La chevelure est blonde. Couleur or, reflet semblable à un brasier consumant l’éternité. Soyeuse, d’une légèreté digne d’une plume, elle virevoltait et se dissimulait contre les bourrasques de vents, devenait parfois rude durant les chutes de neiges et flamboyant face aux rayons du soleil. Le visage est enfantin, juste mélange entre l’homme et la femme. Un visage fin marqué par une peau relativement rosée, des yeux aussi différents que le jour et la nuit, que le ciel et les étoiles. Un œil dont la pupille n’est que ténèbres, séduisantes ténèbres. L’autre n’est que poussière, particule qu’il dissimule derrière une mèche naturelle de sa chevelure or. Parfois à l’image d’une bande ou tout simplement d’un œil noir dont aucune émotion n’émane. Le corps est frêle, l’être arborant parfois une condition physique fragile, cependant il présente une agilité supérieure à sa force, capable d’esquiver plutôt que de frapper, l’analyse plutôt que la puissance. Les mains, la pièce maîtresse de son existence, l’essence même de sa force. Capable de broyer le papier pour en faire un origami ou lui faire prendre toute autres formes. Les ongles sans arrêt camouflés par une épaisse peinture légèrement violette et d’une bague qu’il porte en permanence (seul vestige passé de sa famille), l’homme semble sûr de lui au point de négliger l’adversité. Son être n’est pas très grand, il n’en impose guère cependant la vigilance est de mise lorsqu’on se frictionne avec lui. Le tatouage qu’il arbore sur le torse représente un cœur dont la cage ailé est ouverte, un cœur dont la cicatrice reste béante, également un rappel à sa famille passé. Le vêtement n’est que mystère, il est ample, brouillant la silhouette fétiche dont il est l’acteur. Semblable à une cape, son haut ondule durant les vents violents et frétille à la normal. Le bas est similaire à un collant mais ce n’est pas le cas, d’une couleur noire pour accorder les deux. Ses sandales viennent garnir ses orteils également peinturlurés tout comme ses mains.

Psychologiquement parlant, l’homme est une énigme dont la clef est une cause perdue. Esprit totalement fermé, il est très rare de le voir aligner plus d’une seule phrase. Peu loquace et possédant une palette d’expressions peu diversifiée, il laisse volontiers le loisir aux autres de venir vers lui. La solitude est une sœur qu’il côtoie depuis la nuit des temps. Sans être une véritable plaie, il reste un garçon peu habile avec les mots, préférant garder ses pensées pour lui et ne répondre qu’avec une gestuelle bien précise. Ce n’est pas du tout de la méprise, mais plutôt une timidité qu’il n’assume pas préférant se faire passer pour quelqu’un d’inaccessible. Dissimulant une partie de son visage derrière une épaisse mèche blonde, on dit qu’il analyse de l’œil droit et complote de l’autre. Tout ceci n’est que fable et légende, sauf si vous êtes une menace bien entendu. Compliqué certes, également difficile à cerner à cause d’un caractère renfermé, pourtant ce n’est pas un mauvais bougre. Loin d’être l’homme le plus drôle et sociable du monde, l’univers des bisounours n’existe pas, la vie est combat dans lequel il est impossible de poser le genou à terre. Esprit forgé par une période de guerre troublante, il fait preuve de méfiance avant de se lier à quelque chose ou quelqu’un. Tel un chien reniflant sa proie avant de la dévorer alors que le combat semblait si simple, il y a toujours quelque chose qui cloche, un détail qui ne saute pas aux yeux dans un premier temps, comme un jet de sable en pleine figure. Une mimique vient gâcher son visage angélique, en effet il possède la fâcheuse manie de se lécher les lèvres comme si la faim faisait de lui un esclave. Ombre dans l’âme, il insupporte le fait d’être au centre des attentions, préférant observer une scène dans un lieu reculé plutôt qu’y participer. Il n’aime guère être un héros, les seconds rôles ou n’être qu’un inconnu est une idée qui lui plaît bien. Baisser les bras, ce n’est pas pour lui. Il flirt dangereusement avec le danger, il accueillerait la mort comme une vieille amie le jour où son destin viendra lui embrasser le front d’un baiser toxique. Calme, les silences en disent plus que les mots. Souvent de marbre, les actes comptent plus que les belles paroles, les mains dans les poches et sans arrêt cette attente intenable que le premier coup lui soit porté.

Il apprécie : la solitude, ne rien faire, user de l’art de son clan pour se déplacer ou même s’entrainer, manger comme un estomac sur patte, se moquer des gens dans le plus grand des secrets, les contes et légendes, le savoir : apprendre encore et encore, l’honneur, les missions, la vie en générale, dévorer des livres, regarder l’horizon d’un point de vue reculé, observer tout en analysant une situation ou quelqu’un, le silence que la solitude lui procure, user de son calme pour faire entrer son corps dans un état de sérénité absolue, les couleurs sombres, entretenir une coupe soignée et parfaite, masqué son physique par des vêtements amples, réaliser des origamis, s’amuser à s’amputer du bras en voyant les feuilles de papier virevolter, chercher une nouvelle façon d’exploiter l’art de son clan pour se déplacer ou rendre son quotidien meilleur, prendre soin de son apparence, masquer le plaie qui se trouve en lieu et place de son œil par une mèche blonde épaisse, etc …

Il n’apprécie pas : la foule, la reconnaissance éternelle, le sentiment de devoir un être reconnaissant à quelqu’un, la vue d’un os brisé, sortir sans vernie et sa bague au doigt, impossible pour lui de partir en mission dans de bonnes conditions s’il n’a pas méditer avant, l’agitation après une victoire, la compétition durant un examen ou autres, la simplicité représentant l’ennui le plus total, etc …

Lune de sang, triste lune de sang. L’un vivra pendant que l’autre ne sera qu’agonie. Un garçon symbolisant le mauvais présage, une plaie royale. Le nourrisson pleure, aussi fort que cela lui est permis, son frère ainé n’est aujourd’hui que tristesse et désillusion, il le ressent. Ce ne sera qu’un et non deux. Sans doute un signe du destin, la donne changea. Chance ou non, il était ici, hurlant alors que la guerre n’était même pas à son apogée, pleurant pour la première fois contre un monde qui ne l’inspirait guère ou pour une première perte lourde de sens. Dernier né du clan Hakushi, il venait de sceller son sort, son avenir. A peine avait-il vu le jour qu’il n’était qu’une vulgaire déjection animale, un petit être inoffensif capable de mourir sous un seul coup, un être qui n’avait rien demandé. Triste jour pour voir la lumière, surtout lorsqu’un œil sur deux fonctionne. Non seulement il était le seul survivant, mais il était infirme. Rien de bien intéressant de garder un vulgaire bâtard dans ses rangs, pourtant la jeune mère qu’était cette demoiselle semblait être conquise par le minois du boulet de la portée. Goro, un prénom lourd de conséquence, une existence vouée à l’échec aux yeux de ses géniteurs, la cause de bien des maux alors que le bonheur semblait être de mise.

Les larmes venaient épousées ses joues rosées par le froid de la pluie qui venait en symbiose avec ces dernières. La tête dans les bras, il masquait cette honte, cet écœurement de sa personne comme il le pouvait. L’incompréhension prenait la possession de son esprit, son clan venait de lui faire comprendre qu’il n’était qu’un vulgaire déchet, son nom ne devait pas être associé à ce dernier, c’est un déshonneur. « Je ne comprends pas grand-père … je ne comprends pas. » murmurait-il d’une voix enfantine, sentant la chaleur de la paume du vieil homme sur son épaule, unique pilier du clan Hakushi. Homme très peu loquace, il se contentait d’être un soutien muet, une présence nécessaire à son développement. Goro est devenu un prétexte, la mort de son jumeau était de sa faute, il n’était qu’un parasite puisant la force psychique et physique de son alter-ego pour poursuivre sa croissance. Il n’y était pour rien, mais le paternel n’avait pas cette manière de pensée. Sa mère semblait impuissante, protégeant son fils autant qu’elle le pouvait sans vraiment pouvoir bousculer des montagnes. Aux yeux du patriarche, il n’était pas digne de recevoir l’enseignement des Hakushi, malgré qu’il possède bien le don héréditaire, il ne pouvait pas apprendre à le contrôler. Solitude et tristesse n’étaient que quotidien, le bonheur résidait dans les livres, dans l’apprentissage. Depuis son plus jeune âge, il voulait devenir shinobi, maîtriser les techniques les plus secrètes de son clan. Sans arrêt repousser, il s’était plongé dans des études poussées durant son temps libre. Simple paysan aux yeux du paternel, il restait néanmoins sans bronché face à ses prises de décisions, cruelles et non-fondées. Il apprenait encore et encore, sans relâche jusqu’au jour où il pourrait rejoindre l’académie de son village.

« Tu n’es pas digne d’apprendre au sein du clan des Hakushi, tu es un meurtrier doublé d’un incompétent, j’ai honte de t’avoir comme fils … » méprisait-il autant dans la parole que dans le regard. « Jamais tu m’entends ? Jamais. » insistait-il, avec un regard noir, une haine sans nom venait accompagner le visage déjà bien marqué par une volonté de détruire son interlocuteur. Goro prenait sur lui à ce moment précis, baissant les yeux et contemplant le reflet de ses chaussures que ses yeux lui procuraient. Les poings serrés dans le dos, il se contentait de se mordre la lèvre inférieure et de fermer le seul œil qui lui restait pour ne pas voir ce monstre, pour ne pas voir cette fausse image et cette vérité erronée que son géniteur se faisait de lui. Toute son enfance n’était que solitude. Il ne connait rien de l’amour, de l’amitié, de ses sentiments qui construisent un enfant pour qu’il devienne un homme. Le nom de son clan qui accompagne son prénom est un lourd fardeau à porter, une sorte de boulet scellé à sa cheville, un sac à dos bien trop imposant pour son corps frêle. Parfois à la limite de l’implosion, il n’a jamais cherché à déserter son pays, ni même de quitter son clan pour prendre son envol. Une torture mentale qui finissait par portée ses fruits, une perte de confiance en lui qui détruisait son travail, ses ambitions et sa façon d’être. Il n’était déjà pas bien imposant comme garçon, encore moins depuis ces nombreux incidents. Le conflit qu’il entretenait régulièrement avec son père avait le don d’alimenter sa soif de reconnaissance ainsi que de persévérer pour devenir un shinobi de renom dans le pays de la foudre. Pourquoi pas au-delà des frontières même. Pensant qu’il n’était capable de rien d’autre que de tenir une fourche, il ne savait rien de l’apprentissage de son grand-père qui était un vaillant ninja durant les grandes années de sa vie. Restant sans voie devant une nouvelle attaque, il préférait préserver ses idées loin de l’image de son père afin de ne pas mettre de l’huile sur le feu, de ne pas attiser cette flamme pour la rendre aussi dangereuse qu’un brasier.