Plongé dans l'obscurité la plus totale, des liens invisibles maintenaient Hugh totalement immobilisé, les bras dans le dos et les jambes contre les pieds de la chaise sur laquelle il était. Quelque chose, un sac probablement, l'empêchait de respirer correctement, et étouffait les sons qui l'entouraient, pour autant qu'il y avait quoi que ce soit à entendre. La pièce était d'une fraîcheur macabre, et ne laissait pas présager d'activités agréables. Le médecin devait donc s'y sentir comme dans un poisson dans l'eau. Un poisson attaché, et bâillonné.

« Il reprend conscience, nous allons pouvoir commencer. » dit soudainement une voix d'homme rauque.

Son écho dénuée de vie se répercuta sur les murs, indiquant qu'il s'agissait d'une pièce aux dimensions réduites.

« Si vous voulez bien lui retirer le sac. »

Quelque chose arracha ce qu'il portait sur la tête d'un geste, laissant ses yeux passer du noir total à l'obscurité profonde.

« Soyez le bienvenu, Hugh Hyûga. J'espère que vous excuserez la condition dans laquelle nous vous avons mit actuellement, mais c'était nécessaire. »

A l'ouïe, Hugh pouvait déterminer que l'individu qui lui parlait se trouvait devant lui, mais rien de plus. D'ici quelques minutes, quand ses pupilles se seront habitués, il distinguera peut-être vaguement une silhouette.

« Tout d'abord, sachez que vous n'avez pas été kidnappé. Nous n'exigerons pas de rançon à votre famille ou votre clan, ni ne vous échangerons contre un autre prisonnier. D'ici une demi-heure, vous pourrez repartir tranquillement chez vous, sans dommage ni séquelle. C'est pourquoi je vous demanderai de ne pas m'interrompre, et de me laisser vous expliquer votre situation. Et si je peux me permettre le conseil, évitez d'utiliser votre chakra : le sceau dans votre nuque rendra l'exercice très désagréable. »

La voix était restée parfaitement neutre, mais une inflexion dans le ton laissait savoir à Hugh qu'elle ne saurait souffrir d'un comportement contraire à celui demandé. Le bâillon qui lui creusait la commissure des lèvres fut détaché.

« J'imagine que votre immobilité ne vous est pas très agréable, aussi j'irai droit au but. Votre dossier a été retenu pour intégrer une unité toute spéciale à Konoha. Et je ne parle pas de l'ANBU. Il s'agit d'une unité fantôme destinée à assurer la sécurité et la pérennité du Village de la Feuille. Tout comme les ANBU, à la différence que nous ne recevons nos ordres de personne, de même que nous n'avons aucun compte à rendre : nous agissons dans l'ombre en notre nom, et nous sommes les seuls responsables de nos actes. En clair, nous veillons activement sur le Village, en faisant tout ce qu'un shinobis de la Feuille ne pourrait pas se permettre de faire. En particulier désobéir. Aux lois, à l'Hokage, à la morale. »

Des mots qu'il avait déjà entendu quelque part.

« Et si je vous en parle, c'est parce que nous avons pensé que vous avez le potentiel le plus adapté à cette unité, nommée La Racine. Officiellement inexistante, elle n'est connue que par les membres qui la compose, ainsi que le Hokage. »

La voix lui laissa un court temps de réflexion. L'intelligence du Hyûga n'était plus à prouver, inutile donc de lui faire remarquer qu'il n'était pas Hokage, et en conséquence, ce que cela impliquait : il n'était pas stupide. Elle voulait juste connaître son avis sur la question.

« Cela dit, nous ne sommes pas monstres non plus. »

Cela restait à prouver pour certains membres...

« C'est pourquoi vous avez le choix. Soit vous intégrez l'équipe, soit vous refusez. Dans les deux cas, vous repartirez sur vos deux jambes. »

Que ce soit de la main de la voix ou de la personne qui l'assistait, le secret professionnel restera assuré, qu'importe l'issu de cet entretien.

Hugh fit preuve de calme devant la situation, qu'il analysait très probablement plutôt que de s'agiter inutilement. Ce n'était pas un critère d'entrée au sein de l'organisation, mais la marque d'un homme d'expérience agissant avec professionnalisme qu'importe les circonstances. Un trait essentiel pour un shinobi, en somme.

« Si vous êtes ici, c'est parce que votre dossier a été étudié d'aussi près que l'a été votre corps et votre psychique. Cette organisation est restée secrète, car nous sommes ne recrutons pas n'importe qui. Autrement dit, si je réponds à vos question, c'est parce que nous nous doutons déjà de votre réponse, sinon nous ne nous serions pas dérangé pour vous chercher. Cela inclut donc que nous avons connaissance de vos projets prochains. Et c'est justement ces derniers qui ont achevé de faire pencher la balance en votre faveur. Voyez-vous, la Racine dispose d'un vaste réseau – lequel ignore en faire partie d'ailleurs -, mais manque d'agents de terrain véritable. Le genre d'électron qui par son statut '' d'Ermite '' aura plus de liberté, et surtout de facilité d'action qu'un autre. Un rôle dans lequel vous pourriez convenir parfaitement. »

Cela dit...

« Par contre, je ne sais pas si je dois être déçu ou satisfait. Déçu que l'homme de savoir que vous êtes se pose si peu de questions sur ce dans quoi il va mettre les pieds, ou satisfait de constater que vous êtes suffisamment vif d'esprit pour avoir comprit de quoi il en retournait avec simplement mes explications initiales. »

Rien n'était compliqué au final, mais les quelques membres recrutés par le passé avaient cherché à en savoir plus sur la Racine avant de signer – à quand bien même l'agent de recrutement savait qu'ils accepteront à la fin. Hugh pour sa part montrait très peu de considération pour tout ceci, à moins qu'il se satisfaisait déjà pleinement de ce qui lui avait été communiqué.

« Il y a toutefois l'utilisation d'un de vos termes que j'aimerai corriger. Vous avez parlé de justice, mais je crains que nous ne puissions pas réellement qualifier notre activité comme servant la '' justice ''. Nous ne sommes pas des héros, ni des vengeurs. Nous exécutons simplement ce que nous jugeons nécessaire pour le bien de notre Village, sans nous embarrasser de l'éthique. Vous savez ce qu'est l'éthique, n'est-ce pas ? Vous recherches soulèvent souvent des questions allant de cet ordre là, et vous-même en frôlé régulièrement la limite avec – pas toujours du bon côté d'ailleurs, si je peux me permettre la remarque. »

La science sans conscience n'est peut-être que ruine de l'âme, mais en attendant, c'est ce qui a fait le plus avancer le monde. Et c'était toujours plus facile de refuser un progrès en se concentrant uniquement sur ses aspects négatifs.

« En parlant de recherches, c'est peut-être le versant qui devrait le plus vous intéresser. Vous êtes un bon patriote, mais vous vous sentez un peu parfois coupé dans votre élan par les restrictions morales, d'où votre désir d'un peu de mise à distance du Village via le statut d'Ermite. Vous espérez j'imagine y trouver un peu plus de liberté pour découvrir le monde et les limites qu'il cache. Sachez que si vous le désirez, vous pourriez disposer d'un espace clos destiné à vos recherches, le genre où vous n'aurez pas de compte à rendre, et où personne ne viendra s'intéresser de trop près à ce que vous y faites, hormis peut-être nous-même. Un tel endroit devra se mériter toutefois : les crédits de la recherche étant à l'heure actuelle inexistants, ce sera à vous d'amener un projet pour vous financer, la Racine vivant en autarcie totale vis-à-vis du Village de Konoha. »

Pour le moment, les ressources de la Racine lui suffisaient tout juste, et l'un des projets en cours avait besoin d'un peu plus de temps pour offrir davantage de marge financière.

« Personnellement, l'engagement me semble plutôt intéressant pour vous. Il vous offre les moyens de joindre l'utile à l'agréable, en contre-partie de quoi nous vous demanderons simplement de continuer d'agir activement dans l'ombre pour la prospérité de Konoha. En tant qu'agent de terrain, vous serez au cœur même de l'information, et en mesure de cibler beaucoup plus efficacement tout ce qui est susceptible de nous intéresser. Des informations dont Konoha aura besoin d'avoir connaissance, et d'autres non. »

Même Mizuki ne pouvait pas tout savoir, si elle ne savait pas quoi chercher. Le défaut de son système était qu'elle ne pouvait pas assimiler absolument tout de la quantité phénoménale de données qui lui étaient rapportées : elle avait besoin de filtres.

« Y'a-t-il d'autres points d'ombres que vous souhaiteriez voir éclairer avant de passer le point de non-retour ? » questionna la voix.

Il était toujours important d'avoir au moins une vague idée de ce dans quoi l'on allait plonger : car par exemple, si l'on sait que c'est mauvais, qu'il y aie des pieux ou des scorpions venimeux par milliers au fond, cela ne change pas grand chose, on connait déjà la fin.