Mon souffle était court, j'étais là affalé au sol adossé contre le mur et je haletais comme si ma vie en dépendait. Mon regard parcourrait ces milliers de personnes, qui tout comme moi étaient dans un état critique, encore plus que moi je dirais même. Il suffisait de voir leur bras en moins pour comprendre qu'ils allaient passer le restant de leur vie tel un handicapé. Une seule guerre suffit à réduire plus d'un futur à néant, si certains n'avaient pas encore trouver de femme, d'autres avaient déjà une famille. Bientôt, ils n'allaient pas tarder à les quitter, tous ceux qu'ils chérissaient, tous ceux qui les chérissaient. L'homme devant moi semblait agoniser, je voyais sa misérable vie de shinobi s'éteindre doucement en toussotant de son sang. Je pousse un soupir de dégoût en le voyant dans un tel état. Dans ce campement qui servait d'hôpital, où l'odeur de la puanteur me rentrait à travers les narines, j'étais à deux doigts de vomir mes propres boyaux sur le côté. J'avais beau être un kumojin comme n'importe qui ici, je supportais mal la vue de ce liquide rouge. Une goutte de sueur perla le long de mon visage, je tenais mon bras gauche qui s'était détaché de mon corps tel un membre mort. La situation semblait critique, les médecins étaient tous en action, sans avoir un seul moment de répit. Il suffisait de voir des genins se promener par là et là pour comprendre qu'ils manquaient de mains d'œuvre. À cette vitesse, mon tour ne viendra pas tout de suite encore. C'était compréhensible de privilégier ceux qui étaient aux portes de la mort pour tenter de les sauver, je ne leurs en voulais pas. Il me suffisait de rester immobile tout en gardant mon calme pour parvenir à contrôler ma douleur. Puis un jeune homme aux cheveux bruns se rapprocha de moi et m'examina. Mon médecin, sans nul doute, néanmoins, n'avait-il pas d'autres patients à aller voir avant moi ? Je n'allais pas refuser son aide, mais mon cas n'était pas très pressé. D'autant plus que s'il me soignait, j'allais encore devoir retourner sur le champ de bataille..

" Je vois, Ikumo.. V-vous.. Savez vous pouvez d'abord vous occuper de l-lu.. " Fis-je en montrant du doigt le mi-homme mi-cadavre en face.

Cependant, il semblait tellement concentré dans son travail qu'il n'avait pas prêté attention à ma réponse. Lorsqu'il vit mon épaule gauche qui flottait dans la manche de ma chemise, il comprit immédiatement ce qui n'allait pas. Quel professionnalisme je dirais, jusqu'à ce qu'il m'annonçât qu'il n'avait pas le temps de me faire une anesthésie. Quoi ?! Il blague là ? Attends, que veux-tu dire par "serre les dents" ? N'ai-je pas assez souffert ainsi ? Maintenant, je dois en plus me retenir de hurler ? Si j'avais été d'avantage blessé, aurais-je eu le droit à un traitement de faveur ? Je devais avouer que j'ai toujours été une fripouille, néanmoins, j'espérais tout de même que l'on me traite avec tout autant de délicatesse que le ferait une infirmière. Calmement, je tentais de le résonner.

" A-At-tend.. ! "

Alors que je me précipitais de lui demander une pause, il se faufila derrière moi et il se mit à l'oeuvre. Je n'étais pas prêt, ni mentalement ni physiquement, lorsqu'une douleur aiguë parcourut mon corps comme une lame qui viendrait s'enfoncer dans mon bras. Par réflexe, je me mordis la langue afin d'empêcher le son de ma voix de s'échapper. À présent j'avais le sang qui coulait dans ma bouche, comme un imbécile, je n'avais sans doute pas assez saigner pour me croquer la langue moi-même. Je respirai profondément, la douleur est passée à présent. Seule mon liquide vitale coulait depuis ma bouche, j'avais d'autant plus mal. Néanmoins, mon bras était remis en place et celui-ci était à nouveau mobile comme avant. J'hésitais à le remercier, mais il restait un médecin et faisait son travail. Je lui souris gentiment.

" M-Merci.. Dites, je pense que vous pouviez vous occuper de lui mh.. "

Cet homme juste là, oui.

" Je vois.. Ainsi, c'est fini de lui.. " Répétais-je calmement.

Oy ! Comment tu peux dire ça aussi facilement ? Tu n'es pas supposé avoir une mort sur la conscience ? Parfois, je me disais qu'il valait mieux être un médecin plutôt qu'un shinobi. En tant que soigneur, on n'avait pas à aller combattre sur les champs de bataille, à souffrir comme de la chair à canon, on pouvait rester tranquille en arrière pendant que d'autres soldats se battaient pour nous protéger. On ne ressentait aucune douleur, on ne craignait rien et si tout se passait bien, on était les derniers à mourir. On était certes très occupé avec tous les blessés, mais au moins, on était en sûreté. La vie semblait tellement plus belle, les médecins avaient la reconnaissance et empochaient pas mal d'argent même sans être sur le terrain. J'aurais tellement voulu être comme eux, néanmoins, maintenant je me rendais compte que ce n'était finalement pas si aisé d'obtenir ce rôle. Il suffisait de voir le visage du jeune homme pour comprendre la douleur qu'il avait enduré pour parvenir jusqu'ici. Il avait sans doute vu bien d'autres personnes mourir avant lui, des personnes qu'il n'avait pas réussi à sauver, des personnes qu'il échoua à sauver. En réalité, cet homme mort d'une hémorragie en était un parmi bien d'autres. Pour devenir médecin, on leurs apprenait à utiliser le scalpel ainsi que les aiguilles, on leurs montrait le sang et la mort, ce dernier était sans nul doute passé par là. Son calme m'impressionnait plus que tout autre chose, je ressentais une certaine peine mais aussi une admiration envers sa personne. Pour quelqu'un comme moi qui craignait la vue de ce liquide rouge, c'était incroyable.

" Haha.. Ce n'est rien ! " Répondis-je avec mon pouce relevé pour dire que j'allais parfaitement bien.

Contrairement au cadavre, je pouvais encore faire le fier, même si je sentais mon sang qui commençait à couler depuis ma bouche. Voilà qui venait gâcher mon image de bel héros sortant du champs de batailles. J'avais l'air sans doute plus nul que ce que j'espérais montrer de moi. Si j'avais le courage de lui crier dessus pour m'avoir fait mal lors de son traitement, je serais bien la pire des personnes. Cependant, à présent que j'étais rétablis, je sentais les mauvais moments de la journée revenir, comme si j'allais devoir retourner dans les enfers qu'étaient les fronts de combat. Contre toute attente, il me proposa de rester afin de lui prêter main forte. J'étais assez surpris de l'offre inattendue, mais tant mieux ! Il me sauvait vraiment la vie cette fois-ci, intérieurement, je poussais un long soupire, rassuré de ne pas avoir à retourner de suite sur le terrain. Je me retenais pour ne pas montrer ma joie et ma bonne humeur, je gardais un semblant de sérieux pour mes autres coéquipiers qui étaient encore à combattre.

" Bien.. Il est de notre devoir en tant que shinobi de front de protéger les arrières après tout, compte sur moi. — Ça c'était class, avec les lunettes remontés et les sourcils froncés.

Je le suivais du regard, l'observant venir d'une personne à une autre tout en surveillant le groupe de genins dont-il avait la charge. Je ressentis une étrange sensation me traverser le corps. Il était entrain d'aider une jeune femme kunoichi qui semblait grièvement blessée. Cette image de lui de dos semblait m'être familière, ce jeune hommes aux cheveux bruns, j'avais l'impression de l'avoir déjà rencontré une fois auparavant. Mais je n'arrivais plus vraiment à me rappeler de qui il était.. I.. Ikumo ? Un court instant de silence s'imposa dans ma tête. Impossible. Je poussais un soupire avec un léger sourire qui vint illuminer mon visage. Tu n'es plus de ce monde depuis longtemps, les morts ne reviennent pas à la vie, n'est ce pas, camarade ? Je ne pus m'empêcher de rire à l'idée de m'entendre parler. Quelles bêtises racontais-je encore ? Je me relevais lentement, puis je me dépêchai d'aller rejoindre le jeune médecin pour lui prêter main forte. La patiente semblait très mal en point, mais elle était encore en vie et elle pouvait être sauvée. Je lui hochai la tête avant de m'exécuter. Je passai mon bras sous l'épaule de la femme afin de l'aider à l'emmener jusqu'à une chambre à part. Cette dernière m'avait l'air incroyablement lourde, mais peut-être qu'il s'agissait de moi qui n'avait pas suffisamment de force ? Rapidement, nous arrîvames face à un autre médecin qui se faisait appeler "senpaï", j'en déduisais qu'il s'agissait de son supérieur. Je déposai la jeune femme face à l'homme avec la cigarette pour le laisser l'examiner. Je ne lui adressais aucune parole et je me tenais silencieux me privant de tout commentaire.

Quoique, finalement je ne déposai pas la femme en face de Shigeru — comme il est écrit dans le post précédent. Ce dernier était actuellement trop occupé à s'occuper d'un autre patient en toute urgence, il n'était pas disponible pour venir en aide à cette femme qui souffrait d'un enfant. Nous voilà bien embêté, pensais-je, que pouvons-nous faire ? Si une personne était morte juste avant elle, une de plus ou de moins ne changeait pas grand chose au résultat. Néanmoins, je ressentais un terrible pêché à penser ainsi, me disant que même une misérable petite vie insignifiante méritait d'être sauvée. Le jeune médecin prit les devants et décida de se tourner vers une autre tente située plus loin, afin de patienter la venue de son supérieur. Mais lorsqu'il me parla d'improvisation, j'eus un léger doute dans mon esprit. Comment ça improviser ? Il avait notamment rajouter, "on", ce qui me laissait présager le pire. Malgré tout, je le suivis jusqu'à l'intérieur de la tante voisine, afin de lui prêter main forte comme il me l'avait demandé. Il me suffisait de fermer les yeux, pensais-je. Non, en réalité j'étais beaucoup plus inquiet, que comptait-il me demander ? Mon visage commençait à pâlir doucement, petit à petit jusqu'à devenir blanc comme un linge. Je m'imaginais déjà la scène d'opération avec tout le sang qu'il y aurait sans oublier les cries de douleurs — comme il n'avait toujours pas d'anesthésiant, un véritable enfer en somme. Il ne voulait tout de même pas que je me lave les mains pour l'aider dans son travail ? J'allais m'évanouir dés la seconde même où il ouvrira le ventre à la patiente. Je m'empressai de le prévenir des conséquences, car il devait savoir mon niveau en médecine avant de pouvoir me faire confiance.

" Attends ! Je ne sais vraiment pas comment m'y prendre.. Je ne sais à peine différencier un cœur et un poumon ! Tu sais que je vais faire des dégâts, hein ? "

Enfin, j'étais plus rassuré d'apprendre que je n'allais toucher à aucun scalpel, qu'il s'agirait juste d'un accouchement. Néanmoins, le médecin lui-même n'était pas sûr de lui. Il semblait paniquer malgré le fait qu'il tentait de garder son calme. Il n'avait encore jamais participé à ce genre d'opération, enfin, la naissance d'un bébé de 6 mois. Ces dernières paroles m'arracher un léger son de surprise. Évidemment qu'il ne va pas tenir, pensais-je. Puis, il n'aurait pas pu choisir un meilleur moment de la vie de la mère ? Je me demandais même comment se faisait-il qu'une femme enceinte puisse participer à la guerre ? Monde cruel, l'enfant allait naître dans les pires circonstances, et lorsqu'il comprendra qu'il venait de rejoindre l'enfer vivant, il le regrettera aussitôt. Même la femme lui dira à son gosse qu'il était un imbécile qui ne savait pas choisir le bon moment. Je poussais un soupire afin de tenter de me calmer, de me rassurer que tout se passerait bien. Je n'étais pas du genre à rassurer les autres, surtout lorsque j'étais moi même dans la panique. Néanmoins, je pouvais au moins tenter de le dissuader d'essayer quelque chose d'autre ? Quelque chose comme des calmants ou des antidouleurs en attendant qu'un professionnel ne vienne l'aider, un Malox pour calmer les maux de ventre..

" Oy ! Tu sais que l'on risque beaucoup, il n'y aurait personne d'autre.. ? Tu es sûr de toi ? Sinon.. "

Sans vraiment mon aide, il parvint à reprendre son sang froid. En réalité, je me sentais inutile, et encore plus lorsque j'allais échouer à l'aider dans sa manœuvre. Alors qu'il quittait la tante pour partir chercher le fameux anesthésiant, il me demanda de m'occuper de ses vêtements. À ces mots, je lui adressais un regard d'étonnement. La déshabiller ? Je n'avais encore jamais touché à une femme de ma vie, je savais environ comment fonctionnaient les agrafes des sous-vêtements comme durant ma période au lycée j'avais eut l'honneur d'un ami qui prenait plaisir à embêter les jeunes filles, mais rien de plus. Il voulait ruiner la parcelle de fierté dans mon âme, ma pudeur, ma.. Je regardais désespérément la soufrante qui retenait ses cries tant bien qu'elle pouvait. La voyant dans un tel état, je ne pus m'empêcher de ressentir un pincement au cœur. Je restais un humain avant tout, je pouvais bien lui faire cette faveur de lui retirer ses morceaux de tissus. Après tout, derrière ce n'était rien d'autre que de la chair et du sang qui lorsqu'elle sera morte finiront par pourrir. D'une main je me cachais le visage, de l'autre je commençait à lui retirer sa veste, puis à baisser son bas. Finalement, je sentais les pas du médecin se rapprocher peu à peu. Je n'avais plus le temps de jouer à la poule mouillée, je retins mon souffle pour lui enlever ses habits afin qu'elle soit prête pour l'accouchement.

" C'est bon.. Je peux y aller ?

Maintenant que l'envie de vomir m'empestait mon propre corps, j'avais bien envie de partir en courant. Mère, j'ai faillit perdre mon bras, à présent c'était ma dignité que je perdais dans un mauvais épisode de la guerre. Lorsqu'il m'annonça que les choses n'allaient pas comme il faut, j'étais à deux doigts de tomber en arrière. Alors il comptait lui couper le ventre ? Je me sentais mal dans l'air étouffante de la tante, ses cries et hurlements me rendaient dingue. Même dans les circonstances normales je n'aimais pas les accouchements. Malheureusement, je me sentirais coupable de m'enfuir tel un lâche. Quoique, j'étais prêt à le faire, comme lorsque je fuyais du champs de bataille. Néanmoins, le voyant se donner à fond dans son rôle, je ne pus m'y résigner. Je m'abaissai à la taille de la femme, puis je pris sa main dans la mienne.

" Tout se passera bien, car vous êtes une femme forte n'est-ce pas ? Vous participiez au combat malgré vous pour protéger ce village, alors je suis sûr que vous parviendrez à protéger votre enfant. Pour votre courage, on va en faire de même et le sauver pour vous. N'abandonnez pas malgré les circonstances. Murmurais-je calmement.

Ma vision était floue, tout allait bien tant que je ne regardais pas les manœuvres du médecin. Ne pas regarder. Ne pas regarder. Ne pas regarder. Va le prendre toi même ton linge sale ! Je veux pas voir l'enfant dégoulinant de sang ! Les images d'horreurs défilaient dans ma tête, je ne pouvais m'empêcher de trembler et de serrer la main que je tenais de toute mes forces. Je ne savais même plus quel rôle je jouais dans la scène. Le soutient ? Celui qui rassure et qui réconforte ? J'avais l'impression d'être celui qui stressé le plus et qui était à deux doigts de craquer. Avec des efforts, je tendis le bras pour attraper le linge que je tendis au médecin sans ouvrir les yeux pour voir la créature toute crade.

" Ça y est ? Tout est ok ? "

Je refusais d'ouvrir les yeux pour voir la situation. Mais l'heure n'était plus aux plaisanteries. Aucune réaction ? Le médecin ne répondit rien, je crus que c'était fini. Puis lorsque je rouvris les yeux, je vis le corps de la femme encore semi-ouvert ce qui me projeta instinctivement en arrière. Dégoût.. Vomir.. Fermer les yeux.. Partir.. Que faire bon sang ? Chacun ses craintes, chacun ses malaises, chacun ses problèmes.