Citation :

RP se déroulant environ 2 ou 3 ans avant.

*paf*

Un simple bruit, qui m’traumatisa à vie. Un tout petit bruit, juste un truc en bois qui percutait l’sol lentement. Mais, en fait, c’qui suivit fut la raison de mon blocage. Après avoir entendu l’boucan, j’m’étais rapidement levée pour voir c’qui pouvait bien s’passer. Mes pieds martelaient le sol avec puissance, jusqu’à ce que je finisse par ouvrir cette maudite porte. Juste un morceau de bois qui dévoilait l’horreur. Mes yeux s’écarquillèrent, tandis que mon cerveau notait avec précision c’qui s’trouvait d’vant moi. J’restai là, bloquée, à fixer mon frère, pendu. Son corps était dev’nu tout blanc, et j’osais pas l’toucher. J’avais peur. Pour la première fois de ma vie, j’avais vraiment peur. J’sais pas, c’tait pas une question d’voir Kellan mourir – t’façon, ça … J’l’avais senti v’nir, bizarrement – mais c’tait plutôt d’voir comment il était mort. Ou comment il mourait. J’savais pas trop, en fait.

Une larme roula sur ma joue. Non, aucune tristesse ne parcourait mon corps. Je n’ressentais rien quant à sa mort. Cependant … Cette manière de faire … Une vie gâchée … Comment cet enfoiré pouvait-il mettre fin à son existence ? Maman n’aurait pas aimé ça ! Enfin … Je … Je ne savais pas … Parce qu’elle aussi, l’était partie. Comme Papa. En fait, cette famille n’avait rien de classe. Tout, mais vraiment, n’pouvait être bien. Tout restait pourri, quoi qu’on fasse. Et là, Kellan venait de confirmer la chose.

Mon corps récupéra sa mobilité et, bizarrement, je me retournai, pendant que mes jambes me donnaient une rapidité surprenante. Je courais. Aussi vite que possible, je courais. Sans trouver la force de m’arrêter. Je devais courir, partir d’ici. Aller je-ne-sais-où, ne jamais revenir. M’échapper était ma seule solution. Quitter un univers et bâtir quelque chose de nouveau, d’inconnu, de mieux. Pour ne plus faiblir.

Changer.

Changer …

C.H.A.N.G.E.R.

Ne pas avoir peur de se transformer, de devenir quelqu’un d’autre, d’oublier ses peurs, ses craintes, ses phobies. Tout mettre dans un coffre et le fermer … Pour l’éternité. Oublier ses faiblesses, oublier ce poids qui nous écrase …

Être quelqu’un d’autre.

Je m’arrêtai. Et mes yeux parcoururent les alentours. Je ne savais rien du lieu où je me trouvais. Tout était blanc. Continuellement blanc, sans quoi que ce soit d’intéressant. De la neige. Quelque chose de froid. De bizarre. Qui fondait. Et que mon corps, faiblement, alla embrasser. Des larmes roulaient encore sur mes joues, inlassablement, impossibles à arrêter. Elles se décrochaient de mes prunelles et glissaient, encore et encore. J’soupirai. Pourquoi tout d’vait s’passer d’cette manière ? J’avais pas pris assez cher ?

L’image retraversa mon esprit, heurtant à la fois mon cœur et mon cerveau. Bam. Des larmes tombèrent de nouveau. Et un autre bruit attira mon attention. Des pas, dans cette neige immaculée, dans cette froideur blanche. Des petits craquements. Je levai la tête. Qui était-ce ? Mes yeux se posèrent sur lui sans bouger d’un seul millimètre. Ca piquait. Mais tant que je n’savais pas c’qui s’trouvait là, j’pouvais pas bouger.

Un coup de vent me força à baisser les yeux, amenant de nouvelles larmes. J’plissai les paupières. Encore ? Décidément … C’en d’venait gavant. Mais j’pouvais pas battre mes glandes lacrymales. Ces saloperies étaient plus fortes que moi. Et le choc … Le choc …

*pouf*

J’arrivais plus à m’relever. Mon corps était là, dans la neige, incapable de bouger. Et j’avais mal. Mal de perdre. Mal de pleurer. Mal de ce choc qui n’voulait pas dégager. Raaaaaah, quelle merde ! J’voulais pas d’ça, moi ! Pas de douleur, pas de cris, pas de larmes … Naaaaaan ! J’voulais vivre ! Pas comme cette bande de cons ! Alors il devait bouger ! Obligatoirement !!

BOUGE, te dis-je !! Mais il ne bougeait pas. Aucun des muscles ne s’activait. Et l’froid m’enveloppait, créant une sorte de bubulle autour de moi. J’étais anesthésiée … Et les pas … se rapprochaient …

Que dire de plus ? Que faire pour changer les choses ? J’pouvais rien dire. J’étais … inutile. Dans l’incapacité totale de faire quoi que ce soit. Mon corps était lourd. Et j’captais que dalle. J’étais juste … là, à regarder la neige m’enlacer de son manteau blanc. Le froid ne m’atteignait même plus. Une anesthésie, étrange anesthésie, m’enveloppait toute entière. Faible, si faible …
Les pas s’arrêtèrent. Et j’fus invitée à m’relever. Oui, j’devais bouger, si j’voulais pas choper froid. Mais … Bizarrement, j’crois que mourir d’hypothermie se ferait sans aucune douleur. Pas même de sensation étrange. Après tout, je n’ressentais plus rien. Mes sens, comme mes muscles, étaient bloqués, totalement inactifs. J’faisais que me perdre dans mes songes. Sans plus.

Kellan s’était pendu.

Je voulais aller mieux. Mais comment ? Comment changer ? Comment … oublier ? MAIS OUI ! C’était ça !! Je devais oublier !! Difficilement, je me relevais, tirant sur la main qui m’était tendue. Je regardai le jeune homme face à moi. Mes prunelles se hissèrent rapidement en les siennes. Du rouge. C’était la seule chose que j’percevais encore. Le rouge de ses yeux. Quelle étrange couleur. Un sourire simple naquit sur mes lèvres. Qui était-il ? Je ne … voulais pas tant le savoir. Non. Ou … peut-être que ?

Mon esprit changea rapidement de préoccupation, repartant sur le sujet principal de ma présence ici. Les questions, maintenant, étaient : Comment laisser cette image de côté et aller « mieux » ? Comment effacer un traumatisme ? Hm, oui … Il me faudrait faire ainsi : Effacer. Tout arracher avec la racine. Ne pas oublier ne serait-ce qu’une miette de tout ça. Une autre solution était plausible, aussi : Rendre l’image si laide que mon esprit me transmettrait le contraire tout seul, m’emplissant d’une envie de vivre insatiable. Mon sourire s’agrandit, mais devint plus réservé, plus … gêné. J’essuyais, du revers de la main, mes larmes glacées.

Effacer …

Effacer ?

TRANSFORMER.

Tout effacer …

Ne pas se remémorer …

AMELIORER.

Oublier …

Recommencer.

Si seulement tout était aussi simple …

Je soupirai avant de baisser la tête. Mon corps avait laissé une grande trace dans le sol. La marque d’une enveloppe trop lourde à porter. Mes yeux se relevèrent, entrainant tout le reste avec. Le soleil se couvrait. La pluie … Encore … Toujours … J’soupirai de nouveau, finissant par sourire simplement.

« — Merci. »

Juste ça. Rien de plus. Un mot, soufflé de manière si simple … Comme s’il signifiait tout. Tout … Ou le rien que je ressentais. Bizarre, hein ? J’souris un peu plus avant de reprendre la parole.

« — Je … m’appelle Nezumi. Et … Euh … Désolée pour cette … scène … je … »

Un frisson me secoua. La neige, puis la pluie. Et le froid. C’était surtout ça. Le froid, qui bloquait mes membres. L’embarras reprit place sur mes lèvres.

« — Il vaudrait mieux … Je pense … Que nous allions … dans un endroit … couvert. Et … chaud … Enfin … »

Mes dents se mirent à claquer. Décidément … Puis, bizarrement, deux détails percutèrent dans mon esprit. Déjà, j’savais pas où j’me trouvais. Ensuite, j’avais toujours aucune idée d’son identité. Eh bien. C’était un festival, aujourd’hui.

« — Par contre, je … Je ne sais pas où nous nous trouvons, à vrai dire … J’ai couru, sans vraiment savoir où j’allais … Du coup … »

Je m’arrêtai de parler. Stop. C’était tout. Son identité, il finirait par la décliner, je pense … Après … C’n’était peut-être pas le plus important, dans tous les cas.

J’étais une enfant. Je marchais en chancelant sur le fil de mon destin. Mes pas s’enchainaient, comme une danse maladroite. Et je regardais le monde, tandis que je courais, de plus en plus vite, à ma perte. J’n’avais pas peur de mourir, pas peur de tomber, je voulais juste avancer. Voir le monde se transformer. Et changer avec lui. Ne plus être la même, ne plus avoir peur d’une simple image. Oublier. Modifier. J’désirais juste … Être une meilleure personne. Ne plus laisser de trace de mes peurs, c’tout c’que j’voulais, moi. Ou, plus simplement, ne plus laisser aucune marque de moi-même. Dev’nir quelqu’un d’autre, sans pour autant disparaitre entièrement. Grandir, j’crois que c’comme ça qu’ça s’appelle. J’en savais rien. Mais, dans l’fond, c’tait tout c’que j’souhaitais.

Et puis, ses réactions m’paraissaient étranges. J’avais jamais envié les filles aux beaux princes, qui les sauvaient de toutes les misères. J’étais juste tombée … Sur lui. Malheureux inconnu qui n’aurait pas dû s’arrêter là. Aussi simple que ça. J’désirais rien d’extraordinaire, encore moins tomber sur un magnifique jeune homme, non. Surtout à ce stade de mon existence. L’pauvre être se serait appuyé sur mon fil, déjà trop fin, pour le faire craquer. Et mon numéro de funambule, d’un seul coup, se serait terminé.
Au revoir, espoir, ne m’oublie jamais. Bonjour, dépression, ravie de faire ta connaissance. Nous sommes amies, maintenant. C’est ainsi que tout se serait déroulé. Et moi, ça, j’en voulais pas. Pas d’frein. Juste une avancée brutale vers mon objectif, était-ce trop demander ?

M’enfin … Je devais m’y faire. La vie, désormais, s’avèrerait plus difficile que jamais. Prendre son envol sans avoir les ailes pour, quel fâcheux problème, hein ? Et cet homme, ce … Sendaï, j’crois, n’avait pas de quoi me donner des ailes. J’attrapai le manteau tendu et le passai sur mes épaules. C’était déjà une manière de me réchauffer, même si je grelottais encore. Bah, ça finirait par passer, certainement. Puis je le fixai. Qu’il me donne … De sa chaleur ? Hm … Il sentait l’alcool … Peut-être était-ce ça qui lui faisait dire de telles choses ? À moins que, sur le coup, il n’ait pas saisi la consonnance sexuelle de sa phrase ? Enfin … Peut-être ne faisais-je qu’halluciner ? Je soupirai.

Pas d’argent, pas d’abri … Mais autre chose m’attira. Et voici la fâcheuse question qui se pointait. L’interrogation d’malheur qui, indirectement, m’demandait d’raconter ma vie. Fragilisée par l’image qui revint tinter dans mon esprit, j’finis par prendre la parole, simplement, d’une voix douce.

« — Merci … pour … le manteau … »

Ma main se hissa sur le morceau de tissu, alors qu’un sourire prenait place sur mes lèvres. L’un des seuls sourires sincères que j’arrivais encore à esquisser. Mes yeux suivirent son mouvement, lorsqu’il posa son genou contre le sol. Un peu surprise, je tentai de ne pas y faire trop attention. C’est alors que je me remis à parler, répondant, cette fois, à cette fameuse question.

« — Je … Je n’ai p…plus de parents, en fait … Papa est mort et maman est partie … Il me restait encore Kellan mais … Ce matin, je … Je l’ai retrouvé pen… Mes yeux s’embuèrent de larmes, tandis que l’image choquante de la matinée revenait, encore et encore, dans ma tête. Elle tintait, d’une force phénoménale, qui me détruisait intérieurement, ravageant chaque chose possible à exterminer. Je secouai la tête, avant de reprendre, difficilement. Je l’ai retrouvé pendu … »

Mes genoux s’affaissèrent. Encore. Je soupirai, laissant les larmes rouler sur mes joues. Je ne devais pas … Je ne devais pas … Non … Je me mordis la lèvre avec violence, avant de me relever, forçant sur chacun de mes membres pour tenir debout. Si je voulais avancer, je ne devais pas m’arrêter. Ce serait une longue marche, sur un sentier des plus sinueux. Un fil qui devenait de plus en plus fin pour, au final, me montrer deux voies, d’une épaisseur confortable. Mais, si vraiment je ressentais le désir de jouer à l’équilibriste sur l’un de ces deux fils – peu importait lequel –, il était temps que je me bouge.

Bonjour, espoir, ravie de te revoir. Adieu, dépression, nous ne nous reverrons plus. Cette scène marque la fin de notre collaboration.

Je commençai à avancer puis, lentement, je me retournai, pour lui faire face. Un grand sourire marquait mon visage, accompagné par des perles d’ambition dissimulées çà et là, dans mes prunelles.

« — Peu m’importe où, peu m’importe comment, mais je sais qu’il est temps de quitter cet endroit. Et je suppose que vous êtes d’accord avec moi, n’est-ce pas ? »

HRP~ :