Odaichi était un curieux mélange de climats. Le vent marin d’une part, et le désert d’autre part apportaient tantôt une odeur âcre, tantôt un gout sablé aux lèvres. Pour ceux qui sont nés ici, ce n’était qu’un morceau de leur quotidien. Pour les « étrangers », c’était une « folie » climatique, une possibilité incroyable de tomber malade bien vite. Pour l’étrange personne présente aujourd’hui, c’était surtout un lieu de crime fabuleux. Il n’osait pas imaginer le nombre de corps qui a pu disparaître dans ces eaux turquoise ou verdâtres, voire bleus, selon les lieux, les jours et les périodes. Le personnage regardait ce qu’il avait en main : une missive. Une mission. Signée de la main même de la Daimyo.

« Elle veut donc moderniser ce port » se contenta-t-il de penser.

Il était difficile de dire si l’on acceptait ou si l’on refusait une mission donnée par la Daimyo elle-même. C’était avant tout l’obligation du salarié envers son patron. Une tâche ingrate ou une tâche gratifiante, qu’importe. Ce qui devait être fait devait être fait. C’était ainsi que le Saibogu –ou la Saibogu – fonctionnait.

« Et du baby sitting, par-dessus le marché » jura-t-il. Car oui, en plus de cela, il semblerait qu’il devait prendre soin d’un gamin amnésique et orphelin. Apparemment, il fallait qu’il mette un peu la main à la pâte dans le quotidien d’Odaichi, qu’il connaisse la ville, qu’il comprenne son fonctionnement, qu’il en saisisse son « essence ». Et qui de mieux que ce Saibogu mystérieux, constamment masqué, dont le passé était aussi obscur et nébuleux que son identité ou son sexe.

- Yo Shu. J’suis B-Man. Je m’occupe de toi, apparemment, se contenta de dire l’ingénieur. Suis-moi le larbin, y a des choses à faire. Déjà, avec moi, t’as pas besoin de trop parler. Tu dis oui, et juste oui. Tu comprends ?

Contrairement aux autres « associés » de Tsukiko, B-man était sûrement le moins diplomatique mais également le moins complexe. Il aimait aller droit au but, sans avoir à user de mille et une ruses du langage ou de détour inutile. Le personnage était plus du genre à foncer droit dans le tas.

- D’jà, dis-moi ce que t’sais faire le morveux, que j’sache à quel point l’autre s’est bien foutu de ma gueule.

Il, ou elle, espérait quand même ne pas avoir droit à un parfait abruti sans la moindre connaissance du chakra. Il se fichait royalement que l’enfant parle ou raisonne. Il avait davantage besoin de force, et de muscles. Et surtout d’un vrai petit larbin, à qui il n’était pas nécessaire d’apprendre grand-chose.

- Ah, surtout, t’sais nager ?

C’était ridicule comme question, mais important dans le fond. Au final, ils allaient travailler autour, et peut-être sur, la mer. Il ne manquerait plus qu’un idiot d’ouvrier plonge et se noie. Ah tiens, d’ailleurs, du coup il faudrait peut-être s’assurer que ces idiots d’employés ne tombent pas trop souvent dans l’eau, au risque d’avoir des manchots de la nage en train de patauger vers leur fin. Ajoutons à cela que repêcher sans cesse quelques gars était synonyme de perte de temps. Et B-man détestait clairement la perte de temps.