[Event:Noël] Le jour où il aurait mieux valu rester couché(e)

Nombreux sont les individus qui, à leur réveil, se posent tout une batterie de questions au cours des microsecondes qui suivent l'instant où elles ouvrent les yeux. Qui suis-je ? Où suis-je ? Mes bras sont-ils tous là ? Mes jambes aussi ? Qui est cette femme à côté de moi dans mon lit ? Qui est en fait cet homme à côté de moi dans mon lit ? etc... Natsuki lui ne se les posait jamais. Il passait de l'état endormi à l'état éveillé instantanément, sans transition, car il savait qui il était avec une force de conviction dépassant la commune mesure, tout comme il savait très exactement ce qu'il faisait la veille avant de s'endormir – si ce n'est une seule fois, la fois du trop qui a justifié toutes les précautions prise à l'avenir.

Ainsi, lorsqu'il s'éveilla en cette nouvelle matinée comme il l'avait fait tant de fois auparavant, il remarqua immédiatement que quelque chose ne tournait pas rond. Les yeux soudainement ouverts, il se redressa dans son lit comme si son dos était équipé d'un ressort brutalement détendu, et constata que ce n'était pas dans son lit qu'il était. Ni dans sa chambre d'ailleurs. Ni dans... ni dans son corps, constata-t-il en sentant ses doigts se refermer sur une matière qu'il ne devrait pas avoir sur le torse. Ou plutôt, en l'occurence, qu'elle ne devrait pas avoir.

Il y avait différentes façons de réagir à ce genre de nouvelles singulières. La plus commune, probablement, serait la panique. Crise, hurlements, angoisse, tourner en rond en jurant avec plus ou moins de retenu etc... Natsuki encore une fois n'était pas le genre à brasser de l'air. Il était d'un pragmatisme à toute épreuve, et savait depuis longtemps que le monde ne tournait pas rond : il n'en était pas à sa première bizarrerie constatée, ni probablement la dernière.

Méthodiquement, il ferma les yeux, inspira un grand coup, puis se leva. Il avait une chambre à inspecter pour comprendre ce qu'il se passait. Et cela commençait par trouver un miroir afin de voir quelle tête il avait. Une fois que ce sera fait, qu'importe le résultat, il savait déjà où il devra se rendre : son chez lui, le vrai. Car à ne point en douter, une sacrée surprise devait l'attendre là-bas aussi : probablement quelqu'un aussi perdu que lui, mais avec peut-être beaucoup moins de sang froid.

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Une vingtaine de minutes plus tard, il avait pu faire trois déductions. La première était qu'il vivait dans un trois pièces tout seul, ce qui lui évitait un certain nombre de problème. La seconde était qu'il se trouvait dans le quartier du clan Gekei, anciennement appelé aussi le quartier Hyô avant que l'ancien chef du clan ne parte à l'aventure avec Seitô. La localité en disait d'ailleurs long sur cette espèce de voix qu'il avait l'impression d'entendre murmurer à ses oreilles, laquelle lui faisait penser à lui-même, mais avec davantage de chien dans les idées.

Troisième déductions et non des moindres, il avait pu trouver qui il était grâce à des papiers au nom de son hôte. Ainsi donc, la propriétaire légitime de ce corps se nommait Izumi. Cela ne l'avançait pas beaucoup vu qu'il ne la connaissait pas du tout, en dehors d'avoir vu son nom l'une ou l'autre fois dans des rapports au bureau, mais au moins il savait maintenant quel animal il avait en totem. Ce qui, encore une fois, ne lui servait pas à grand chose. D'une part, car il n'avait aucune idée de comment se transformer, et de l'autre car il n'avait aucune envie de le faire. Il ne manquerait plus qu'il se retrouve coincé sous sa forme animale, incapable de communiquer autrement qu'en jappant, grognant, et en reniflant le derrière d’autrui, et ce serait fantastique. Il avait déjà par le passé discuté avec l'un ou l'autre membre du clan métamorphe, et avait plus ou moins comprit que bien que gardant un résonnement humain, un Gekei transformé ressentait aussi de nombreuses pulsions animales. Chose qu'il voulait donc éviter.

Rapidement habillé – car contrairement à ce que l'on peut croire, ce n'est pas si difficile d'enfiler tout l'équipement propre à une jeune femme en fleur de l'âge – pour affronter le froid de l'hiver, il quitta la maison sans déjeuner, ayant bien plus de soucis en tête que celui d'avoir sauté un repas. Comme il connaissait son Village dans ses moindres recoins, il n'eut pas trop de mal à se repérer géographiquement, ainsi qu'à déterminer son chemin jusqu'à chez lui. Son vrai chez lui, qu'il se hâta de rejoindre. Mais tandis qu'il courait, une voix aussi pragmatique que lui lui susurrait qu'il irait probablement plus vite en adoptant une course animale.

Ce à quoi il répondit qu'il avait déjà bien assez à gérer avec ses deux nouvelles deux jambes : pas besoin d'en rajouter deux de plus...

[Event:Noël] Le jour où il aurait mieux valu rester couché(e) 1368874043-klarth-3-copie

C’était censé être un matin comme les autres aujourd’hui, mais dès que je me réveillai, je sentis que quelque chose n’allait pas. Tout d’abord, il faisait beaucoup trop chaud, ce qui n’était pas du tout normal, puisque généralement, je ne dormais qu’avec une couette, ainsi que vêtue d’une tenue légère, composée d’un short et débardeur noirs.

Or je sentais bien ce matin-là, que je portais au moins des manches longues et que j’étais enfouie sous une épaisse couette. Me relevant avec étonnement, je pus découvrir, à travers les rayons du soleil qui filtraient de la fenêtre, une chambre qui n’était pas du tout la mienne. Commençant à paniquer, je sortis du lit en un mouvement, et manquai de tomber. Ne comprenant pas ce qu’il se passait, je restai immobile une fois que j’eus repris mon équilibre. Uniquement pour me rendre compte que quelque chose clochait vraiment avec moi, puisqu’en plus d’être à une taille différente, j’éprouvai une certaine gêne à l’entre-jambe. Je finis par laisser tomber mes yeux sur mon corps, pour remarquer le ridicule accoutrement dont j’étais affublée. Un pyjama avec des créatures bizarres dessus. Qu’est-ce que… ?

Intriguée, j’observai d’un œil plus attentif mon environnement, finissant par remarquer deux portes, et je me dirigeai vers la plus proche, celle-ci donnant directement sur une salle de bains. Et bien sûr un miroir me fit face directement. Je me stoppai net en découvrant mon reflet, qui ne correspondait absolument pas à ma propre image, mais à celle d’un personnage important que je ne connaissais que de vue et de réputation. Ma première question fut : Le bras droit du Hokage porte des pyjamas aussi étranges ? Bientôt suivie de : Qu’est-ce que je fais dans le corps de Nara Natsuki ?! Tu m’étonnes que je me sentais bizarre ! Et cela expliquait aussi l’absence de ma louve dans mon esprit.

Je retournai dans la chambre, réfléchissant au meilleur moyen de résoudre cet épineux problème. Je ne changeai que le pyjama, gardant le caleçon. Hors de question que je touche cela ! Je regardai dans l’armoire de la chambre, pour en tirer un haut et un pantalon noir. Je pris aussi un gros manteau d’hiver, puisque je comptais me rendre chez moi pour voir si le Nara s’était retrouvé dans mon corps.

J’arrivai devant la porte, près de laquelle se trouvaient des chaussures d’hiver. J’enfilai celles-ci avant d’ouvrir la porte, et de me retrouver nez-à-nez avec…moi. Je restai interdite un moment, la sensation de me retrouver face à mon corps étant assez surréelle. Visiblement, Natsuki avait aussi été capable de trouver ma penderie, puisqu’il était venu habillé chaudement, alors que ma tenue pour dormir ne correspondait pas du tout à celle-ci. Reprenant mes esprits, je fis un pas de côté pour laisser entrer le propriétaire des lieux.

-Nara Natsuki, je présume ? Entres donc. Je dirais bien fais comme chez toi, mais bon, vu les circonstances…

Natsuki s'immobilisa en arrivant devant chez lui. Le vrai. Il y avait une sacrée trotte entre le quartier Nara et Gekei, si bien que malgré qu'il reconnaissait les aptitudes physiques respectables de son corps d'emprunt, la non-connaissance de ce dernier l'avait conduit à déployer des efforts inadaptés à la nécessité de sa course. Et alors qu'il reprenait autant son souffle que contenance, la porte de la mission fini par s'ouvrir, lui révélant dans le cadre un Nara tatoué chaudement vêtu et prêt pour affronter le froid. Et le Nara tatoué l'aperçut aussi – ou s'aperçut aussi, selon le point de vue.

Devant le spectacle singulier de voir son véritable corps face à lui, Natsuki au féminin resta aussi silencieux qu'immobile à observer la situation, comme s'il évaluait les multiples scénarios possible, et les moyens de l'aborder. L'un d'entre eux incluait le combat qu'il n'était pas sûr de pouvoir remporter. Son corps d'origine fut le premier à rompre le silence, et coup de chance, ce fut autrement qu'avec hostilité. Natsuki se connaissait assez pour savoir que son organisme était une bombe qui n'avait pas besoin d'attendre que l'on appuie sur les mauvais boutons pour détonner. Surtout en hiver. Ce n'est d'ailleurs qu'en pensant à cela qu'il réalisa qu'à travers le corps d'Izumi, il ne ressentait pas l'indisposition dans laquelle le plaçait habituellement la saison froide. Au moins une chose de positif au sein de cette journée où il aurait mieux fait de rester coucher...

« En temps normal, je me serai permit de vous rappeler que nous n'avons pas garder les cochons ensemble. Ou, dans la mesure où vous faites preuve d'une certaine politesse, je vous aurai plutôt fait savoir que je préfère que nous en restions au vouvoiement pour le moment. Mais bon, la situation n'a rien de normal, et j'imagine qu'il est naturel de se montrer familier avec son propre corps, même si ce dernier héberge quelqu'un d'autre que son propriétaire légitime à l'intérieur... »

Il s'avança vers son lui-même, mais alors qu'il s’apprêtait à franchir le palier, il s'immobilisa, les yeux écarquillés. Il avait peut-être changé de corps, mais certains de ses sens, eux, n'avaient pas changé. Bien au contraire, il avait l'impression de percevoir le monde tout à différemment, et dans la meilleure façon possible. Ses oreilles se montraient plus sensibles aux sons extérieurs, tout comme son nez percevait des odeurs qu'il ignorait exister. Et quelque chose approchait, il l'entendait. Quelque chose qu'il détestait.

Lentement, il se baissa, et ramassa l'une des briques entassées dans le panier à côté de sa porte après avoir dégagé d'un revers de la main la neige accumulée dessus. Il la soupesa au bout de son bras pour assurer sa prochaine manœuvre, et se recula pour retourner dans le jardin d'entrée. Et au loin, il l'aperçut. Un point noir se rapprochait d'eux, se déplaçant avec rapidité sur les toits des habitations du quartier dont il faisait tomber la couche de neige hivernale les recouvrants. Il continua de combler la distance, face à quoi Natsuki se mit en position. Dès que ce qu'il n'avait pas quitté des yeux s'élança du toit voisin d'un saut souple et gracieux, il arma son bras et lança avec force sa brique. Pas aussi fort que ce qu'il avait espéré, mais suffisamment pour percuter la silhouette humaine en plein torse, et la couper dans son élan. Elle s'écrasa alors sur le sol à quelques mètres de Natsuki, dans une sorte de bulle d'eau qui éclata à l'impact. Le Nara dépossédé regarda alors ses doigts, conscient que ce n'était pas la technique qu'il avait souhaité utiliser, puis haussa les épaules : c'était sans importance. D'un pas lourd, il s'approcha du messager à la recherche de son souffle, qu'il toisa de toute sa hauteur.

« Vous êtes un nouveau vous, n'est-ce pas ? » demanda-t-il d'une voix dénuée de la moindre compassion pour son état. « Vu que vos collègues du courrier n'ont pas jugé nécessaire de vous mettre au courant, je vais m'en occuper personnellement : je ne tolère pas que l'on prenne mon toit pour une autoroute. Pour les piétons, il y a des rues. Alors ne vous aventurez pas à retenter de mettre le pied sur ma toiture. Les autres tolèrent peut-être que vous ruiniez leurs tuiles avec vos grosses bottes, mais pas moi. Ai-je été clair ? »

Dans le corps d'Izumi, Natsuki avait beau être plus petit, plus jeune, et moins impressionnant physiquement, il n'en restait pas moins intimidant : sa voix fendait la glace, et ses yeux assassins défiaient n'importe qui de lui répondre autrement que ce qu'il avait envie d'entendre.

Il n'aida pas le messager à se relever, lequel préféra d'ailleurs attendre que la jeune fille qui venait de l'agresser s'en aille avant d'oser bouger le moindre orteil. Natsuki entra ensuite chez lui sans un mot, comme si le spectacle qui venait de se dérouler sous les yeux de l'autre Natsuki était si commun ou naturel qu'il n'y avait rien à commenter dessus. Il ôta ses chaussures qu'il rangea sur le côté, et enfila la paire de chaussons qu'il utilisait habituellement lorsqu'il recevait du monde. Trop grandes, bien évidemment.

« Au regard que vous m'avez lancé devant l'entrée, je peux en déduire que nous avons '' échangé '' de corps, et que c'est actuellement le votre que j'occupe, n'est-ce pas ? »

C'était le moins pire des scénarios pour le moment : il n'avait pas à faire face à un mélange hasardeux. Restait à voir s'il y en avait d'autres comme eux, ou s'ils étaient les seuls concernés. Le Village n'avait pas encore sombré dans un mouvement de panique, ce qui laissait supposer plutôt la seconde hypothèse.

« Vous m'avez l'air étonnement calme pour quelqu'un qui se réveille dans le corps de quelqu'un d'autre. » dit-il à l'attention d'Izumi en arrivant dans la cuisine comme si c'était chez lui – ce qui était le cas. « Dois-je mettre cela sur le compte d'un sang-froid exceptionnel, ou plutôt miser sur le fait que la crise d'angoisse a eu lieu avant que j'arrive ? »

Installé à la table de sa cuisine, il passa son visage dans ses mains, une sensation d'autant plus perturbante que ce n'était pas les traits de sa tête qu'il sentait sous ses doigts. Il soupira en dévisageant son corps d'origine ensuite, ne sachant pas encore par où aborder le problème. Et cela le dérangeait : il n'avait pas l'impression de réfléchir aussi vite qu'à l'accoutumé, et s'ajoutait à cela des pensées parasites. Comme le fait qu'il avait faim, et qu'une envie sous-jacente – mais sur laquelle il avait parfaitement le contrôle – l'incitait à partir à la chasse pour chercher sa pitance.

« Vous avez déjà déjeuné ? » questionna-t-il finalement, histoire de régler tous les problèmes parasites et pouvoir se concentrer pleinement sur celui qui les concernait tous les deux.

Après tout, pourquoi ne pas chercher une solution autour d'une tasse de quelque chose plutôt que de s'agiter en tout sens ? Pour sa part, il avait choisit, et était déjà en train de sortir du placard ses céréales et du lait de son réfrigérateur.

« Commençons par le début déjà. Comment vous sentez-vous là-dedans, Izumi ? »

Nous nous analysions du regard pendant quelques secondes, jusqu’à ce que je brise le silence. Et mes manières ne semblaient pas être au goût du Nara, ce dont je me fichai complètement. Je n’allais pas changer mes manières pour un homme que je ne connaissais pas et qui possédait mon corps, même si il se trouvait être le Bras droit de la Hokage. Je n’étais tout simplement pas du genre à m’encombrer de politesses, qui pour moi ne servaient à rien. Et être en présence d’un homme de cette importance n’allait rien y changer.

C’est pour cette raison que je restai silencieuse et haussai un sourcil quand il s’interrompit. Je l’observai ramasser lentement un pavé au sol, frissonnant à cause du froid. Cette sensibilité à l’atmosphère glaciale de l’hiver était quelque chose de nouveau pour moi, et je pouvais sentir que ce corps ne le supportait pas du tout. Mon deuxième sourcil vint rejoindre l’autre alors que le possesseur de mon corps lançait une pierre sur un messager sautant de toit en toit. Il toucha sa cible qui s’effondra, et s’avança vers le pauvre coursier. J’écoutais les propos adressés à la victime de cet acte de violence gratuite et cachait une sourire amusé. J’avais donc en face de moi une sorte de perfectionniste. Pas étonnant qu’il n’appréciait pas trop que je le tutoie.

Après cet événement, le Nara se contenta de rentrer chez lui, comme si rien ne s’était passé durant les dernières minutes. Je le suivit à l’intérieur, répondant à sa question tout en changeant mes chaussures pour des chaussons.

- En effet.

Je le suivis dans la cuisine, n’ayant rien d’autre à faire, surtout que nous devions discuter de cette situation surréelle. Mieux valait deux têtes qu’une, et c’était encore mieux avec celle d’un Nara. Ce clan était réputé pour leur grand intellect, donc peut-être que nous pourrions trouver une explication un peu plus facilement. Je m’installai en face de lui, posant le coude sur la table et appuyant ma tête sur la paume de ma main.

- Pour tout te dire, j’ai un peu paniqué au début. Mais je me suis dit que le possesseur de ce corps devait se trouver dans le mien. Et je pourrai te retourner la question. Tu es beaucoup trop calme aussi.

Je le regardai se frotter le visage, comme s’il tentait de se concentrer sur ce qu’il voulait dire. C’était plus que perturbant de voir son propre corps agir en dehors de sa propre volonté. Je fronçais les sourcils, alors qu’un nouveau frisson me parcourait. Punaise, ce mec était vraiment frileux ou quoi ? Je relevai mon regard sur ce même corps, alors qu’il me posait une question.

- Non, je n’ai pas encore eu le temps de le faire.

Je m’apprêtais à me redresser pour l’aider, m’interrompant juste avant, ne sachant pas trop comme l’aider, justement. Au final, je me levai tout de même, et vins m’appuyer contre une porte de placard, non loin de lui.

- Tu as besoin d’aide ?

J’eus à peine posé la question qu’il sortait quelque chose de son frigo et me posait une nouvelle question. Soupirant, j’y répondis du mieux que je pus.

- C’est très étrange comme sensation. Passer d’un corps féminin à un corps masculin… Sans compter que ton corps semble avoir une bien moindre résistance au froid que le mien. J’ai l’impression d’être malade. Et toi ? Ma louve ne t’embête pas trop ?

En effet, je savais qu’avoir une seconde voix dans sa tête pouvait en déconcentrer, voire surprendre plus d’un. Mais Natsuki avait l’air de bien s’en sortir, ce qui me surprenait.

Natsuki se fendit d'un sourire en plantant sa cuillère dans son bol de céréales, laquelle reste droite telle une célèbre épée dans la roche, tandis qu'il reportait son attention sur son corps et le propriétaire impromptu qui se trouvait dedans.

« Peut-on réellement être '' trop '' calme ? » questionna-t-il d'un ton qui n'attendait pas de réponse. « Mon père m'a un jour expliqué que devant un problème ayant une solution, il ne servait à rien de paniquer. Et que face à un problème n'ayant pas de solution, il ne servait à rien de paniquer non plus. Donc l'un dans l'autre... »

Il haussa ses épaules féminines, puis commença à manger.

« Après, je vous avouerai que j'éprouve tout de même une certaine contrariété de m'être fait déposséder de mon corps. C'est que j'y tiens quand même, pour ses défauts autant que pour ses qualités. Mais comme l'exprimer n'arrangera guère la situation... »

Un sourire résigné et un haussement de sourcils complétèrent sa phrase d'elle-même, autant qu'ils cachaient la véritablement anxiété sous-jacente.

« Et entre nous, je me suis déjà réveillé dans des situations sommes toutes aussi embarrassantes que celle-ci : être ninja nous fait mener une vie rocambolesque, vous n'avez pas encore idée. »

Cela dit, il était très loin du niveau de Milly : si sur une échelle temporelle, l'on devait évaluer à une fois par an la fréquence des aventures fantastiques pour le Nara tatoué, la Kaguya, elle, carburait à une fois par heure.

« Vous êtes sûr que vous ne voulez rien ? Je ne vais pas vous dire que cela me gène de manger tout seul devant vous, parce que ce n'est pas le cas, mais n'hésitez pas – aujourd'hui en tout cas. Les verres et les bols sont là, et le placard du petit déjeuner est celui-ci. »

Mais pas de trace de tartine ou de confiture : Natsuki ne consommait le matin que les céréales qu'il faisait importer de Suna. Et Suna évoquant la chaleur, il en profita pour rebondir sur la remarque d'Izumi à propos de son corps frileux. Ou plus exactement, il la regarda deux instants par-dessus les lunettes qu'il ne portait pas, en réfléchissant à ce qu'il devait lui dire ou non.

« Ce n'est pas le froid que vous ressentez actuellement, mais l'hiver. » annonça-t-il finalement en reprenant son petit déjeuner. « En tant que Gekei, j'imagine qu'au travers de votre animal totem vous vous montrez plus sensible au rythme des saisons qu'un simple civil. Eh bien dans un sens, je ne suis pas très différent selon ce schéma. Ce que vous ressentez actuellement, c'est l'absence de vie dans la nature, la saison froide au cours de laquelle meurent les plantes et s'endorment les mammifères. Une expérience que vous semblez mieux vivre que moi d'ailleurs, ce qui n'est pas plus mal. »

Natsuki supportait très mal l'hiver qui lui drainait force et moral, si bien qu'un rien suffisait à l'irriter au plus au point : il passait la saison froide avec une humeur massacrante. C'était entre autre la raison pour laquelle il ne fréquentait pas son équipe durant cette période. Izumi heureusement ne semblait qu'être légèrement indisposée par le froid, ce qui était une bonne chose, lorsque l'on connaissait la véritable origine de ce mal. Le cas échéant, ils ne seraient pas ici à discuter tous les deux.

« Votre louve ? » répéta-t-il sans vraiment comprendre. « Il n'y avait pas de loup dans votre appartement quand je me suis réveillé, ni dans les alentours quand je suis sorti. »

A moins qu'elle parlait de l'instinct de son totem, comme le lui avait vaguement expliqué Notsuu une fois, et qu'il avait l'impression de ressentir par moment ?

« N'importe comment, je partage votre avis : c'est particulièrement étrange comme sensations. Autant lors d'une métamorphose je ne me sens pas complètement déboussolé, vu que ce n'est qu'une illusion et le corps de base restant le même, autant là... »

Il se passa la main sur le bras opposé. Il ne retrouvait aucune de ses sensations habituelles. Le monde avait beau être le même, il le percevait de façon assez différente, que ce soit dans sa taille, sa façon de bouger, ou de se coordonner. Il s'ajustait très rapidement, et probablement qu'en moins d'une journée, il s'y sera pleinement fait, mais il n'avait pas dans l'optique de devoir pleinement s'y faire : il devait trouver une solution pour récupérer son être, et rendre à Izumi son corps. Non pas que c'était dérangeant de vivre en tant que femme sans avoir recours aux miracles de la chirurgie moderne, mais cela n'était pas inclus dans ses projets de vie. Comme il l'avait dit plus tôt, il tenait à son corps.

Un discours qu'il n'aurait pas tenu ne serait-ce que trois ans plus tôt. En ce temps là, il aurait échangé son corps et la malédiction qu'il trainait avec contre n'importe quoi, pourvu qu'il en soit débarrassé. Ç’aurait en effet été difficile de trouver pire. Il était important de préciser qu'il avait essayé d'ailleurs, mais c'était hors du domaine de compétence du médecin Yamanaka qui l'avait suivit à l'époque.

« Un Yamanaka... » murmura-t-il en contemplant son bol à demi-vidé, avant de relever les yeux vers Izumi. « Je crois que je connais quelqu'un qui pourra peut-être nous aider. » annonça-t-il avec un sourire d'espoir. »

Le concerné se payera très probablement sa tête d'abord, mais qu'importe, ce n'était pas comme s'il avait l'habitude, et s'il ne le lui rendait pas à sa manière. Fort de cette idée, il porta sa main à sa nuque, avant de réaliser la futilité de son effort : il n'avait pas le sceau de communication sur ce corps, et il n'avait guère envie d'expliquer à Izumi comment s'en servir. Il poursuivit donc son mouvement, comme pour se frotter la nuque en réfléchissant, puis se leva.

« Je vais le contacter de suite. » expliqua Natsuki en rédigeant une petite note sur une page de carnet.

Ce faisant, il ouvrit la fenêtre de la cuisine, et se tourna vers la Gekei prisonnière.

« Pouvez-vous siffler ce que je vais vous montrer le plus fort possible ? » lui demanda-t-il

Il lui siffla trois séries de deux sons, et l'aida à ajuster la fréquence.

« C'est qu'il ne répond qu'à mon timbre de voix. »

Il ne se passa pas plus de trois minutes d'un silence tout relatif, mise à profit par Natsuki qui enroula son bras droit dans un épais torchon e cuisine. Au terme de cette durée, une forme emplumée fila à travers la fenêtre ouverte à grand vitesse, et se réceptionna de ses serres acérés sur le bras de son propriétaire, non sans avoir fait un tour complet autour en labourant le malheureux tissu.

« Izumi, je vous présente Montesquieu, mon pygargue à tête blanche. Il me sert de messager. »[/b] expliqua-t-il en lui caressant la tête d'un geste affectueux.

L'animal lui lança un regard dénué d'intelligence propre à son espèce, puis se lissa les plumes avec son bec, complètement désintéressé.

« Montesquieu, va au Quartier Yamanaka. » lui demanda Natsuki en lui fourrant le papier replié dans le bec. « Quartier Yamanaka. » répéta-t-il.

S'il lui arrivait de lui parler parfois, Natsuki savait qu'au final, le pygargue ne retenait pas grand chose : il ne reconnaissait que les destinations. Ce qui ne sembla pas être le cas cette fois-ci.

« Izumi, s'il vous plait ? » demanda-t-il après avoir roulé des yeux.

Sur l'ordre du seul qu'il écoutait, Montesquieu prit son envol gracieux vers le ciel davantage jeté que réellement décollé. Natsuki referma aussitôt la fenêtre pour empêcher le froid de s'insinuer plus longtemps dans son appartement, et reporta son attention sur Izumi.

« Bien, il n'y a plus qu'à attendre maintenant. »

S'installa alors un silence, le genre dérangeant.

« Donc, vous me parliez d'une louve que vous aviez, tout à l'heure ? Comment s'appelle-t-elle ? » demanda-t-il, histoire de meubler le vide.

Un vide qui cessera d'avoir besoin d'être meublé sitôt qu'Izumi commencera à entendre une voix dans sa tête. Une voix masculine qui lui dira quelque chose comme :

« Han Natsuki, t'abuse là ! T'as vu l'heure qu'il est ? Tu me réveilles il est même pas encore midi. Faut vraiment que t'apprennes à te passer de moi. Pfff. Bon maintenant que je suis réveillé, vas'y explique. Faut que je m'occupe de qui cette fois-ci ? »

J’écoutai la réponse du Nara, un peu amusée par son raisonnement, enfin celui de son père. C’était une façon de voir la vie, en effet. Mais il devait bien avoir des situations où l’on perdait tout calme. Je n’avais vécu cette perte de contrôle qu’une fois, et celle-ci avait été assez conséquente. Attaquer le père de ma meilleure amie, découvrant par la même occasion mon animal totem avait été assez violent. C’était aussi suite à cet incident que j’avais appris à maîtriser mes émotions, à tenter de garder mon calme en toutes circonstances.

- Je pense que tout le monde préfère son corps à celui d’un autre. Me contentai-je de répondre avec un haussement d’épaules.

Suite à sa proposition je ne perdis pas de temps à me diriger vers le dit placard, mon ventre, enfin celui du Nara, s’étant manifesté par de petites crampes pour signaler son besoin de nourriture. Je me servis copieusement un bol de céréales, avant de revenir m’installer face à Natsuki.

- Merci pour la proposition. Il est vrai que je commençai à avoir un peu faim.

J’écoutai l’explication du Nara avec attention. Il était vrai que je ressentais un peu plus le changement des saisons que, par exemple, Shizu, mais cela ne m’atteignait pas à ce point dans mon corps. Peut-être avait-il une prédisposition pour cela avec le sien, même si cela devait s’avérer extrêmement ennuyant pour lui d’être autant affecté. Je me demandai de quoi il pouvait bien avoir l’air dans ces moments-là.

J’esquissai un petit sourire amusé quand il me demanda de quelle louve je parlais. Il croyait que je parlais d’une louve physique, alors qu’en réalité, j’évoquai celle avec qui je partageai mon corps et mes pensées. Ainsi, Azuna ne lui avait pas encore directement adressé la parole ? Sans doute ne voulait-elle pas se dévoiler à un étranger. D’ailleurs, sa constante présence commençait à me manquer. Je n’étais pas habituée à ne pas l’avoir dans ma tête.

Je haussai ensuite un sourcil, intriguée.

- Métamorphose ? Tu subis des métamorphoses avec ton corps ? Ne me dis pas qu’elles arrivent soudainement, je ne suis pas sûre que je pourrai les contrôler si c’était le cas.

J’eus un sursaut d’espoir quand il me dit qu’il avait peut-être quelqu’un qui pourrait nous aider. Ce n’était pas pour être méchante, mais je serai beaucoup plus à l’aise si je pouvais regagner mon corps. Je le vis porter une main à sa nuque, hésiter, puis se frotter l’endroit désigné. Cela piqua ma curiosité, mais vu qu’il ne dit rien, à part me demander de siffler un timbre particulier, je ne poussai pas, et me contentai de faire ce qu’il me disait. Nous dûmes attendre quelques minutes avant que quoi que ce soit ne se passe. Un oiseau finit par arriver par la fenêtre, attirant notre attention et comblant le silence qui s’était installé. Quand il m’expliqua ce qu’il comptait faire, j’eus un soupçon de crainte. J’espérai vraiment que ce soit un Yamanaka honnête, pas comme un de leurs membres que je connaissais. Suite à sa demande, je m’adressai à l’oiseau.

- Va au Quartier Yamanaka Montesquieu. J’ajoutai, comme une seconde pensée. S’il te plaît.

Aussitôt, l’oiseau s’envola, et le silence s’abattit de nouveau. Visiblement, contrairement à moi, ce blanc gênait le Nara, puisqu’au bout d’un moment, il finit par reprendre la parole, me posant une question à propos de ma louve.

- Je parlais en réalité de mon animal totem. Nous partageons nos pensées, et évidemment, mon corps. Elle m’a dit s’appeler Azuna, et comme je la respecte, j’ai gardé ce nom. Il est normal que tu n’entendes pas sa voix. Elle n’aime pas trop les étrangers.

J’étais pratiquement sûre que ce commentaires aurait tiré un reniflement de dédain d’Azuna. Elle aurait peut-être même ajouté un commentaire tel que «Déjà que je dois te supporter, ce n’est pas pour supporter ce mâle. ». Peut-être avait-elle sorti cette remarque à Natsuki. Mais je n’avais aucun moyen de le savoir, sauf si l’homme en question me le faisait savoir.

Une soudaine voix dans ma tête coupa court à mes pensées, et je sursautai un peu, surprise par cette intrusion. Tournant un regard inquisiteur sur le Nara, je pris la parole.

- A moins que tu possèdes aussi une voix dans ta tête, je crois que ton Yamanaka vient juste de nous envoyer une réponse. Il te demande de qui il doit s’occuper. Comment fonctionne ton système ? Je lui répond par la pensée ?

« Allez dire cela aux jeunes adolescentes mal dans leur peau qui fantasment sur la maigreur maladive des mannequins. » glissa-t-il avec un sourire amusé. « Même si nous savons tous que c'est retouché par métamorphose. Vous savez, la métamorphose, ou le Henge, comme l'on l'appelle dans la langue de Shigeru Miyamoto. »

Il lâcha sa cuillère pour joindre ses mains entre elles et composer le signe de la chèvre. S'en suivit alors une légère détonation qui souleva un nuage de fumée blanche dans un * pouf * caractéristique. En émergea alors un Natsuki aussi vrai que l'original.

« Et cela n'arrange toujours rien à la situation... » marmonna-t-il pour lui même en regardant ses mains et en touchant son visage.

Il avait beau avoir changé d'apparence, comme il l'avait dit plus tôt, cela ne restait qu'une illusion : le corps en dessous, et les sensations qu'il éprouvait avec restait les mêmes. Et ce n'était pas les siennes. La métamorphose se dissipa de la même manière qu'elle fut crée, à la différence que Natsuki parut surprit.

« Euh... Ce n'est pas moi qui l'ai annulé là... »

Voilà qui n'allait rien arranger du tout à cette première journée problématique. Soupirant, il laissa le fil des événements suivre son cours, jusqu'à ce qu'Izumi lui révèle ce qu'était vraiment la louve précédemment évoquée. Il médita un moment sur ces paroles.

« Les Gekei sont vraiment fascinants. » exprima-t-il finalement. « Non pas que je vous considère comme des sujets d'étude, bien entendu, mais je suis de nature à m'intéresser à tout, et surtout à comment fonctionnent les choses. Par le passé, j'ai déjà eu l'occasion de m'entretenir avec des membres de votre clan, et notamment votre ancien chef Pô, pour en apprendre plus sur votre histoire, et l'osmose entre vous et votre moitié animal. Mais comme vous vous en doutez, ils sont tous restés vague, ce que je peux comprendre : il s'agit là d'un secret qui garantis votre sécurité après tout. Néanmoins, j'ai pu apprendre au moins une chose de sûre, c'est qu'il n'y a pas deux Gekei qui vivent de la même manière avec leur totem. Pour certains, il s'agit d'un instinct animal, pour d'autres une simple capacité. Et pour vous, je peux découvrir aux premières loges que c'est une entité complètement à part. Très intéressant. » sourit-il en se grattant le menton. « J'aurai aimé l'apprendre autrement, mais bon. »

Il s’apprêtait à poursuivre, mais un sursaut de la part d'Izumi l'incita à se taire. Visiblement, elle découvrait une nouvelle voix qui résonnait directement dans sa tête sans passer par les oreilles. Ce qui le fit sourire.

« Non en effet, je suis tout seul dans la mienne. Mais un peu plus de considération pour le jeune homme à l'autre bout du fil, je vous prie. Il est un peu pénible par moment, mais ce n'est pas un objet. »
« Hého ! T'es là ? C'est pas le moment de dormir ! Répond ! » insista la voix devant l'absence de réponse immédiate.
« Il a ouvert une liaison mentale, vous pouvez donc simplement lui répondre mentalement en vous concentrant sur sa voix. »
« Allez, répond bon sang ! Tu sais très bien que j'entends pas très bien quand tu parles à voix haute. T'es devenu stupide au point de ne plus arriver à penser sans bouger les lèvres ? »
« Dites-lui simplement de venir le plus vite possible chez moi. C'est important. Suffisamment pour que je le dérange. »

Le Yamanaka était un peu agaçant par nature, mais il était ainsi, et Natsuki savait qu'il pouvait compter sur lui en toutes circonstances : il avait été là pour lui chaque fois qu'il en a eu besoin.

« Il ne reste plus qu'à l'attendre maintenant. Vous verrez, il est sympathique. » annonça-t-il, inconscient de ce que le concerné avait bien pu raconter dans la tête d'Izumi.

En fait, à la réflexion, si, il avait une vague idée.

« En attendant qu'il arrive, cela vous dérangerait de m'en dire un peu plus sur la relation entre vous et Azuna ? Par exemple, quand vous vous transformez en loup, c'est Azuna qui... prend les commandes ? Si je peux l'exprimer en ces termes. Ou est-ce qu'elle peut forcer une transformation ? »

La seconde question soulevait quelques problèmes, le même genre que Natsuki pouvait éprouver par le passé. Car le corps était au final similaire à une guitare : dans les mains du propriétaire, elle produisait des accords équilibrés, mais ce n'était pas pour autant qu'entre les doigts d'un autre, le maintien de la mélodie sera le même... Heureusement qu'en hiver, même si c'était là qu'il était le plus grincheux, c'était aussi la période pendant laquelle il était le moins susceptible d'exploser par surprise...

« Moins par curiosité, c'est surtout par sécurité que je vous pose la question là. Car j'imagine sans mal que vous comme moi ne désirons pas causer des soucis à l'autre à cause d'un bête accident. »

Et ce que Natsuki se gardait de dire à propos de lui-même, c'était bien parce qu'il en mesurait les risques : il les jugeait comme suffisamment négligeables pour s'abstenir de raconter de longs mensonges sur ce dont il n'avait absolument pas envie de parler avec une étrangère.

« Je ne vous force pas à me répondre sur ce que vous n'avez pas envie, ni sur ce qui relève des secrets de clan, cela va de soi, je sais ce que c'est. Simplement, j'aimerai au moins avoir une conduite à tenir si mon côté... animal devait s'emballer pour une raison ou pour une autre. »

L'on ne savait jamais, les accidents les plus bêtes étaient souvent les plus soudains.

Je l’observai tenter de me prouver ses dires en effectuant une métamorphose, sans rien ajouter. Je cachai un sourire devant sa surprise lorsque la technique s’annula presque seule. Je connaissais bien entendu la raison de ce brusque fait, même si cela ne m’était jamais arrivé personnellement. Sans doute ma louve montrait-elle son désaccord avec la situation.

- Hum. Tu as bien cerné la situation. Quand j’ai parlé avec Senwashi d’Azuna, il m’a dit que ça ne fonctionnait pas comme cela pour lui. Je pense que c’est un sujet à réflexion. Malheureusement, je ne suis pas ce type de personne. J’accepte les faits comme ils sont, sans vouloir forcément creuser plus loin.

J’écoutai ensuite les instructions du Nara, fermant les yeux pour mieux pouvoir me focaliser sur la voix du Yamanaka qui commençait à se faire de plus en plus insistante. Enfin, quand je pensais être suffisamment concentrée sur sa voix, je lui répondit d’une brève phrase, comme me l’avait demandé Natsuki.

« Juste viens au plus vite chez moi. On a une urgence. »

« Ok d’acc. Ça a l’air en effet urgent. J’arrive ! »

Sur ce, la connexion sembla se rompre et je rouvris mes yeux sur le Nara.

- C’est fait.

Il ne nous restait en effet plus qu’à attendre l’arrivée du mystérieux Yamanaka, qui, à mon grand soulagement, n’était pas Shigo. Je n’osais penser à ce qu’il ferait pour tirer profit de cette situation. Bien évidemment, le silence fut une nouvelle fois rompu par Natsuki. Vraiment, je commençai à croire que ce ninja de si haute estime de supportai pas le moindre brin de silence. Je me contentai de répondre, posant mon menton dans ma main.

- Eh bien, c’est un peu compliqué à expliquer avec des mots. On va dire qu’en fait, on partage vraiment notre corps. La plupart du temps je suis totalement en contrôle. Donc non, Azuna ne peut pas forcer de transformation. Sauf si j’étais vraiment en grand danger de mort, et qu’elle aurait besoin de m’éloigner du danger. Et lors de la transformation, il n’y a pas de partie dominante, on est en sync.

Je haussai les épaules de façon désinvolte. C’était vraiment difficile à traduire en mots. J’avais tenté de l’expliquer, mais pas sûr qu’il ait compris ce que je tentais de dire. Je lui jetai ensuite un regard amusé.

- Donc tu n’as pas à craindre une transformation spontanée. Surtout qu’elle ne le fera pas alors qu’elle a compris que j’étais juste à côté et pas en danger.

Un coup porté à la porte me fit sursauter, et je compris que la discussion allait s’arrêter là. Notre invité et seul espoir venait d’arriver.

L'une des qualités qu'appréciait Natsuki chez Iji était son sérieux. Pas son sérieux au quotidien, cela il n'en avait pas une once, mais il savait que c'était avant tout un blindage. Non, il parlait de son sérieux lors des situations qui le nécessitaient, car s'il faisait démonstration d'une légèreté en toutes circonstances, il était là quand l'on avait besoin de lui. Une qualité qui s'illustra donc lorsque le Nara tatoué reconnu la manière de frapper du Yamanaka sur la porte : il n'avait pas trainé.

« Je m'en occupe. » annonça Natsuki en déposant son bol dans l'évier.

Il laissa Izumi dans sa cuisine, et gagna la porte d'entrée qu'il ouvrit.

« Bonjour. Vous devez être Iji Yamanaka. » salua-t-il en se courbant avec respect.

Iji, qui avait déjà ouvert la bouche pour lancer une habituelle entrée en scène comme lui seul en avait le secret, la referma en découvrant la jeune femme plutôt que Natsuki qui l'invita à entrer.

« Euh... bonjour. Natsuki ne m'avait pas dit qu'il avait de la visite. »
« Il est un peu occupé là. Il vous attend dans la cuisine. Il m'a beaucoup parlé de vous, vous savez ? »

Un signal d'alerte s'alluma dans l'esprit d'Iji, dommage qu'il était à ce moment là en équilibre sur un pied pour ôter son autre chaussure, soit trop tard pour réagir lorsqu'une main aggripeuse se posa sur ses fesses.

« Vous êtes plus mignon que ce que j'imaginais. » susurra le corps de la Gekei.

Un petit cri plaintif et surpris s'échappa d'Iji, qui fit un bond sur le côté, un regard outré braqué sur son agresseur alors que son visage avait viré au cramoisi.

« Allez, ne fais pas ta vierge effarouchée Iji, tu as déjà vécu pire que cela là où je t'ai amené à Suna. » sourit Natsuki.

Ou plutôt, là où il l'aurait amené si le concerné avait poursuivit le RP...

Iji se figea un instant, avant de plisser les yeux. Un sourire comme celui qu'il voyait sur les lèvres de la Gekei, il n'en connaissait qu'un seul.

« Ha ha ha... » se rembrunit-il. « Tu as rien de mieux à faire ça ? M'appeler en urgence pour me faire la vieille blague pas drôle de la métamorphe ? »

Une métamorphose impressionnante d'ailleurs : Natsuki ne dégageait plus du tout la même aura.

« C'est bien là le problème, Iji. » avoua Natsuki en retrouvant son sérieux. « Ce n'est pas une métamorphose. Et c'est mon corps que tu vois là-bas. »

Il indiqua la table de sa cuisine, où il supposait qu'Izumi se trouvait toujours.

« Oh. » lâcha le blond en découvrant la scène. « Genre pour de vrai, t'es entré dans son corps et tout ? Tu n'as pas honte de violer ainsi l'intimité d'une jeune femme ? Je suis vraiment désolé pour ce qu'il vous arrive, mademoiselle. » poursuivit-il en se tournant vers Izumi avec un ton dramatique. « De tous les individus du monde, il a fallu que ce soit lui qui vous laisse son corps dépravé. Je compatis à votre souffrance. J'ai essayé d'entrer une fois dans sa tête, et grand Kyubi, plus jamais je ne veux retenter l'expérience là-dedans. »
« C'est bon, tu as fini ta tirade ? » soupira Natsuki en croisant les bras. « Izumi, je vous présente Iji Yamanaka, notre seule lueur d'espoir pour le moment, jusqu'à ce que je trouve une autre solution. »
« Vas'y, c'est comme ça que tu me remercies de m'être déplacé spécialement pour toi ? »
« Jusqu'à ce que tu te montres utile, oui. » lui répondit Natsuki en roulant des yeux.
« Bon... commence déjà par me dire comment c'est arrivée. Parce que changer de corps comme ça, là, c'est pas très commun. »

Natsuki lui fit ainsi un résumé de la situation, comment il s'était endormi la veille chez lui, et réveillé le lendemain dans le corps d'Izumi. Iji écouta ensuite la version de la Gekei prisonnière du corps du Nara tatoué.

« D'a-ccord. Et donc, vous vous êtes dit que cette histoire d'esprit qui change de corps, un Yamanaka devait forcément s'y connaître. Alors, je risque de faire tomber un mythe sur la superpuissance de mon clan, mais expulser quelqu'un de son corps comme ça, on sait pas faire. C'est déjà galère de lier l'esprit d'un être humain à un petit objet inanimé – y'en a pas beaucoup qui y arrivent – mais carrément exercer une influence sur un esprit pour l'extraire et le fourrer dans un autre corps, je vous raconte pas. Et on a déjà essayé très fort, croyez-moi. Y'en a encore qui essaient d'ailleurs... »

Il réalisa en disant cela que c'était possible que du coup, un Yamanaka ai finalement réussit. Ce qui soulevait d'autres questions : comment cela fonctionnait ? Pourquoi Natsuki et Izumi étaient-ils des victimes dans l’affaire ? Y'en avait-il d'autres dans le même cas ? A son visage, l'on pouvait lire que Natsuki avait fait le même cheminement qu'Iji.

« Bon bon bon... J'ai pas trop envie de vous triturer l'esprit là tout de suite sans en savoir plus. Déjà que de base, Natsuki est un gouffre sans fond trop remplit à mon goût, et que les Gekei, c'est trop bizarre chez vous – sans offense hein ? Je vais voir si j'arrive à en apprendre plus du côté de chez moi. Le mieux, c'est que vous bougiez pas trop d'ici, des fois que j'ai besoin de vous contacter rapidement. Surtout Natsuki en fait. Vu que c'est avec Natsuki que je peux communiquer. Enfin... Natsuki, son corps je veux dire. Enfin, vous avez comprit quoi. Bref, à tout'. Pas besoin de me raccompagner, je connais la sortie. »

Iji se mit sur le départ, mais s'arrêta au niveau de la porte de la cuisine avant de se retourner vers Natsuki – celui dans le corps d'Izumi.

« J'ai pas encore mangé avec tout ça en fait moi. »

Il fit donc marche arrière, fouilla dans les placards qu'il connaissait comme si c'était chez lui, et embarqua un paquet de gaufres en ignorant totalement l’œil torve de Natsuki à son attention.

Le silence retomba après le départ d'Iji. Natsuki passa ses mains sur son visage, en proie à une profonde réflexion – ou une intense lassitude – avant de se contenter de remarquer c'était un geste toujours aussi désagréable à faire quand ce n'était ses traits qu'il sentait sous ses doigts.

« Bon, nous voilà pas beaucoup plus avancés... » soupira-t-il en s’attelant rapidement sur la vaisselle avant qu'elle ne traine. « Mieux vaut que nous ne nous séparions pas trop pour le moment du coup. Vous aviez aujourd'hui des choses à faire qui ne peuvent pas être repoussées à plus tard ? »

Ils avaient beau avoir mystérieusement échangé de corps, leurs agendas eux n'avaient pas changé...

Peu de temps après que le Nara fut parti ouvrir la porte, un petit cri de vierge effarouchée me parvint, et je haussai un sourcil, intriguée. Ce Yamanaka semblait être un peu excentrique, juste avec ce petit cri de femelle.

J’entendis les voix des deux autres personnes se rapprocher, et je pus enfin mettre un visage sur la voix que j’avais entendu plus tôt. Il s’agissait d’un jeune blond, évidemment, qui était peut-être un peu trop enjoué. Un sourire amusé s’afficha sur mes lèvres à ses propos.

- J’ai vécu pire comme cohabitation.

Et maintenant j’avais un nom pour l’étrange Yamanaka, alors que celui-ci se lançait sur son analyse du problème. Je l’écoutais, ne laissant aucune émotion transparaître sur mon visage, alors qu’intérieurement, une certaine hypothèse se formait, et une qui n’était pas forcément bonne. Si certains Yamanakas s’étaient essayés à forcer des esprits dans d’autres choses que leurs corps, qu’est-ce qui nous faisait dire que ce n’était pas l’action d’un de leur membres qui était à l’origine de ce problème ? Quand je posai mon regard sur les deux autres, je compris vite à leurs mines sombres qu’ils avaient sans doute une théorie semblable.

Cependant, avant qu’aucun nous n’exprime ces doutes à voix haute, Iji détourna la conversation. Je lui offris un faible sourire, alors qu’il nous expliquait qu’il ne pouvait pas vraiment jouer avec nos esprits. Et c’était sans doute pour le meilleur.

- Ne t’inquiètes pas. Je comprends parfaitement tes réticences.

Je le regardai ensuite avec des yeux amusés se servir, sans vraiment d’autorisation, dans les placards du Nara. Celui-ci semblait assez agacé par cela, mais le laissa faire. Il le laissa même quitter la demeure sans rien lui reprocher. Vu ce que j’avais vu plus tôt de lui, je pensais qu’il aurait fait une quelconque remarque. Peut-être que le fait de posséder les bonnes grâces de Natsuki permettait de réchapper à se vengeance ?

Enfin, ce n’était pas trop mon problème, et je me passai une main dans les cheveux, ennuyée par le fait que nous n’avions pas vraiment avancé avec cette intervention. Et le Nara était du même avis.

- Eh bien, non, je n’avais rien de pressant. Et toi ?

« Rien que le bureau ne saurait faire sans ma présence. » répondit-il.

En général, Mizuki commençait à utiliser la Boite de Pandore de son tiroir bien avant le début de ses heures de services, si l'on pouvait vraiment parler d'heure de service. Car ces dernières étaient très variables, et tendaient à tirer en longueur. Il arrivait même à Natsuki de quitter son poste tard dans la nuit, et de retrouver sa Hokage dans la même position au même endroit au petit matin. Au final, les deux ne faisaient pas si bon ménage que cela : elle n'aimait pas déléguer, et lui était nul en initiatives décisionnelles pour un Village.

« Ce qui nous laisse la journée à tuer. »

Un homme et une femme, loin de leur corps d'origine, seuls dans une maison sans rien de concret à faire. Fantastique... Enfin, Natsuki ne le niera pas, c'était une situation qui lui faisait naître quelques idées.

« Cela vous dérangerait de m'apprendre à communiquer avec Azuna ? Quitte à vivre cette situation déplaisante, autant en profiter, et découvrir ce que je n'aurai jamais connu autrement. »

Avoir un corps de Gekei donnait forcément des envies, maintenant que la situation s'était un peu tassée, comme de connaître le monde à travers une vision et une souplesse plus animales. En espérant qu'Izumi ne fouille pas trop loin dans le sien de corps. Car à part une force physique herculéenne et un bouton pour activer le mode berserk – et reproduire au sein de Konoha le niveau 1 de Rampage 1997 -, il n'y avait pas grand chose de distrayant chez le Nara tatoué.

Il s'installa donc en tailleur sur la banquette de sa cuisine, les yeux fermés et les mains ouvertes l'une sur l'autre devant lui, avant de tenter de plonger au sein de son être intérieur. L'exercice en lui-même, il en avait l'habitude, mais d'une personne à l'autre il paraissait que c'était très différent. Natsuki pouvait le confirmer aujourd'hui : c'était un peu comme monter un nouveau cheval alors que l'on a été habitué à un autre étalon. Il avait deux oreilles, quatre sabots et des dents, mais il ne réagissait pas tout à fait pareil aux commandes et intonations.

C'est ainsi que Natsuki patina un peu au début – ou alors qu'Azuna ne voulait pas le voir – mais que grâce aux conseils d'Izumi – il supposait qu'elle lui en donnait, sinon il se débrouillait – il arriva à un moment métaphoriquement devant ce qu'il pouvait appeler une louve. Allongée en boule au milieu du néant, elle ne lui accorda pas vraiment d'intérêt tandis qu'il l'observait. Elle avait le pelage sombre de l'été – curieux -, dans un état qui supposait qu'elle avait déjà connu quelques batailles par le passé.

« Azuna ? » risqua-t-il en s'avançant sur le rien de quelques pas.

L'animal n'eut aucune réaction.

« C'est vous, Azuna ? » répéta-t-il en s'asseyant à deux mètres d'elle.

Les oreilles du loups remuèrent, puis elle leva la tête dans sa direction, et posa sur lui un regard similaire au sien. Ses muscles roulèrent sous son pelage lorsqu'elle se releva, et s'avança vers lui. Natsuki tendit le bras alors qu'elle s'approchait pour lui caresser la tête, mais tout ce que trouva sa main fut deux mâchoires qui se refermèrent sans force dessus. Le Nara tatoué dévisagea alors septique sa part animale.

« Est-ce là une manière de dire bonjour dans une meute, Azuna ? »

L'animal bava sur sa main.

« Azuna, c'est mon nom ? » fini-t-elle par dire, son esprit communiquant au sien.
« C'est ce que j'ai cru comprendre des explications d'Izumi. Ce n'est pas le cas ? »

L'animal le regarda perplexe, puis relâcha la main qu'il tenait.

« Je ne sais pas. Je ne crois pas. »

Ce fut au tour de Natsuki de regarder la louve perplexe.

« Je n'ai pas besoin d'un nom. Je sais ce que je suis, cela me suffit. »

L'expression de Natsuki se mua en un sourire amusé.

« Vous, je sais de quelle portée vous descendez. »

Ce n'était pas Azuna qu'il avait devant lui. Apparemment, en changeant de corps avec Izumi, son esprit avait entrainé quelques altérations du côté Gekei de la demoiselle. C'était bien toujours une louve, mais différente, davantage en phase avec son essence à lui. Il ne voyait pas d'autres explications, sauf si Azuna se payait sa tête, mais il en doutait.

Ayant obtenu tout ce qu'il voulait – ou ce qui s'en rapprochait -, il ouvrit doucement les yeux, et revint à la réalité où il chercha Izumi du regard, avant de le porter vers son horloge. Il ne s'était pas passé un quart d'heure.

« Tout va bien. » menti-t-il. « Enfin, je crois ? »

C'était peut-être mieux de ne alerter Izumi, histoire qu'elle ne se fasse pas de soucis pour rien. Car si cette mystérieuse louve n'avait qu'une existence éphémère, le temps que Natsuki réintègre son corps, et que la Gekei retrouve son Azuna en même temps que son corps, quel intérêt de le dire ? Mais si elle voulait profiter de l'occasion pour rencontrer sa louve en chair et en os une fois dans sa vie, elle courait vers une déception...

« Cela vous dirait de faire un tour dehors ? Je crois qu'elle n'aime pas beaucoup être enfermée ici. »

Ou alors il réagissait bizarrement à son corps d'origine. L'un dans l'autre, un peu d'air frais lui fera du bien.

« Ce n'est pas comme si Iji allait découvrir quelque chose dans l'heure qui va suivre. »

Ou alors, sur un énorme coup de chance. Mais Natsuki ne croyait pas en cela : c'était un concept inventé par l'Homme pour justifier ses échecs.

« Le terrain forestier, cela vous dit ? » proposa-t-il.

Il chercha mécaniquement à enfiler ses chaussures, celles qui chaussaient à une pointure qu'il n'avait plus, avant de se rappeler et d'enfiler celles qu'il avait prise pour venir. Une fois prêt, le duo quitta le quartier Nara, et se rendit sur l'un des terrains mit à disposition par le Village pour que ses membres puissent s'entrainer au grand air sans risque pour les environs – les environs situés à l'extérieur des grillages, tout du moins.

« Je ne pensais pas revivre un hiver de la sorte. Aussi loin que porte ma mémoire, j'ai toujours détester cette saison, en pensant qu'elle me haïssait. »

Il se baissa vers la neige étendu au sol, et en ramassa une poignée pour former une boule avec, qu'il soupesa avant de la lancer le plus loin possible. Elle vola sur plusieurs dizaines de mètres en arc de cercle, et à l'expression du lanceur, ce fut une déception alors qu'il contemplait ses bras. Il continuèrent encore un moment vers la forêt silencieuse, jusqu'à ce que Natsuki s'arrête, les oreilles aux aguets.

« Je vous avoue qu'il y a autre chose que j'aimerai essayer, puisque je suis là. Izumi, voudriez-vous bien m'expliquer comment vous vous transformez en loup ? »

Disant cela, il avait commencé à se déshabiller complètement sur place en ignorant la morsure du froid, bien décidé à essayer avec ou sans aide.

Spoiler:

Il s’avérait que sa présence au bureau aurait dû être importante, mais vu les circonstances actuelles, mieux valait ne pas prendre ce risque. Donc comme il l’avait si bien fait remarquer, nous avions la journée à tuer. Car le Yamanaka n’allait très certainement pas trouver une solution en si peu de temps. Et comme nous devions rester proches, compte tenu du fait qu’Iji pouvait chercher à nous joindre à tout moment, il nous fallait trouver quelque chose à faire pour passer le temps.

Le Nara trouva un moyen de passer le temps, qui m’étonna beaucoup. Il tenait à savoir comment il pouvait entrer en contact avec Azuna. Personnellement, je ne croyais pas qu’il parviendrait à l’atteindre si la louve ne le souhaitait pas, mais je le renseignai tout de même. Sait-on jamais, peut-être qu’elle se montrerait clémente.

- Très bien, je vais t’aider.

Je l’observai prendre une posture de méditation, presque identique à celle que j’avais adopté lors de mon premier contact avec Azuna. Je le laissai se détendre un peu avant de reprendre la parole, doucement.

- Tout d’abord, juste détends toi. Ensuite, tentes de plonger dans un état second. Normalement, tu devrais parvenir à une sorte d’espace où tu rencontreras la louve. Je te préviens. Elle ne risque pas de t’accueillir les bras grand ouverts.

Je le laissai expérimenter, posant mon menton dans ma paume ouverte. Faire joujou avec son corps à lui ne me tentait guère. Il avait parlé de transformations, et je préférai ne pas savoir ce qu’il entendait par là. Un homme de son niveau, cela devait être difficilement gérable pour une personne comme moi. Et puis, je n’avais pas la même curiosité que lui. Je voulais juste retrouver mon corps.

Je dus bien patienter dix minutes avant que Natsuki n’émerge de son inconscient, m’assurant que tout allait bien avec Azuna. Je restais sceptique. Non pas parce que je ne le croyais pas, mais tout simplement parce que j’aurais préféré vérifier par moi-même. Le fait de ne pas sentir sa présence me rendait nerveuse, même si je tentais de ne pas le montrer.

Le Nara finit par me tirer de mes pensées en me proposant un tour dehors, que j’acceptai, même si je quelque chose me disait que le corps que j’occupais actuellement n’allait pas apprécier la balade dans le froid.

- Pourquoi pas ? Et je crois que ces chaussures ne sont pas les bonnes. Plaisantai-je en le voyant tenter d’enfiler la paire de chaussures appartenant à son corps.

Nous finîmes par quitter la maison, et le quartier Nara, nous dirigeant vers le terrain qu’il avait désigné. Et comme toujours, mon hôte ne put s’empêcher de briser le silence. Il devait vraiment avoir du mal à le supporter.

- En effet, l’hiver est rude cette année. Sérieux, qu’est-ce que je pouvais répondre d’autre ?

Je l’observai tenter de lancer une boule de neige, et paraître déçu du résultat. Oui, ben c’était pas de ma faute si j’étais plus faible que lui, hein. Nous finîmes cependant par arriver à destination, et je ne pus retenir un haussement de sourcil en le voyant se déshabiller. Et quand son intention fut exprimée, je me passai une main sur le visage. Visiblement, personne lui avait jamais précisé que nous pouvions nous transformer avec nos vêtements encore sur nous. Soupirant, je répondis à sa question.

- Tout d’abord, tu n’as pas besoin de te déshabiller, je peux me transformer avec mes vêtements sur moi, sans que cela ne les déchire. Ne demande pas comment, je n’en sais rien. Puis j’en vins à la partie qui l’intéressait vraiment. Concernant la transformation, en réalité, c’est comme si moi et Azuna fusionnions. On est à part égale en contrôle du corps, et c’est Azuna qui déclenche le processus de transformation, avec mon autorisation. Je ne sais pas si c’est bien clair. Finis-je en me passant la main dans les cheveux.

Alors qu'il dégrafait son soutien gorge, Natsuki s’apprêta à répliquer devant le soupire d'Izumi qu'il n'y avait pas de quoi avoir honte, chacun des deux ayant quelque chose que l'autre avait déjà vu. Mais en fait, la jeune femme adopta davantage le ton de celui évoquant l'évidence avec calme, ce qui le laissa figé dans sa position les bras dans le dos, une agrafe dans chaque main.

« Oh »

A sa défense, cela n'était pas forcément évident : Strike par exemple se retrouvait toujours dans sa tenue de naissance de naissance lorsqu'il changeait son corps en flamme.

« Nous allons faire comme si. » répondit-il finalement lorsque Izumi eu terminé ses explications.

Il savait très bien combien il était compliqué de mettre des mots sur des phénomènes singuliers de la sorte, surtout lorsqu'ils étaient devenu naturels pour l'utilisateur. Il acheva donc de remettre de sa veste, en se disant que si Izumi continuait de se passer la main dans les cheveux ainsi, elle allait finir par butter sur les naissances de cornes qu'il cachait sous les mèches de ses tempes. Il se retourna ensuite, et ferma les yeux, à la recherche de '' l'autorisation '' de son colocataire poilu. Ce qui n'était pas très simple, vu qu'il ignorait la procédure concrète pour s'y prendre.

« Hé, Yomu, cela ne vous tenterait pas de vous dégourdir un peu les pattes ? » fit-il résonner sous son crâne.

Pas de réponse, pas de résultat non plus. Et lui qui se retrouvait devant l'équivalent d'un immense tableau de bord rempli de boutons et de lumières de toutes sortes. Alors il fit ce qui convenait de faire dans ce genre de situation, lorsque l'on se montre obstiné : il essaya à tâtons, selon la célèbre méthode de l'essaie/erreur. Il tenta de diriger son chakra ici ou là, de le canaliser, de le malaxer, de se détendre, de forcer sur ses muscles, de les faire rouler sous sa peau, de retenir son souffle etc... Puis à un moment, il s'amorça quelque chose, comme lorsqu'il se faisait envahir à l'époque par ses pulsions meurtrières. Ce fut comme si, alors qu'il voyageait en barque sur un fleuve tranquille, quelqu'un avait décidé de couper la nature devant lui, pour ne laisser qu'une cascade, où les flots l'entrainèrent sans pitié. La métamorphose commença, mais prit dans la surprise du processus, il freina des quatre fers le cours des événements. Il se bloqua à mi-chemin de la transformation, avec un corps de loup sous la ceinture, et une forme hybride canidé humanoïde pour le reste.

« Who who who. »

Incapable de tenir la position debout ainsi avec des pattes et un bassin trop petits par rapport au reste, il tomba en avant dans la neige. Et déjà, le monde devenait bizarre autour de lui. Il piétina un peu sur place dans une posture très peu confortable, avant de secouer la tête.

« Je me suis laissé surprendre, mais je crois que j'ai comprit le truc. » aboya-t-il plus qu'il n'articula. « Ce n'est vraiment pas agréable comme sensation. Vous vivez cela à chaque fois, ou c'est juste mon manque d'habitude ? »

Décrire la sensation en question était compliqué, mais Izumi savait assurément de quoi Natsuki parlait. Il s'ébroua, puis après quelques secondes à haleter, sa transformation reprit, et s'acheva : il était devenu un loup à part entière. Ou plutôt, une louve.

Une louve assez différente de celle que devait être Azuna, probablement. Pas très différente d'un autre loup, mais suffisamment pour que la Gekei qui la côtoyait depuis... toujours ? s'en rende compte. Sous cette forme, Natsuki resta d'abord immobile, avant de faire trois pas et de se prendre les pattes pour tomber sur le côté. L'air de rien, pour en revenir à l'image du tableau de bord, c'était comme se retrouver à piloter un avion alors que l'on avait guère plus l'habitude qu'une voiture. Il avait à gérer deux fois plus de jambes, un tout autre équilibre à trouver, et surtout, une toute nouvelle manière de voir le monde.

Les arbres, la forêt, Izumi, ils étaient toujours là, mais se réduisaient à un fond monochrome et terne sur lequel les sons et les odeurs se détachaient en ligne brillantes de... feu coloré ? et en nuages de... de fumée ? elle aussi colorée C'était vraiment étrange. Il ne trouvait pas les mots pour décrire ce qu'il voyait, ce qu'il sentait, ce qu'il vivait. Un peu comme si l'on voyait une huitième couleur spécifique un bref instant et qu'on voulait la décrire avec les sept restants. Le genre d'expérience qui ne se transmet pas facilement entre espèces...

Puis d'un coup, alors qu'il regardait bêtement en s'agitant depuis le sol les arbres et Izumi comme s'ils poussaient sur un mur, son corps canidé se releva, huma l'air la tête relevé, et commença à détaler. Natsuki, qui contemplait le monde défiler autour de lui, réalisa que la mécanique complexe de son corps velu à quatre pattes fonctionnaient à merveille. Et c'était plutôt gênant dans la mesure où il ne faisait rien.

S'il était dans un cockpit avec un siège, son tableau de commande devant lui, alors il tournerait la tête sur le côté, pour y voir la louve assise devant une console similaire à la sienne. Elle non plus ne touchait à rien, mais elle n'avait pas besoin de bouger ses pattes pour qu'il comprenne qu'elle avait prit le relais.

« Vous avez décidé d'apparaître finalement. Merci, c'était un peu compliqué toutes ces pattes. »
« J'ai faim, nous devons chasser. » répondit simplement l'animal sans détourner les yeux de ce qu'il voyait en réalité.
« J'ai mangé il n'y a pas si longtemps pourtant. » risqua Natsuki en haussa un sourcil, alors qu'il reportait son attention et ses sens sur ce qu'il vivait.

La course de la louve dans la forêt enneigée avait quelque chose de fantastique. Il sentait le froid glisser sur son pelage, la neige se retourner sur la force de ses pattes alors qu'il inspirait l'hiver à pleines narines. Le monde prenait une toute autre forme ainsi, une expérience unique, et pour ainsi dire fantastique. Et en tant que passager libre, il pouvait vivre tout cela tout en tenant la conversation avec son co-pilote, qui lui fit d'ailleurs savoir ce qui suivit :

« Vous avez manger pour vous. Je veux manger pour moi. »
« Cela va être compliqué, c'est un terrain militaire ici. Les animaux ont depuis longtemps comprit qu'il ne valait mieux pas s'installer dans ce coin là. »

La louve freina aussitôt sa course en entendant cela, laissant un sillon de neige de deux mètres derrière elle. Aussitôt, elle huma l'air à nouveau, puis fit volte-face. Natsuki, qui partageait le corps et l'esprit de la louve, n'avait pas besoin d'autant pour comprendre ce qui allait se passer. Et alors seulement, il réalisa que ne connaissant pas très bien son hôte, et cette dernière ne sachant pas forcément les codes de la société, elle avait beau être aussi pragmatique que lui, elle était tout avant un instinct. Et lorsque l'instinct se retrouva non loin d'Izumi, il grogna, et se mit en position d'attaque.

« Alors, je me permets de protester vivement. » annonça Natsuki du ton de celui qui veut revendiquer quelque chose tout en ayant peur de déranger, tandis qu'il pivotait sur son siège pour s'adresser à la louve d'à côté, l'indexe levé. « Ceci est mon corps, là en face, et je ne tiens pas trop à ce qu'il vous serve de repas. »

Yomu l'ignora, tandis que la louve de la réalité se jeta sur Izumi, ses crocs visant la gorge. Natsuki tenta alors de se lever, mais sans pour autant parvenir à atteindre son co-pilote pour l'arrêter, comme si un mur les séparait. Comprenant de quoi il en retournait, il reprit donc place et pianota sur ses commandes personnelles. Le corps de la louve en plein combat eu un léger sursaut, puis continua selon la volonté de Yomu, le contrôle de cette dernière semblant avoir la priorité.

Natsuki regarda silencieusement le carnage dehors à travers ses yeux canidés le temps de réaliser que ses tentatives revenait à agiter les bras pour faire remonter l'eau d'une cascade géante, puis posa sur Yomu un visage neutre au regard agacé.

Sans un mot, il se leva, et parti.

Fort heureusement, le Nara s’arrêta dans son entreprise avant que ça ne devienne un peu trop gênant. Il fit même l’effort de se rhabiller, même si ça ne m’importait pas plus que ça. Enfin si, un petit peu quand même. Même si j’avais un corps assez résistant, je ne voulais pas tomber malade parce que Natsuki pensait qu’il fallait se mettre nu pour se transformer.

Au final, une fois qu’il fut de nouveau vêtu, il se concentra sur sa tache, tandis que je le regardais, intriguée de savoir s’il y arriverait. Après tout, il n’était pas un Gekei, ni le possesseur original de son corps d’emprunt. C’est ainsi que je le vis prendre sa forme, mais… Qu’au niveau inférieur de son corps. Même si ce n’était pas forcément drôle pour lui, je ne pus retenir un sourire amusé face à son petit problème. Je repris tout de même un peu mon sérieux quand il me demanda si ça m’arrivait aussi. Mais une lueur d’amusement devait toujours demeurer dans mes yeux.

- En réalité, non. Le seul problème que j’ai jamais eu, c’est d’atteindre Azuna dans mon inconscient. Sinon, je parvenais à me transformer à volonté, sans avoir ce genre de soucis. Peut-être est-ce parce que tu as forcé la transformation ?

Le Nara parvint finalement à achever sa transformation, et je lui accordai un petit sourire, même si sa réussite m’ébahissait. Un non-Gekei qui pouvait maîtriser ce pouvoir ? Eh bien, peut-être n’était-ce pas si compliqué.

Je haussai un sourcil de surprise, quand je vis la louve qui se tenait devant moi, légèrement différente de l’apparence que j’adoptais. Mais ce qui me surprit le plus, ce fut quand l’animal détala à toute vitesse. A quoi jouait Natsuki ? A moins que… Oh punaise ! C’était ça de vouloir faire joujou avec un pouvoir qu’on ne connaissait pas. C’était aussi une des raisons pour lesquelles je ne voulais pas expérimenter avec les pouvoirs du Nara, qui sait ce qu’il pouvait se passer ?

Soupirant, je me frictionnai les bras, tandis que j’attendais patiemment que la louve revienne. Ce n’était pas que rester immobile me gênait, mais là, il faisait un froid de canard ! Je me mis à faire les cents pas, pour tenter de réchauffer ce corps qui ne supportait pas le froid. Bon sang, j’avais bien envie de leur courir après, mais quelque chose me disait que si je tentais cela, je n’allais faire qu’empiéter sur le territoire d’Azuna, qui ne connaissait pas le corps de Natsuki. Et cela pouvait avoir des conséquences désastreuses.

Au final, je n’eus même pas à leur courir après, puisque la louve revint à grande vitesse dans notre secteur. Je fronçai les sourcils quand je vis qu’elle ne ralentissait pas le rythme, fonçant droit sur moi. Je mis du temps à comprendre ce qu’il se passait, et jurai sous ma barbe (inexistante). Cet idiot ! Il avait laissé le plein contrôle à Azuna, qui allait maintenant m’attaquer !

Soupirant, je me campai sur mes appuis, attendant la charge de la louve. J’espérai que ce corps était puissant, sinon, ce que je prévoyais de faire risquait de mal tourner. Mais vu sa déception à chaque fois qu’il usait de la puissance de mon corps, il devait normalement être beaucoup plus fort que moi.

Et heureusement pour moi, je ne m’étais pas trompée dans mes calculs. Car quand la louve me sauta dessus, j’arrivai à la saisir à plein corps, pivotant sur moi-même, pour ensuite l’aplatir sous mon poids. Je la maintenais à terre, mes mains sur ses épaules avant, et mes genoux sur ses hanches arrières, pour l’immobiliser. Puis, mon visage à quelques centimètres de sa gueule voulant me déchiqueter, je plongeai mon regard dans le sien , espérant atteindre Natsuki.

- Ça suffit ! Natsuki, bats toi contre sa domination ! Tu es un bien piètre bras droit de Hokage si tu ne parviens pas à faire une telle chose !

Si Yomu avait prit soin de les regarder, elle aurait réalisé que les yeux de Natsuki avait changé en partant. Il n'avait pas modifié son expression non. Cela tenait davantage d'un nuage, le genre qui change de forme sans bouger, selon la manière dont l'on l'observe avec insistance. Là où elle est avait brièvement capté l'exaspération, elle avait manqué l'assurance de celui qui savait qu'il aura le dernier mot, quoi qu'il arrive. Un son de raclement résonna dans le cockpit.

« C'aurait pu être le début d'une belle amitié. »

La voix de Natsuki venait de loin, en écho, et couvrit un instant ce son dérangeant de quelque chose qui est trainé sur le sol.

« Mais non, comme beaucoup d'autres, vous n'en faîtes qu'à votre tête. »

La forme de son corps commença à se dessiner dans le néant, vague silhouette incertaine dont le bruit des pas était étouffé par le grincement.

« J'admets toutefois ma part de responsabilité : j'ai eu tort d'attendre un comportement civilisé de la part d'un animal. »

Il s'arrêta devant la place qu'il occupait avant, regardant à nouveau à travers les yeux de la louve réelle les tentatives pour mordre et déchiqueter le visage tatoué qu'elle avait à porté de crocs. Yomu ne lui accorda pas le moindre coup d’œil, installée sur son siège à continuer de commander le corps animal.

« Très bien. »

Natsuki pivota à moitié, et se saisit à deux mains de ce qu'il avait trainé jusque ici : un immense marteau en acier avec une tête démesurée et un très long manche. Il le leva avec effort au-dessus de sa tête, et l'abattit en massue après une prise d'élan en arc de cercle sur sa console. Yomu eu un jappement de surprise à côté de lui, alors que la louve du monde matériel tressauta, et arrêta de s'agiter l'espace d'un instant avant de recommencer ses assauts sur le corps du Nara tatoué.

« Je n'ai pas passé dix ans à affronter l'enfer pour laisser un sac de poils galeux me dicter ma conduite. » expliqua-t-il avec calme.

Il arma une nouvelle frappe. La tête du marteau portait des kenji gravés à même l'acier, et lorsqu'après un mouvement souple Natsuki frappa à nouveau tout en force avec sur sa table de commande, il était possible d'y lire l’inscription '' Volonté ''. Le corps de la louve s'immobilisa encore.

« Et je ne suis pas arrivé jusqu'à ma place pour me faire insulter par le premier soldat débarqué qui ignore tout de la vie. » articula très clairement son corps animal dans la réalité en même temps que lui.

Yomu sembla en peine pour garder le contrôle. Elle y parvenait après chaque interférence de Natsuki, mais les secondes s'espaçaient entre deux reprises.

« Vous vouliez jouer à celui qui frappe le plus fort ? Et bien c'est parti. »

Un nouveau lent arc-de-cercle précéda le violent fracas d'un marteau colossal contre un tableau de commandes, impulsant ses ordres et sa volonté avec une force implacable.

« Mais je ne vous en veux pas. C'est dans votre nature. » articula à nouveau le corps de la louve dans un instant de calme.

Le dernier coup fracassa la console de commandes en deux, dans une gerbe métaphorique de ce en quoi elle était faite. Yomu fut projetée de son siège, et la barrière qui séparait les deux êtres dans le même corps se désagrégea. Natsuki lâcha alors son arme, et s'avança vers l'animal étendu, qu'il toisa de toute sa hauteur, comme s'il était immense. Sa voix restait calme, mais il se dégageait de son ton une impression de puissance écrasante.

« Mais si l'on ne peut pas lutter contre le système, je peux toujours le mettre en l'air. »

Il se détourna de Yomu, ramassa le siège renversé, puis s'installa devant la dernière table de commande en état. L'autre continuait d'agoniser à côté. Il toucha à un ou deux boutons, puis dans la réalité, le corps de loup commença à se métamorphoser, pour reprendre l’apparence d'Izumi, avec un Natsuki pleinement au contrôle. Il se retrouva ainsi étendu dans la neige, avec la jeune femme dans son corps au-dessus de lui en train de le maîtriser au sol.

« Si vous comptez aller plus loin, il va d'abord falloir que vous m'offriez le restaurant. Je rêve d'un peu plus romantique pour ma première fois quand même. » annonça-t-il en pince sans rire, avant de se fendre d'une expression amusée. « Pouvons-nous nous relever ? »

Lorsqu'Izumi s'écarta, il tenta de se relever d'un impulsion du corps pour se retrouver sur ses jambes, mais la balance n'était pas la bonne. Il resta ainsi bêtement par terre après avoir fait la vague, et s'être ramassé. Dans un soupir, il se releva en roulant sur le côté pour prendre appuie sur ses genoux.

« C'était intéressant à vivre ma foi. Curieux, mais intéressant. » s'exprima-t-il en passant les mains sur ses vêtements pour en faire tomber la neige, comme si rien de cette tentative de meurtre n'avait eu lieu – ou qu'elle était insignifiante. « Et donc, vous n'êtes pas en lutte perpétuelle avec Azuna ? Dans mon cas, la partie animale a profité de mon inexpérience, et a sauté sur la première occasion pour s'octroyer le plein contrôle. Et elle n'était pas vraiment partageuse. »

Il releva les yeux vers son corps d'origine.

« Cela va vous d'ailleurs ? »

Il posait davantage la question pour le versant psychologique de la chose : physiquement, il savait son corps capable de se défendre tout seul, et qu'il ne risquait pas grand chose.

La mémoire musculaire avait du bon.

Le corps de la louve se mit à tressauter à intervalles irréguliers sous mon poids, me faisant lui jeter un regard inquiet. Car après tout, même si Natsuki possédait actuellement mon corps, cela ne voulait pas dire qu’il ne restait pas le mien, et que je ne me faisais pas de soucis pour Azuna. Qu’est-ce qui pouvait bien se passer à l’intérieur ? Cependant, bien que surprise, je ne relâchai pas ma prise, préférant ne pas me faire prendre par surprise.

Et pourtant, je ne pus retenir un haussement de sourcil étonné quand une voix sortit de la gueule de la louve, me signifiant très clairement par ses propos que le Nara était revenu au contrôle, du moins, temporairement. Je ne relevai pas sa pique, puisqu’il avait tous les droits d’être vexé par ce que j’avais dit. J’y étais allée assez fort, mais c’était justement pour obtenir une telle réaction. Enfin, il n’avait pas été obligé de sortir la dernière partie.

Je maintins ma position pour quelques secondes encore, ne comprenant pas trop sa seconde phrase, qui ne m’était peut-être pas destinée. Car le corps tressautait encore, ce qui voulait sans doute dire que le combat pour le contrôle faisait encore rage. Il n’aurait jamais dû tenter cette expérience.

Au final, le corps sous celui que je possédais finit par retrouver sa forme humaine, me faisant me retrouver face à face avec moi-même. Ce qui était assez perturbant. Je restai un petit instant sans penser, et ce fut la voix du Nara qui me fit revenir à la réalité. Je roulai des yeux avant de me relever, lui laissant l’espace nécessaire pour qu’il puisse faire de même.

- Haha, très drôle.

Je l’observai se relever avec difficulté croisant de nouveaux les bras pour me les frictionner, le froid revenant cruellement se faire ressentir après cette petite échauffourée . Ce corps était vraiment frileux, je n’aurais jamais cru cela possible. Je finis par rediriger mon attention sur mon corps, Natsuki ayant repris la parole après s’être enfin relevé. En même temps, c’était lui qui avait voulu tester.

- Je n’ai eu à l’affronter que la première fois que je l’ai rencontrée. Et encore, je ne pense pas que c’était aussi violent que toi. Peut-être est-ce tout simplement parce que ce n’est pas ton corps à l’origine ?

Je lui offris un sourire sarcastique quand il me demanda si j’allais bien.

- Aussi bien que l’on peut quand son propre corps se retourne contre soi. Je dois avouer que c’est assez choquant. Je dois d’ailleurs remercier ton corps pour ne pas avoir fini en charpies.

Je tapai dans la neige avec mon pied gauche, réfléchissant au meilleur moyen de lui dire qu’il avait peut-être eu tort de vouloir tester la transformation complète si tôt. Je finis par planter mes yeux dans les siens.

- Peut-être était-ce une mauvaise idée de vouloir essayer de te transformer. Tu n’es pas un Gekei, et personne ne sait vraiment comment notre pouvoir fonctionne. Cela aurait pu être plus grave qu’une simple lutte pour le contrôle. Même si je reste consciente de ton esprit scientifique, cela restait dangereux. Je pense que nous devrions arrêter les expériences pour aujourd’hui. Je n’ai pas trop envie de découvrir ce que tu caches avec ces jolies mini-cornes que j’ai pu sentir tout à l’heure. Je lui envoyai un nouveau sourire sarcastique avant de reprendre. Peut-être que nous devrions nous diriger vers la maison ? Je t’avoue que je commence à avoir faim. Et que ton corps est trop frileux. Je sais pas comment tu vis avec.

« Ce n'était pas une mauvaise idée. » rétorqua Natsuki en roulant des yeux. « C'était peut-être risqué, oui, mais je n'ai pas atteint mon âge sans savoir les évaluer. Et dans la configuration présente, les risques étaient minimum : mon corps sait se défendre mieux que vous ne le pensez. »

Natsuki porta un vif coup de pied dans une pomme de pin au sol, qui visa droit dans le visage d'Izumi. Devant une attaque aussi ouverte et évidente, la mémoire musculaire de son corps devrait le pousser de lui-même à s'écarter de la trajectoire.

« Vous voyez ? Bon, elle était facile celle-là. Enfin, là n'est pas la question. Toujours est-il que si vous ignorez vous-même comment votre pouvoir fonctionne, il faut bien que quelqu'un s'y intéresse à votre place. Si le monde ne comptait que des gens aussi peu curieux et aventureux que vous, nous vivrions encore dans des grottes, et je ne suis pas certain que l'on aurait eu l'idée de porter des peaux de bêtes pour se tenir au chaud – sans offense. »

Mais alors qu'il se frappait les mains l'une contre l'autre, il entendit une phrase qui figea son expression. Le sourire était encore là, étincelant, mais la lueur dans ses yeux s'éteignit.

« Ce sont des plaques osseuses qui maintiennent ma boite crânienne en place depuis qu'elle a été brisée dans un accident. » dit-il sans la regarder directement. « Évitez de trop y toucher s'il vous plait, je ne veux pas mourir ainsi. »

Il mima un cerveau traversé par quelque chose, avant de grimacer puis repartir sur plus de légèreté.

« Moui, rentrons. Ce n'est pas comme si nous avions quelque chose de mieux à faire ici de toute façon. »

Il mit ses mains dans ses poches, et rebroussa chemin avec Izumi.

« Je vous ai déjà dit que ce n'est pas une question d'être frileux. Je supporte mal la mort de la nature en hiver, c'est tout. Et honnêtement, vous le vivez beaucoup mieux que moi. J'aurai été moi, je ne vous aurais même pas ouvert la porte, encore moins accompagné dehors. Alors dites-vous que vous vous en tirez plutôt bien. »

Une fois arrivés tous deux à la maison et les politesses pour se déchausser achevées, Natsuki jeta un coup d'oeil au contenu de son réfrigérateur et de ses placards.

« Du poulet à l'ananas, cela vous tente ? » demanda-t-il après avoir réfléchit à l'ensemble de ses possibilités en fonction de ce qu'il avait à disposition. « Je ne suis pas spécialement du genre à grignoter à la maison – entre autre parce que je n'y suis jamais – mais si vous avez trop faim pour patienter le temps que j'achève de tout préparer, il y a des olives dans le réfrigérateur. »

Les manches retroussées, le tablier enfilé et les mains propres, il s'attela alors à la cuisine en commençant par allumer la gazinière. Il régla le feu sur doux, puis vida sa bouteille de sauce aigre-doux dans la marmite qu'il posa sur la flamme. Sur son plan de travail a côté, il découpa avec une habileté étonnante le poulet en petits dés à l'aide d'un couteau large, en prenant bien soin d'ôter la peau et les os de la viande, viande qui vint rejoindre la sauce dans le récipient. Il passa ensuite à l'évier, où il rinça puis taillada en rondelles les poivrons et autres légumes, carotte et persil exclus, avant de leur faire découvrir à leur tour le fond de la marmite.

Il s'attela ensuite à l'ananas. Il le coupa d'abord en deux, puis fit de petits morceaux avec la chair du fruit qu'il ajouta au contenu de la marmite. Il touilla le tout durant quelques minutes avec une cuillère en bois, laissant encore la préparation chauffer à feux doux. Il était temps de passer à la touche esthétique : la carotte. Quelques habile coups de couteau suffirent à la débarrasser de sa pelure, suite à quoi il la découpa avec minutie, taillant dans deux morceaux l'emblème du Village de Konoha, la feuille que l'on retrouvait sur le bandeau de tous les ninjas d'ici. Le reste de la carotte par contre n'eut pas droit de servir de matière première à de l'art, car elle termina découpée en lamelles comme le reste, et ajoutée dans la marmite avec le persil. Ne restait plus qu'à mélanger doucement pendant que le repas cuisait, et commencer en parallèle la cuisson du riz sur la plaque d'à côté.

« Dites-moi Izumi. » commença-t-il en prenant place à table en face d'elle pendant que la cuisson opérait. « Je sais que vous avez eu votre compte en terme d'expérimentation pour aujourd'hui mais... »

Il hésita, son doigt dessinant des cercles sur la table alors qu'un sourire gênée se peignait sur son visage.

« Vous ne seriez pas tentée par... hum... essayer de voir avec moi ce que... ce que l'on ressent avec un corps d'homme et... moi de femme ? »

Ses yeux s'étaient progressivement baissés sur la table en même temps que le volume de sa voix alors qu'il avançait dans sa phrase. Puis il les releva, et les posa sur Izumi avec les lèvres pincées dans une expression de honte, guettant sa réaction. Il parvint à tenir quatre secondes avant de perdre de son sérieux, et d'éclater gaiement de rire à gorge déployée.

« Olala, cette tête. » parvint-il à articuler en s'essuyant une larme au coin de l’œil. « Je plaisante, je plaisante, inutile de me regarder ainsi. »

Il se leva pour retourner s'occuper de son plat.

« Je n'étais pas sérieux, rassurez-vous, je voulais juste voir votre réaction. Non, en vrai, ce serait trop bizarre de faire cela avec soi-même, même si l'on est pas soi-même à ce moment-là. Vous imaginez ? Avoir sa... »

Il frissonna avec une expression dégoutée.

« Non, non, je ne veux même pas imaginer... »

Surveillant la cuisson, il l'arrêta finalement après un moment, et d'une louche agrémenta le riz déposé dans l'assiette de la recette qu'il avait préparé dans la marmite, avant d'ajouter l'emblème taillé dans la carotte. Une assiette fumante dans chaque main, il se tourna vers Izumi avec un grand sourire, en annonçant avec plaisir :

« Le repas est servit. Bon appétit à vous. »

Il déposa son assiette devant elle, les couverts se trouvant juste à côté.

Natsuki tenta de justifier ses expériences, même si pour moi cela n’avait toujours aucun sens. Pour moi, il ne fallait pas prendre de risques avec des choses dont on ne connaissait rien. Je n’insistai cependant pas, devinant qu’aucun de nous ne bougerait sur ses positions. Par contre, ma tête bougea automatiquement sur le côté quand mon interlocuteur tenta de me prendre par surprise en me lançant une pomme de pin à la figure. Roulant des yeux, devinant qu’il n’avait fait cela que pour prouver son explication.

Je fronçai par contre des sourcils face à son explication. Je ne savais pas à quoi ressemblais des plaques osseuses, mais certainement pas à des mini-cornes. De plus, les yeux entraînés du corps que je possédait actuellement avaient capté le moment où il s’était figé un instant. Il me cachait quelque chose. Mais je n’insistai pas non plus sur ce point. Chacun avait ses secrets, et j’étais sûre que d’un, je ne voulais pas savoir ceux du Nara, et de deux, qu’il éviterait juste le sujet si je continuais sur ma lancée. Et sa réticence à ce que je les touche renforça mes suspicions.

Nous rentrâmes tout de même chez lui, et Natsuki resta cette fois silencieux après avoir réitéré son explication sur son corps frileux, que je semblais avoir oublié. Ah, je devrais retenir ce genre d’informations, au cas où.

Une fois posés de nouveau dans la cuisine, j’acquiesçai à sa question. N’importe quoi m’allait, et un poulet à l’ananas était un plat que je n’avais encore jamais goûté. Même quand j’étais chez ma mère, on se contentait de plats simples. Et j’étais surprise de voir l’un des hommes les plus puissants s’atteler ainsi à la préparation d’un plat. J’avais vaguement entendu parler de son restaurant, mais je ne pensais pas qu’il cuisinait lui-même. Hm, il ne fallait vraiment pas se fier aux apparences, hein ?

Alors que les ingrédients cuisaient, le Nara revint à la table et adopta une apparence hésitante, qui me fit hausser un sourcil interrogateur. Où était l’homme plein de confiance que j’avais vu depuis le début de cette rencontre ? Et je mis quelques secondes à enregistrer ce qu’il me demanda, ma bouche s’ouvrant un peu, tellement j’étais ébahi.

- Je… Tu peux pas vouloir dire…

A mon grand soulagement, Natsuki finit par éclater de rire, me faisant comprendre qu’il me faisait marcher. Je soupirai, un sourire amusé sur les lèvres alors que je roulais une nouvelle fois de yeux.

- Haha, très drôle. Ugh, si tu ne voulais pas imaginer, pourquoi as-tu abordé le sujet ? Je dois avouer que c’est juste tellement bizarre, que je n’essaie même pas de l’imaginer.

Je finis par diriger mon attention sur l’assiette fumante qu’il m’avait servie, et aussitôt, l’eau me monta à la bouche. Ça avait l’air succulent ! Je le remerciai avant de prendre ma première bouchée, et un vrai sourire parvint sur mes lèvres. C’était vraiment délicieux. Pas étonnant que son restaurant ait autant de succès s’il cuisinait des plats aussi bons ! Je continuai de manger un peu en silence, avant de reprendre la conversation.

- C’est vraiment bon. Tu cuisines aussi pour ton restaurant ? D’ailleurs, qu’est-ce qui a donné envie à un ninja avec un quotidien assez chargé à ouvrir un restaurant ?

[Event:Noël] Le jour où il aurait mieux valu rester couché(e) Epmoed10

Natsuki prit place à son tour, et profita de l'expression ravi de son propre corps lorsqu'Izumi goûta à son plat.

« Cela fait une vingtaine d'années que je cuisine, pour ainsi dire. J'ai apprit auprès d'une des personnalités les plus connues de mon clan. Elle n'est pas une Nara de sang – comme environ un bon tiers du clan – ni une ninja, mais elle participe activement à la vie de la Famille en gardant les enfants lorsque les parents partent en mission. J'ai donc souvent été chez elle, comme bon nombre d'autres, à vivre en communauté avec jusqu'à une vingtaine. Et cela va sans dire, mais pour qu'une telle tribu puisse fonctionner correctement, il n'était pas question que chacun se tourne les pouces. Et elle savait s'y prendre pour se faire entendre – comprendre obéir. De fait, chacun participait en fonction de son âge et de ses capacités aux tâches du quotidien. Pour ma part, j'ai montré assez de talent et d'intérêt en cuisine sous sa tutelle pour y avoir ma place attribuée d'office. Et j'ai beau avoir grandit maintenant, il m'arrive encore de passer chez elle de temps à autre pour l'aider aux fourneaux. Un peu moins depuis deux ans maintenant, forcément, mais il y a toujours quelque chose de nouveau à apprendre auprès d'elle. »

Natsuki servit les boissons, qui se résumaient à eau plate, gazeuse et jus de fruits.

« Après, je pense que le secret pour bien cuisiner, c'est de ne pas se limiter à la fonction première d'un plat, à savoir se nourrir. Cuir une boite de haricots et retourner deux steaks sur une poêle, c'est juste faire à manger cela, ce n'est pas de la cuisine. La cuisine, c'est vouloir faire partager quelque chose à travers ses plats, véhiculer une émotion ou transmettre un ressenti à celui qui le goûte. Il ne s'agit pas juste de servir une assiette avec quelque chose de bon dedans. »

Il haussa les épaules : cet avis n'engageait que lui.

« Mais cela mis à part, pour répondre à votre question initiale, non, je ne cuisine pas pour mon restaurant : je me contente de le gérer. Ce que je fais derrière mes fourneaux reste à titre de loisir. »

N'importe comment, les équipes qu'il avait engagé pour le service et la cuisine avaient un niveau supérieur au sien, et il y avait une différence fondamentale entre cuisiner pour un repas entre amis et cuisiner à titre professionnel pour un restaurant. Il n'avait pas envie de s'essayer au défi.

Et en parlant de défi, Izumi lui demanda qu'est-ce qui l'avait motivé à ouvrir le Septième Ciel, malgré le quotidien bien chargé qui lui accaparait ses journées.

« Une question intéressante, mais inexacte : le Septième Ciel n'est pas uniquement un restaurant. Chaque étage est un commerce différent, ou en phase de le devenir. Le rez-de-chaussée est consacré à la restauration, le premier étage est une discothèque nommée le Péché Nocturne, et le second abrite mon bureau de travail pour tout ce qui est en rapport avec l'établissement. Le premier sous-sol est en cours de rénovation, et le deuxième sous-sol viendra ensuite. »

A son ton, il laissa toutefois entendre qu'il ne comptait pas annoncer ce que les deux sous-sols contiendront.

« Et qu'est-ce qui m'a donné envie de me lancer dans tout cela ? Je dirai le dépit... »

Il soupira, bien que dans son corps de femme, ce fut beaucoup moins grave que le ton souhaité.

« Initialement, j'avais prévu d'ouvrir une chaine d'auberges à travers le Pays du Feu, à l'époque. Je m'étais mit en tête de les construire dans la carcasse des neuf Démons à Queues que je voulais traquer avec un groupe de chasse. Histoire de tester ma force. Ichibi aurait dû être le premier le liste. J'étais vraiment motivé pour cela, prêt à me lancer dans une centaine de recherches et d'enquêtes, puis il y a eu... »

Il hésita un moment, comme à la recherche de ses mots.

« Je ne l'ai jamais dit à qui que ce soit, mais j'ai affronté Ichibi à Suna, pendant l'examen Chûnin qui a dégénéré. La raison pour laquelle je ne l'ai mentionné nulle part, pas plus que je ne m'en vante, est que le combat a été ridicule, pour des raisons ridicules. Les délais de réponses ont été si peu tenu par le narrateur qu'il a fallu bâcler l'ensemble pour rester dans les clous de la narration, si bien que ma rencontre avec Ichibi – qui aurait dû être un '' cadeau '' - n'a eu absolument aucun sens. Je ne l'aurai peut-être pas battu tout seul, c'est un fait, mais on m'a volé ce combat pour que trois clampins de troisième catégorie puissent avoir leur part du gâteau. Cet affrontement aurait pu donner lieu à tellement de sens, de valeurs et de remises en question... Au lieu de cela, l'on m'a juste claqué la porte au nez après m'avoir fait miroiter un combat dantesque. »

Natsuki se redressa sur sa chaise, et poursuivit avec moins d'amertume dans la voix.

« Cela a été la goutte de trop, qui m'a convaincu de complètement laisser tomber ce projet. Et de toute façon, je n'aurai jamais réussi à réunir une équipe de quatre pour cela. Les trois quart des candidats que je voyais pour cela ont disparu les uns après les autres. Alors à la place, j'ai décidé de consacrer plutôt toute cette énergie et cette motivation dans les rénovations du Septième Ciel. Une valeur beaucoup plus sûre, même si assurément moins excitante, en un sens. »

L'essentiel, au final, était de s'occuper l'esprit pour penser à autre chose qu'à elle.

« Moins excitant, mais pas moins intéressant cela dit, car ce projet m'a amené et m'amènera encore à rencontrer beaucoup de monde pour le mener à terme. Que ce soit des gens que j'ai connu par le passé et dont j'ai besoin du savoir faire, ou des compétences qui me sont indispensables maintenant et qui me poussent à tisser des liens avec des personnalités que je ne connais pas encore. En définitif, je dirais même que je suis plus satisfait actuellement que je l'aurai été en chassant des chimères. »

Un projet qui remonte à deux ans, rappelons-le, et donc bien avant l'annonce de l'Acte VII.

« M'est avis qu'il est essentiel d'avoir des projets dans la vie pour se sentir pleinement exister : l'on ne peut pas se contenter du train train quotidien et de ce que le monde nous donne. Nous avons besoin d'objectifs à long terme, qui rendent le voyage beaucoup plus intéressant que l'arrivée. En avez-vous, Izumi ? En dehors de prendre du grade. »

Ce qui amenait une seconde question.

« Et en parlant de grade, pourquoi avoir embrassé la carrière de shinobi d'ailleurs, Izumi ? Est-ce seulement pour l'histoire de votre clan, parce que vous avez cela dans le sang, ou y'a-t-il une raison plus profonde ? »

Une question que l'on lui avait déjà posé peut-être mille fois, mais c'était la première fois que Natsuki la lui demandait.

J’écoutai attentivement les explications de Natsuki, complètement absorbée par son récit. Je trouvai ça intéressant qu’une femme sans le sang du clan puisse laisser une telle marque dans le dit clan. Cela montrait aussi l’ouverture d’esprit des Nara. Surtout quand un tel lien perdurait dans le temps. Mais j’avais pu remarquer depuis que j’étais arrivée que cette tolérance ne se limitait pas seulement à quelques clans. Les habitants de Konoha, à part quelques uns, possédaient cet esprit, ce qui facilitait l’intégration. Même si j’avais eu beaucoup de mal au début, n’étant pas capable d’accorder de nouveau ma confiance à qui que ce soit. Cependant, au fil du temps, j’avais fini par m’attacher à cet endroit, qui était bien plus accueillant que Kiri à l’époque où j’y vivais.

Je pris un verre d’eau gazeuse, continuant d’écouter le discours passionné du Nara. Même un aveugle pouvait voir à quel point il aimait le cuisine. C’était peut-être aussi un moyen pour lui de se détendre dans une vie stressante comme je supposais la sienne être.

Le Nara me répondit ensuite concernant son envie d’ouvrir le Septième Ciel, et je fus surprise d’apprendre qu’il s’agissait de quelque chose de plus grand qu’un simple restaurant. Je faillis laisser un sourire amusé paraître sur mes lèvres quand il m’indiqua le nom de sa boîte de nuit. Un nom qui allait bien avec ce qui pouvait se passer dans un tel endroit. Non pas que j’étais déjà entrée dans un établissement de ce genre, mais les rumeurs suffisaient à se faire une idée, même si c’était sans doute exagéré. Raison pour laquelle je ne fis aucun commentaire. Cependant, mon intérêt fut piqué quand il annonça qu’il souhaitait encore agrandir son business sur deux autres étages, même s’ils étaient en sous-terrain. N’avait-il pas déjà assez à gérer ? M’enfin, c’étaient ses choix, et si ça lui plaisait, c’était tant mieux pour lui, je suppose.

Son explication sur les raisons de l’ouverture de ses commerces me prit un peu par surprise. Je n’aurais jamais cru que le dépit puisse pousser un homme à se lancer dans une telle aventure. Malgré son hésitation à continuer, je ne poussai pas pour avoir les détails, le laissant choisir s’il voulait continuer ou non. Car après tout, il n’était pas obligé de me donner les détails.

Je grimaçai un peu quand il me raconta son histoire, sa voix lacée d’amertume. Une amertume que je pouvais comprendre au vu de ce qu’il me révélait. Mais ce qui me rendait encore plus compatissante était ce qu’il me racontait à propos de son équipe, et la perte de son rêve. Ça devait vraiment être compliqué à vivre. Honnêtement, je ne sais pas ce que je ferais si je devais perdre ma propre équipe. Cependant, je supposais que ce qui comptait, c’était qu’il était maintenant satisfait avec le Septième Ciel.

Je me redressai un peu quand il finit par me renvoyer ses propres questions. Et il était normal de répondre après qu’il ait lui-même partagé son histoire. Avait-je un objectif spécifique ? J’avais beau y réfléchir, je n’en voyais pas vraiment. J’étais bien dans ma peau à savoir que ce que je faisais permettait la protection et la prospérité de mon village. Ça me rassurait de savoir que je protégeais des innocents par mon travail. Et très franchement, je n’avais pour l’instant pas d’objectif précis en tête. Peut-être est-ce que ça viendrait plus tard ? Même prendre du grade n’était pas mon ambition première. C’était d’ailleurs ce que je dis au Nara.

- En réalité, je n’ai pas vraiment d’objectif précis en tête. Même prendre du grade n’est pas une si grande ambition pour moi. Je suis juste satisfaite de savoir que je protège des innocents et mon village. C’est tout ce que je souhaite, la protection des innocents. Je ne dis pas qu’un objectif ne se formera pas dans le temps, mais pour l’instant, la vie que je mène me plaît. Peut-être est-ce une vision simpliste, mais, eh bien, c’est la mienne.

Un sourire nostalgique s’afficha sur mon visage alors que je m’apprêtai à répondre à sa deuxième question. Certes, le clan avait joué une part dans mon envie de devenir shinobi. Mais la plus grande raison était autre.

- Le clan n’a joué qu’une part minime dans ma décision. En réalité, c’est plus mon père qui m’a poussée à devenir shinobi. Non pas dans le sens où il m’a forcée. Je l’admirais depuis toute petite et voulais le rendre fier. Pour cette raison, je lui ai demandé de m’inscrire à l’Académie. Et l’attaque des Furyous lui a pris la vie, renforçant mon envie de le rendre fier, de lui prouver que son enseignement ne serait pas perdu.

Je me massai la nuque, un geste nerveux, après m’être ainsi ouverte. Tout le monde ne le savait pas, et je savais que c’était cliché, mais il n’empêche que cela restait la vérité. Et je ne pensais pas que Natsuki ferait une quelconque remarque sarcastique sur ça.

Dernière édition par Nara Natsuki le Mer 22 Mar 2017 - 16:52, édité 1 fois

Natsuki haussa un sourcil amusé, même s'il sentait que le muscle correspondant avait moins l'habitude avec ce corps-ci.

« Protéger les innocents est déjà un objectif en soi. J'ai moi-même commencé avec cela, plus jeune. J'étais comme beaucoup de gamins dans le fond. Je voulais devenir fort pour protéger. Protéger ma vie, mais aussi celles des autres, qui n'ont pas la force de le faire eux-même. Je savais déjà que c'était un chemin irréalisable, que l'on ne peut pas '' sauver le monde entier.'' Mais je trouvais motivant de tout faire pour tenter d'effleurer cet objectif ne serait-ce que du bout des doigts, même sans jamais y parvenir, car j'aurai déjà fait beaucoup en essayant. Maintenant que beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, que j'ai acquis de l'expérience, je suis un peu plus terre à terre, et je vois le monde un peu différemment. En mieux ou en pire, cela, je ne saurai pas vraiment le dire par contre. »

Il haussa les épaules.

« Après, qu'elle soit classique o... »

Ce que prononça Natsuki ensuite passa en second plan, tandis qu'une nouvelle voix s'insinuait dans l'esprit de la jeune femme. Même si en réalité, le terme '' insinuer '' n'était pas tout à fait juste. Pour être parfaitement exact, l'on parlerait davantage de '' s'imposer '', comme une personne en surpoids arrivant soudainement sur votre canapé et emplissant absolument tout l'espace disponible – tout l'espace disponible incluait le fait de pousser tout le reste pour se faire de la place. La voix cristalline d'Iji se fit alors entendre.

« Izumiiiiii ~ . C'est ta conscience qui te paaaaaarle. Je suis au courant de tooouuuuut ~. »

S'en suivit un silence.

« Ouais, non je plaisante, c'est Iji. Tu te souviens, le beau gosse de ce matin ? Je suis sûr tu m'as pas oublié, tu me dévorais des yeux je t'ai vu. Alors, j'ai fait mes recherches de mon côté pour trouver une solution à votre problème. Parce que faut bien que y'en ai un bosse ici. Bon bon bon... Du coup, voilà ce que j'ai trouvé. Bon... comment dire ? Tu connais peut-être, la légende des Nara, des Yôgan, tous ces clans qui faute d'avoir un gène sélectif ont dû chercher ailleurs la source de leur célébrité, genre avec une Ombre aux Shogi ou en négociant avec Songoku ? Bah en fait, j'ai appris que c'était un peu pareil pour nous. Nous, c'est les Yamanaka hein. J'y ai jamais vraiment cru, mais en fait, il paraît qu'on doit nos connaissances sur les arcanes de l'esprit à un Esprit, justement. C'est marrant hein ? Et en fait, c'est un Yamanaka qui y'a super longtemps a remarqué que l'Esprit passait à un certain endroit tous les 248 ans, un truc comme ça, pour y faire des trucs d'Esprit. Bref, c'est pas le propos. Le truc, c'est que y'a eu un deal entre mon grand-père exposant 75 et l'Esprit qui lui a transmit son savoir. Et en fait, c'est là que c'est drôle, parce que c'est que contre ses connaissances, Il a convenu que c'était dans le Pays du Feu qu'il passera désormais pour faire ses trucs. Tu devines la suite ? »

Iji laissa une demi-seconde de réflexion avant de reprendre la paroles.

« Ouais non en fait c'est peut-être mieux que j'explique, parce que Natsuki c'est pas une flèche niveau cérébrale, et sans vouloir te vexer, t'as pas l'air de toucher ta bille en devinette. Le truc de l'Esprit donc, son petit plaisir, c'est de passer et d'intervertir l'esprit des gens au hasard, comme ça, au pif. Et... figure-toi que c'est ce qui vous est arrivés, parce que les 248 ans, c'était la nuit dernière. Alors qu'on soit d'accord tout de suite... » enchaina-t-il sans laisser le moindre répit. « ... c'est pas ma faute, okay ? Je refuse que vous me lâchez tout sur le dos pour les trucs d'un ancêtre que j'ai même pas connu. Surtout que bon, y'a pas mort d'homme quoi. Je veux dire, imagine si c'était avec une créature tentaculaire qu'il avait fait son pacte, et qu'elle lui réclamait des sacrifices tous les dimanche matins. Là t'as quoi, un truc qui gène un peu entre les jambes, mais pas tant que que ça je suis sûr, faut penser à te baisser avant de passer les portes, et c'est tout. Enfin bref, quand t'auras fini de te plaindre, j'arriverai peut-être à finir ce que je voulais dire. Je disais quoi déjà ? Ah oui. C'est pas un état permanent. Ça va se corriger tout seul demain. Enfin, cette nuit, vers 5 heures 37. C'est cool hein ? Ouais, ouais, me dites surtout pas merci pour tout ce que j'ai fait pour vous. Bref, tu diras à Natsuki qu'il m'en doit une, et que ça serait bien qu'il arrête de m'en devoir, parce que ça commence à faire beaucoup. Allez tchao, y'en a qui ont une vie et un travail. »

La liaison raccrocha. De retour à la réalité, Izumi pouvait observer devant elle son corps en train de manger un sorbet framboise melon.

« C'est bon, c'est fini avec Iji ? » demanda Natsuki, qui savait reconnaître quand le Yamanaka s'imposait dans l'esprit de quelqu'un. « Alors, cela donne quoi ? »

Puis il baissa les yeux vers son sorbet.

« Au fait, tu n'es pas au régime, je peux me le permettre ? »

Je ne fus pas si surprise d’apprendre que Natsuki avait eu à peu près la même « ambition » que moi au départ. Et je savais aussi qu’il avait raison. Sans doute, avec beaucoup d’expérience, j’arriverais à me forger une idée plus claire de ce que je voudrais devenir. Trouver quelque chose de spécifique, qui me correspondrait, et qui me motiverait encore plus.

Alors qu’il commençait une nouvelle phrase, ce fut une nouvelle voix qui se fit entendre, et je sursautai légèrement de surprise face à l’intrusion. Stupide Yamanaka. Mon sourcil tiqua à plusieurs reprises durant ses premiers mots, mais je restai calme, sachant qu’il finirait par arriver au point. La leçon d’histoire qu’il me donna m’impressionna, et mes sourcils se haussèrent tout du long. Et quand il parvint à la fin, j’eus une légère suspicion de ce qu’il impliquait.

Cependant, avant que je ne puisse donner mon avis, il repris la parole, sous-entendant très fortement que son ami et moi-même n’étions pas les meilleurs niveau intelligence. Heureusement, il passa vite au vif du sujet en annonçant que c’était bien ce fameux esprit qui s’était amusé à changer nos corps. Ugh, maintenant je pouvais voir d’où venait ce caractère taquin d’Iji. Mais ce qui me soulagea le plus, ce fut de savoir que notre condition n’était que temporaire et que nous retrouverions nos corps dans quelques heures.

« Merci Iji. Vraiment. » Lui répondis-je d’une voix (pensée) sincère avant qu’il ne disparaisse de ma tête.

Je clignai un peu des yeux pour me réajuster à la réalité, et fus un peu surprise de voir le Nara manger une glace sous mes yeux, tout en me demandant si j’avais fini ma conversation avec le Yamanaka. Hm, ça devait vraiment se voir cette communication par pensées. Mais sa seconde question me perturba un peu dans mon cours de pensées, le Nara passant d’un sujet sérieux à un autre qui l’était bien moins. J’effectuai un vague geste de la main, le concept de régime m’étant toujours passé au-dessus de la tête.

- Non, non. C’est bon.

Je me passai ensuite une main dans les cheveux, me demandant si le Nara croirait à une telle histoire. Certes il avait l’air très ouvert d’esprit, mais il était aussi un peu un scientifique. Enfin, ce n’était pas moi qui inventais cette histoire, et il serait sans doute content de savoir que nous allions bientôt retrouver notre corps d’origine. De mon côté, j'avais été assez frustrée d'apprendre que tout ce problème était dû à un simple esprit malin avec lequel nous n'avions rien à voir. POurquoi ne s'en était-il pas pris à quelqu'un de son clan?

- Iji m’a dit, en gros, que l’Esprit qui avait conclu un pacte avec son clan pour leur donner son pouvoir était à l’origine de cette petite blague. Apparemment, il apparaîtrait tous les 248 ans, et nous avons eu la malchance d’être dans une de ces 248e année. Et il nous a joué ce petit tour. Normalement, nous devrions retrouver notre corps dans la nuit, vers 5 heure 37. J’espère que c’est vrai.

« Tant mieux. Les régimes sont une ineptie dans un corps de métier où nous brûlons plus de quinez mille kilocalories au quotidien. »

Mais cela restait une moyenne, les Akimichi par exemple en consommaient quatre fois plus. Là n'était toutefois pas le point de discussion, alors qu'Izumi lui transmettait les informations d'Iji.

« Oh. » finit par lâcher Natsuki lorsqu'elle arriva au bout du résumé. « Au moins nous avons une solution qui ne nous coûtera pas beaucoup plus qu'une quinzaine d'heures encore dans la peau de l'autre. Non pas qu'il m'est dérangeant d'être doté d'attributs mammaires qui ne sont pas essentiellement constitués de muscles, mais je préfère tout de même être moi. »

Sans offense.

« Mais à la lumière de ce que vous m'avez révélé, je dois avouer être plutôt surpris : de toutes les légendes de clan que je connaisse, je pensais que celle à l'origine des pouvoirs des Yamanaka avait le plus grand écart entre le mythe et la réalité. Et il se trouve que c'est tout l'inverse. »

L'occasion de raconter une nouvelle petite histoire.

« Je m'explique, car de ce que je comprends en me basant sur ce que vous m'avez dit plus tôt dans la journée, vous n'êtes pas du genre à ouvrir un livre pour vous intéresser à l'Histoire d'avant. Comme vous le savez sûrement toutefois, les capacités qui ont fait la célébrité des grandes Familles de Konoha ne leur viennent pas pour tous de leur sang. Pour beaucoup, ce sont des connaissances dans un domaine que les générations ont affiné. Chacun a sa légende, mais bien entendu, les légendes ne sont que des récits s'inscrivant dans une histoire que la mémoire collective a modifié alors que passaient les décennies. Prenez nous, les Nara. Les textes disent que notre emprise sur les ombres nous viendrait de la prouesse d'Ichisame, qui il y a bien longtemps a défié une Ombre Primordiale au shogi alors qu'il s'était caché de la pluie dans une grotte plus obscure que la nuit. En la battant, il l'a soumit à ses ordres, une servitude qui s'est transmit lorsqu'il a eu sa descendance. »

Natsuki battit de ses paupières féminines simplement pour le plaisir de le faire avec un visage de femme.

« Ce n'est pas compliqué en soi de jouer dans le noir – beaucoup d'aveugles pratiquent couramment les échecs -, mais entre nous, vous croyez vraiment que des Ombres existent en tant qu'entités pensantes et vivantes ? »

La réponse était oui, en un sens, depuis que Natsuki lui avait apporté une nouvelle définition, mais là n'était pas le propos.

« A ne point en douter, il y a certainement un fond de vérité dans cette histoire, mais l'on ne me fera pas croire qu'elle n'a pas été romancées par les années. Et Kyubi sait à quel point je crois au fantastique. »

Le fantastique ayant une notion tout à fait relative dans un univers où les gens se transformaient en foudre ou tiraient des boules de feu avec les yeux. Chaque limite que l'on croit établit finissait par être brisée et repoussée.

« Qu'en est-il des Gekei ? Avez-vous une légende qui narre votre existence en ce monde ? Votre clan est encore très récent au sein de Konoha, et votre Chef Pô n'avait pas été très loquace sur le sujet lorsque je l'avais interrogé sur votre histoire, bien que je sois certain d'avoir su faire la part entre la curiosité polie et les questions indiscrètes. De fait, j'en sais encore très peu sur vous au sens large. En tant qu'ancien archiviste, je dois vous avouer que c'est en quelque sorte un échec dans ma carrière. »

Vous avez dit '' une invitation pour la lancer sur le sujet ''?

Je jetai un regard amusé au Nara suite à ses remarques, tant celle sur le régime que sur l’envie de retrouver son propre corps. Ce n’était pas comme s’il était le seul dans cette situation, et j’étais ravie de savoir que dans une quinzaine d’heures, nous retrouverions nos corps respectifs.

- Ne t’inquiètes pas, je comprends parfaitement le sentiment. Il sera juste soulageant de retrouver notre corps. Bien que ça aura été une expérience intéressante.

La discussion tourna vite sur un autre sujet, un sujet qui contrairement à ce que les propos du Nara auraient pu laisser penser, m’intéressait. Même si il était vrai que je n’étais pas forcément attirée par les bouquins, j’avait tout de même toujours aimer les mythes quels qu’ils soient. Je trouvait ça intéressant, comment les hommes tentaient de justifier un pouvoir, un fait, par un phénomène qui n’était pas « naturel », si l’on pu dire. Et autant dire que l’histoire du, ou devrais-je dire, des Naras, était captivante. Un homme qui gagne contre une ombre au shogi. Je réfléchis à sa question quelques instants. En un sens, on pouvait dire qu’elles pouvaient être vivantes vu comment les Naras les manipulaient.

- Hum, je dirais qu’elles pourraient être vivantes au vu de comment vous pouvez les manipuler. Pensantes, peut-être pas. Mais je n’ai pas vu assez de Nara à l’œuvre pour me faire une opinion.

Je restai un moment pensive après la demande du Nara. Non pas que ça me gênait de lui confier notre légende mère, après tout, il venait de me donner celle de son clan. En réalité, c’était surtout que ça faisait un long moment que j’avais entendu la mienne, et on va dire qu’il me fallait un petit temps pour bien me souvenir de cette histoire que me racontait mon père avant de dormir. Je pris une petite inspiration, me passant la main dans les cheveux pour mettre de l’ordre dans mes idées. Ce qui était assez perturbant puisque je dus m’arrêter en me rappelant qu’il fallait que j’évite de toucher les sortes de cornes sur mon front.

- Je ne sais pas si vous le savez, mais Mère Nature est une figure très importante dans certains de nos rites. On lui rend même hommage. Et on pourrait croire avec ce que je vais vous raconter, que les esprits sont une part entière des mythes constructeurs de nos clans. Il y a de cela très longtemps, une femme, Gekei Kyoko, se rendit dans les bois pour ramasser une herbe quelconque. Seulement, en chemin, elle croisa un magnifique griffon. Oui, le même que nous connaissons des mythes plus communs. Cependant, cette superbe créature avait été gravement blessée par un jet de lance qui s’était perdu. Sans doute un chasseur imprudent. Attendrie, et ressentant une espèce de lien sympathique avec le griffon, la jeune femme s’occupa de lui et prit soin de lui pendant des mois, le ramenant à sa splendeur naturelle. Durant cette période, une étrange amitié est née entre les deux êtres, si bien que lorsque Kyoko fut condamnée au bûcher par son village à cause de son lien avec une créature des Enfers selon les coutumes de cette peuplade. Ce fut cette même créature qui la protégea de cette punition en l’enlevant juste avant qu’elle ne soit attachée sur le bûcher, s’envolant ensuite vers une contrée plus éloignée. Tu vas me dire, quel lien avec Mère Nature ? Il se trouve qu’apparemment, elle aurait été tellement attendrie par cette étrange amitié qu’elle leur serait apparue et leur aurait proposer un marché. Sachant qu’aucun peuple ne serait assez tolérant pour accepter une jeune femme amie avec une créature légendaire et dangereuse, elle leur proposa de lier leurs esprits. Le corps du griffon serait tourné à l’état de totem tandis que son esprit cohabiterait avec celui de Kyoko. Ne voulant pas être séparées, les deux amies acceptèrent le marché, et c’est ainsi que le premier membre du clan Gekei possédant ce pouvoir est né. Ensuite, au fil du temps ce pouvoir s’est atténué. Nous serions toujours liés à un esprit animal, mais ce serait différent selon chacun. Par exemple, récemment, Azuna s’est manifestée. Mais je sais que pour d’autres Gekei, ce pouvoir se manifeste plus, hmm, comment dire, instinctivement ? L’esprit se manifeste plus au travers des réflexes, des instincts et des sens qu’au niveau mental comme ce le fut au tout début, avec Kyoko. Voilà, j’espère que j’ai été assez claire ?

« Elles pourraient ? » répéta Natsuki avec un sourire amusé. « Mmh.. peut-être. Car en y repensant, ce ne serait pas la première que j'ai l'impression d'apercevoir des yeux sur la mienne. Deux globes d'un jaune pâle qui me dévisagent dans les heures les plus obscures de la nuit... »

Natsuki resta songeur à sa déclaration.

S'en suivit un récit très intéressant sur la légende par laquelle les Gekei expliquaient leur existence dans ce monde. Une histoire sommes toutes surnaturelle sur les bords, diraient certains, mais qu'est-ce qui ne l'était pas dans leur univers ? Le simple fait qu'il était en train d'observer son propre corps à travers les yeux d'une autre illustrait très bien le propos sur la question...

« Ainsi donc, votre pouvoir viendrait d'une proposition de Mère Nature ? Hum... Ce n'est pas la première fois que j'entends parler de la planète comme étant une entité vivante et pensante. J'ai rencontré jadis un homme – pour autant qu'un être de deux mètres vingt avec la peau violette puisse être appelé '' un homme '' - qui prétendait être né de la Terre, et que cette dernière lui avait confié une tâche à mener. Je ne sais pas si c'était vrai, ou s'il disait juste cela pour se donner un genre avec son ours qui parle, mais dans le fond, quelle raison aurai-je de ne pas le croire ? Ce n'est pas parce que l'on ne voit pas ou ne comprend pas quelque chose que c'est forcément faux. »

Mais le cerveau était ainsi conditionné, pour sa propre sécurité et la stabilité mentale de son propriétaire légitime.

« Et vous, qu'en pensez-vous de votre légende , Izumi ? Quelle part de vérité, et quelle part de romance lui accordez-vous ? Sauf si peut-être comme moi, vous avez dans l'idée que cela ne relève d'aucune espèce d'importance. Il y a selon moi des choses qui n'ont pas besoin d'être expliquées ou approfondie, et c'était essentiellement vrai pour les légendes qui bercent notre culture. L'origine de nos pouvoirs n'a pas vraiment d'importance, elle est si ancienne qu'elle n'influe plus vraiment sur notre présent, si ce n'est peut-être au travers de certaines traditions. Mieux vaut parfois considérer les récits pour ce qu'ils sont, sans chercher à aller plus loin. Et puis, vous savez ce que l'on dit : '' Le mensonge est une belle histoire que la vérité gâcherait ''. »

Dans sa plus belle forme en tout cas.

« Sinon, je voulais vous demander. Je vais vous poser la même question qu'à Pô, votre ancien chef de clan, qui n'avait pas su me répondre. Peut-être que maintenant qu'un peu plus d'eau a coulé sous les ponts... Est-ce que votre intégration à Konoha se passe bien ? Je veux dire, le clan Gekei est arrivé dans le Village il y a maintenant quatre ans, ce qui est plutôt récent en soi dans un endroit aussi cosmopolite que Konoha. S'ajoute à cela que c'est dans l'ancien quartier Hyô que l'ancien Hokage Onpu Myakudon avait invité Pô à s'installer. Vous avez peut-être entendu parlé de la scission du clan Hyô à l'époque ? Plus de la moitié du clan a déserté pour rejoindre le Shoraizen, tandis que l'autre s'est retrouvée frappée par le déshonneur et a été pointé du doigt pendant un temps par les populations – ce qui a expliqué entre autre leur changement de quartier, pour changer d'image... Bref, tout cela pour dire que votre quartier actuellement portait une réputation avec lui, une réputation que vous avez dû assumer. Heureusement, à Konoha les mentalités sont quand même assez ouvertes, et la différence relativement bien acceptée. C'est même ici que les Gogyou ont trouvé en premier un endroit qui les accepte, en dépit de la vague de racisme qui a sévit suite à l’avènement de Makka. »

Une sale époque, mais qu'il n'avait pas connu en tant que joueur.

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