Suzurane Hakyô marche vers Kusa no Kuni, le pays sous le joug impérial le plus proche de sa position. S'il n'a pas encore rencontré Yamada Kioshi, il est enfin décidé à passer à l'action et à mener la rébellion pour reprendre le Pays de la Neige. Et il décide d'apprendre à connaître son ennemi...

Lorsqu’il avait enfin vaincu celui qui avait été successivement Régent et Sandaime de Kiri, le fils de la Montagne avait réellement cru qu’il avait gravi la dernière marche vers la liberté pour son peuple. Mais très vite il avait compris que le village caché de la Brume n’était qu’un souvenir, remplacé par un nouvel ennemi au visage à la fois puissant et inconnu. Le Shûkai, cette pseudo Alliance des Pays Neutres, avait rapidement pris position sur les terres du nord. Et face à une étendue militaire et géopolitique telle, Hakyô s’était rapidement su trop faible et seul pour agir.

Mais les évènements internationaux eurent vite l’idée de le rattraper. Un homme, Samui Kakeshuou, avait pris le contrôle du Shûkai. Cette partie de l’Histoire, tout le monde ou presque la connaît. Ce fut ainsi que des fondations d’une alliance, un Empire naquit. Mais les terres de Yuki no Kuni n’en furent pas libérées pour autant. Des représentants s’y succédèrent et la plus remarquée fut d’ailleurs une totale étrangère : Samui Yuki.

Aujourd’hui morte, les terres du Suzurane étaient entre les mains de l’Empire de la façon la plus directe qui soit. Certaines rumeurs sous-entendaient d’ailleurs que le Kamui lui-même avait pris la suite. Le Pays de la Neige n’était donc même plus géré en interne… Forcément, c’était un fait qui énervait celui qui se prenait pour l’Héritier de ces terres au plus haut point.

Mais la décision d’enfin agir ne fut pas seulement motivée par la mort de la Samui. Non, les Furyous n’étaient définitivement plus, et les groupes shinobis devenaient trop occupés à se guerroyer des sortes d’allégeances. Pour le Suzurane, la question aurait été très vite réglée : chacun devait s’occuper de sa propre famille et de son propre pays. C’était pour cela qu’il haïssait l’Empire, et qu’il avait la même haine envers les villages shinobis qui s’étaient montrés au fil des années incapables de s’interdire conquêtes et autres massacres.

─ Une carafe d’eau bien fraîche, l’ami, s’adressa-t-il à l'une des rares personnes habilitées à vendre des boissons ici.

Hakyô partageait plus que le sang de la Montagne, dernier grand chef de Yuki no Kuni. Il avait les muscles, la combativité, le sérieux et surtout… l’honneur. Mais contrairement à son père, il portait une attention particulière à connaître ses adversaires. Il l’avait prouvé avec Ryûzoji Yoru, contre qui il aurait sans nul doute perdu sans tout ce qu’il avait appris de lui.

C’était ainsi qu’en traversant Ame no Kuni, il avait atterri à Kusa no Kuni, l’une des nations de l’Empire des Pays Neutres. Et rapidement, c’était le Forum Sud qui lui avait offert son paysage.

─ Allez donc trouver endroit où dormir, conseilla-t-il à son ami le vieux pêcheur qui se mit aussitôt en route. Merci, dit-il cette fois à l’homme qui lui avait donné l’imposante carafe d’eau contre une pièce à peine.

N’ignorant nullement les regards intrigués de ceux qui voyaient en lui un étranger à l’idée ridicule de ne boire que de l’eau ici, Suzurane Hakyô préféra boire à l'écart. Son vieil ami parti en quête d’une auberge qui ne risquait d'ailleurs pas de trouver, l’Héritier du Nord se décida à s’asseoir sur un banc en pierre. Autour de lui, les hommes avaient pour compagnie l’entraînement, l’alcool ou des gens avec qui commercer.

Mais le Faux Borgne, lui, était bien seul au milieu de ce Forum qui lui laissait penser que l'Empire n'était pas si évolué que ça...

─ Pas sûr que je doive le prendre comme un compliment.

Il avait rétorqué à celui qui s’était « invité » à ses côtés sans même le regarder. Une ironie rapidement perçue par le guerrier du nord en voyant à quel point l’homme aux cheveux rouges s’attirait la sympathie des gens présents. S’il y avait un invité, c’était bien Hakyô et pas l’inverse. Mais jamais il n’aurait cru que Kusa no Kuni eut ressemblé à cela. La sauvagerie présente ici n’était-elle que localisée dans le Forum Sud ou s’étendait-elle à tout l’intérieur des frontières ?

Car l’inconnu était le stéréotype parfait du sauvageon. Robuste, direct et le large sourire aux lèvres qu’une fois un imposant sanglier devant lui : c’était un guerrier pur. Mais ce qu’il avait déduit du chakra de l’Héritier et de son ami le pêcheur pouvait indiquer au Suzurane qu’il avait à faire à un senseur. Un barbare ninja ? La formule était étrange, mais il n’appartenait pas au fils de la Montagne de juger la drôle paire de caractéristiques de l’homme qui lui tendait des premiers morceaux de viande.

─ Merci bien, dit-il en se tournant enfin vers son hôte et prenant soin de n’accepter qu’un morceau avant de reprendre la parole. Boire est tout aussi important que manger. Ravi de pouvoir faire les deux, tu me diras combien je te dois.

Plutôt près de penser que son interlocuteur lui offrait bel et bien l’encas, Hakyô ne pouvait pas se permettre d’en être sûr. Et la cordialité ne pouvait que primer auprès de quelqu’un de visiblement important ici. Rajoutez à cela que le Forum Sud faisait partie de l’Empire, et vous verriez un bon échantillon des raisons qui poussaient le Suzurane à se montrer discret. Et c’était d’autant plus vrai à propos de son identité.

─ J’aime à penser que nous avons tous un ou plusieurs buts dans la vie. En venant ici, je ne fais qu’errer en espérant trouver le déclic pour accomplir le mien.

Mais d’où pourrait venir un tel déclic ? Le fils du Froid pensait souvent à un allié puissant et surtout fidèle pour lui permettre d’entamer un plan de reconquête, mais il y avait sans doute d’autres moyens ? Si l’envie était là, le Suzurane ne voulait rien laisser au hasard. Attendre le bon moment, ce fameux « déclic ».

─ Mon nom est Hakyô, et toi l’ami ?

Lui révéler son prénom n’était pas risqué, puisque même si ce barbare rouge faisait peut-être parti du Shûkai, il était très peu probable qu’il puisse être au courant de l’identité du fils d’un ancien chef Suzurane. Après tout, la conquête de Yuki no Kuni avait été faite par Kiri. L’Empire ne s’était contenté que de perpétrer cette tradition de soumission sur les terres du nord. Et pour son Héritier, cela était toujours insupportable...

─ Ah oui désolé, Moiru…

En réalité, il avait très bien entendu. Mais il était toujours bon d’avoir le cœur net sur les choses importantes. Et l’identité de celui qui semblait régir les lieux était un détail primordial, car à ne pas s’y tromper, Hakyô s’était rapidement retrouvé pris au piège parmi une bande de sauvageons qui étaient sans doute à la solde de celui aux cheveux rouges. Oterashi Yanosa, un homme dont le nom ne disait rien au Fils du Nord, pour la simple et bonne raison que notre héros n’était pas un homme de culture. Entre les années de bataille, celles de torture à Kiri, celles de vengeance : le Suzurane avait à peine commencé son apprentissage « historique ». S’il connaissait quelques Kages et autres grands dirigeants comme Samui Kakeshuou, il était loin de pouvoir connaître les visages pourtant connus de chaque pays.

Mais au moins, il avait désormais un nom. Et même un surnom, « le Rouge ». Etait-ce lié à la couleur de ses cheveux ? Assurément, mais ça n’était sans doute pas la seule justification. Une fantaisie avec le sang ? Cela en intimiderait plus d’un.

Et s’il était difficile de faire douter l’Héritier, sa capacité à rester de marbre allait rapidement être testée à un certain degré. La raison ne suffisait pas à messire Oterashi le Rouge, mais surtout, sa section sur les tripes avait eu le malheur de réveiller l’ouïe de toute la bande de sauvages ou presque. Tous les regards convergeaient désormais vers les deux hommes assis. Mais pour l’instant, aussi bien le Rouge que le Borgne restaient tranquillement assis l’un à côté de l’autre, continuant de déguster la viande chaude du gibier.

─ Tu dois être bien placé dans ce pays pour parler ainsi à un inconnu. Enfin hiérarchiquement, j’entends, il replongea ses crocs dans la viande. Hmph… Pourtant, je n’ai que cette raison à te donner.

Suzurane Hakyô était le digne fils de son paternel, fier et parfois arrogant. Mais si les années lui avaient légué quelque-chose, c’était bien la sagesse. Et il savait qu’au moindre mot de travers sans accompagnement pour calmer les tensions, il n’aurait strictement aucune chance de s’en aller. Bien entendu, il pensa à son ami le pêcheur, mais fut plutôt rassuré. En effet, vu l’état sauvage du Forum Sud, son compagnon était sans doute parti loin et ne risquait pas de revenir de sitôt…

─ Si elle ne te convient pas, alors je retournerai marcher vers le sud. Cela ne me dérange pas plus que ça, il n’est pas dit que je trouve ce que je veux ici, sur « tes » terres, proposa-t-il sans savoir qu’il s’adressait au Seigneur de Guerre du Pays de l’Herbe. Il reprit une gorgée d’eau. Par contre, si vous voulez me retenir ici, ça sera à toi de me devoir de l’argent, Yanosa…

Le Fils du Froid posa sa carafe et sécha sa bouche avec sa manche.

─ … car quand j’en aurai terminé avec tes camarades, tu auras assez de viande pour nourrir tous les autres, ha ! ha !

De l’arrogance ? Pas vraiment, un pari plutôt risqué. Mais au moins, l’Oterashi avait le choix entre le laisser partir, le forcer à rester et risquer la vie de ses compagnons ou alors… apprécier l’implacabilité de son invité.

Si les deux hommes étaient des guerriers, sans doute aux coutumes différentes, ils avaient tous deux la politesse de laisser l’autre parler lorsque c’était à son tour. Aucune interruption n’avait été à noter depuis l’arrivée du Suzurane dans le Forum Sud, et c’était une bonne chose. Mais si là encore ce dernier laissa le Rouge terminer ce qu’il avait à dire, on pouvait pour la première fois voir de la révolte dans son regard et surtout dans sa voix.

─ Des conneries, si tu veux mon avis.

Sans rajouter un mot, Hakyô empoigna la grande carafe et termina ce qu’il en restait d’une traite. Il s’essuya la bouche avec sa manche et se leva aussitôt, imitant son « hôte » qui continuait de le regarder de côté. A nouveau sur la même hauteur – à quelques centimètres près – l’Héritier plongea son unique œil visible en pleine tête de son interlocuteur.

─ Aucun chef ici ? N’est-il pas supposé y avoir un… Seigneur de Guerre ou quelque-chose du genre chez vous ? Et quand bien même, Kusa no Kuni est sous le joug impérial, alors je pense que le Kamui se sentirait bien de se déclarer votre chef à tous.

Se sachant observé par des dizaines de compagnons d’armes de ce Yanosa, le Borgne se tourna sans gêne pour dévisager les gaillards de Kusa no Kuni et plus précisément de ce fameux Forum Sud. Il leva les deux bras à mi-hauteur, comme pour accueillir une vérité qui pourrait les rendre encore plus tendus.

─ Et s’il n’y avait réellement aucun chef, pourquoi devrais-je me plier à vos règles barbares ? Il se retourna vers l’Oterashi, toujours à côté de lui. Il lui esquissa un sourire qu’il ne prit pas la peine de dissimuler. Yanosa, tu es un drôle d’homme. Le premier à réfuter une quelconque autorité ici, mais également le premier à ordonner aux étrangers.

L’Héritier du Nord grimpa sur la table en pierre, qu’il traversa dans sa largeur en renversant à peine un verre. Une fois ceci fait, il effectua un rapide saut pour se retrouver de l’autre côté de la tablée, au milieu de tous les spectateurs et sauvageons du Forum Sud.

─ Mais soit, puisqu’il faut apparemment en passer par là… Il fit volte-face et regarda à nouveau dans la direction du Rouge. … fais ce que tu sais faire de mieux, simple homme sans autorité apparente : continue de m’ordonner, et choisis-moi un adversaire.