œil intrigué. Mon bandeau, ils devaient sûrement se demander ce qu’un shinobi venait faire ici.

Et toi. Je me retournai pour voir un sacré molosse me faire face, ou plutôt me regarder de haut, bien haut. J’sais pas c’qu’un ninja vient faire ici, mais t’es pas le bienv’nue si c’est pour nous déranger. Je n’eus pas besoin de me tourner pour comprendre que tous les regards étaient tournés vers cette armoire à glace et moi-même. Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas là pour déranger votre fête de mariage. J’entendis quelques chuchotements alors que mon gros balourd avait ses yeux qui s’écarquillaient. Bah quoi ? L’alliance toute neuve que vous portez est la même que madame qui se tient là-bas. D’ailleurs, tout le monde est autour d’elle, ça prouve bien que vous venez de vous marier non ? Restant bouche-bée un court instant, le marié retourna s’asseoir parmi les siens. En fait, il n’y avait pas exactement une vingtaine de personnes, mais dix-huit. Quinze semblaient être là pour la fête, tandis qu’un seul restait au bar avec les deux serveurs. Ce dernier m’intrigua, et j’allai donc le rejoindre. Il ne fallait pas non plus oublier que j’étais venu boire un peu.

Un cocktail de fruits s’il vous plaît. J’étais assis juste à côté de notre homme. La trentaine je dirais, blond et avec une petite moustache. Tu es trop jeune pour l’alcool, c’est ça ? Du coin de l’œil je le voyais esquisser un sourire. Il avait facilement engagé la conversation, c’était plutôt sympathique. Il me semblait en tout cas moins bête que tous les autres. Je suis majeur vous savez. Mais l’alcool, ce n’est pas tellement mon truc. Posant son verre, mon compagnon de bar ne put s’empêcher de lâcher un ricanement. Voilà un shinobi bien sage. J’affichai alors moi aussi un rictus, alors qu’on m’apportait ma boisson. Et voilà un enquêteur qui doit être sur une affaire bien dangereuse. Alors que je buvais mon cocktail, mon interlocuteur se mit à rire une nouvelle fois. Enquêteur ? Finissant ma gorgée, je posai mon verre avant de me tourner pour lui faire enfin face. C’est à peine voyant, mais vous avez une coupure au niveau du tendon d’Achille droit sur votre pantalon. Il vous reste une goutte de sang sur le cou, pourtant vous n’êtes pas blessé. Votre carnet de note et votre stylo sont assez visibles vu que vous n’avez pas fermé votre veste. D’ailleurs, votre couteau forme une bosse assez singulière au niveau de votre poche droite. Droit dans les yeux, l’enquêteur élargit son sourire avant de baisser les yeux. Me regardant de nouveau, il me répondit sans lâcher l’amusement qui était visible sur son visage. On a agressé quelqu’un devant moi et du sang m’est atterri dessus. Je me suis enfui aussitôt, c’est sûrement pour ça que j’ai marché sur mon pantalon. Je suis écrivain, je garde toujours de quoi écrire sur moi. Quant au couteau, ce n’est pas un shinobi qui va dire que les agressions, vols et accidents n’arrivent pas. Pas mal.

Mais faux. Je ne lâchai pas mon sourire, ni son regard. Alors expliquez-moi pourquoi un écrivain aurait besoin de mettre une perruque et une fausse moustache ? Vous êtes brun, monsieur. Ah et veuillez m’excuser, quand je parlais de couteau j’aurais dû évoquer celui que vous cachez dans votre chaussette droite. L’homme baissa les yeux en ricanant, il s’inclinait enfin. Pas difficile pour quelqu’un qui a dix sur dix aux deux yeux de voir les quelques cheveux bruns un peu partout sur lui. D’ailleurs, je pouvais constater autre chose avec tout ceci. Dites-moi sur qui vous enquêtez ici. L’homme reprit son verre et le finit avant de me répondre. Son sourire avait disparu. Pas mal gamin, franchement pas mal… J’en profitai pour finir mon cocktail. Le gros là-bas, le « marié » qui t’as embêté, il cache un gros trafic de drogue. Le problème, c’est qu’il a reçu de l’aide de ses copains quand je l’ai plaqué au sol, il a d’ailleurs failli me toucher le tendon avec son couteau quand j’ai pris la fuite. Ce qui explique la coupure sur le bas de son pantalon. Quant à la goutte de sang sur lui, c’est sûrement celui du molosse quand il a été plaqué au sol par notre enquêteur. Ils ont de la drogue sur eux, le problème c’est que seul je ne peux rien faire. Même avec des camarades, ces connards sont armés et nous risquerions de nous retrouver avec des blessés et des morts. Il voulait que je l’aide, c’était évident. Arrêter ces malfrats allait s’avérer compliqué, mais je ne pensais pas que les quinze fêtards étaient tous armés. Vous voulez que je vous aide ? L’homme ricana une nouvelle fois avant de secouer la tête comme s’il était désolé de quelque chose. Oh que non. Il semblait sérieux, c’était étrange. Alors que j’allais lui demander pourquoi, il reprit pour me donner une justification tout aussi intrigante. Je n’aime pas les shinobis.

« Désolé ? »

Il n’aimait pas les ninjas, pourquoi donc ? Alors que j’essayais de lire en lui, il redemanda un autre verre. Il n’était pas ivre, mais s’il continuait, il allait probablement le devenir. Trop de saké, c’est pas bon pour la santé, comme je disais à Goto quand j’étais petit. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi il ne voulait pas de mon aide mais j’eus un déclic lorsque mon interlocuteur recommença à boire. Ah, je comprends. Je suis désolé. Reposant son verre, l’homme me regarda bizarrement du coin de l’œil. Désolé ? Il ne pensait sûrement pas que j’avais compris, mais c’était le cas. J’avais tout d’abord cru que ça faisait partie du déguisement mais il y a une trace d’alliance sur votre annulaire. De plus, si j’y repense, je vois bien avec quel dégout vous avez prononcé le mot marié en parlant de notre molosse. Rabaissant son regard une nouvelle fois mais d’une façon beaucoup plus lourde, je compris que malheureusement, j’avais raison. Sors d’ici, s’il te plaît.

Que pouvais-je faire face à un ordre si direct ? Je sentais chez mon interlocuteur un mélange de tristesse et de colère qui me firent me lever sans hésiter. On pourrait croire que j’allais le laisser tranquille, mais non, ce n’était jamais dans mes habitudes de faire simple. Tout en m’écriant, j’arrachai la perruque de l’enquêteur. Mais c’est une perruque ?! Alors que le faux blond commencer à s’écrier, le gros marié se leva d’un air intrigué. Mais… c’est l’mec de toute à l’heure ! Il fonça vers nous sans tarder, faisant sentir son poids sur tout le parquais. Dégainant rapidement un kunai de mon étui, je tendis mon bras pour stopper sa course. Dégage microbe, j’ai des comptes à régler avec lui. J’esquissai un sourire, avant de prendre d’un geste vif une petite poche de drogue. La regardant tout en ne lâchant pas le rictus qui parcourait mes lèvres, je jetai un regard amusé au molosse. On dirait que là, on a des affaires ensemble. Je pense que tu vas nous suivre.

Dégage microbe. Je vis ses mignons petits copains se lever. Un rude chantier si on combattait tous ensemble. Surtout que moi, j’étais même pas sûr de pouvoir gagner avec ces quinze louches. Non non. Je suis un Jônin de Kiri, alors crois-moi, si tu tiens à ta vie, faudrait mieux que tu viennes. Surtout que si jamais on s’aperçoit que je suis en retard au village, toi et tes copains auront des dizaines de ninjas à vos trousses. Je veux juste que tu nous suives pour qu’on parle tranquillement. L’armoire à glace me regarda avant d’afficher un visage plus serein, cependant j’avais compris qu’il s’apprêtait à me donner une leçon de force. Soit, j’activai ma technique héréditaire en même temps qu’il élançait son bras gauche. Son bras vint se transpercer à l’un de mes os qui était sorti de mon corps, laissant tomber des gouttes de sang sur le parquais alors qu’un silence de plomb venait de s’installer.

Alors, quelqu’un veut tenter sa chance ? Je m’étais tourné vers les autres bonhommes, qui étaient restés bouches bée. J’avais du employer l’une de mes plus puissantes techniques, mais ça avait porté ses fruits. Du bluff efficace. Je laissai de l’argent sur le comptoir avant de forcer le molosse à sortir du bâtiment. L’enquêteur avait été lui aussi obligé de me suivre, j’avais son homme en même temps. Rentrant mes os, je me tournai vers le balourd marié. Je compte sur vous pour ne pas tenter de vous échapper. Visiblement, il avait compris la leçon. Je fis donc quelques pas vers le membre de police tout en rangeant mon kunaï. Je vous laisse nous emmener là où vous le voulez. Sans attendre la moindre réponse, je lui tendis la main, laissant apparaître un rictus sympathique. Tsumei, enchanté. Il soupira tout en souriant, avant de finalement me serrer la main. Ketten, enchanté aussi.

« Affaire »

J’insistai du regard pour faire comprendre à l’enquêteur que j’allais le suivre jusqu’au bout. Vu qu’il était loin d’être un imbécile, il ne prit même pas la peine de chercher à me parler, durant tout le voyage. Ce dernier dura environ vingt minutes, et nous amena à une petite bâtisse. Je ne fus pas surpris lorsque je vis que l’établissement était un restaurant de ramens en tout genre. Une bonne couverture, mon nouveau compagnon savait prendre ses précautions. D’ailleurs, j’ai omis de préciser que l’inspecteur avait mis un bandeau à son prétendu criminel. Chose assez étrange en apparence, le molosse avait souris lorsqu’il s’était retrouvé les yeux bandés. Enfin bon, maintenant il n’y avait aucune chance qu’il retrouve le chemin. C’était assez malin comme procédé.

Après un vif signe au vendeur de son « magasin », l’inspecteur prit une porte dérobée qui mena à un long escalier. L’étage du dessous était bien différent, il n’y avait plus la convivialité du restaurant à ramens. Tout était sombre, et même en allumant la lumière, les larges pièces restaient assez glauques. Je vis tout d’abord une femme, puis à peine une minute après un homme qui arriva par la même entrée que nous. Ils félicitèrent leur compère pour sa « prise ». Puis leurs yeux se tournèrent vers moi et me dévisagèrent. Après quelques explications, les dénommés Shin et Izami vinrent à moi pour se présenter.

L’homme avait une vingtaine d’années, je lui en aurais donné vingt-quatre pour être précis. Il était plutôt mince, mais grand et plutôt bien bâti. Ses cheveux bruns n’avaient rien à voir avec ceux que son acolyte. C’était une blonde assez petite de presque trente ans, environ un mètre-soixante, mais dont le regard fourbe démontrait une grande perspicacité, du moins hors de la norme. Je connaissais donc désormais les deux compères de Ketten, qui venait maintenant vers moi. Merci pour ce que tu as fait, mais maintenant je vais te demander de quitter cet endroit. Et s’il te plaît, garde pour toi tout ce que tu as appris sur nous et sur notre base. Ça ne me surprenais pas qu’il me demande de partir, mais j’aurais préféré qu’il me laisse le suivre dans cette affaire de son plein gré. Mais bon, j’étais bien obligé de le forcer à présent. J’aimerais vraiment rester avec vous, surtout que vous n’êtes pas prêts d’en avoir terminé avec cet homme. Les trois paires d’yeux se tournèrent vers moi, et ce fut la jeune femme qui me répondit la première, d’une voix assurée. Tu sais, les histoires de drogues, ça va assez vite. Surtout quand on tient un suspect comme celui que tu nous as apporté. Elle avait raison, mais le problème était bien le sujet de leur enquête, qui ne se limitait pas qu’à un simple trafic. Votre « affaire » ne se limite pas qu’à de la drogue. Et je pense même que ça concerne un sujet qui vous intéresserait fortement. Je fis une pause qui ne dura qu’un instant. Les yeux clairs d’Izami me fixaient avec une certaine insistance. Je n’allais de toute façon pas me faire prier plus longtemps. Lorsque Ketten a bandé les yeux de votre molosse, ce dernier a souri d’une façon très importante. Ce n’était pas de l’humour, il n’y a rien de drôle à se faire masquer la vue de la sorte, mais c’était de la provocation cachée. Et je suis sûr de ce que j’avance. Voir ou pas, ça lui était complètement égal. On continuait de me fixer, naturellement, mais cette fois ce fut le nommé Shin qui tenta de tirer une conclusion de ce que j’avais avancé. Tu es en train de nous dire… Vu qu’il n’osait apparemment pas terminer, je repris aussitôt. Oui. Soit cet homme connaît l’endroit où vous vous trouvez, soit c’est quelqu’un qui lui est proche.

« Interroger »

Les trois justiciers se regardèrent chacun à leur tour. Un mélange d’hésitation, de stupéfaction et de compréhension se lisaient dans leurs yeux. Au bout de longues dizaines de secondes silencieuses, Izami leva les bras tout en s’adressant à son chef. Ce n’est pas contre lui, mais comment peut-on lui faire confiance ? Vous pensez vraiment que ce balourd de Zogo connaisse notre base ? Ce ne sont qu’une bande de défoncés, qui pourrissent la vie des autres, mais qui ne sont que des crétins. Alors que Ketten ne savait pas où donner raison, je ne pus m’empêcher de « répliquer » en quelque sorte aux paroles de la jeune femme. Des crétins qui vous ont tenu en échec jusqu’à ce que j’arrive. Immédiatement, elle me regarda avec colère. Ketten qui avait remarqué l’énervement de son acolyte, fit des petits mouvements de main. Allons, allons. Shin restait impassible, même s’il ne savait pas à qui donner raison, tout comme son chef. Ce qui m’amena à reprendre la parole, pour me montrer plus persuasif. Si vous ne me croyez pas, laissez-moi l’interroger. Aussitôt, Izami s’exclama de plus belle, demandant pourquoi on laisserait un quasi-inconnu faire leur boulot. Shin précisa que mon avis était intéressant, et qu’il valait mieux vérifier, ce qui entraîna une rapide dispute entre les deux acolytes de Ketten. Ce dernier hésitait d’ailleurs beaucoup, et ça se voyait. Mais il prit la parole assez tôt, faisant taire ses deux coéquipiers. Il me regardait d’une drôle de façon. Si tu es sûr de toi, alors vas-y.

La jeune femme cria de plus belle, mais fut très vite calmée par un geste de son supérieur, qui me montra ensuite un couloir sombre. Suivi de Shin et enfin d’Izami, Ketten me montra du doigt une porte, puis se retira avec les deux autres dans la pièce voisine. Sûr de moi, j’entrai dans une salle d’interrogatoire telle que je me l’étais toujours imaginée. Une table blanche, deux chaises posées face-à-face et des murs gris ornés de motifs assez intéressants. En effet, il y avait des lignes, des courbes et même des points noirs. Je compris aussitôt la raison d’une telle décoration. Certains des points devaient être en réalité des trous, par lesquels le trio d’enquêteurs allait pouvoir regarder et écouter la conversation qui allait se dérouler. Le gros balourd était affalé sur sa chaise, et me regarda avec un rire moqueur.

Je m’assis tranquillement, avant de le saluer d’une façon bien réfléchie. Encore bonjour… Zogo. Je connaissais son prénom grâce à Izami qui l’avait presque crié un peu plus tôt, preuve que ces enquêteurs avaient quand même trouvé pas mal de renseignements. Mais pourquoi l’appeler par son prénom ? Tout ceci était déjà préparé, et j’allais expliquer une fois que j’aurais obtenu le résultat attendu.

Le drogué me regarda avec une pointe d’énervement. Il aurait bien voulu me tabasser, si jamais il n’avait pas les mains et les pieds attachés à sa chaise. Désolé de te faire louper la suite de ton mariage, vraiment, c’est bien triste. La colère montait dans le corps de mon interlocuteur qui essayait de bouger ses bras, malgré les liens qui l’en empêchaient. J’esquissai un sourire devant son impuissance, faisant bien attention à ce qu’il me regarde. Fais pas l’malin, p’tit con. Assez pauvre comme réplique, mais ça ne me surprenait pas. L’essentiel était que tout se passait comme prévu, il fallait juste continuer sur ma lancée. Je me levai avec toujours ce rictus affiché. Et pourquoi je ne pourrais pas faire le malin, l’ami ? Le regard noir de ce dernier me fixait, croyant bien pouvoir jouer la carte de l’intimidation. Mais c’était bien moi qui allait faire cela. N’est-ce pas moi qui t’aies attrapé ? N’est-ce pas moi qui t’aies foutu une raclée tout à l’heure ? N’est-ce pas moi qui pourrait recommencer à te ridiculiser devant ta femme et tes potes ? Goutte d’eau qui fit déborder le vase. Le gros drogué s’énerva sans doute comme jamais, m’envoyant bien trois insultes à la seconde. Malgré toute sa rage, il ne put rien faire contre ses liens, tous ses efforts étaient et continueraient d’être vains. C’était le bon moment. Et le pire, c’est que toi, tu ne connais rien de moi. Et mieux encore, tu ne sais même pas où l’on se trouve… Je lus sur le visage du balourd un soudain déclic, puis un sourire qui se fit de plus en plus large. Ah ouais ? Tu crois ça ? Mon sourire lui, était toujours bien présent. Je me rassis tranquillement, sachant que je touchais au but. Je ne le crois pas, j’en suis sûr, gros balourd. L’intéressé s’esclaffa, puis son rire s’atténua, avant qu’il ne reprenne la parole. Bah figure-toi, pauvre minable, que je connais quelqu’un qui sait très bien où l’on se trouve. Et qui pourrait rendre une petite visite à votre troupeau de chiens. Je ricanai à mon tour, avant de le provoquer une nouvelle fois. C’est ça, bien sûr. En plus d’être gros tu es un menteur, si c’est pas triste ça… Nouveau geste d’énervement de la part de celui qui me faisait face. Mais pour une fois, il se calma aussitôt, puis après s’être remit à sourire, il m’indiqua sa poitrine du regard. R’garde dans la poche d’ma veste. Tu trouveras la lettre que m’a envoyé un nouveau client, peu après ma rencontre avec l’autre tapette d’enquêteur. Tu verras si j’mens, microbe. Intéressant, je me levai aussitôt. Je trouvai assez facilement la fameuse lettre, dans la poche ventrale. J’avais jeté un regard à la blessure que j’avais faite au bras du balourd, me souvenant de la technique que j’avais dû employer. Mais ce n’était plus ce qui m’intéressait. J’ouvris la lettre, tout en me rasseyant. Mon visage se figea, prenant un air aussi intrigué qu’inquiet.

« Lettres »

Qui est ce client ? Tu l’as rencontré ? Je fis bien attention à regarder le visage de mon interlocuteur, et malheureusement, il ne mentait pas lorsqu’il me dit qu’il n’en savait rien. Il ne l’avais pas non plus vu, personne ne s’était manifesté. Voilà qui n’était pas bon… Je refermai la lettre, avant de me lever et de sortir. Le trio fit de même et nous retournâmes dans la pièce principale. Ketten affichait un sourire, sûrement fier de m’avoir laissé faire. Mais ce fut Shin qui rompit le silence en premier. Bravo Tsumei, grâce à toi, nous savons donc qu’il y a quelque chose de louche derrière tout ça… Izami me regardait de haut, et soupirait, mais elle n’oublia pas quelque chose d’important. J’ai encore des doutes. Mais si tu nous montrais cette fameuse lettre ? Toujours aussi impassible et silencieux, je m’exécutai, donnant la feuille aux trois enquêteurs qui se regroupèrent pour lire son contenu.

Celui ou celle qui a écrit cette lettre a bien fait attention à changer d’écriture à chaque mot… Impossible de suivre une piste de ce côté-là, très malin. Plutôt facile à repérer. Je restais toujours silencieux, assis au milieu. Oui, mais j’ai quand même du mal à croire que notre Zogo soit allé au point de rendez-vous qui était fixé par quelqu’un qui le menaçait de le tuer au moindre faux-pas. J’vous le dis, il y a quelque chose qui cloche. Le regard de Ketten n’avait pas quitté la lettre, tandis que Shin apportait une nouvelle précision. En tout cas, cet inconnu prend même les villages cachés en compte. Il prévoit sûrement quelque chose… En tout cas, l’auberge Taimatsu était bien celle où vous étiez tous les deux. L’important c’est qu’avec ça, on peut garder Zogo avec nous, il n’y aura aucun souci avec les autres autorités. Pas vrai Ketten ? Aucune réponse de la part de ce dernier, qui avait toujours les yeux collés à la lettre. Il avait apparemment compris, lui aussi. Ces lettres… Puis son regard se tourna vers moi. Il me demandait confirmation du regard, j’hochai donc la tête. Son visage se fit plus pâle qu’il ne l’était déjà

Qu’est-ce qu’il y a ? Ketten pointa son doigt sur la première lettre, puis le descendit. Regarde la première lettre de chaque ligne. Shin et Izami l’avaient déjà fait. Ils comprirent rapidement : « K E T T E N » . Les regards se mélangèrent, et je conclus à vive voix. Cette lettre n’était pas adressée à Zogo. Ceci est une menace de mort pour Ketten.

Un silence de mort prit d’assaut toute la pièce pendant bien deux minutes. Je n’arrêtais pas de réfléchir, sachant à quel point le cerveau de tout ceci était sans doute quelqu’un de dangereux. Il était intelligent, c’était certain. Je vais sortir pour réfléchir. Il y a forcément un truc qui ne colle pas. Aussitôt, la jeune femme partit vers le chemin qui menait au magasin de nouilles. Alors que je la regardai s’en aller, Shin me « rassura » d’un geste de main. Ne t’en fais pas, elle sort toujours quand elle veut vraiment réfléchir, ou quand elle ne se sent pas très bien. Je ne répondis pas, continuant à pousser ma réflexion sans trop réellement avancer. Puis quelques instants plus tard, nous entendîmes tous Izami revenir en courant. Elle avait une lettre dans la main.

Regardez cette lettre ! Elle était posée juste à l’entrée !

Une nouvelle fois, nous nous mîmes en cercle afin de lire en même temps ce qui s’avérait être une nouvelle lettre de la même personne.

« Trois »

Je grimaçai, vu l’ampleur du problème. Cet inconnu voulait faire passer un message, mais je sentais bien qu’il ne choisissait pas ses mots au hasard. Avait-il réellement tout prévu ? Je réfléchis de plus belle, silencieux comme je ne l’avais sans doute jamais été. Mais autour de moi, on n’avait pas laissé échapper un détail important. Ce Trois… Il insiste sur le fait qu’il va gagner ? Non, ce n’était pas ça, du moins pas pour moi. Un indice ? Non, c’est sans doute sa signature. Vu que je restais silencieux depuis maintenant longtemps, les regards se tournèrent vers moi. Je pris la parole, sans trop de conviction. Le plus important est de savoir comment cette lettre a pu être posée ici. Je suis certain qu’elle n’y était pas quand je suis arrivé ici. Je vais aller voir le vendeur de nouilles. Je me levai, puis me dirigeai vers l’entrée que j’inspectai quelques secondes, suivi des trois enquêteurs.

Je regardai par un trou qu’il y avait dans la porte dérobée afin de voir si le gérant avait terminé. Il était en train de rendre la monnaie à un client, j’attendis donc que ce dernier ait quitté les lieux avant d’ouvrir la porte et de le rejoindre. Dès qu’il nous vit, il vint s’écrier auprès de Ketten. Tu ne sais pas quoi ! Il y a un client qui est parti fouiner par ici, près de la porte dérobée ! Bien entendu, tous les yeux convergèrent dans ceux du vendeur. Shin ferma la porte, avant de revenir et d’écouter des explications plus précises, vu que son supérieur ne demandait que ça. En même temps, il fallait le comprendre : la personne qui était entrée ici était peut-être celle qui voulait le tuer. Bah un type est entré et a commencé à visiter un peu le restaurant. Vu l’heure qu’il était, je pensais qu’il allait commander quelque chose à emporter, mais non, il regardait les murs… Puis il s’est avancé vers la porte, et l’a soudainement ouverte. Je lui ai immédiatement dit que c’était un local, et je l’ai repoussé. Je le coupai aussitôt. A-t-il réussi à ouvrir la porte ? Le restaurateur me regarda quelques instants, avant de finalement me répondre sans trop savoir s’il le devait. Oui, enfin à peine quelques secondes. Je l’ai ensuite repoussé, puis il est parti après avoir râlé un bon coup. Je repris immédiatement, j’avais encore des zones d’ombres à éclaircir. Est-ce qu’il possédait un signe particulier ? Ou sinon, si jamais vous l’aviez devant vous, est-ce que vous pourriez le reconnaître ? Il regarda Ketten, comme pour avoir l’autorisation de parler à un « étranger ». Vu qu’en plus d’être gérant de restaurant il s’occupait de la couverture des enquêteurs, c’était compréhensible. Après avoir reçu une sorte d’aval, le vendeur reprit. Un signe particulier ? Non… Il était grand et brun, c’est tout ce que je peux dire. Mais oui, je pourrais le reconnaître si je le revoyais, pas de soucis là-dessus. J’observai bien les traits de visage de mon interlocuteur. Il semblait franc, mais il fallait que je sache une dernière chose. Et avait-il une lettre ou un papier dans les mains ? Il parut tout d’abord surpris de la question, mais son visage changea rapidement d’expression. Même s’il allait répondre, je connaissais déjà la réponse. Oui. Mais… Il me semble qu’il ne l’avait plus quand il est sorti…

Je me retournai pour faire dos aux quatre personnes présentes dans le restaurant. Shin et Izami laissèrent des suppositions et dialoguèrent rapidement. Quant à moi, je réfléchissais. Puis soudain je me retournai, mon regard posé sur celui de Ketten. J’aimerais vous parler seul à seul. Il hocha la tête, avant de réemprunter la porte dérobée. Je le suivis, jusqu’à me retrouver dans une pièce similaire à celle où j’avais interrogé Zogo. Shin et Izami devaient sûrement attendre dans la pièce principale. C’était tant mieux, il fallait vraiment que je sois seul à seul avec leur chef.

« Il fallait maintenant attendre »

Nous nous assîmes, puis après quelques longs moments de silence, je pris la parole. Que pensez-vous de tout ça ? Ketten ricana pendant plusieurs secondes. Oh, comme quelqu’un qui va se faire tuer par un fou qui se croit chiffre. Poussé dans ma réflexion, je ne cherchais pas à répondre à l’humour de mon compère, et c’était d’autant mieux, vu qu’il reprit son sérieux. Sincèrement, je n’en sais rien… Je n’ai pas particulièrement peur, mais ça m’inquiète quand même un peu. Zogo, et ce mystérieux Trois… Et dire qu’il connait notre base, et qu’il vient d’y pénétrer. Il aurait pu tenter de me tuer si on y réfléchit bien. Son raisonnement n’était pas bon, ou du moins trop hâtif. Mais je n’allais pas lui expliquer ça. Si je voulais comprendre, il fallait que je fasse cavalier seul. Je ne répondis pas, continuant à réfléchir pendant près de deux minutes. Puis je donnai mes instructions à Ketten.

Ecoutez, je pense pouvoir démasquer cet inconnu qui vous veut autant de mal. Mais il va falloir faire ce que je vous dis. Prenez ça comme des ordres, des conseils, ou des suppositions. Mais soyez assuré qu’en m’écoutant, rien ne vous arrivera. L’enquêteur me regarda pendant de longs instants. Je voyais bien que ça ne lui faisait pas plaisir de laisser un jeune shinobi prendre les décisions à sa place. Mais je vis sur son visage qu’il allait se plier à ce que j’allais lui dire. Vas-y. Je posai mes mains sur mes genoux, avant de toussoter un petit cou, histoire qu’aucune bavure ne soit faite pendant que j’allais parler. C’était très important. Celui qui se fait appeler Trois vous connait, c’est un fait. Cependant, si jamais il avait voulu vous tuer avant, il l’aurait déjà fait. Ou plutôt, considérez qu’il aurait déjà tenté de le faire. Son but n’est pas de vous voir mort, du moins pas avant plusieurs étapes. Je marquai une courte pause afin d’être persuadé que mon interlocuteur suivait mon raisonnement. Et la prochaine de ces étapes, c’est la libération de Zogo. C’est pourquoi il ne doit pas rester ici. Ecoutez-bien. Vous allez voir avec les autorités pour le faire emprisonner, il ne faut pas le garder ici plus longtemps. Et cela doit être fait le plus vite possible, et surtout, sans que personne ne le sache. Ketten insista du regard. Il semblait ne pas comprendre pourquoi je tenais à ce qu’il fasse tout ceci en « silence ». J’ai bien dis personne. Ni Zogo, ni vos enquêteurs, ni le restaurateur : personne hormis le juge auquel vous vous adresserez pour l’emprisonnement. Pendant que vous ferez cette démarche, vous ferez en sorte que tous ceux qui sont au courant de cette enquête croient qu’elle traîne, ou que vous avez besoin de plus de preuves. L’homme hocha la tête. S’il avait compris ça, alors tant mieux, c’était le plus important. Bien entendu, il ne fait aucun doute que Trois sera au courant de l’emprisonnement de Zogo, mais il faut que personne hormis vous ne le sache avant. Ensuite, il ne fait aucun doute que l’inconnu cherchera à faire libérer Zogo. Et une fois que ça se sera produit, alors vous m’enverrez une lettre. Même s’il semblait avoir compris, le regard quelque peu mitigé de l’enquêteur m’ordonna de m’expliquer davantage. Oui, vous avez compris. Je vais m’en aller dès la fin de notre entrevue. Vous n’aurez qu’à dire que vous ne voulez plus de moi. Je continuerai ma vie à Kiri, et je reviendrai dès que vous m’aurez envoyé une lettre. Et à ce moment-là, il ne sera question que de quelques jours avant que je découvre toute la vérité.

Le justicier me regarda longuement, avant d’hocher simplement la tête. Ce n’était pas assez, tout devait être clair, j’insistai donc. Est-ce que vous avez tout bien compris ? C’est primordial. Je croisai les bras, me redressant sur ma chaise. Je vérifiais qu’il n’y avait pas d’hésitation dans le regard de Ketten lorsqu’il me répondit. Oui c’est bon, j’ai tout compris.

Ensuite, tout se passa comme prévu. Je notai à l’enquêteur l’adresse où m’envoyer la lettre. Puis, il simula parfaitement mon renvoi face à Izami, Shin et même le vendeur de nouilles, qu’il avait convoqué dans la pièce principale. Il avait d’ailleurs parlé assez fort afin que Zogo l’entende de sa salle d’interrogatoire. Hormis Ketten, tout le monde me croyait renvoyé et exclu de toute cette affaire, et pensait qu’il faudrait plus de preuves pour enfermer Zogo.
Tout était parfait, il fallait maintenant attendre…