Le soleil se lève sur les plaines gelées de Yuki et tandis que les premiers rayons frisant viennent illuminer la glace de multiples couleurs vives, mon regard se porte sur ce vilain bleu qui tourne au jaune sur ma cuisse. Puis je tourne la tête voyant Yukishiro dans le lit en train de dormir profondément. Le sommeil je ne l’ai pas trouvé cette nuit, comme la précédente d’ailleurs, la faute à cette femme ou chose croisée il y a quelques nuits de cela dans les montagnes alentours.
Je regarde encore ce bleu symptomatique d’une chose, mon vieillissement. Là où je n’aurais pas si facilement subit des coups, où l’échange aurait été plus virulent, où je me serais rapidement remis d’un tel affrontement il y a quelques années, j’en suis réduite à me reposer dans un refuge pour plusieurs jours.
Gardant en tête la proposition de la jeune femme et son offre, je n’en reste pas moins sceptique. Que m’attends-t-il ? Que va devenir Yukishiro ? Car oui désormais j’ai des responsabilités, de mère, de tutrice, d’adulte. Fini la quiétude de l’âge tendre, à moi les soucis de l’âge adulte.
Cette réflexion ce n’est pas la première fois qu’elle me vient à l’esprit, mais elle revient à la charge et toujours de plus belle, de plus en plus fréquente pour finir par être une évidence.

Je me redresse, me dirigeant vers la salle de bain. J’attrape une serviette humide que je me passe sur le visage comme si cela pouvait me laver des doutes qui m’assaillent. Me regardant dans le miroir, je ne vois alors plus que des traits tirés, fatigués de tous ces combats menés, de la tension accumulée, de la peur du lendemain :

-Et pourtant elle tourne…

Comme un malade sur son lit de mort, tirant sur une énième clope alors que c’est cette dernière qui l’a placé ici. Comme le fumeur d’opium tirant sur sa pipe pour trouver la force de se tirer de son état de léthargie, je suis celle qui continue sa vie de nukenin et ce malgré tous les signaux que lui envoient son corps. Il serait si simple de remballer les armes, de fuir, se cacher et vivre en paix…

-Et pourtant elle tourne…

Non il n’y aurait pas cette adrénaline, ce frisson qui vous parcourt quand la mort vous frôle, pas cette extase de l’instant qui pourrait être le dernier. Encore se dit-on, une dernière fois et j’en aurais mon saoul. Mais non, on n’en a jamais assez.
Les cheveux noirs, le regard sombre, je me regarde, me juge depuis ce miroir qui désormais me révulse. Faut-il maudire le miroir pour l’image qu’il nous renvoie ? C’est toujours plus facile que de s’en prendre à la cause et ça soulage…
Faisant volt face je m’en vais chercher mes affaires, demain nous allons à Dhartsedo, demain ces doutes je les aurais balayés…