Deux silhouettes encapuchonnées dans des manteaux de couleur sombre avançaient des pas tranquilles en direction de Shimo no Kuni. Par leur apparence, les voyageurs paraissaient de plus banal. Ceux qui les croisaient en chemin les saluaient comme s’ils n’étaient que des personnes en déplacement tout comme eux et pourtant, les deux êtres étaient en réalité des soldats de Kiri envoyés au Pays du Givre pour accomplir une mission.

Pour mieux se fondre dans le paysage, les deux kirijin n’arboraient pas les mêmes accoutrements – comme c’était souvent le cas d’un groupe des shinobi en déplacement pour une mission – et ils n’arboraient non plus aucune arme, ni la moindre plaque qui permettrait d’identifier qu’ils étaient au service d’un Village Caché. Des précautions nécessaires afin de mener à bien leur mission qui requérait la plus grande discrétion car elle s'agissait de l’espionnage. En effet, les deux soldats avaient été dépêchés à Touketsu - la capitale du Pays du Givre - afin d’évaluer la situation globale de l'endroit : force armée sur place, relation du peuple vis-à-vis de leur Seigneur Féodal, dispositifs mis en place pour assurer la sécurité de la cité mais aussi les routines des habitants dont la position dans leur Nation n’était pas à négliger.

Alors qu’ils s’attendaient à devoir exécuter le scénario mis en place pour leur couverture, les deux kirijin se retrouvèrent face à une porte entièrement détruite et dénuée de garde. Pas besoin d'inventer d'histoire donc pour rentrer mais les deux personnages restèrent pourtant plantés là au lieu d'avancer. De leur position, ils ne voyaient personne mais l'état de la grande porte et les bruits qui leur parvenaient de l'enceinte de la cité les mettaient en garde.

Même un enfant de bas âge aurait compris ce qui était en train de se tramer dans la capitale : une bataille féroce s'y dérouillait. Chose à laquelle nos deux protagonistes ne s'attendaient point. Les kirijin allaient donc devoir s'adapter à cet évènement inattendu. Il était hors de question pour celui qui menait le duo à s'aventurer plus loin. Rentrer au sein d'une ville en guerre pourrait les enrôler dans la bataille hors là était quelque chose à éviter car non seulement ils pourraient griller leur couverture en plus, ils risqueraient d'y laisser leur peau et futilement.

Sans sortir le moindre mot, l'encapuchonnée en tête fit alors demi-tour. Ce fut seulement lorsqu'ils furent assez loin qu'une voix féminine brisa le silence qui régnait alors que les vacarmes de la bataille étaient à présent derrière eux.

- Nous allons nous rendre dans la ville le plus proche pour essayer de savoir ce qui se passe à Touketsu.

Leur mission était d'évaluer la situation au sein de la capitale du Pays du Givre mais à présent il n'avait plus rien à y étudier. Il fallait juste retenir que la cité se faisait attaquer. Restait à savoir par qui et de connaitre plus tard qui sortiraient victorieux de la bataille : les envahisseurs ou bien les maitres du lieu ? …

Nous marchions depuis quelques jours déjà, d'un pas léger et rapide en direction de Shimo. Sous mon capuchon sombre, rien qui n'aurais permis de déterminer mon origine ni mon pays d'allégeance. La mission qui nous avait été donnée par l'Empereur en personne était simple : espionnage. Aucun combat, discrétion demandée. Dans mon petit sac à dos, seuls des vêtements de rechange et des rations de nourriture s'y trouvaient. Aucune arme ou parchemin explosif. Il fallait nous la jouer voyageuses, moi et ma collègue Natsumi Mairu. Il nous fallait nous mêler à la populace, observer, questionner les civils et ramener le plus d'infos possible au Vieux sur l'état du pays. C'était bien la première fois que je participais à quelque chose de cette envergure, et contrairement aux autres missions de base confiées par le Kage, celle-ci pouvait se révéler autrement plus dangereuse.

Pendant toute la durée du trajet, nous n'avions que très peu parlé, s'échangeant d'abord des banalités arrives à notre point de rendez-vous, une rapide explication des stratégies d'infiltration de la part de l'ainée, mise au point avant l'entrée au pays du Givre puis élaboration d'un plan lors de notre arrivée aux abords de la Capitale. Rien d'autre. Pas de questionnements sur nos vies, nos familles, nos ambitions. J'étais une personne plutôt discrète et réservée d'abord, et je détestais parler. À moins d'une obligation, auquel cas je me prêterais au jeu, si j'en avais la possibilité, je préférais garder le silence. Cela, ma coéquipière le devina plutôt rapidement. C'est ainsi que nous n'avions que peu échangé lors de ce parcours. Si cet état des choses lui déplaisait le moindrement, elle n'aurait qu'à demander une partenaire plus volubile lors de sa prochaine mission. Je n'allais pas changer ma personnalité pour faire plaisir à la première venue.

Le soleil était déjà couché depuis un bon moment lorsque la Capitale se dressa fièrement au loin. Moins d'une heure de marche et nous pourrions nous prélasser dans un bain juste avant d'aller au lit. Il n'y avait rien de mieux après une longue journée de marche. L'idée de faire trempette dans l'eau chaude me donna l'énergie suffisante pour attaquer le dernier segment de notre chemin, et lorsqu'enfin les portes apparurent devant nous... Ce qu'il restait des portes. Plus de portes. Hé merde, plus de bain pour ce soir. Le trou béant devant nous était des moins invitants, tout autour, les remparts portaient les stigmates d'explosions. À nos pieds, des centaines de flèches couvraient le sol, au milieu des débris de bois de ce qui avait jadis gardé la capitale. Au loin, nous pouvions entendre la bataille qui faisait rage, sans doute plus au centre de la ville. Dire que nous avions préparé un plain infaillible pour évaluer la capitale Sumojin, et que nous nous retrouvions devant une enceinte en ruine, toutes nos préparations tombaient à l'eau.

Je regardai mon ainé, la questionnant implicitement sur la marche à suivre. De tous les scénarios prévus, aucun ne comportait le risque que la capitale soit attaquée. Faire quelques pas de plus à l'intérieur de l'enceinte, c'était risquer de se retrouver devant un danger beaucoup plus grand que ce qui avait été prévu. Et pendant que je ramassais une flèche au sol pour l'observer de plus près, fort probablement tirée des remparts de la part des forces Shumojin, ma collègue fit demi-tour pour quitter ces lieux hostiles. Jetant le projectile è mes pieds, parmi tous les autres qui jonchaient la terre, je fis le même mouvement qu'elle, laissant la ville assiégée derrière nous.

«Nous allons nous rendre dans le village le plus proche pour essayer de savoir ce qui se passe à Touketsu»

Sans dire un seul mot, j'acquiesçai à sa proposition - ou son ordre, plutôt. La Natsumi était d'entre nous deux la plus expérimentée, et je lui faisais totalement confiance sur la marche à suivre, surtout lorsque nous avions à faire face à un imprévu de taille. Les milles passaient sous nos pieds en silence, et beaucoup plus rapidement cette fois. Le temps jouait contre nous, nous avions besoin de prendre nos informations le plus rapidement possible. L'issue de cette bataille pouvait avoir un impact sur la stabilité du pays, et mieux valait pour nous d'être le plus loin possible.

Bientôt, une petite ville apparu devant nous. Vu l'heure tardive, quelques personnes traînaient ci et là dans les rues. Un stand a ramen vide de clients aurait pu être une option pour se sustenter suite à cette marche imprévue, mais un autre endroit attira mon attention. Un débit de boisson d'où s'échappaient des rires gras et l'odeur acrimonieuse de la cigarette se trouvait tout près. Pointant l'établissement à ma collègue, je lui demandai son approbation silencieusement du regard. Nous avions sans doute plus de chances d'obtenir des informations dans cet endroit. L'alcool aidait à délier les langues, et je savais que les physiques de moi et ma collègue ne laissaient guère ces messieurs insensibles...

Autant en profiter.

Ayant été autrefois, et durant des années, une kunoïchi au service du Village Caché de Kaminari no Kuni, pays frontalier à Shimo no Kuni, la Natsumi connaissait assez bien le Pays du Givre que tous les kumojin devraient traverser pour rejoindre le continent par la terre ferme. La jeune femme n’eut donc pas besoin de sortir la carte du Pays du Givre qu’elle avait pris soin de sceller au lieu de l’avoir directement sur elle au cas où elle se ferait fouiller. Une carte détaillée du pays en sa possession pourrait susciter la suspicion des plus méfiants.

Usant donc de ses connaissances du coin pour y avoir effectué quelques missions par le passé, avec sa jeune kōha, Mairu se rendit dans une petite ville qui se situait la plus proche de la capitale. Lieu les kirinjin atteignirent alors que la nuit venait à peine de tomber.

Ce que la Natsumi vit en se promenant au hasard dans les rues la préoccupa au plus haut point. Généralement, ceux qui vivaient dans un pays en guerre tendaient à rester cloîtrer chez eux hors ici, les activités semblaient tout à fait normales. Les établissements nocturnes étaient ouverts et les gens sortaient dans les rues avec insouciance. Une routine normale et sous le signe de la gaieté mais qui ne convenait guère à la Natsumi. La jeune femme se demandait si les habitants de ce lieu étaient au courant de ce qui se tramait dans leur capitale.

Si les échos de l’invasion de Touketsu n’étaient pas parvenues dans cette ville qui était pourtant la plus proche de la capitale, il était alors fort improbable que ceux qui vivaient plus loin étaient au courant de quelque chose. Si elles ne parvenaient donc pas à avoir des informations pertinentes ici, ce n’était pas ailleurs qu’elles allaient pouvoir les obtenir. À moins d’avoir l’aubaine de tomber sur une personne qui était au courant de tout. Un individu qui avait réussi à fuir de la capitale par exemple. Une éventualité qui avait si peu de chance de se produire que Mairu ne comptait même pas là-dessus.

Prenant l’initiative, la jeune Samui qui accompagnait la Natsumi désigna un bar déjà très animé malgré l’heure qui n’était pas pourtant bien tardive. Les rires qui s’échappèrent de l’établissement firent froncer les sourcils de la samouraï tant elle désapprouvait cette jovialité qui sonnait à ses oreilles comme un échec à leur recherche d'informations. Ne désirant pas pourtant laisser tomber sans avoir poussé les investigations plus loin, la jeune femme se dirigea vers le bar, Amaya la talonnant.

- Tu me laisses parler ! Lâcha Mairu à la genin alors qu'elles s'approchaient de l’établissement.

Après avoir ôté sa capuche qui pourrait attirer l’attention si elle la gardait à l’intérieur, sans effectuer la moindre halte, Mairu se dirigea vers le comptoir derrière lequel se tenait un homme aux cheveux grisonnants qui indiquaient qu’il n’était pas né la veille malgré son physique plutôt bien conservé pour une personne de son âge.

- Bonsoir. Sauriez-vous nous dire ce qui se passe à Touketsu, s’il vous plaît ? Moi et ma petite sœur étions en chemin pour rendre visite à notre grand frère qui vient d’avoir son troisième enfant mais nous avons dû rebrousser chemin alors que nous étions devant une des portes de la ville. On dirait qu’une bataille féroce y ait lieu et par peur, nous n’avons pas osé s’y aventurer … Je m’inquiète vraiment pour notre grand frère et sa famille, conclut la Natsumi d’une voix qui se voulait inquiète alors qu’elle baissa le regard pour fixer le comptoir tout en affichant un air affligé.

Poser la question de but en blanc sans donner une raison qui la poussait à savoir ce qui se tramait dans la capitale aurait pu paraître suspicieux alors, en bonne comédienne, Mairu avait lâché le scénario qu’elle avait mis au point avec Amaya – qui devait se faire passer pour sa petite sœur – avant leur départ de Mizu no kuni.

Un silence plana soudain dans la salle alors que la Natsumi avait parlé assez fort exprès pour se faire entendre par le plus de monde possible. Elle pensait que de cette façon, si une personne dans l’assemblée était au courant de ce qui se passait à Touketsu, elle parlera certainement …

Quelque chose se tramait dans ce pays.

Malgré les sourires sur les visage, les gens dans la rue en cette heure tardive de la soirée, l'économie de cette petite ville qui roulait bon train, quelque chose ne tournait pas rond. On s'amusait et dépensait, comme si la capitale tout près n'était pas en train de se faire démolir. D'ailleurs, nous n'avions rencontré personne sur notre chemin. N'aurait-il pas du y avoir des centaines de civils en train de fuir la destruction et la désolation après une attaque d'une telle envergure? Ma collègue semblait s'impatienter face à tous ces gens qui riaient et avaient beaucoup trop de plaisir. Prenant les devant, elle m'intima de la suivre et de la laisser parler. J'étais d'accord avec cette idée, et enlevai ma capuche à mon tour avant d'entrer dans l'établissement.

Celui-ci était bondé, beaucoup trop pour un endroit pareil. Ne se laissant pas intimider, la Natsumi se fraya un chemin au travers des tables, se dirigeant tout droit vers le bar. Pour ma part, je gardai les yeux vissés au plancher, la laissant discourir sur la raison de notre présence, non sans créer un malaise palpable. Si au départ, personne ne voulu prendre la parole, un homme passablement éméché assis à quelques place de nous au bar décida d'intervenir.

«AH ! Quel imbécile, inviter ses petites soeurs à venir le voir dans ces temps troublés! Si votre frère est le moindrement intelligent, lui et sa famille se trouvent ici ou au lac Towada. S'il est resté là bas, j'espère pour lui qu'il se trouve du bon coté, sinon qu'il crève avec les chiens de la Daimyo !»

« Suffit Suzuki ! » Aboya le barman, déposant avec force une bouteille de saké. « Tu ne vois pas qu'elles sont mortes de peur? Allez, prenez, c'est offert ! » dit-il, en nous versant un verre chacune.

Reniflant l'alcool qui m'était servie, je regardai Mairu, l'interrogeant du regard à savoir si je pouvais boire le verre qui m'était offert. D'abord parce que j'étais mineure, puis parce que l'on était en mission. Normalement je n'aurais eu aucune difficulté à enfiler l'alcool, mais en ce moment c'était différent. Le barman, lui, ne verrait que la petite soeur demander la permission à son ainée.

« Pardonnez-le, son frère faisait parti de la rébellion. » finit-il par lâcher.

Encore un autre moment de silence. Pendant que je faisais tournoyer l'alcool de riz dans le fond de mon verre, j'essayais de rester attentive à ce qui se disait. Les informations sortaient au compte-goutte : Probablement une guerre civile au pays, mais pas sur tout le pays, seulement sur la capitale. Deux camps, la rébellion et le parti du Seigneur du Givre. Les populations civiles déplacées temporairement. Ceci expliquait cela : l'absence de voyageurs sur les routes et la petite ville bondée, les gens qui dépensaient et s'amusaient, pour mieux tromper l'ennui et l'anxiété sans doute.

Mais cela ne disait pas tout : à voir le niveau de destruction des portes de la capitale, comment un si petit pays avait eu les moyens techniques pour faire autant de dégâts? Un Village ou une Organisation riche devait avoir financé tout cela, et de source sûre il ne s'agissait pas de l'Empire. Et pourquoi pas tout le pays, seulement la capitale? Déplacer la population et cibler seulement le pouvoir en place, tout cela avait du être préparé par une main de maître.

Je me voyais mal commencer à poser des questions. Je devais jouer la petite soeur un peu nunuche pour éviter de poser un peu trop l'attention sur moi. Une jeune fille de 16 ans ne devait pas connaître autant d'informations sur la situation géopolitique du Yuukan. Je laissai donc ma sempai parler sans dire un mot. Au passage, je pris une gorge du saké, tout en faisant une grimace un peu exagérée. J'avais mon rôle à tenir moi aussi dans cette mascarade.

- Une rébellion ? Lâcha la Natsumi d'une voix relativement sereine avant de vider d'une traire le verre d'alcool de riz que le barman venait de leur offrir après avoir remercié silencieusement ce dernier, en tendant la coupelle rempli de saké en direction de l'homme.

La samouraï reposa ensuite la coupelle vide sur le comptoir tout en jetant un regard vers Ayama qui venait de descendre une gorgée du contenu de son propre verre. Mairu n'approuvait pas l'initiative de la genin car elle était bien trop jeune pour boire mais la samouraï se disait que quelques gouttes de cet alcool de riz ne lui feraient pas du mal. Et puis, elle avait mieux à faire présentement que de donner une leçon de vie à une adolescente qu'elle avait trainée elle-même dans un établissement normalement réservé aux adultes.

- Si tu es ivre, je te laisserais ici ! Finit pourtant par lâcher la Natsumi à la jeune Samui en guise d'avertissement au cas où celle-ci déciderait de vider entièrement le contenu de sa coupelle.

La jeune femme reporta ensuite son attention vers l'homme qui se tenait de l'autre côté du comptoir.

- N'est-ce pas suicidaire pour des simples civiles de se rebeller contre le Daimyo? … Comment des simples hommes désarmés pourront gagner contre l'armée du Seigneur qui sont armés jusqu'aux dents ? … J'espère que notre grand frère est à l'abri, poursuivit la Natsumi d'une voix qui se voulait accablée, c'est un homme qui ne sait même pas tenir une hache correctement pour couper du bois.

Mairu joignit les deux mains pour une fausse prière. Histoire de bien jouer son rôle de la sœur meurtrie alors qu'au fond tout ce qu'elle désirait c'était de pousser ces hommes à lui révéler un maximum d'informations. En capturer un discrètement puis le forcer à parler irait bien évidemment plus vite mais n'appréciant pas brutaliser des innocents, la Natsumi préférait donc recourir à un moyen sans violence même si cela risquait de prendre plus de temps.

Le but actuel de la samouraï était de chercher à savoir comment la rébellion avait pu avoir l'audace d'attaquer le Daimyo. Elle doutait fort que les habitants étaient suicidaires au point de se jeter dans un combat perdu d'avance. Ils avaient dû forcement avoir de l'aide quelconque qui assurerait leur victoire. Restait à savoir comment et surtout par qui ?

- J'aimerais tant savoir si lui et sa famille vont bien, reprit la samouraï d'une voix toujours aussi inquiète après un bref silence et les yeux fermés alors que ses mains étaient toujours jointes.
- Rassurez-vous, je suis sûr qu'ils vont bien, fit le barman d'une voix calme tout en essuyant un verre.
- Comment pouvez-vous en êtes sûr ? Demanda la kirijin qui avait ouvert les yeux pour fixer son interlocuteur … Les rebelles ne tiendront pas face à l'armée du Daimyo et ce sont tous les habitants de Touketsu qui vont payer pour cet échec de tentative de renversement du pouvoir en place !
- T'es du côté du Daimyo ou quoi ? Finit par lâcher rudement le même homme qui avait souhaité la mort du grand frère imaginaire des deux kirijin s'il était du côté des "chiens" du Seigneur du pays.
- Non, vous vous trompez ! C'est juste que je ne vois pas comment des simples habitants armés sans doute que des balais ou des couteaux de cuisine pourront gagner contre les hommes du Seigneur qui sont entrainés et équipés pour combattre.
- Mais vous sortez d'où pour ne pas savoir que la rébellion est aidée pa …
- Suzuki ! Lâcha le barman invitant intimement l'homme à se taire.
- Ben quoi ? Ce n'est plus un secret à présent que la guerre a éclaté. Et puis, à part ceux deux là, tout le monde ici le sait déjà et elles finiront bien par l'apprendre.
- Savoir quoi donc ? Demanda la Natsumi calmement.
- Il semblerait que Kumo a armé la rébellion. Il se pourrait que des kumojin se battent même en ce moment de leur côté pour en finir avec le tyran qui nous sert de Daimyo, déclara le dénommé Suzuki, le poing fermé et une lueur d'espoir dansant dans les yeux.
- "Il semblerait" ? "Il se pourrait" ? … Vous n'êtes donc pas sûr de ce que vous avancez ?
- Tu commences à me taper sur le système ! Se vexa de nouveau Suzuki qui paraissait de nature très susceptible.
- Ce n'est qu'une rumeur ! Lâcha calmement le barman.
- Mais comme on dit "il n'y a pas de fumée sans feu", ajouta un homme qui jusque-là se contentait d'écouter comme la plupart de ceux qui étaient présents. Je suis sûr que les kumojin sont de notre côté. Ils nous aideront à gagner cette bataille !
- Ouais ! Firent des hommes en chœur.
- Je vois, lâcha la Natsumi sur un ton toujours aussi serein avant d'ajouter avec un sourire d'une comédienne entrainée : espérons que cela ne soit pas une simple rumeur.

Il était évident que les habitants de la ville où les kirinjin avaient atterri étaient des partisans de la Révolution. En tout cas, la plupart de ceux qui se trouvaient dans le bar étaient pour la rébellion. La Natsumi préférait donc faire comme si elle était de leur côté même si en vérité elle ne prenait aucun parti. Cette guerre entre le Seigneur de Shimo et son peuple ne la concernait pas. Elle était dans ce pays juste pour récolter des informations.

- Sauriez-vous nous indiquer une auberge où nous pourrons passer la nuit ?

***

Seule avec Amaya dans une chambre bien modeste mais relativement propre, Mairu opposa une main sur le sol pour faire apparaitre un sceau qui disparut rapidement laissant quatre boîtes de bento superposées. La jeune femme prit les deux de dessus.

- C'est pour toi, fit elle ensuite à Amaya tout en désignant les deux autres boîtes avant d'aller s'assoir sur son lit pour la nuit qui était parallèle à celui du jeune Samui. Nous allons repartir à Touketsu avant le lever du soleil alors mange puis tâche de bien te reposer d'ici notre départ !

La samouraï refusait de se contenter d'une simple rumeur. Si elle transmettait cette information qui se révèlerait plus tard être fausse, elle perdra alors toute crédibilité. Chose qu'elle refusait de se produire. Elle devrait donc se rassurer que le Village Caché des Nuages s'était bien allié à la rébellion de Shimo no Kuni …

Avant de se coucher la Nastumi descella un rouleau sur la table de fortune qui ornait leur chambre. D’un bout de celui-ci qui se dévissait, elle tira un compartiment contenant une petite plume et un mini-récipient de l’encre de couleur rouge vif. Grâce aux matériels, elle s’attela ensuite à rédiger un rapport sous la faible lumière vacillante d’une bougie.
La couleur de l’encre n’avait pas tellement d’importance si ce n’était que la samouraï l’avait choisi pour que son message attire bien l’œil de celui à qui il était destiné. Le rouge pouvait être interprété comme une couleur agressive – parfaite pour rédiger une menace de mort par exemple – mais la Natsumi n’accordait aucune importance à ce détail qu’elle jugeait bien dérisoire.

Une fois la rédaction terminée, la samouraï infusa un peu de son aura dans le rouleau. Un sceau apparut alors au milieu du texte, sa couleur noire contrastant fort avec le rouge du message. Cette technique permettait à la Natsumi de transmettre instantanément le message qu’elle venait de rédiger sur un rouleau qui faisait la paire avec celui qu’elle avait utilisé. Le rouleau destinataire était actuellement entre les mains de l’Empereur qui pourrait alors prendre connaissance directement de son rapport malgré la distance qui les séparait.

Son devoir fait, Mairu alla enfin se coucher alors qu’Amaya s’était déjà glissée sous le drap dans son lit.

***

Après seulement quelques heures de sommeil, les kirijin se levèrent. La nuit fut courte pour la senpai et la kōha mais n’ayant pas besoin de beaucoup d’heures de sommeil pour se ressourcer, Mairu était en pleine forme et elle espérait qu'Amaya avait réussi à récupérer elle aussi.

Si elle n’avait pas besoin de beaucoup dormir, Mairu avait cependant besoin de manger et pas qu’un peu pour garder la forme. La faim était son pire ennemi. Celle-ci pouvait la rendre aussi faible qu'un nourrisson alors par précaution, avant de partir, elle prit le temps de descendre un grand bol de soupe de riz qu’elle avait sorti via l’art de sceau comme les bento de la veille. Étant une gourmande qui s’assumait, la jeune femme aux yeux rubis accordait autant d’importance aux provisions qu’aux matériels qu’elle pourrait avoir besoin lors d’une mission. Alors, avant chaque départ, elle s’attelait donc non seulement à recenser puis à sceller les matériels pour le voyage mais aussi autant de nourritures qu’elle pensait avoir besoin. Sans oublier bien sûr de compter au moins des denrées pour deux personnes pour elle seule.

Amaya eut droit à sa part de bol de riz dont la chaleur avait été gardée par la magie du scellement bien qu’elle eût gardé sa seconde boite de bento de la veille en guise de petit déjeuner d’aujourd’hui. Mairu oubliait parfois que tout le monde n’avait pas son estomac vorace.

Comme prévu, le soleil ne s’était pas encore lever que les kirijin quittèrent l’auberge dont la Natsumi avait pris le soin de régler le prix de l’occupation la veille même pour ne pas avoir à déranger le gérant qui à leur départ n’était pas encore levé.

Après plus d’une heure de marche sans précipitation, Mairu s’arrêta avant d'ordonner à Amaya de se cacher dans le coin alors qu’elles n’étaient plus très loin de Touketsu. Puis, la samouraï poursuivit seule la route. Contrairement à elle, la Samui, bien qu’elle ne fût qu’une genin, était dotée de chakra bien plus important que chez des simples humains qu’un shinobi senseur pourrait sentir sa présence de loin. Mairu ne désirait donc pas courir ce risque au cas où des ninja du Village Caché des Nuages s’étaient effectivement alliés à la rébellion de Shimo pour renverser le Daimyo.

Pour pouvoir détecter la Natsumi, il faudrait que parmi les kumojins immobilisés à Touketsu se trouvât un samouraï avec l'aptitude sensorialité. Chose qui était fort possible car Kumo avait à son service des samouraï du Pays de Fer qu’il avait conquis. La jeune femme en connaissait d’ailleurs un personnellement pour l’avoir déjà fréquenté lorsqu’elle servait le Village Caché de Kaminari. La présence d’un samouraï senseur dans Touketsu était cependant moins probable que celle d’un shinobi senseur. Bien sûr il y avait aussi des shinobi senseurs qui détectaient autrement qu'avec le chakra mais ceux-là ils étaient plus rares.

- Reste cachée jusqu’à mon retour. Je reviens au plus tard au milieu de l’après-midi. Si jamais je ne reviens pas d’ici la fin de la journée, rentre à Kiri. N’essaie surtout pas de te rapprocher de la ville ou d'essayer de me trouver !

Si elle ne revenait pas avant le coucher du soleil, c’est que quelque chose lui serait arrivé alors la jeune Samui ferait mieux dans ce cas de repartir sans plus attendre. Mieux vaut une perte que deux ....

Lorsque la muraille de Touketsu fut à portée de vue, la samouraï décida de s’arrêter à un endroit avec des cachettes possibles puis se posta derrière un tas de rocher qui s’élevait assez haut pour pouvoir la cacher même assise.

Apposant une main au sol, la samouraï fit apparaitre une longue vue. Objet qu’elle avait ramassé sur le cadavre d’un pirate qu’elle avait tué accidentellement durant une mission qu’elle avait menée sur l’une des nombreuses îles de l’archipel de Mizu où quelques-uns de ces chenapans s’activaient encore.

Discrètement, Mairu se décala vers un endroit où le rocher qui lui servait de cachette ne montait pas très haut mais assez pour qu’elle puisse regarder par-dessus en s’agenouillant. À travers la longue vue, elle espionna l’entrée de la ville. La kirijin avait soigneusement évité de se rendre vers la porte Est vers lequel le soleil se levait ainsi que la porte ouest que celui-ci pourrait mitrailler de sa lumière. Elle s’était rendue plutôt vers le côté sud de la ville pour éviter toute possibilité de se faire repérer à cause du lever du soleil.

Trois hommes étaient postés à la porte sud. Tous des civils d’après l’espionne kirijine qui ne voyait le moindre insigne d’appartenance à un village caché sur aucun d’entre eux. Mairu doutait fort que les kumojins aient ôté leur bandeau de village avant de passer à l’offensive. Dans cette guerre civile qu’ils soutenaient, les shinobi de Kaminari n'avaient aucune raison de cacher leur identité. Bien au contraire, ils avaient plus à gagner en se dévoilant au peuple opprimé qu’ils étaient venus libérer de leur tyran de seigneur.

La Natsumi patienta dans sa cachette dans l’espoir qu’un kumojin finirait par se montrer à l’entrée de la ville qu’elle guettait régulièrement. Dans l’attente, la jeune femme commença à réfléchir à un plan B au cas où celui qu’elle avait adopté n’apporterait aucun résultat. Si aucun des kumojins dont elle devait se rassurer de la présence ne se montrerait pas, elle allait alors devoir essayer de trouver un moyen de pouvoir regarder plus loin dans l’enceinte. La veille, à leur arrivée, aucun garde n’était posté devant l’entrée par laquelle elle et Amaya avaient atterri alors le fait que l’entrée qu’elle surveillait présentement était gardée et par des civiles signifiait forcément que la rébellion avait dû réussir au moins à investir la périphérie de la capitale. Des kumojins, s’ils jouaient effectivement un rôle dans la rébellion, avaient donc une forte chance d’être éparpillés un peu partout sur le territoire conquis enfin d’en garder le contrôle avec des rebelles.

Finalement, quelques minutes seulement s’écoulèrent avant que deux hommes arborant fièrement le bandeau du Village Caché des Nuages au niveau du front se manifestèrent à la porte. Ils échangèrent quelques mots avec les civiles qui montaient la garde puis ces derniers disparurent dans la cité alors que les deux shinobi surveillèrent l’entrée à leur place. Face à une telle preuve de fraternité entre civils et shinobi, la Natsumi ressentit presque de l’admiration envers ces hommes qui s’étaient alliés pour une cause commune bien que la samouraï doutât fort que de cette guerre civile, Kaminari tirera forcément un quelconque l’intérêt. Pas un seul instant elle croirait que l’aide apportée par les kumojin était purement désintéressée.

Sans perdre de temps, la samouraï sortit le rouleau de parchemin de son rapport de la veille qu’elle avait gardé sur elle. Puis, en dessous de l’ancien message, elle y ajouta quelques lignes pour confirmer l’implication du Village Caché des Nuages dans la guerre civile du Pays de Givre. Le sceau de transmission de la veille n’ayant pas été brisé, le nouveau message apparaîtra donc en temps réel sur le rouleau destinataire au fur et à mesure de sa rédaction.

Sa mission accomplie, la samouraï s’apprêta à repartir discrètement lorsque des points qui se déplaçaient au loin, du côté ouest de la porte, attirèrent son regard. Portant la longue vue à son œil droit, elle put alors voir à travers quatre silhouettes s’éloigner discrètement du mur de Touketsu. La jeune femme étudia la direction que prenaient les quatre êtres qu’elle n’arrivaient pas à identifier. Ils étaient si éloignés qu’elle ne parvenait même pas à affirmer leur sexe respectif. Puis, sans perdre plus de temps, Mairu s’éloigna, toujours avec discrétion, mais ce n’était pas pour rejoindre Amaya mais pour essayer d’intercepter les quatre individus en rejoignant un endroit où ils pourraient finir par atterrir d’après le calcul que la kirijine avait effectué en étudiant la direction qu’ils prenaient. Ces êtres pourraient certainement, d'une manière ou d'une autre, lui fournir des informations supplémentaires voire importantes sur la rébellion. Comme sur le résultat de cette dernière par exemple …