Quelque temps avant l’an zéro, quelque part à Kaminari no Kuni

Nous étions dans une période troublée, une période dominée par la loi du plus fort. Chacun devait faire prévaloir son territoire, ses intérêts à la seule puissance de son pouvoir clanique. Notre clan justement, celui des Bakushô, avait vite fait de s’imposer comme étant un clan majeur de la « Corne ». C’est ainsi que nous appelions le territoire qui allait progressivement s’unifier sous la férule d’un ninja de haut niveau du clan Kadoria. Mais nous n’en savions rien à l’époque. La politique est une chose à laquelle je ne me suis jamais vraiment intéressé. Chose normale à l’époque en tous cas. Je devais avoir pas loin de dix ans lorsque l’événement que je vais relater se passa. Je me trouvais dans un poste avancé d’une partie du territoire que nous avions conquis et que nous contrôlions depuis quelques semaines maintenant. Il s’agissait d’une partie de terre appartenant anciennement aux Hakushi et à des clans de ninjas alliés au Hakushi ne disposant d’aucun pouvoir particulier. C’est d’ailleurs plus précisément à ces derniers qu’appartenaient les terres spoliées. Tel un rouleau compresseur nous avions envoyé plusieurs escouades par une nuit de pleine lune détruire et réduire en cendre la majeur partie de leurs forces présentes en ces lieux. Le tout s’était fait si vite et si facilement. Un véritable tour de force à grands renforts d’explosifs. C’était il y a plus de trois semaines maintenant… Depuis lors, nous avions pris le temps de construire un avant-poste où diverses unités se relayaient afin de maintenir notre contrôle précaire sur le prolongement de notre propre territoire. De temps à autre, l’ennemi envoyait soit une équipe d’espion, soit des tueurs… Avec le temps, il nous apparaissait plus que certain que sous peu nous devrions faire face aux Hakushi. Ce n’était qu’une question de temps.

Ce jour-là, le jour de cette fameuse attaque, j’étais affecté à la tour d’observation et de contrôle. Un poste « safe » comme diraient certain, probablement acquis grâce à ma jeunesse et mes qualités naissantes, fort utiles en matière de transmission d’information ou de détection d'ennemi. Assis sur tabouret haut me permettant d'avoir accès aux nombreux documents sur une table devant moi, je me trouvais dans un bâtiment d’information. Mon rôle était déchiffrer des messages codés transmis par certains éléments au front à quelques lieux de l’endroit où nous nous trouvions. J’étais alors membre d’une escouade tactique et d’information dont le chef était connu pour son sens de la stratégie et de la tactique. Mon job était de déchiffrer les codes transmis via fuinjutsu et d’informer le Chef Bakushô Masaou San afin qu’ils prennent les décisions idoines. C’était notre manière de coordonner nos attaques. Un « cerveau » loin du terrain, lui-même lié à un maître stratège à notre capitale. Sur cette zone de guerre c’était le Masaou San qui disposait des pleins pouvoirs. Il prenait les décisions selon les informations reçues du terrain et orientait les escouades.

Les informations provenant du terrain étaient plutôt alarmantes. Nos effectifs étaient en sous nombre. Même si nous ne doutions pas un moment de la valeur de nos hommes au combat, au fil du temps, l’ennemi se renforçait. Les pertes de part et d’autres étaient en notre faveur, mais la balance ne tarda pas à basculer.

_ MASAOU SAN ! IRUZU SAN a engagé le combat ! Son avant dernier message faisait état de l’arrivée de trois nouvelles escouades Hakushi !

Je venais de hurler à plein poumons cette nouvelle alarmante à notre leader. Si Iruzu, spécialiste en sceaux et relais d’information sur le terrain venait d’engager le combat, c’est que la situation s’était aggravée au point que les autres membres de son escouade ne parvenaient plus à contenir l’ennemi. Par expérience, j’avais appris à connaître la manière de penser de Masaou. Dans ce genre de situation, lorsque les médecins et les relais d’informations sont aux prises avec l’ennemi, il préfère reculer. Je vis une lueur briller dans ses yeux. Quelque chose d’inhabituel. Il se tourna vers moi après s’être accordé quelques secondes de réflexion puis m’ordonna :

_ Dis leur de tous se replier au point Z. Nous allons leur envoyer deux escouades de soutien le temps qu’ils reviennent ici.

Je rédigeais à la va vite et sommairement les kanji représentant l’ordre de repli sur un parchemin spécial me permettant de communiquer avec Izuru. Une fois ceci fait, j’exécutais des mudra et apposais ma paume sur le parchemin. Le message transita automatiquement vers le parchemin spécial détenu par mon interlocuteur. Il ne restait plus qu’à espérer qu’il pourrait lire l’information et prendre la décision qui s’impose. Je me tournais anxieux vers un de mes collègues pour constater qu’il s’était attelé à ordonné à l’équipe de soutien de se rendre au point Z prêt à combattre. Cherchant du regard Masaou San, j’essayais de me faire une idée de ce qu’il avait en tête. Mais lui demeurait froid. Il était très ardu de deviner quelles étaient ses pensées réelles derrière le masque qu’il portait constamment sur son visage. Oh, il ne s’agissait guère d’un masque fait de bois ou de je ne sais quel matériel. Non il s’agissait ni plus ni moins que de l’expression faciale du Bakushô ; il s’agissait de son visage sir dur, si ferme, de ses yeux fins et de ses sourcils broussailleux tel une caricature. Au moment où je m’y attendais le moins, pendant que je cherchais encore des yeux notre leader, je sentis un message nous parvenir. Sursautant je me saisissais du bout de parchemin avant d’exécuter un sceau dessus afin de révéler le message caché.

« Pertes importantes. Repli »

_ Izuru est vivant Masaou San ! Ils se replient !

J’avais sauté de joie sur mon siège les bras levés en signe de victoire et alors que mon regard croisait celui de Masaou, je compris que j’étais encore trop jeune pour pleinement comprendre les implications de cette réponse. Je me calmais immédiatement tandis que des idées saugrenues me parvenaient à l’esprit… D’un ton sec, Masaou me sorti de mes rêveries.

_ Prépares toi à combattre petit. Mais avant cela envoie le message à la Capitale. Nous allons engager une bataille d’ici 15mn. Dis leur que l’ennemi est en surnombre mais que nous nous battrons en ayant l’avantage du terrain.

Un frisson me parcouru le dos. Ce ne serait pas la première fois que je me battrais, je l’avais déjà fait plusieurs fois. C’est d’ailleurs probablement pour cette raison que j’étais déjà au front contrairement à la plupart des gens de mon âge. Cependant, aussi expérimenté que je puisse être, je n’ai jamais oublié combien effroyable pouvait s’avérer une escarmouche shinobi. A tout instant la mort peut frapper…

Le silence de mort pendant un long moment, l’attente effroyable mettant à fleur de peau les nerfs déjà tendus. Telle était la situation dans laquelle nous nous trouvions. Un silence de mort aussi bruissant qu’une discussion des plus animée. Encore quelques minutes et nous entendîmes l’écho des combats se rapprochant. Deux premiers ninjas apparurent. Une femme et un homme. Ils étaient blessés. Des Bakushô bien entendu. Des ninjas que je connaissais bien. La kunoichi soutenait l’homme qui lui se tenait le ventre. Eventré partiellement, un flot soutenu de sang s’écoulant à travers ses doigts. La kunoichi elle-même était blessées de partout à en juger par les tâches de sang imbibant ses vêtements. Son regard était perçant, dur. L’on sentait qu’elle revenait de loin et qu’elle avait vu passer la mort de près. Peut-être ne devait-elle son salut qu’à une hargne et une puissante envie de vivre ? Qui sait ?

Izuru San leur ordonna d’aller vers l’arrière après leur avoir demandé des informations concernant le reste des escouades. Il y avait eu des morts. Les Hakushi avaient réussi à prendre le dessus dans cet affrontement. Leur nombre était impressionnant et leur maîtrise du fuinjutsu leur donnait un certain avantage par rapport à nous autres Bakushô qui étions plus spécialisés en ninjutsu et en taïjutsu. D’habitude, combattre un utilisateur de fuinjutsu se révèle être très ardu, surtout si l’on ne possède aucune connaissance indiquée en la matière. Nous avions pu le constater à nouveau en voyant arriver les uns après les autres, les ninjas qui avaient été secourus par les deux dernières escouades que nous avions envoyées en soutien. Masaou fut le dernier à apparaître. Il était sain et sauf sans avoir subi de blessures majeures et pourtant l’on sentait bien qu’il était harassé. C’était un dur, un vrai battant, un homme qui ne se fait pas facilement avoir par l’adversaire. Sans un regard, les deux hommes convinrent de retourner au front ensemble. Je les suivis en m’enfonçant à leur suite, dans la pénombre droit vers l’endroit où je décelais les bruits de combat. A l’époque, je n’étais pas encore assez bon pour la détection ou la sensorialité plus globalement. Je disposais déjà des bases cela dit, sans réellement l’avoir jamais exploité. Ces donc Izuru, qui étant un grand ninja senseur, nous précisa au vu de ce qu’il ressentait combien d’adversaires étaient aux prises avec les nôtres et où ils se trouvaient potentiellement. C’est lui qui nous révéla que des combattants embusqués tentaient de contourner les positions de nos escouades engagées dans la bataille. Probablement espéraient-ils pouvoir les prendre en étau donc organiser un carnage en règle ?

Masaou donna l’ordre que l’on les intercepte tandis qu’il envoyait d’autres hommes à l’opposé histoire d’éviter toute mauvaise surprise, tandis qu’Izuru et une poignée d’hommes iraient secourir les escouades engagées au combat. C’est donc à deux que nous allions engager le combat contre ces satanés Hakushis. Et nous n’eûmes pas à attendre bien longtemps avant d’en voir pointer le bout de leur nez pile à l’endroit exact où nous les attendions. Bien entendu, eux également ils s’attendaient à nous recevoir. Leur escouade, composée de quatre ninjas, dont forcément un voire deux senseurs, avaient nécessairement eu vent de notre arrivée. Deux malheureux ninjas du clan Bakushô dont une terreur de guerre et l’autre un enfant élevé à la dure par la vie elle-même.

A peine arrivé, je fus le premier à agir. Exécutant des mudra j’apposais ma main au sol. Une zone d’annulation de fuinjutsu vint se créer tout autour, à plusieurs mètres. Aussitôt Masaou engagea le combat. D’un déplacement plus que rapide il fonça sur l’un des Hakushi avant de l’envoyer fouler le sol à la vitesse d’un météore à la suite d’un coup de pied rotatif venu d’ailleurs. Un mouvement aussi fulgurant que destructeur qui sema la panique dans le camp adverse. Les ninjas se dispersèrent tandis que l’un d’eux fonçait sur moi. Je n’étais guère bon en taïjutsu et celui-là, lui semblait plutôt rapide. Il me fallait donc anticiper le mouvement qui allait s’abattre sur moi. Je me rabattis vers le sol tandis que mon adversaire abattait avec fracas, un éclair de foudre sorti de son poing à la position qui était mienne tout juste avant. Je ressorti de terre un instant après, dans le dos de ma cible. Il m’avait remarqué mais j’exécutais déjà des mudra. Je vis Masaou à coté en train de lâcher de puissantes techniques sur nos autres adversaires. Pour ma part, je fis émerger un dragon de terre qui s’élevait entre l’Hakushi et moi-même tandis que ce dernier fonçait sur moi. Il parvint à esquiver ma technique en bifurquant sa course sur le côté avant de tenter à nouveau de foncer sur moi. J’avais eu l’occasion de susciter une armure de terre. Mon adversaire heurta son pied dessus mais parvint à se saisir de moi et à m’envoyer par le cou avant de me lancer contre le tronc d’un arbre proche. Je heurtais ce dernier violemment avant de me relever rapidement. Mon adversaire lui, diminué par son attaque précédente, exécuta des mudra. Deux cartes apparurent dans ses paumes avant qu’il ne les lance vers moi. A peine étaient-ils parvenus à ma hauteur que déjà ces papiers se multipliaient et m’enlaçaient dans un tourbillon de papier "déchireur". Je m’étais protégé en me recroquevillant sur moi-même en sautant dans les airs. Je ne pus qu’hurler ma douleur tandis que la technique de mon adversaire me lacérait de partout. Je ne dus mon salut qu’à l’intervention de Masaoru. Alors que la technique s’estompa, je remarquais que tous nos adversaires autour de nous étaient à terre.

_ Tu vas bien Law ?
_ Je pourrais aller mieux…

Pourtant je me redressais. Un ninja doit savoir se relever et aller de l’avant malgré toutes les difficultés du monde et en l’occurrence, ici nous étions en très mauvaise posture. Pas le temps pour nous de tergiverser.

_ Tu es en état de combattre encore ? Nous avons besoin de tous actuellement…
_ Oui…

C’était la vérité, je saignais de partout, mais je savais que l’ardeur du combat allait me permettre de tenir le choc un peu. Saigner n’est pas synonyme d’être mourant. Seulement d’être en mauvais état, je vous l’accorde.

_ Allons vers là.

A la suite de Masaou nous quittâmes cette zone de combat. Il avait tout réglé tout seul et je n’avais servi qu’à distraire un de nos adversaires. Sans lui, j’aurais été tué, c’est certain…