Calmement assis sur l’un des terrains d’entraînement, Rin terminait sa énième cigarette du jour. Le temps se chargeait progressivement, et on sentait arriver la nuit loin de la beauté de ce soleil, mais pourtant il avait choisi de prendre le risque. Yamanaka Shigo. Le fameux. L’unique. Le Chûnin étant interdit de superviser une équipe, mais ayant néanmoins accéder au grade. Un phénomène qu’il était rare d’observer au village de la feuille et, plus que tout… Une personne qu’il était important de prendre en charge. Rin savait le pourquoi du comment des raisons qui avaient conduit le Yamanaka là où il était aujourd’hui. Du moins, sur le déroulement de l’examen. C’était… Le minimum à faire avant de se soumettre au défi de l’accepter dans son équipe. Le guider, ne serait-ce qu’un peu. Lui montrer la Volonté du Feu que Dame Miko et Mizuki affectionnent tant. Lui montrer que oui, il existe d’autres méthodes.

Il soupira lourdement, attendant patiemment que ce dernier ne vienne. Il lui avait adressé un petit courrier l’invitant à le rejoindre, sans trop s’étendre sur les explications pour ne pas le faire fuir, mais en restant suffisamment direct pour qu’il ne se sente pas piéger. Comment l’aborder ? Comme un animal sauvage semblait extrêmement réducteur, comme une personne atteinte de pathologie psychiatrique d’autant plus délicat. Au final, il ne restait qu’à laisser le temps faire, et surtout discuter avec, échanger, parler. C’était presque rageant de voir le peu qu’il était possible de faire dans l’immédiat, mais il tenterait une approche semblable à une thérapie cognitive et comportementale. Au moins, il n’y avait aucun risque et si un quelconque bénéfice était attendu…

Il soupira une fois de plus, passant sa main sur son visage dans un effort de concentration. Non. Se prendre la tête en avance, cette fois, ne changerait rien. Peut-être avait-il seulement qu’on lui montre un peu d’affection ? Perdant son regard au large, l’Akimichi focalisa sur la silhouette se dirigeant vers lui et se releva.

« Bonjour, Shigo-san. Je suis Akimichi Rin. »

Il lui adressa un léger sourire évident, son identité étant non seulement été inscrite sur l’enveloppe contenant son message mais également connue de presque tout Konoha en tant que nouveau Directeur de l’Hôpital. Ne devenait-il pas trop vieux pour ce genre de choses ?

« Sais-tu pourquoi je t’ai demandé de venir ici ce soir exactement ? »

Quelque chose lui disait que la première partie serait la plus difficile…

HRP:

« Bonjour Akimichi Rin, je sais qui vous êtes. Jonin de Konoha et récemment promu à la direction de l’hôpital dans lequel Konoha a beaucoup misé, que ce soit sur le plan matériel ou personnel. »

Arborant un véritable crâne humain sur son visage, il n’y avait que les pieds du Yamanaka, crasseux à souhait, qui dévoilaient sa peau. Et le ton de sa voix, froid et immaculé de toute émotion, ne permettait pas non plus de le cerner. Des vêtements amples empêchaient de définir sa véritable silhouette. A la base, c’était pour ne pas montrer sa faiblesse : une famine marquée dans le temps et sur son être. Mais à présent, son corps avait repris du poil de la bête. Pas ses habitudes.

Rin commença par des devinettes. Shigo n’aimait pas ça, car il aurait agi de la même façon. Ce qu’il n’appréciait pas, surtout, c’était d’ignorer la raison de sa présence ici. Devait-il se défier de lui, ou le caresser dans le sens du poil ? Il était un haut gradé, mais pas aussi important que Yôgan Yusei, Rakuzan Satochi, Nara Natsuki, Aburame Mizuki ou Aburame Miko. Une fois que l’homme masqué aura fini ses leçons auprès du jeune Yohru, il obtiendra l’oreille du Seigneur du Feu. L’appui du directeur d’un hôpital lui était-il vraiment nécessaire ?

Pourquoi lui avoir demandé de venir ici ce soir exactement ? Le Yamanaka pouvait très bien dire l’ignorer, mais ça ne lui rapporterait rien. Il pouvait très bien l’interroger afin de lire ses pensées les plus en surface, mais il ne souhaitait lui révéler ses atouts. Peut-être en testant sa patience à son tour ? La différence entre répondre l’ignorance était qu’il apprendrait une chose sur son interlocuteur.

« Pourquoi m’avoir demandé de venir ? Peut-être pour me féliciter d’avoir parfaitement entreposé les cartons contenant le matériel aux sous-salles dernièrement aménagées à l’hôpital ? Hélas je ne m’y connais pas en médecine, mais vous avez choisi un terrain d’entraînement pour lieu de rendez-vous. Peut-être souhaitez-vous que je vous apprenne à combattre après que vous ayez vu mes excellents résultats à l’examen ? Quant à ce soir… L’alignement des étoiles sans doute, ou l’approche d’un bonus salariale de fin de mois qui risque de vous échapper dans six jours si vous ne péripéssez pas suffisamment d’instants avec quelque camarade ? »

C’était un vrai crâne humain qu’il arborait à la place du visage, et Rin dût presque résister pour ne pas sourire doucement. Oui, c’était un original – les informations qu’il avait jusqu’à présent étaient loin d’être erronées. Et un original particulièrement efficace de surcroît, rien qu’à entendre sa réponse presque acerbe aux interrogations innocentes du Médecin. Ce serait peut-être moins facile qu’il ne l’aurait espéré, mais qu’importe. Il fallait que quelqu’un le prenne en charge et il ne se refusait que très rarement les défis. Et lors de la suivante réponse du Yamanaka, l’Akimichi n’arriva guère à s’empêcher d’esquisser un sourire, avant de rompre littéralement en un bref éclat de rire puis se reprendre rapidement et fixer les yeux – il en avait bien en dessous du masque non ? – du nouveau Chûnin.

« Vous avez presque tout bon… Sinon que vous avez tout faux. Et ne vous inquiétez point pour mon salaire, c’est à celui des autres que je pense. J’ai de quoi faire depuis… Longtemps. »

Il lui adressa un léger sourire de plus.

« Nous combattrons peut-être l’un contre l’autre, un jour. Mais en attendant, c’est les remarques concernant votre comportement pendant l’examen Chûnin, et l’interdiction oh combien exceptionnelle de pouvoir superviser une équipe, qui a attiré mon attention. »

Il ne se rendait probablement compte lui-même des maux qu’il avait et des raisons ayant poussée à ces interdits. Etait-il dénué de cœur à ce point, ou seulement perdu dans une vision irréaliste du monde dont il ne semblait pas vouloir se détacher ?

« Pas que la mienne d’ailleurs, mais celle de tous les hauts dignitaires de Konoha. Je suis seulement celui qui a accepté de vous prendre dans son équipe afin de vous former sur ces quelques points plus humains qu’autre chose. Si vous le voulez bien sûr - je ne suis pas du genre à imposer les décisions aux gens. »

Il y aurait du travail, c’était absolument certain. Et si loin de Rin était l’idée de changer drastiquement le comportement du jeune homme, il n’en restait pas moins que quelques ajustements étaient nécessaires. Des ajustements qui n’avaient rien de petit. Le tout était de trouver la bonne approche du Yamanaka pour réussir à faire passer les bons messages sans le brusquer ou le pousser à se fermer de façon hermétique à ce qu’il pouvait lui apporter, car l’Akimichi était soigneusement convaincu pouvoir avoir du bon, par le biais de son influence, pour le Chûnin.

« Si vous acceptez, pourquoi ne pas m’expliquer un peu ? Votre comportement, les raisons de ce dernier surtout. »

Pragmatique à souhait. On ne pouvait pas le nier à l’homme masqué, honnêtement, même si cela faisait froid dans le dos. Une logique alimentée par la force de la destruction et de la mort, par une vision univoque du rôle du Shinobi qui semblait date des jours sanglants de Kiri. Tuer ou être tuer. Considérait-il peut-être HI entier comme un potentiel ennemi contre lequel il serait nécessaire de lutter un jour ? A quel point était-il allié et à quel point étranger ? Rin soupira calmement avant de secouer doucement la tête, son regard toujours fixé sur le Yamanaka.

« Vous semblez oublier, justement… Oublier que vous n’êtes pas né ninja. On vous a appris à l’être. On a montré comment faire. Et il semblerait que l’efficacité ait été trop importante. Regardez-moi, plutôt. Suis-je Ninja, Médecin ou les deux ? Ce n’est pas antinomique et je n’ai jamais dit que tuer était mauvais, tant que cela se montrait nécessaire. Mais comme je vous l’ai dit, vous semblez oublier. Vous oubliez toutes ces missions où il s’agit de protéger. Toutes ces missions où il s’agit d’obtenir des informations, ou des faveurs politiques, ou des accords. Pensez-vous peut-être de vous comme d’une arme, à attendre que l’on veuille bien vous utiliser ? Je vous le dis tout de suite : c’est possible. Mais c’est aussi choisir de ne jamais plus progresser, car dans ce domaine… Vous semblez avoir ce qu’il faut. »

A quel pouvait-on être buté sur la chose ? Si cette éducation venait de Konoha, il serait important de trouver la source de tels penseurs pour y couper court – bien que le temps l’ait déjà probablement fait. L’Akimichi demeurait on ne peut plus frapper par le fossé qui semblait les séparer. Il n’avait rien d’un assassin, étant spécialisé dans des domaines plus axés autour du soutien à l’équipe et de la gestion de foule afin de permettre aux gens de ce genre de faire leur travail lorsque la mission l’exigeait. Il soupira une fois de plus, toisant le Chûnin. Une autre approche, maintenant.

« Je vous formerais personnellement. Vous aurez un médecin à charge si vous prenez des risques inconsidérés et un combattant à même de vous impressionner, même si je suis loin d’en avoir l’étoffe au premier regard. Oui, vous apprendrez à être humain. Vous apprendrez à diriger. Vous apprendrez à coopérer. Vous apprendrez la compassion et l’empathie. Ne serait-ce que pour que cela vous serve lors de missions d’infiltrations ou le jour où vous n’aurez d’autre choix que de vous comporter en humain. Je vous montrerai une vision de ce monde différente de la vôtre pour que vous la mettiez en perspective. Et plus important encore… Je ferais de vous un meilleur shinobi que vous ne l’êtes déjà. »

S’il ne mentait pas, Rin savait que ses paroles pouvaient être comprises de plusieurs façons. Restait à espérer qu’il morde à l’hameçon.

Si la naissance semblait un point qu’il valait mieux ne pas aborder, pour le moment du moins, Rin s’empêcha de grimacer devant la sécher esse du Yamanaka. Un secret devait couvrir cet épisode de sa vie – un secret dont il espérait pouvoir obtenir quelques informations dans les dossiers de Konoha, même s’il préférerait que le Chûnin lui en parle de lui-même. Après tout, n’était-il pas là également pour l’aider ? Et il était possible que des événements traumatisants encadrant cette période de sa vie jouent de façon formelle sur l’impact de son développement social actuel. Une théorie qu’il serait nécessaire d’approfondir ultérieurement, car bloquer le jeune homme à toute approche du Médecin n’était clairement pas la bonne chose à faire – il le savait.

L’Akimichi soupira à la requête du Chûnin. Fallait-il vraiment tout mériter par la force et tout prouver par cette dernière pour lui ? C’était sidérant, surtout que Rin détestait faire preuve de violence gratuite à de simples objectifs de démonstration, préférant de loin le dialogue et ses arguments, son empathie, pour résoudre les problèmes. Sauf qu’ici, tout indiquait qu’il ne s’agirait que d’un dialogue de sourds… Secouant doucement la tête, il composa son mudra avant de sourire au Yamanaka. Si c’était vraiment ce qu’il voulait, il allait être servi. Qu’importe, Rin payerait de sa poche pour les dégâts causés au terrain d’entrainement qui risquait tout bonnement de finir en miettes. A moins que…

« Dommage, j’aimais bien ce terrain d’entraînement… C’est un endroit calme pour fumer de temps en temps. »

Alors qu’il émettait sa courte phrase, son corps gonfla jusqu’à des proportions excessives, le laissant voir de la majorité de Konoha dans il était géant comparé au reste du monde. Même les bâtiments, sous cette forme, semblaient être de vulgaires jouets qu’il pouvait éliminer d’un souffle. Et de tous, c’est sur le Yamanaka qu’il décida de se concentrer. Il limiterait ses coups pour ne pas le tuer, et le soignerait après. Il ne pouvait s’en prendre qu’à soi-même d’avoir demandé de voir la chose. Rapidement Rin claqua ses deux mains sur le petit corps en face de lui, avant de continuer par le biais de deux coups. Advienne ce qu’il adviendra.

« C’est juste un entraînement, ne vous inquiétez pas. »

Il adressa ces quelques mots aux gens s’étant rassemblés, à leurs fenêtres ou dans les rues, croisant tous du regard le géant de chaire. Sur un sourire chaleureux qu’il leur adressa, Rin retourna à sa taille normale et observa l’effet de ses coups.

Il arrêta ses coups avant d’être fatal. En tant que médecin, Rin savait respecter la vie d’autrui et arrêter au bon moment, surtout lorsqu’il ne s’agissait que de prouver qu’il savait être plus que ça. Face à un ennemi menaçant directement n’importe lequel des habitants de Hi… Il n’aurait peut-être pas été aussi clément. Mais là n’était pas la question. Il sentait à la perfection chacun des muscles de son corps hurler de douleur devant l’approche quelque peu sévère donnée au Chûnin, et une fois qu’il eut terminé sa démonstration il diminua le volume de son corps avec précipitation avant de composer le mudra nécessaire à rompre l’illusion – car la logique voulait que ça ne soit que ça, compte tenu de ce qu’il savait sur le Yamanaka et ses capacités au combat. Soufflant de soulagement de voir tout ceci céder de son corps, il n’hésita pas une seconde avant de terminer le petit spectacle, espérant qu’il serait suffisant pour impression son futur étudiant et lui faire accepter ses enseignements.

Dégainant un Kunai, Rin le lança à proximité du Chûnin et rapidement, son corps aux dimensions normales traversa l’espace entre eux pour finir à l’emplacement de l’arme, que l’on pouvait voir orner un sceau du Hiraishin. Depuis qu’il avait réussi, il y a quelques années maintenant, à approfondir les secrets du Fuinjutsu auprès du Seigner de la Cascade, Rin travaillait sur les meilleures applications de ce dernier. En tant que médecin, il avait besoin de pouvoir être partout sur un champ de combat pour soigner de façon convenable. Il avait besoin de savoir ce qu’il arrivait aux autres. Et dans l’idéal, disposer d’un moyen de contact rapide qui ne nécessiterait de lui rien de plus qu’une composition d’un sceau pour arriver apporter l’aide adéquate, afin d’éviter le plus de mort possible.

C’était donc naturellement qu’il s’était attaqué à l’art du Hiraishin. D’abord en faisant des recherches, puis en s’entraînant, seul chez lui initialement, puis sur des distances de plus en plus grandes. Au début, ce n’était pas simple – il devait bien avouer qu’avant de réussir à réaliser le bon sceau beaucoup de temps s’était écoulé, puis il fallait atteindre la vitesse, bête noire de son clan, et enfin le déplacement. Tant de choses qui se combinaient en une complexité importante jusqu’à arriver à où il en était aujourd’hui. Capable de le faire sur des distances respectables.

Secouant la tête, il se concentra rapidement sur l’évaluation des blessures du Chûnin et sans hésiter commença à le soigner, ne serait-ce que pour soulager la douleur de ses coups, ainsi que les probables dégâts internes. Un soin. Un autre. Encore un. Rin ne comptait plus. Il n’y avait aucun risque de mort, une fois de plus, même s’il savait être crédible en le cachant – l’expérience des faibles qui, se faisant battre, ont appris à avoir le pouvoir d’intimider suffisant. L’Akimichi voulait seulement montrer que, plus qu’une force destructrice qu’il gardait soigneusement cachée, il était surtout le calme courant à même de soigner les pires des blessures.

Quand, au fil de ses soins, le Chûnin récupéra son état presque en intégralité – Chakra oblige – Rin lui adressa un sourire.

« Je n’aime vraiment pas être violent… Mais vous sembliez tellement déterminé à vouloir une démonstration… Qu’importe. J’espère qu’elle saura vous satisfaire, Shigo-san. Je laisse tout ceci à votre méditation désormais, vous savez où me trouver pour me faire parvenir votre réponse. »

Sans mot dire de plus, il ramassa son Kunai et, une fois de plus, disparu totalement du paysage, se retrouvant chez lui. Il restait encore à payer pour les réparations du terrain d’entraînement… Et trouver un nouvel endroit pour fumer en paix.