Kumo. Un retour qui t’est bien douloureux. Pesant même. Malgré tes entraînements avec Rukia, tu ne sais que trop bien qu’au final… Tu n’es plus le même. Qu’il y a ce quelque chose. Cet indéfinissable petit insecte en toi qui semble grandir et se répandre, profitant de tes moindres faiblesses. Comme la peste, il se propage et prends encore ton corps, lors de tes moments de faiblesse. Lutte. Continue à lutter. N’abandonne pas. C’est le seul adage que tu retiens de ton séjour à Tetsu, et tu sais qu’il saura te servir. Ici, la vie semble n’avoir absolument pas changé. Shigeru, premier à t’accueillir sans grande surprise, semble plus qu’inquiet de ta santé et ne te laisse aucunement le choix – rapidement tu es examiné sous toutes les coutures, et il conçoit. Mieux que quiconque, tu le sais. L’étendue des dégâts. L’étendue des soins. L’étendue de… Ses larmes coulent le long de tes bras qui, d’eux-mêmes, l’ont attrapé. Oui… Pour lui aussi, l’information a été douloureuse. Son impuissance. L’impossibilité qu’il avait d’intervenir pour te soigner d’office. Le… Ce n’était pas simple. Ni pour toi, ni pour lui. Et cette période de temps, c’est une perte que tu te promets de lui compenser.

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Les jours passent et se ressemblent. Alors que tu continues tes petits entraînements et ta recherche de puissance – toujours plus, n’est-ce pas ? – tu ne sais que trop bien qu’une de tes lumières s’éteint. Bien sûr, tu maudis avec toute la haine puissante que tu es capable d’éveiller depuis le début de tes troubles de ne pas avoir été prévenu plus tôt ! C’est inacceptable que personne… Non. C’est toi, après tout. C’est ta faiblesse qui t’a mise dans cet état. C’est ta faiblesse qui t’a rendu indisponible. C’est… Ta faute. Mitsuhiro, malgré la mégère qu’elle a toujours été, a vu sa santé se dégrader rapidement. Est-ce l’âge ? La fatigue ? Tu avales bruyamment ta salive à chaque fois que tu te poses cette question. Et si c’était l’inquiétude que tu as éveillée ? Et si c’était de ta faute également ? Rapidement, les larmes montent à tes joues alors que tu serres sa main fripée par le temps. Non. Tu secoues la tête. Ce n’est pas le moment de repenser à ce genre de choses. Pour cette fois, plus que les autres. Tu dois être là avec et pour ton clan. Si le pire devait arriver… Tu ne veux pas penser à ce qui pourrait être. Cesse de te morfondre ! Reprends-toi ! Malgré la fatigue sur son visage, c’est l’ardeur de ses yeux que tu lis. Depuis combien de jours est-elle dans cet état ? Depuis combien de temps même Shigeru – dieu de la médecine à tes yeux – est-il incapable de faire quoi que ce soit ?

Non. C’est difficile à vivre. Difficile à comprendre même. Entre le chagrin et l’incompréhension, c’est ta rage qui se réveille une fois de plus et tu la sens te traverser. Te frapper de plein fouet. Cette colère intarissable qui risque de prendre, d’un moment à l’autre, le contrôle de tes actes. Cette envie de tout détruire. De hurler ton désespoir. De hurler l’injustice de ce monde. Tu inspires profondément. Malgré les frissons qui envahissent ton dos, tu te dois de rester toi-même.

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Deux jours. Il aura fallu deux jours après ta visite pour que la mort vienne emporter la plus improbable de tes alliées – et le choc fut tel pour toi qu’une matinée entière, tu refuses de sortir de ta chambre. Trop. C’est la chose de trop à digérer. Le dessert qui provoque la nausée et les pires des vomissements après un repas trop copieux. Une demi-journée. Pas un instant de plus. Tu ne veux pas te permettre tes faiblesses. Tu ne peux pas les avoir. Maintenant, ce n’est que de ton comportement que tout dépendra pour ton avenir. Appelant tes cousins les plus proches à l’aide, tu organises en l’espace de quelques heures les funérailles de la vieille.

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Fier, de noir vêtu, tu fais partie des gens au premier rang alors que le corps de Mitsuhiro prend feu. Tu as refusé, par respect pour elle, d’être celui qui provoquerait la flamme salvatrice. Trop. C’aurait été un surplus rajouté au trop que tu vis déjà. Ta jambe droite tremble sans charme alors que l’odeur de viande commençant à brûler commence à s’élever. Un bien triste spectacle, mais un spectacle nécessaire. Que son âme soit libre. Qu’elle… Qu’elle puisse profiter de ce que sa vie lui a offerte dans l’au-delà. C’est probablement l’une des plus artistiques tendances de ton clan. Voir les flammes voler et s’élever au ciel, doucement. Contraster avec l’éphémère de vos créations. Vous ne prenez réellement votre temps que lorsqu’un des vôtres meurt de toute façon. Respire à plein poumons. Respire car cette journée sera une journée de deuil pour ta famille.

Je viens de rentrer d’un court moment passé en dehors du village dans la zone des marais. Il me semble que c’est là un endroit où je pourrais aisément développer mes dons sans causer tant de grabuge que cela à la nature. Voyez-vous, quel endroit pourrait-être intéressant pour qu’un Bakushô puisse exercer ce que la nature lui a donné de mieux : son pouvoir héréditaire. Il est mal aisé de trouver pareil repère et à moins de tomber sur une improbable caverne souterraine, mieux valait trouver un lieu hostile, peu fréquenté par les hommes afin de laisser plus ou moins libre cours à ses talents naturels. C’est pour cette raison que je rentrais des marécages. Après quelques heures de course –un vrai athlète je vous dis ! – me voilà aux portes du village.

Je passe les différentes formalités d’entrées. Un iota plus corsées que de coutume compte tenu de la guerre désormais déclenchée contre le Shukai. Je serrais les poings tandis que mon regard laissait apparaître une lueur guerrière. En mon for intérieur, j’étais déjà convaincu qu’il me faudrait patienter que peu de temps avant d’être envoyé au front. Bientôt les premières batailles, et bientôt de nouvelles perspectives sanglantes pour ne pas dire… explosives. Je revoyais déjà mes anciennes heures de gloire au combat durant la grande guerre, durant les premiers affrontements contre Kiri, contre l’organisation terroriste Genei Ryodan… et j’en passe. Combien de batailles ? Combien de guerre ? Il me semble que toute ma vie n’avait été que lutte et qui finalement, en dehors des nombreuses cicatrices que j’avais pu récolter au front, je pouvais tout de même m’estimer heureux de toujours m’en être sorti indemne. Un sourire tandis qu’un de mes collègues effectuais un technique fuinjutsu sur moi afin de tenter de déceler des techniques vicieuses qui se cacheraient derrière mes tatouages. Bien sûr qu’il y en avait. Ils le savaient tous d’ailleurs… Un sourire échangé –je n’avais pas assez relevé cet air compatissant sur le visage de mon collègue - un pouce pointé et me voilà libre de circuler au sein du village. Ma destination était toute choisie : bien évidemment le quartier Bakushô pardi !

Moi qui suis souvent enthousiaste, je dois avouer, curieusement, avoir eu un étrange pressentiment dès lors que je mis les pieds à Kumo. Était-ce sourire bizarre que j’avais reçu dont l’expression et probablement la signification me remontaient à l’esprit ? Était-ce une forme de télépathie ? Ou de prescience ? Quoi qu’il en soit, je ne fus guère étonné lorsque parvenu tout près des quartiers Bakushô je compris qu’un des nôtres et probablement pas les moindres, avait finalement perdu la vie. Encore un peu et tout s’éclaircissait. C’était bien la vieille Mitsuhiro qui s’en était allée et j’étais parvenu à Kumo pile le jour de l’enterrement.

Il me fallut attendre à peine une heure avant que l’enterrement se fasse. Elle avait eu droit au rite funéraire de la crémation. Une pratique très répandue au sein du clan qui se faisait systématiquement pour les grandes personnalités. Je gardais le silence, en retrait par rapport au clan. En regardant les flammes s’élever vers le ciel et en ressentant l’odeur de son corps entrain de brûler, je fus bien obliger de repenser à ces moments que nous avions passé ensemble. Forcément en tant qu’aînée, dès mon plus jeune âge elle n’avait eu de cesse de réprimander, recadrer le jeune gosse turbulent que j’étais. Plus tard encore alors que mes dons commençaient à se développer un peu plus vite que la majeure partie de ceux de ma génération, elle était toujours là pour m’aider à grandir. Aujourd’hui elle n’est plus et pourtant elle demeurera à jamais une des grandes figures de notre clan. Pour lui rendre un dernier hommage comme j’avais vu faire pour les grands parmi les grands lors de la grande guerre, je levais les bras au ciel, la langue présente dans ma main déglutit une petite portion de l’argile explosive que je sculptais avant de le lancer au dessus du corps de la défunte. Il s'agissait d'un petit oiseau. Quelques membres du clan se tournèrent pour me regarder après ce jet, mais la plupart comprirent le geste. Et lorsque je fis exploser le petit oiseau, entraînant une détonation minime, d'autres suivirent mon geste. Ce fut comme un feu d'artifice au final qui eut lieu au dessus du corps de la défunte. Des adieux mémorables pour une kunoichi de valeur. Saynora Mitsuhiro Baa Chan

Le regard sévère, aux premières loges pour cet événement, tu restes presque de marbre. Tu connaissais la vieille mégère, elle n’aurait pas aimé voir qui que ce soit pleurer pour elle. Une grande. Qu’importe ce que tu pouvais penser d’elle, c’était une grande. Une de celles que l’on ne refera plus. La seule assez forte pour reprendre une partie des rennes du clan à la désertion de Yoh. Une garce au langage bien pendu comme il n’y en aura plus – pourtant, intérieurement tu ne peux que réaliser que tu l’appréciais quelque peu. Après tout… Elle croyait en toi, et tu ne pouvais qu’avoir de l’estime pour ses capacités à tenir en laisse un clan aussi indiscipliné que le tiens. Sans que tu ne t’en rendes réellement compte, ton œil blessé larmoie contre ton cache-œil alors que tu rejoins la danse funeste et sacrifie également une partie de ton argile pour saluer le départ de l’âme et du corps de la vieille Mitsuhiro. Si seulement il lui avait été donné de vivre plus longtemps… Si seulement il…

« Et maintenant, que comptes-tu faire Daï ? »

Tu retournes ta tête brusquement sur le côté, te laissant envahir par un vertige violent qui t’obliges à tanguer – ce n’est que de justesse qu’Ayano t’attrape. Rapidement, tu jettes un regard de ton œil unique pour voir si ta faiblesse momentanée a été aperçue et te contente de voir tout le monde fixer les cieux. Ce ne sera donc qu’elle. Ta convalescence te pèse, toujours et encore – tel un arrêt de ton cœur, elle pèse sur ta poitrine avec tout son poids. Sans elle, tu pourrais tellement plus. Sans elle, tu serais tellement plus. Tu clignes rapidement pour te reprendre et croise les yeux de ta cousine.

« Ne dis rien aux autres de ce que tu as vu, s’il te plaît. »

Elle hoche calmement la tête et continue de te fixer.

« Je… Je vais m’empresser de prouver ma valeur et devenir chef du clan. Inichi est dangereux et perfide, je pense que nous courrons au désastre avec lui... Seulement, les gens m’accepteront-ils sans l’appui de Mitsuhiro ? »

Elle t’adresse un maigre sourire avant de s’éloigner délicatement de toi, et tu ne peux t’empêcher de penser qu’il y a quelque chose qui cloche. Rapidement, tu regardes à droite comme à gauche, croisant les yeux de nombre de tes cousins. Une vague de chuchots s’élève à travers la foule des vôtres rassemblés. Des bruits divers, variés – des bruits que tu ne peux prendre la peine d’écouter de façon attentive dans l’agitation locale qui semble régner. Presque naturelle, comme l’océan à la rencontre d’une falaise, les tiens se sont séparés. Inichi, d’un côté, s’est entouré des siens et te toise une dernière fois avant de partir, suivi par une partie du clan – à l’opposé, le reste des Bakushô reste prêt de toi, à attendre ton geste. Tu soupires calmement, comprenant bien trop vite les significations douloureuses de cet épisode si facilement insignifiant. Ce sera lui ou toi. Deux visions opposées. Deux idéologies distinctes. Deux arts différents. Est-ce une guerre politique que tu as envie de faire ? Oh que non. Tu te connais assez pour savoir que cette embuche sera particulièrement compliquée à outrepasser, surtout dans ton état. Tu fermes ton œil et secoues calmement la tête avant d’adresser une dernière révérence à Mitsuhiro et te tourner vers les… « Tiens ».

« S’il vous plaît… Nous venons tous de perdre quelqu’un d’important dans notre vie. Nous n’avons pas besoin de nous diviser de surcroît – nous devrions afficher une cohésion à toute épreuve justement… Rejoignez les autres, ne créez pas de scission. Je parlerai avec Inichi pour mettre les choses au point avec lui, mais ne laissez pas nos jeux de pouvoir vous séparer... Nous sommes un Clan fondateur de Kumo, malgré tout ce qui puisse être dit sur nous. Je… Nous ne devrions pas donner cette image de nous. Elle ne l’aurait pas voulu. »

Ta conviction de feu et le pragmatisme de ton approche – tu as envie de croire que ton expérience en Politique saura jouer en la faveur de ton Clan. Pas pour toi ou ton pouvoir, et pour une fois dans ton orgueil tu ne te perds pas dans tes propres folies mégalomaniaques. Non. Il le faut pour ton clan. Les choses se sont visiblement dégradées pendant ton absence, et tu doutes sincèrement des pouvoirs du vieux Inichi pour restaurer quoi que ce soit. Tes mots contre les siens… Ce ne sera pas simple. Soupirant calmement, tu te retires prétextant avoir besoin de te reposer : ta convalescence est loin d’être achevée après tout.

HRP:

Une fois que les explosions furent terminées, laissant dans leur sillage un petit nuage de fumée différent de la fumée qui se dégageait naturellement du corps en train de finir de se consumer, l’heure du retrait sonna. Sans mot dire, après que tous ait constaté la fin du cérémonial, les uns après les autres chacun de nous se retira. Je m’en allais tête basse, encore perdu dans mes pensées et obnubilé par ce climat lourd de tristesse. Comme dans chaque enterrement digne de ce nom, beaucoup ne pensaient probablement à rien d’autre qu’aux questions philosophiques de l’existence liées à la mort et à la vie. Vous savez, ces remises en questions de notre style de vie, de nos objectifs de nos rapports à l’autre lorsque les images du rite funéraire nous reviennent à l’esprit ou lorsque l’on pose un regard sur une personne en larmes. Pour ma part, je ne pensais à rien d’autre.

Une main sur un muret tout juste derrière moi, je l’enjambais. Je montrais désormais le dos à celle qui avait été un modèle pour moi dans une certaine mesure. Je m’en rends compte que maintenant. Il est triste de ne devoir considérer à sa pleine valeur quelqu’un qu’au moment où il n’est plus là. En y repensant bien, je n’avais jamais véritablement fais gaffe à elle dans mon quotidien. Pourtant au travers de certaines familles m’ayant recueilli, plus jeune, après la disparition de père et mère, je m’étais plusieurs fois retrouvé dans une situation où à travers la filiation, Mitsuhiro était mon aïeule. En termes clairs, en intégrant certaines familles, je retrouvais par deux fois « la vieille » comme j’aimais à l’appeler, comme matriarche. Même si notre lien par le sang n’était pas si direct, au final, et par la force des choses elle était devenue ma grand-mère. Comme pour nous tous ici présent d’ailleurs. Je m’arrêtais portant un regard vers l’arrière. Les dernières flammes s’élevaient faiblement au-dessus de l’autel où nous l’avions placé.

*Sayonara Baa-Chan !*

Et cette fois-ci, je m’en allais, suivant la foule qui en faisait de même. La vieille était morte, elle était synonyme d’union. Plus que jamais, les batailles internes pour la prise du pouvoir allaient s’affirmer, se faire rudes. Nous savions tous qui pouvaient être les têtes de file d’un potentiel combat fratricide en l’absence de Yoh. Il ne restait plus qu’à espérer que tous seraient assez mûrs pour éviter de prendre en otage tout un clan pour leurs luttes d’ego.