Dans une forêt bien lugubre sur l'Île de la Cendre, un cerf assez maigre - comme la plupart des gibiers qui peuplaient l'endroit très pauvre en verdure - était en train de balancer à répétition ses pattes arrière, cherchant à se débarrasser d'une jeune fille à lunettes qui avait décidé de le chevaucher sans son consentement. L'importune avait sauté sans crier gare sur son dos après l'avoir guetté longuement.

Sous l'effet de la surprise la bête avait couru sur quelques mètres avant de s'arrêter pour tenter d'expulser la cavalière indésirable.

« Cesse de sautiller et avance sale bête ou je ferai de toi mon diner de ce soir ! » Gueula Mairu qui s'accrochait de toutes ses forces pour ne pas tomber.

Malgré l'emprise de ses jambes serrées contre les flancs de l'animal et ses bras autour de son cou, la Sauvageonne finit par glisser puis tomba. À peine son corps avait touché le sol qu'elle se mit à rouler pour s'éloigner de la bête enragée qui, une fois délestée de son fardeau, déguerpit à toute vitesse.

Allongée sur le dos, Mairu soupira de son unième échec de chevauchée à dos d'une bête sauvage qui était son passe-temps préféré malgré les coups et blessures que son activité plutôt excentrique lui avait déjà infligés.

La jeune fille se mit ensuite à admirer le ciel qui était l'unique chose de vraiment magnifique qu'on pouvait admirer sur cette île où tout arborait une apparence bien sinistre.

La Natsumi joint ses pouces et ses index pour former un rectangle à travers lequel elle visionna l'étendue bleue parsemée de quelques nuages alors qu'un sourire s'esquissa sur son faciès.

Malgré la rudesse de la vie sur cette île bien hostile où elle avait été amenée de force, elle n'était pas malheureuse. Si au début, elle avait souffert, aujourd'hui, elle s'était accommodée avec sa condition d'une apprentie kunoïchi formée en secret pour servir plus tard Gogyou Makka. Sa sensei était une kunoïchi assassin qui admirait la Déesse des flammes qu'elle servait avec dévouement. Elle jugeait que Mairu n'était pas encore assez forte pour être utile à Makka. Elle ne désirait pas qu'elle lui fasse honte en échouant dès la première mission qu'on lui confierait alors tout son temps libre, elle le passait à faire endurer des rudes entrainements à la gamine dont elle avait sauvé la vie voilà quelques années. Elle avait amenée la petite avec elle afin de la façonner à son image après lui avoir déclaré que sa vie lui appartenait désormais. Fort heureusement, ou peut-être malheureusement, la Natsumi s'était vite adaptée à sa situation qu'elle avait fini par accepter complètement pour ne pas en pâtir. Au lieu de devenir un parfait patin de glace, la gamine était devenue une jeune fille bien épanouie qui avait même réussi à attendrir un tantinet le cœur de sa sensei qui avait fini par s'attacher à elle au fil du temps.

Durant l'absence de sa sensei - chose qui arrivait fréquemment et parfois durant longtemps - Mairu était livrée à elle-même et en profitait pour savourer sa liberté.

Une bonne dizaine de minutes s'écoulèrent lorsque la Natsumi se releva enfin puis s'enfonça dans la forêt bien sinistre.

Occupée à ramasser des baies qui étaient pourtant loin d'être appétissantes, la jeune fille redressa la tête au bruit provenant d'un peu plus loin. Alors qu'elle cherchait à identifier la nature du bruissement, une lame se logea sous sa gorge. Surprise, Mairu avala de travers la baie qu'elle avait en bouche et commença à s'étouffer. Elle toqua vigoureusement sa poitrine, manquant de se faire couper toute seule par la lame de son assaillant alors que son corps se penchait dangereusement vers l'avant. Au bout de quelques secondes, elle finit par recracher la baie qui avait bien failli l'emporter dans l'autre monde avant celui qui était venu la maitriser.

« Vous en voulez ? » Lâcha la jeune fille d'une voix dénuée de crainte malgré sa situation, tout en ouvrant une main pour mettre en évidence les baies qui s'y trouvaient.

Par son geste, on pourrait croire que la Natsumi cherchait à attendrir son assaillant mais en réalité elle cherchait plutôt à l'empoisonner. En effet, les baies qu'elle était en train de manger rendaient malades et pouvait même tuer si consommées à grande quantité. Sa faim l'avait poussé un jour à les manger alors qu'elle avait vu des animaux en prendre. Puisque les bêtes ne mouraient pas alors elle s'était dit qu'elles étaient comestibles sauf qu'elle n'avait pas mis longtemps pour se rendre compte de son erreur. À peine arrivée dans la cabane où elle vivait qu'elle s'était mise à vomir et à chier jusqu'au sang. Elle n'avait consommé que quelques-unes mais elle avait failli y laisser la vie. Son corps avait mis plusieurs jours pour s'en remettre. Sa sensei avait été absente durant l'incident mais à son retour elle avait constaté que son disciple avait bien maigri et avait été dépouillée de sa forme olympique. Mairu avait été obligé de lui exposer la situation. "Tu n'as qu'à en manger de nouveau, lui avait-elle déclaré d'une voix complètement placide. Tu as survécu alors ton corps a dû fabriquer de l'antipoison. Si tu continues à en manger régulièrement, en petite quantité pour commencer, tu finiras peut-être par être immunisée contre le poison de cette baie." Mairu n'avait pas compris pourquoi sa sensei lui avait fourni ces explications mais une curiosité suicidaire l'avait poussé à manger de nouveau les mêmes baies dont le goût n'était pas si mauvais malgré leur apparence pas très ragoutante.

Aujourd'hui, elle pouvait en manger beaucoup sans en tomber malade mais ce n'était surement pas le cas de celui qui cherchait à l'intimider.

Loin d'être apeurée par la lame qui la menaçait, Mairu mit en bouche une autre baie.

« Vous êtes sûr que vous en voulez pas ? Elles sont bonnes et pleines de vitamines ! »

Malgré sa soumission apparente, la Natsumi avait déjà un plan B pour tenter de s'échapper de l'emprise de l'inconnu masqué si jamais la tentation avec les baies funestes ne fonctionnerait pas …

Ce n’était pas la première fois que la Natsumi se faisait menacer. Se faire malmener gratuitement alors qu’elle n’avait rien demandé était presque une rituelle à laquelle elle avait droit de temps et temps. Mairu commençait à se demander sérieusement si ce monde n'était peuplé que des brutes qui ne savaient que maltraiter le premier inconnu isolé qu'ils croisaient. Son assaillant semblait avoir faim mais pourquoi ne pas lui réclamer à manger tout simplement au lieu de la menacer de la sorte sans chercher à savoir si elle était son ennemie ou un être qui pourrait le soulager de sa famine ? Parce que là serait un acte indigne d'un shinobi ? Pitoyable ! Qu'il meurt donc par ces baies toxiques qu'elle venait de lui faire manger.

L'assurance de la Natsumi ne provenait pas pourtant de cette réalité bien affligeante. En effet, tout comme celui qui s'était comporté en ennemi envers elle, la jeune kunoïchi était armée. Quel idiot se promènerait sur cette île si dangereuse sans être armé ? Un être qui avait assez confiance en ses aptitudes en combat à mains nues certainement ; chose que Mairu n’était pas. Sa formation était basée sur la rapidité et l’agilité pour compenser sa manque de force par rapport à un être de sexe masculin mais son taijutsu n’était pas assez au point pour lui octroyer une confiance suffisante en ses capacités physiques alors le fait de posséder au moins une arme la rassurait un peu plus. Avec, on pouvait surprendre l’ennemi surtout lorsqu’on la dissimulait comme étaient les tiennes.

La jeune fille se laissa faire comme si elle s’était entièrement soumise à son prédateur qui cherchait à présent à lui priver d'une oreille. Pendant que lui cherchait à placer ses mains pour mieux la découper, elle, elle glissa discrètement ses mains sous sa jupe pour extirper de l’arsenal attaché en haut de chacune de ses cuisses un kunaï de chaque main qu’elle chercha sans plus attendre à planter dans le ventre du garçon masqué qui s’était collé à elle. L’inconnu eut le reflex de reculer, lâchant prise la captive qui en profita pour prendre sa distance.

L’apprentie kunoïchi ne connaissait pas l’identité de son assaillant mais elle le trouvait un peu négligent de ne pas lui avoir immobilisé les bras ni avoir pensé à la fouiller. Sa Maîtresse lui avait inculqué l’importance de se rassurer que son ennemi était désarmé même neutralisé pour éviter que la situation ne se retournerait à son désavantage.

Le garçon masqué l’avait sans doute prise pour une jeune fille inoffensive qu’il aurait pu disséquer sans trop d’efforts mais une fille lambda se promènerait-elle dans une forêt isolée sur l'Île des Cendres ? La naïveté de la Natsumi n’était qu’apparence. Malgré son air candide, elle n’était pas à une fille banale et l'étranger masqué venait sans doute de le comprendre.

La Natsumi sentait une douleur au niveau de son oreille qui s’était faite entaillée dans le mouvement mais son lobe était toujours à sa place. Ignorant la blessure qui saignait pourtant abandonnement allant jusqu’à souiller ses cheveux et vêtements, Mairu fit face à l’ennemi dans une position défensive. Il n’était pas dans ses habitudes d’ouvrir l’hostilité alors, chaque main armée d’un kunaï, la Natsumi se préparait plutôt à accueillir son assaillant au lieu d’aller le chercher.

« Si tu as faim, va donc chasser une proie plus comestible ! Ce n'est pas avec mes oreilles que tu vas combler ton estomac ! Tout ce que tu gagneras en me mangeant est une maladie incurable ! »

Par ces derniers mots, elle lui faisait comprendre qu’elle était atteinte qu’une malade que lui pourrait contracter en la mangeant. Un mensonge plus qu’évident mais qui pourrait peut-être pousser le cannibale dans le doute. Et si ce dernier ne serait pas dupe, il restait à la kunoïchi d’espérer que l’effet des baies toxiques ne tarderait pas à se manifester chez son adversaire qui en avait mangé assez pour, peut-être pas en mourir, mais au moins pour en tomber malade ...

La Natsumi recula d’un pas alors que le masqué s’effondra à ses pieds avant dégueuler. Les baies semblaient faire effet mais la kunoïchi ne savoura pas sa victoire, voyant que celui qui se cachait sous le masque n’était qu’un jeune garçon au visage bien osseux. Il était évident qu’il souffrait d'une malnutrition avancée. Mairu comprenait mieux à présent pourquoi il tenait tant à la manger. La faim avait dû pervertir son esprit, le poussant à vouloir manger même ses semblables. Elle qui était une vraie gourmande et dont la pure torture était d’être privée de nourriture – chose que lui faisait subir sa sensei quand elle désirait la punir – comprenait ce que devait ressentir l’affamé.

Malgré sa compassion pour le jeune garçon, elle ne regrettait pas cependant de lui avoir fait manger les baies toxiques. C’était le prix à payer pour son audace d’avoir voulu faire d’elle sa denrée.

La Natsumi rangea ses kunai puis regarda tout autour d’elle avant d’aller casser une branche pour en faire un bâton. Elle se servit de ce dernier comme une rallonge de son bras droit pour jeter au loin le canif que le jeune Yamanaka avait lâché prise dans son élancement. Toujours avec le bout de bois, elle se mit à fouiller le malade tout en gardant sa distance. Elle lui écarta son haut, la ceinture de son pantalon pour regarder l’intérieur mais s’abstint de fouiller sous le sous-vêtement puis elle remonta les bas de son pantalon ainsi ceux de ses manches ... Une fois avoir vérifié toutes les cachettes possibles dissimulées sous les vêtements, la kunoïchi tripota la joue de l’affaibli avec le bout de son bâton puis elle suivit le dessin du tatouage qui marquait son visage tout en se demandant si celui-ci avait une signification.

Elle jeta le bâton puis alla ramasser le canif qu’elle examina un court instant avant de le balancer pour le planter sur une grosse branche assez haute d’un arbre au tronc et feuilles marqués par l’infertilité qui se trouvait le plus près du Shigo. Rapidement, elle grimpa le même arbre pour s’installer à côté de la petite arme blanche qui se trouva à la portée de sa main droite.

« Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi maintenant ? » Demanda la Natsumi sur un ton de plus sérieux.

Tout en guettant la réaction du souffrant, elle se mit à balancer les jambes dans le vide telle une gamine insouciante.

La jeune kunoïchi se suspendit ensuite par les pieds sur la même branche où elle avait posé son séant, le visage tourné vers le convalescent. Dans cette position de chauve-souris endormie, elle continua d'observer le jeune garçon au visage tatoué sans se soucier de sa jupe qui avait suivi la loi de l’attraction, révélant ainsi son sous-vêtement et son arsenal composé des kunai.

« Te laisser te faire dévorer par des bêtes sauvages me semble une excellente idée. En mourant de cette façon, non seulement tu cesseras de souffrir mais en plus tu feras une bonne action en nourrissant des animaux affamés ... Qu’est-ce que tu en penses ? » Ajouta-elle tout en croisant les bras sous sa poitrine déjà bien présente malgré son jeune âge.

L’infortuné n’avait pas mangé assez des baies nuisibles pour en mourir mais des animaux carnivores bien que se faisaient rares dans cette forêt n’étaient pas cependant inexistants. Les bêtes affamées n’hésiteront certainement pas à dévorer l’humain affaibli pour combler leur estomac mais, malgré ses propos, la Natsumi n’était pas assez vile pour abandonner le malheureux à son triste sort. Elle préférait cependant attendre la réaction du malade qui souhaiterait peut-être se laisser mourir plutôt que de se faire secourir par elle. Souhait qu’elle respectera sans la moindre culpabilité. Dans sa bonté, elle se proposera même de lui abréger sa souffrance. Lui planter son propre canif dans le crâne serait lui offrir une très belle fin ...

HRP:

La compassion, voilà une chose dont sa Maîtresse aimerait voir disparaitre totalement de la Natsumi mais en vain.

L'emploi du temps de la Kunoïchi au service de Gogyou Makka ne lui accordait pas suffisamment de temps pour éduquer la gamine qu'elle avait recueillie afin de la façonner comme elle le désirait. Souvent seule, Mairu jouissait d'une grande liberté qui lui permettait de s'épanouir au lieu de pâtir de sa situation. À ce rythme, jamais la sensei ne réussira à faire de son apprentie une kunoïchi digne de servir l'impitoyable Déesse des flammes.

" Je ne veux plus voir ce sourire niais sur ton visage si tu ne veux pas finir comme ces petits rats ! " Lui avait déclaré un jour sa sensei qui l’avait surpris en train d’admirer avec le sourire des bébés rats qui se trouvaient dans une cachette dans leur maisonnette.

Sa Maîtresse n’avait pas hésité à piétiner les pauvres petites créatures qui n’étaient même pas encore capables de courir. Par peur de se faire réprimander plus sévèrement, la jeune Natsumi s’était retenue de verser des larmes mais la tristesse se lisait dans son regard sanguin. Chose que sa Sensei n’avait pas loupée mais au lieu de frapper la gamine afin de lui faire comprendre que la compassion n’avait pas sa place dans son éducation, la kunoïchi au service de Makka avait ramené, quelques jours plus tard, une portée de quatre chatons en rentrant d’une mission. Elle avait ordonné à la gamine dont elle avait sauvé la vie de les tuer après lui avoir tendu un couteau.

- C’est ta vie ou la leur ! Choisi ! Avait lâché la kunoïchi d’une voix glaciale.

Ne désirant pas mourir, après hésitation, la Natsumi avait fini par poignarder dans le ventre un premier chaton, tout en fermant les yeux alors que tout son corps tremblait.

- Ouvre les yeux et cesse de trembler ! L’hésitation te mènera à ta perte quand viendra le jour où tu devras ôter la vie d’un humain ou d’une créature qui en aura après la tienne !
- Je vous en prie, ne m’obligez pas à tuer ces petits qui ...
- Je t’ai recueilli pour que tu me serves à quelque chose mais une gamine incapable de prendre la vie des créatures insignifiantes ne me sera d’aucune utilité ! Si tu refuses de tuer ces chatons alors je vais t’ôter cette vie que j’ai sauvée pour rien !

Alors que sa Sensei avait dégainé son sabre, s'apprêtant à exécuter ses paroles, Mairu avait fermé ses deux mains sur le manche de son couteau et avec frénésie, elle avait poignardé à plusieurs reprises les trois chatons restants dont le sang avait souillé jusqu'à son visage et sa chevelure.

C'était la première fois que la Natsumi ôtait des vies par pure cruauté même si on lui avait contraint.

Sa Maîtresse voulait faire d'elle un assassin à son image qui n'hésitait pas à prendre même la vie un nouveau-né mais Mairu avait un cœur trop affable pour le métier. Mais si la Natsumi n'aimait pas ôter la vie d'un innocent, elle n'avait aucun remords à se débarrasser de ces humains arrogants ou à faire subir des pires supplices à ceux s'en prenaient à sa personne comme ce garçon au tatouage qu'elle n'avait pas hésité à intoxiquer.

Un animal se fit entendre non loin. Mairu, toujours accrochée par les pieds sur sa branche, se plia pour arracher le canif qu'elle jeta ensuite à côté du jeune garçon.

- Ma morale me dicte de t'offrir au moins le moyen de te défendre. Si tu arrives à le tuer, je le préparerai pour toi. Bonne chance ! Conclut la Natsumi avec le sourire tout en levant le pouce droit avant de remonter sur la branche où elle se tint debout cette fois-ci, se préparant à prêter main-forte si besoin au garçon qui n'était même pas capable de se tenir sur ses jambes.

Provoquer et se jouer de ses semblables faisaient aussi partie de ses passe-temps puérils …

La lueur amusée dans le regard de la Natsumi disparut alors que l’animal qui jusque-là n’émettait que des grognements fut son apparition. Passant une grande partie de son temps libre à traîner de long en large dans la forêt, une bête féroce comme celle-là Mairu en avait déjà tellement croisé que leur présence ne lui suscitait plus aucune frayeur mais l’appréhension sur la victoire du jeune garçon masqué sur l’animal dont la présence des humains ne semblait pas intimider rongea la perchée.

Dois-je intervenir maintenant ? Se demanda la jeune fille de plus en plus inquiète.

Elle reporta son regard sur le jeune garçon au tatouage. Il est peut-être un de ces idiots qui n’aiment pas qu’on intervienne dans leur combat même s’ils sont en mauvaise posture à cause d’une fierté trop haut placée, se disait la Natsumi qui décida finalement de ne pas intervenir dans l’immédiat.

Mairu se crispa alors que le jeune garçon se fit propulser vers elle. L’animal chargea de nouveau le pauvre humain qui de toute évidence n’était pas en mesure de lui tenir tête. De sous sa jupe, l’apprentie kunoïchi extirpa deux kunaï de chaque main et lança ceux de sa main droite sur l’animal mais les deux armes ninja se plantèrent dans le sol car la bête changea brusquement de direction alors que l’intoxiqué vomit de nouveau. Était-ce le vomi de sa cible qui l’avait fait dévier ou les armes qu'il aurait anticipées ? Seul l’animal était en mesure de répondre à cette question.

Sans perdre de temps, la Natsumi abandonna son perchoir qui se mit à trembler alors que la bête s’était plantée l’une de ses longues défenses dans le tronc de l’arbre. Rapidement, tout en rangeant les kunaï qu'elle tenait dans la main gauche, la binoclarde aux prunelles sanguines se rapprocha de l’animal coincé. Une fois ce dernier à sa portée, elle leva la jambe droite à cent quatre-vingts degrés puis, de toutes ses forces, elle asséna un coup de talon dans la nuque de l’animal qui cessa de gigoter sans avoir émis le moindre cri. Ses muscles dénués de graisse n’avaient pas dû protéger ses os qui s’étaient surement brisés sous le talon de la jeune kunoïchi dans les armes les plus dangereuses n'étaient pas les poings mais les jambes.

Mairu donna des légers coups de pied dans le flanc de l’animal pour s’assurer qu’il ne bougerait plus avant d’aller récupérer les deux kunai plantés dans la terre pour les remettre sur leur support autour de sa cuisse. Elle reporta ensuite son attention sur le garçon tatoué qui était sur le point de s’effondrer dans ses dégueulis. De derrière ses lunettes, la jeune fille le fixa un bref instant avant de lui attraper un bras qu’elle passa par-dessus ses épaules afin de soutenir le malade sans lui demander son avis.

Il était hors de question pour la Natsumi de camper plus longtemps à l’endroit où ils étaient qui était à présent souillé des vomis. À choisir, elle préférait une mare de sang que cette chose qui, en plus d’avoir un aspect vraiment répugnant, dégageait une odeur nauséabonde. La jeune fille amena donc le meurtri un peu plus loin. En douceur, elle le cala au creux d’un gros arbre avant de se positionner face au blessé, un genou à terre mais tout en restant sur ses gardes.

- Laisse-moi examiner ta blessure !

Sa sensei la décapiterait sans la moindre hésitation si elle apprenait que son indisciplinée d’apprentie s’apprêtait à soigner un être qui avait failli pourtant la manger vive ...

Pourquoi, quoi ? La jeune fille n'eut pas le temps de poser la question car le sujet perdit connaissance.

Franchement, qu'est-ce qui me prend à soigner ce garçon qui a voulu pourtant me dépecer !? Sensei a peut-être raison. J'ai un cœur bien trop faible ! … Si elle me surprenait je suis morte, se disait intérieurement Mairu alors qu'elle soignait le blessé sans chercher à lui ôter son masque, respectant le fait qu'il ne désirait pas dévoiler son visage. Fait qui l'intriguait d'ailleurs un tantinet.

Avec le canif du malade, qui avait finit par lâcher prise son arme, la jeune fille avait découpé une partie de son haut qui était bien plus propre que celui son patient afin d'en faire une compresse d'infortune qu'elle avait maintenue solidement avec des bandes qu'elle avait découpées dans le haut du jeune garçon afin de lui éviter de faire de l'hémorragie. Elle n'avait rien pour le soigner correctement mais elle avait fait de son mieux avec les moyens du bord.

La blessure semblait assez grave mais pas suffisamment pour le tuer à moins que celle-ci ne s'infectait.

Ne pouvant faire mieux, du moins concernant la blessure, Mairu se dépêcha de rassembler des morceaux de bois secs afin de faire un feu grâce au briquet qui était soigneusement enroulé dans la ceinture de sa jupe. Autant qu'un couteau, pouvoir faire du feu était une nécessité à la survie dans une forêt et cette leçon, Mairu l'avait bien inculquée alors elle n'oubliait jamais d'en porter un avec elle lors de ses excursions. Un feu était primordial pour faire à manger, se réchauffer mais aussi pour tenir éloigné les bêtes sauvages.

Pendant que le feu prenait, la Natsumi retourna à l'endroit où elle avait délaissé la bête mise en hors d'état de nuire qu'elle vida en rien de temps de ses boyaux grâce au canif du garçon tatoué. Elle trimbala ensuite le butin jusqu'au camp d'infortune afin de le faire cuire en brochette grâce à des bois soigneusement plantés dans le sol. En vraie sauvageonne qu'elle était, préparer à manger en pleine nature, elle savait y faire.

Tout en tournant le gibier sur le feu, la Natsumi raclait la peau de celui-ci pour le débarrasser de ses poils cramés. Après quelques minutes, méticuleusement, la binoclarde découpa quelques morceaux de viande mais sans chercher à aller en profondeur dans la chaire qui n'était pas suffisamment cuite. La gibier n'était pas prêt mais elle désirait nourrir rapidement le convalescent qui pourrait bien succomber, non pas de sa blessure, mais de la famine.

Elle apporta les morceaux de viande au malade sur des feuilles qu'elle avait minutieusement nettoyées de leurs poussières.

- Essaie de manger sans trop bouger pour éviter de rouvrir ta blessure !

- Comme tu voudras, fit tout simplement la Natsumi d'une voix complètement détachée tout en mangeant sa part qui se composait surtout des os à ronger.

Celui qu'il venait de soigner puis nourrit la trouvait certainement bien trop naïve et elle ne lui donnait pas tort car elle-même se disait qu'elle était parfois bien trop tendre mais c'était plus fort qu'elle.

Un jour, son affabilité dans un monde aussi cruel la perdra certainement mais pour l'heure, elle préférait écouter la voix de son cœur à celle de sa raison. Elle était un être qui laissait son instinct guider entièrement ses actes. Ce qui l'amenait à agir sans le moindre calcul mais souvent cela lui faisait faire également des choses bien dangereuses ou contradictoires comme dans le cas présent : prendre soin d'un être qu'elle avait cherché initialement à empoisonner. Si son premier acte était justifié car en agissant ainsi elle avait cherché à protéger sa vie, le second était par contre condamnable. Elle pourrait regretter un jour d'avoir porté secours à ce jeune garçon tatoué qui avait cherché à lui faire du mal et peut-être à la tuer s'il en avait eu l'opportunité. Présentement, la Natsumi ne regrettait pas cependant aucune de ses actions.

Se laisser guider par son instinct avait ses avantages, comme celui de passer à l'action sans la moindre hésitation mais cela apportait aussi un lot de problèmes dont l'éventualité d'une mort prématurée. Pour l'heure, Mairu vivait cependant très bien avec cette facette plutôt dangereuse de sa personnalité.

Après avoir rongé toute la carcasse du gibier grillé, Mairu balança le canif - qu'elle avait utilisé pour racler les maigres chairs qui résistaient sur les os - dans le tronc d'arbre contre lequel son propriétaire était adossé. L'arme blanche se ficha à la portée de la main droite de ce dernier.

- Je te conseille de ne pas rester ici longtemps dans ton état si tu ne tiens pas à te faire de nouveau attaquer par une bête. Je voudrais bien t'amener jusque chez toi mais je ne tiens pas à alourdir la dette que tu as envers moi, ajouta-t-elle sur un ton enjoué qui démontrait qu'elle n'était pas sérieuse. Si tu ne te sens pas en état de marcher, essaie au moins d'entretenir le feu pour maintenir les animaux sauvages éloignés.

Sur ces conseils qui, une fois de plus, prouvait qu'elle était un être bien trop clément, la jeune fille s'éloigna sans même révéler son identité ni chercher à connaitre celle du garçon masqué …

Se retournant face au jeune garçon, la Natsumi croisa les bras sous sa poitrine déjà bien présente.

- Et puis quoi encore ? Tu vas me demander de te masser les pieds aussi ? Faut pas abuser non plus mon petit ! Ton masque, tu attendras d'être en état pour le nettoyer toi-même !

Les gens avaient tendance à lier à tort la gentillesse à la naïveté. Ce n'était pas parce qu'elle l'avait soigné et nourrit qu'il pouvait croire qu'elle fera tout ce qu'il lui demandera. Même s'il n'était qu'un jeune garçon affaibli, elle n'aurait aucun scrupule à se débarrasser de lui définitivement si jamais elle en sentait la nécessite. Malgré son affabilité et son air candide, la Natsumi n'était pas un simple d'esprit qu'on pouvait manipuler avec aisance. Ceux qui pensaient en ce sens pourraient très bien découvrir leur tort au moment d'être envoyé dans l'autre monde par celle même qu'ils avaient sous-estimé.

Manipulatrice allant jusqu'à utiliser son corps pour mieux duper ses ennemis, la sensei de la Natsumi enseignait son art malsain à sa disciple qui, non seulement avait un physique qui pourrait devenir une véritable arme pour piéger les vicieux, avait un véritable air d'ange qui tromperait même un être de plus avisé. Son affabilité étant réelle, Mairu n'avait pas besoin de jouer la comédie pour piéger son ennemi avec son côté séraphique. Se laisser attendrir par sa personnalité joyeuse et serviable pourrait donc être regrettable.

- En attendant, tu peux bien survivre sans ton masque, non ? … De toute façon, si c'est ce tatouage que tu tiens à cacher derrière cette chose immonde, il est trop tard ! Je l'ai déjà vu. Et si c'est pour masquer autre chose, ne t'inquiètes pas car je ne sais pas ce que c'est et je ne vais pas chercher à le savoir car cela ne m'intéresse pas ! Mentit-elle car en réalité la curiosité l'animait.

La jeune fille alimenta le feu avant de se rapprocher du jeune garçon.

- Deux heures, pas une seconde de plus ! Ajouta la Natsumi avant de grimper sur l'arbre contre lequel l'affaibli était adossé.

Tel un paresseux, elle s'allongea sur le ventre sur une branche juste au-dessus de celui sur qui elle se retrouvait à veiller malgré elle, laissant suspendre sans la moindre grâce ses jambes et ses bras de part et d'autre de la branche.

Lentement, les minutes s'écoulèrent. Du haut de son perchoir et toujours dans sa position disgracieuse, la Natsumi bailla d'ennui puis elle attrapa des feuilles, qui étaient à la portée de ses mains, qu'elle se mit ensuite à émietter avant de les balancer sur le jeune garçon tatoué …

Lorsque le jeune garçon se leva, de son perchoir, la Natsumi le guetta un moment avant d'abandonner enfin sa position disgracieuse. Elle se redressa avant de sauter sur le sol.

- Moi, c'est Mairu.

L'apprentie kunoïchi avait omis volontairement de donner son nom. Elle avait compris depuis longtemps que celui-ci pouvait lui porter préjudice à cause de son grand frère Haru Natsumi qui était l'un des plus grands shinobi de ce monde. Mairu était même certaine que sa sensei continuait de la garder malgré qu'elle l'avait maintes fois déçue parce que la fidèle de Makka avait espoir que la petite sœur deviendrait un aussi brillant ninja que le grand frère un jour. Chose que Mairu espérait elle aussi même si elle n'y croyait pas trop. Il y avait tellement d'écart entre leur talent. Le grand frère était pour la petite sœur une sorte de Dieu qu'elle n'égalerait peut-être jamais.

Haru Natsumi avait des alliés mais surtout des ennemis dont certains le haïssaient profondément. Tellement qu'ils pourraient certainement s'en prendre à elle s'ils apprenaient leur lien de sang. Sa sensei lui avait bien mis en garde là-dessus : ne jamais révéler son identité. Même pas aux habitants de l'Île de la Cendre. Ainsi, la Natsumi s'était donc contentée de donner que son prénom au garçon tatoué.

- Attends ! Fit la jeune fille tout en regardant autour d'elle, en quête d'un bâton assez solide parmi les bois morts qui trainaient autour.

Après avoir examiné et testé quelques-uns, elle revint vers le garçon tatoué qui avait toujours du mal à se tenir sur ses deux jambes. Elle lui tendit le bâton qu'elle avait déniché.

- Pour t'aider à marcher. Si tu tombes en chemin, ça sera peut-être la fin pour toi si tu n'arrives plus à te relever. La nuit ne va pas tarder à tomber alors ne traine pas trop, petit !

Sur ces mots, sans se précipiter la jeune Natsumi s'éloigna. Il était temps qu'elle rentre elle aussi et avant que sa sensei ne revienne mais elle allait devoir attraper de quoi diner. Elle guetta un moment le ciel qui commençait à s'assombrir avant de se mettre à courir à travers les bois en direction d'un endroit où elle pensait pouvoir dénicher des rongeurs qui seraient parfaits en ragouts pour ce soir …