Cela faisait maintenant plusieurs mois que mon senseï avait disparu de ma vie, sans parler de l'intérêt qu'il apportait à ma vie au sein de Suna, c'était surtout son enseignement qui me manquait. Par nature, j'aimais apprendre, m'améliorer et me perfectionner, mais sans lui, rien de tout ça n'était plus possible. J'aurais pu demander à un autre maitre du Kugutsu de m'enseigner son art, mais je connaissais déjà la réponse, qui aurait été la même que celle que j'avais obtenu peu de temps après mon arrivée à Suna : non.

Du coup, cela faisait maintenant un certain temps que je stagnais. Je restais le plus clair du temps cloitrée chez moi et si je n'oubliais pas pour autant mon rôle de ninja. En revanche, Suna semblait m'avoir oublié, puisque depuis tout ce temps aucunes nouvelles du village ne m'étaient parvenues, ni ordre de mission, ni rien d'autre.

Lorsque je n'étais pas chez moi, je passais le reste de mon temps à l'académie de Suna, à lire les ouvrages de sa bibliothèque. Il n'y avait d'ailleurs pas grand monde qui passait par là, ce qui pouvait expliquer le niveau culturel de certains Sunajin, en fait. Enfin, tout ce que mon senseï ne put m'apprendre du fait de sa mort, inéluctablement; les livres me l'enseignaient, dans une moindre mesure...

En effet, les livres, les parchemins avaient ce défaut de n'être que de la théorie, et ne pouvaient véritablement remplacer un enseignant. D'autant plus que j'avais repéré quelques petites choses relatives à mes compétences... Enfin, aussi utiles ces informations pouvaient elles s'avérer, je ne pouvais arriver à rien sans l'aide d'une personne s'y connaissant déjà. Après plusieurs heures de lecture et d'études répartis sur une quinzaine de jour entrecoupés de quelques entrainements, je décidai de mettre en pratique ce que j'avais lu.

Appliquer la théorie était bien plus difficile sans explications ou démonstrations. Et même si j'arrivais à manipuler plus que correctement mes marionnettes, je n'arrivais pas à faire ce que je voulais. Et aussi persévérante pouvais je être que la répétition d'échecs cuisants commençait à me déplaire. Après de longues heures à manipuler, à tenter et expérimenter... J'abandonnai simplement..

Enfin, je pris une pause afin de me détendre dans l'objectif d'une probable prochaine tentative et réussite. Renzaburo, ma marionnette, restait quant à elle figée au sol, comme morte; attendant inlassablement que je lui rende vie. Et bien il serait temps lorsque je serai décidée, dans quelques jours, ou quelques minutes si quelque chose venait à chambouler mon état d'esprit. Mais visiblement, en dehors de nuages grisonnants se pointant au loin, il n y'avait pas grande chose d'autre.

Ce fut à cet instant précis que je me rendais compte que ce senseï, même s'il n'était pas le plus parfait des professeurs, me manquait... Enfin, je n'allais pas non plus m’apitoyer sur mon sort, d'autres avaient perdu plus qu'un instituteur...

Puis, une personne qui n'avait pas les traits typiques des habitants de Kaze, apparut au bout du terrain vague qui me servait de lieu d'entrainement. Je ne pus dire s'il venait pour s’entraîner, s'il se promenait simplement, ou s'il m'observait... Je me levai et m'approchai de lui en laissant derrière moi la marionnette aux traits de Renzaburo, à peine reconnaissable.

Je m'essuyai le front et lui demandai.

"Je peux vous aider ?"

Spoiler:

...compagnie ?

Le Jônin de la Brume circulait entre les ruelles et allées du village du Sable qu’il ne connaissait encore que très peu. Sa mission diplomatique lui permettait au moins ce luxe de visiter la ville sous toutes ses coutures. Il n’avait donc pas manqué de profiter de ce privilège pour s’informer sur les us et coutumes d’une autre nation. Lui qui n’avait jamais véritablement quitté l’archipel, il était encore novice dans ses connaissances géographiques ou même géopolitiques. Une faiblesse à palier pour l’avenir. Il s’était donc laissé l’après-midi pour faire du simple tourisme dans un premier temps.

Alors que son nez profitait des milles odeurs d’épices de marché, que ses oreilles se faisaient au doux son des engrenages de machines et que ses yeux s’accoutumaient à la clarté aveuglante du Soleil qu’il ne connaissait que très peu, il continuait sa traversée de l’avenue principale où les marchands itinérants se disputaient l’attention des badauds à grand coup de cris. Michiki ne perdait pas une miette de ce qu’il pouvait admirer ou entendre. Toute information était bonne à prendre. Son amateurisme en faisait un très bon public. Alors qu’il vagabondait innocemment, son esprit s’évada l’espace d’un instant alors qu’il s’imprégnait de l’esprit du village du Sable. Un souvenir pas si vieux lui revenait.

Son incessante quête du Corbeau l’avait déjà mené en ses terres arides. Il y avait pourchassé tant bien que mal l’assassin de celle l’ayant initié au Ninjutsu. Celle lui ayant conféré une raison d’être et de vivre. Il lui devait tout. L’homme en question lui avait ôté cette femme qu’il avait considérée comme une mère de substitution, l’originale étant rangée consciencieusement dans un rouleau à sa ceinture en compagnie de son époux. L’assassin avait eu la bonne idée de mettre le nécromancien au défi de le traquer. Une quête qui ne l’avait guère impressionné malgré son manque de compétence dans la sensorialité. Une chasse qui l’avait amené à rencontrer au fil de ses voyages un Sunajin originaire de ce village. Un marionnettiste dont le potentiel l’avait interpellé. Il avait même marqué ce jeune homme d’un sceau qu’il lui avait défié de comprendre pour mieux le retrouver ensuite. Ce qui avait amené le nécromancien à rester attentif aux affaires touchant Kaze et Suna. Raison aussi l’ayant motivé à se porter volontaire pour la mission diplomatique de Yoru.

Ses pensées l’avaient alors conduit à proximité d’un terrain sans doute destiné au perfectionnement des techniques des troupes de Suna. Un lieu intéressant s’il souhaitait en apprendre plus sur les shinobis du désert. Il s’y aventura mais fut quelque peu décontenancé de ne pas y trouver grand monde. Une silhouette se précisa néanmoins et elle semblait l’avoir remarqué. Doute confirmé lorsqu’elle l’interpella pour lui demander s’il avait besoin d’aide. Portant une main en visière au-dessus de ses yeux pour ne pas être ébloui, Michiki répondit :

- Mes hommages et pardon de vous déranger. A vrai dire je ne faisais que me promener. Je suis ici en simple touriste et je voulais voir de quoi était fait le village de Suna.

Un léger sourire de circonstance avant de remarquer une forme inerte au loin, allongée au sol. Son visage se fit alors plus sérieux. Ses instincts de nécromancien l’informant qu’il ne s’agissait pas d’un cadavre, il s’étonnait de la nature de cette chose qu’il désigna alors du doigt :

- Il y a un souci ?!

N’était-il pas tombé quelque part où il n’aurait jamais dû être ? Ce serait fort regrettable.

J'observais un certain temps mon nouvel interlocuteur. J'étais un peu surprise d'apprendre qu'il était un touriste, parce qu'il y avait sans doute un peu plus touristique comme lieu à visiter que Suna qui n'était en fait qu'une organisation militaire. Alors, je supposai qu'il n'était pas qu'un simple touriste. Enfin, qu'à cela ne tienne; je n'étais pas de nature à tirer les verres du nez des personnes avec qui je pouvais converser.

Je le trouvais amusant, enfin, un peu. Il voulait voir de quoi été fait notre village. Je lui aurais bien répondu quelque chose de très simple du genre "du sable... Les maisons sont en sables, le désert est en sable..."; mais ce qui se passait ici semblait soudainement l'intéresser davantage que le reste. Je tournais la tête vers ce qu'il pointait du doigt et esquissai un léger sourire. Je compris alors que ce qu'il voyait pouvait prêter à confusion. Ma marionnette humanoïde, étendue sur le sol, ressemblait trait pour trait à un cadavre.

"Ah non non, aucun problème. Je m'entraine, c'est une de mes marionnettes! Vous voulez voir ce que je peux faire ?"

Dis-je avec enthousiasme. Il était la personne parfaite en fait! En bonne marionnettiste et donc artiste, je ne pouvais manquer l'occasion de profiter de sa présence. Même s'il m'était parfaitement inconnu! J'étais à cette époque encore un peu, voire très naïve, et n'avais pas encore vraiment conscience des dangers auxquels je pouvais, parfois, m'exposer.

"Je suis une Kunoichi de Suna! Avouais-je avec un grand sourire, sans me forcer. Une marionnettiste!"

Je retournais vers la marionnette, la retournai pour voir son état. Ça allait, elle n'était pas trop abimée. Je l'époussetai tout de même un peu, et comme si elle était vivante; m'adressais à elle, ou à lui.

"Allé Renzaburo, lève toi! J'animais la pièce de bois articulée à l'effigie de mon pseudo ancien senseï et la ramenais avec auprès de cet illustre inconnu. Ca ne vous dérange pas au moins ?!"

…réponses ?

La stupeur marqua les traits du jeune Kirijin. Une surprise non dissimulée face aux traits caractéristiques du pantin qui se leva pour s’approcher. Michiki reconnaissait parfaitement ce jeune homme qu’il avait déjà croisé auparavant. Il s’agissait d’un Sunajin qui avait dû intervenir sur une interrogation ratée du nécromancien. Un cadavre d’une crypte devenu un peu fou suite à sa réanimation. Sous son identité du Misuto, le Shinda était venu jusqu’à Kaze pour régler le problème mais le marionnettiste avait déjà réglé la chose.

Michiki s’était souvenu avoir reconnu en ce garçon un certain talent qui aurait pu en faire un allié ou un adversaire compétent. Mais jamais il ne se serait imaginé face à lui à nouveau, sous cette forme. Regardant l’étoffe qui couvrait l’avant-bras du pantin, il se demandait s’il était toujours marqué du sceau qu’il lui avait lui-même apposé. A considérer qu’il s’agissait bien de lui ou alors d’une vulgaire représentation.

La demoiselle devait se demander ce qu’il lui arrivait. Elle s’inquiétait de savoir si cette présence peu commune pouvait le déranger. Parvenant à hocher négativement de la tête, Michiki finit par ajouter verbalement :

- Du tout je ne suis pas inconnu à ce genre de compagnie…

Il ne pouvait cependant cacher son étonnement face à la situation. Qui était donc cette femme qui avait réalisé un pantin de l’homme qu’il avait brièvement rencontré ? Une adaptation mécanique ou une copie de l’original ? Dans tous les cas, elle le connaissait et elle pourrait à coup sûr renseigner le Shinda sur son identité. A considérer bien sûr qu’elle se montre partageuse sur le sujet. Après quelques secondes, il finit par enchaîner :

- Pardonnez si je me montre un peu curieux mais…qui est-ce ? Pour tout vous dire cet homme ne m’est pas inconnu seulement je ne l’avais jamais rencontré sous cette forme. Est-ce son…cadavre ?! se risqua-t-il à prononcer.

Non pas qu’il était débecté d’une telle pratique. Ce serait parfaitement hypocrite. Mais il était pour le coup curieux. Un cadavre transformé en marionnette. Si une telle prouesse était possible, une conversation très intéressante l’attendait à coup sûr.