Ca avait fonctionné. Comment Satochi avait eu cette intuition ? Comment avait-il réussi à convaincre Miko elle-même ? Comment ai-je pu aller jusqu’au bout de cette folle idée ? Est-ce que Pikachu dit « Pikachu » parce qu’il s’appelle Pikachu ou est-ce qu’il s’appelle Pikachu parce qu’il dit « Pikachu » ? Tant de questions qui resteront sans réponse un long moment. Assise à mon bureau, jouant avec un stylo entre mes doigts, je regardai dans la vide, me remémorant chaque instant de « La Purification », un évènement qui restera dans les annales de Konoha mais qui ne dépassera sans doute pas les frontières. Etrangement, la grogne du peuple s’était montrée plus insistante au soin de Kibo qu’à la mort de Tetsui – à croire que le mouvement nationaliste ne touche pas que les pays occidentaux. Savoir qu’il était vivant, à Konoha, et en train de mobiliser des ressources de la Feuille après tout ce qu’il avait causé en rendait fou certains. Mais les faits nous donnaient raison : le Nanadaime avait retrouvé toute sa tête. A nous d’en profiter, maintenant, et pour mettre fin à cette guerre, et pour l’avenir.

J’avais justement rendez-vous avec lui dans quelques minutes au Septième Ciel, la nouvelle place forte de Konoha où toutes les pointes du pays se rencontraient pour refaire le monde, un bon repas dans l’assiette. Bon, entre nous je préférerais conquérir le monde avec la marche impériale en fond et un verre d’Ice Tea à la main, mais il paraît que c’est pas possible – d’une parce que je ne peux pas conquérir le monde, et de deux parce que la Marche Impériale ne serait dans cet univers que le fruit de mon imagination (ce qui est pas mal en fait, je peux me faire un paquet d’argent en la commercialisant puisqu’elle n’existe pas, héhé). Arrivant en avance, la personne responsable des entrées me conduisit à une table qu’on m’avait réservée pour l’occasion. L’Ombre du Vent ne tarda pas à me rejoindre et s’inclina devant moi. J’arquai un sourcil.

- Je ne suis pas ta supérieure, Kibo. Redresse-toi et garde ces fantaisies pour Miko ou pour ton Daimyo que tu devras convaincre de ta bonne foi.

Le laissant s’assoir, le serveur vint prendre nos commandes et repartit assez rapidement. J’ignorai s’il avait des choses à me dire, mais une chose était sûre, j’avais des choses à lui dire.

- J’ai accepté de te rencontrer parce que j’ai moi aussi des choses à te dire. Et des choses qui ne vont pas spécialement te plaire, alors j’aimerais que tu m’écoutes sans m’interrompre, parce que c’est important, c’est sans doute osé et, plus que tout, il en dépend de l’avenir de Suna et de Konoha.

Je portais ma cape d’Hokage et des habits noirs en dessous. Mes cheveux étaient détachés, et j’avais les jambes et les bras croisés. Mon regard fixait mon homologue Sunajin et je ne souriais pas, contrairement à mes habitudes.

- J’ai déjà rencontré Ogami, le régent actuel, une fois. Nul doute qu’il finira par être érigé au rang d’Hachidaime Kazekage une fois que la situation du pays se sera un peu stabilisé, ce qui ne devrait plus tarder. Sache que cette situation ne me convient pas, et ne convient pas à Konoha. Je veux que tu reprennes ta place, et que tu répares ce que tu as brisé.
La proposition peut sembler étrange, sauf que je sais pertinemment que parmi les Sunajins, actuellement, tu es celui qui sera le moins enclin à reprendre une guerre avec nous, parce que tu sais ce qu’on est et tu sais mieux que personne ce qu’on a fait en dépit de ce qu’on aurait pu faire. Pour nous, tu seras le meilleur allié possible parce que, te connaissant, jamais tu ne te retourneras contre nous à nouveau.

Et je le pensais réellement : Konoha lui avait rendu sa vie, au sens propre et figuré, pendant que Suna l’avait jeté hors de ses murs et destitué de ses fonctions au profit de son élève. J’ignorais tout d’Ogami, peut-être n’était-il pas une menace, mais dans l’immédiat, j’étais sûre que Kibo n’en serait jamais plus une.

- Je ne vais pas te mentir, Kibo, la tâche que je te demande sera ardue et compliquée. Tu as dû voir et croiser certains regards Konohajins : ce n’est que l’ombre de ce qui t’attend à Kaze. Tu es considéré comme un paria, une source de malheur là-bas, et je pense que certains voudront t’évincer avant même que tu reposes la main sur ton siège. Et quand je parle d’évincement, je ne parle pas de la manière douce du Régent qui avait, à l’époque, encore du respect pour toi. Mais quand ils apprendront tout ce qui s’est passé, je suis prête à te parier mon village qu’ils te penseront de nouveau endoctriné, mais par nous cette fois-ci. Et ce serait compréhensible. Et du coup, pour réussir cet ouvrage, tu auras le total soutien d’Ema.

Je plissai un peu les yeux : il devait se dire que jusqu’à présent, rien ne semblait vraiment infâmant dans ce que je proposais. Mais…

- Qu’on s’entende bien, Kibo : tu as besoin d’un soutien indéfectible d’Ema. Mais pas en tant qu’épouse, et surtout pas en tant que mère : tu as besoin d’elle en tant que Kunoichi. J’ai du respect pour elle et pour ce qu’elle a traversé, mais lors de ta purification, elle n’a pas été représentative de ce que je pense être un « soutien indéfectible ». Parce qu’elle aime son enfant, et qu’elle le fera passer avant toute autre chose pour qu’il soit en sécurité. Ce qui n’ira pas de concert avec ce que je te demande de faire à Suna et avec tous les ennemis qui vous entoureront. Parce que même à Suna, on sait que pour t’atteindre toi, il faudra s’en prendre à Satomu…

Je laissai quelques secondes à Kibo d’assimiler ce que je venais de dire, et lui faire comprendre que, pour le coup, Satomu serait un boulet de plusieurs tonnes attaché à ses chevilles.

- Kibo, pour qu’Ema et toi puissent agir en toute quiétude, je te propose de prendre Satomu comme Pupille. Il sera gardé au palais de Hi auprès de Miko, et tu sais tout comme moi qu’actuellement, dans ce monde, aucun endroit n’est plus sûr qu’être auprès d’elle. Vous le saurez en sécurité, au fond ça reste une sécurité pour nous malgré tout et vous pourrez agir pour le bien commun de Hi et de Kaze. Bien entendu, ton aptitude à te déplacer en clignant des yeux vous autorisera à venir le voir quand vous le souhaitez. Mais il sera sous l’aile de Miko un petit moment, le temps que Suna soit stabilisé.
Kibo, je t’offre la possibilité de retrouver ta puissance d’antan, la place qui a été la tienne, et le tout en sachant que tu pourras agir en toute liberté car ce qui compte le plus pour toi ne pourra pas être en plus grande sécurité. Le tout en te dotant d’une kunoïchi qui te sera fidèle et qui retrouvera une puissance éclipsée par sa maternité.

Je sais que se séparer de son enfant serait un déchirement, mais il devait savoir que j’avais raison. Avec Satomu en Pupille d’Hi, jamais il ne sera mis en danger. Alors que l’accompagner à Kaze…

Je restais silencieuse sur la disparition de Kawaguchi Tsukiko, fronçant légèrement les sourcils en mangeant. Elle avait été raccompagnée à la frontière, et on s’était assuré qu’elle soit saine et sauve en entrant dans ses terres. Le fait qu’elle est disparu était un incident fâcheux, mais indépendant de Konoha. Les rumeurs de son non-retour avaient circulé, mais Kibo venait de me le confirmer officiellement : Kaze était sans Daimyô. Pas étonnant qu’Ogami n’ait pu être catégorique sur les conditions acceptées ou non, aucune des personnes qui décident actuellement au pays du Vent n’a la moindre légitimité hors que celle de remplaçant.

- Tsukiko a été ici pendant quelques temps, à vrai dire. Miko l’avait capturée à la suite d’une entrevue… Aucun mal ne lui a été fait et nous avions discuté du bien-fondé de ta… destitution, à l’époque. Et elle nous rejoignait sur ce point. Je suis attristée d’apprendre qu’elle n’est jamais rentrée…

Pour connaître la férocité et la puissance de la Daimyô, je doute qu’elle se soit faite avoir en chemin, surtout en plein milieu d’un désert. Une Kawaguchi de sa trempe ne perd pas en plein désert. Ce qui n’amenait qu’une chose : la désertion. Kaze se vidait de ses éléments les plus forts, au fil du temps. Le pays mourrait à petit feu.

- J’ai rencontré Ogami peu avant ton arrivée à Konoha. Il œuvre pour son village et pour sa nation, mais il semble… perdu. Enfin, disons qu’il doit être surtout seul. Tu étais malade, Tsukiko est portée disparue… Personne n’est concrètement aux commandes au Pays du Vent. La guerre lui est tombée dessus comme la misère sur le pauvre monde, et il n’a pas de réel appui sur qui compter…

Il ne fallait cependant pas oublier une chose : Ogami avait lui-même fomenté le coup d’état… Alors mon avis était partagé. D’un côté, aurais-je été de ceux qui restent silencieux face à la folie de mon dirigeant, un mouton parmi le troupeau ? Ou aurais-je été de ceux qui résistent, sans vraiment comprendre face à quoi je me retrouverais une fois que j’aurais atteint ce pourquoi je me battais ? Benzaiten ou Kyûbi ou je ne sais quel Dieu me préserve de ce genre de situation.

Je faillis cependant m’étouffer lorsqu’il évoqua le nom de Kioshi. Mon pauvre, le réveil doit être compliqué…

- J’te conseille d’éviter de mentionner le fait que tu puisses compter sur Kioshi en présence de Miko. Pendant la bataille de Ki no Kuni, Yôgan Yusei et son clan ont capturé Yamada Arashi, son oncle, qui a été ramené ici et emprisonné. Kioshi l’a appris, et malgré sa non-affiliation affichée à Suna… Il a décidé de venir se faire justice lui-même, comme un gosse dans une cour de récréation… Sauf qu’il l’a fait dans le déshonneur le plus total.

Je posai mes couverts, massant légèrement ma tempe en marquant une pause.

- Il s’en est pris à des villes civiles, menaçant de tout détruire si on ne lui rendait pas Arashi. Accusez Konoha de ce que vous voulez, mais on ne s’en est jamais pris aux civils. Les shinobis sont là pour éviter ce genre de pertes et de carnage. Kioshi a dû l’oublier. Mais Miko a une meilleure mémoire.

J’haussai les épaules.

- Je te rappelle aussi que Kioshi a laissé son village dans un état misérable en désertant, ce qui a amené à te propulser au poste de Kazekage, qui t’a permis de déclencher cette guerre. Sans la lâcheté de cet homme, Kibo, tout cela aurait été évité. Et tout ça pour l’amour d’une Ketsueki qui ne l’a probablement jamais aimé autant qu’il l’aurait voulu. On peut faire confiance à ce genre de personnes ? Ca fait beaucoup, je pense… Et lui n’était pas malade.

Les informations données par La avaient été précieuses pour comprendre certaines choses qui s’étaient passées à Suna, dont ces évènements charnières après l’examen international. Reprenant mes couverts, j’avalai une bouchée.

- Concrètement, je pense que redevenir Kazekage en claquant des doigts va être compliqué. Tu as un vrai plan, hors « je verrais avec ceux qui m’ont respecté à une époque » ?

- Un homme seul qui préfère envoyer des clones plutôt que de se présenter lui-même ne peut réellement causer de tort à tout Konoha. Pas actuellement en tout cas. Aussi kazekage soit-il.

Les problèmes se sont surtout accumulés pour lui, finalement : il s’est mis à dos un village entier qui n’avait de base rien contre lui, en s’attirant les foudres de hauts gradés ad hominem, incluant Miko qui ne laissera sans doute pas passer cet affront. Tant pis pour lui. Arashi avait de toute façon livrer tout ce qu’il avait à livrer et avait parfaitement fait son office. A l’heure actuelle, il n’avait plus réellement de poids.

Finissant mon repas et demandant l’addition, je continuai la conversation avec le Kazekage. S’il ne réussissait pas à récupérer sa place ? J’haussai les épaules.

- Généralement, les régents finissent par être élus Kage, sauf cas exceptionnels où leur régence est une catastrophe. Ils ne mettent pas Jo le Clodo à la tête du village, d’autant que la régence de Suna n’est pas une régence de substitution, mais de transition. Quand je pars de Konoha, je nomme moi-même un Jônin de confiance qui prend les rênes au cas où. Peu importe qu’il soit bon ou mauvais durant son court laps de temps, personne ne suivrait ses idées loufoques puisque je finis toujours pas revenir et que le régent de substitution a toujours une personne au-dessus de lui. Là, c’est différent. Personne ne contrôle réellement Ogami : donc s’ils l’ont mis, c’est qu’ils le jugent à même de te succéder.

Je fis une légère grimace.

- Et du peu que je l’ai vu, il semblait… perdu. J’ai peu d’espoir quant à une grandeur retrouvée de Suna s’il est effectivement nommé Hachidaime Kazekage. Peu de consistance, très peu de charisme ; même sa jeunesse en devient un désavantage, et je suis de base mal placée pour critiquer cela. Donc si tu ne reprends pas ta place, soit Suna réussit à se maintenir à flot, chacun chez soi et les hippopotames seront bien gardés, soit… l’avenir nous le dira.

Pour être honnête avec moi-même, Kaze avait tellement posé de soucis dans son histoire avec Hi qu’il fallait avouer que l’idée de faire en sorte que le Pays du Vent ne pose plus de souci à celui du Feu en l’annexant me titillait depuis un petit moment. Mais le moment n’était pas propice à cela. L’addition arriva.

- Je t’invite.

Payant le prix des deux repas, je raccompagnai Kibo jusqu’à l’entrée, où ne chemins allaient se séparer.

- Quoiqu’il en soit, je suis assez persuadée que le cycle de nos deux nations est en train de reprendre. Après la guerre, nous entrons dans une indifférence cordiale. Nous finirons sans doute par redevenir de forts alliés, et je m’y emploie en te demandant ce service. A charge pour nous de stopper le cycle et de ne pas entrer de nouveau en conflit.

Le vent souffla légèrement. Je tendis un large sourire à Kibo, avant de tourner les talons.

- Bon courage, Kibo. On se reverra bientôt, j’en suis intimement persuadée.